Du droit à la vie privée au régime du film de police : le Conseil constitutionnel et la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure

DOI : 10.52497/revue-cmh.1476

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Texte intégral

Introduction

Le 20 janvier 2022, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure après une saisine a priori de députés de l’opposition1. Les dispositions contrôlées relevaient pour la plupart du titre III de la loi concernant l’usage de caméras, ou « dispositifs de captation d’images2 », par les forces de police3, produisant ce que nous qualifions, ici, de « films de police ». La décision du 20 janvier 2022 s’inscrit dans la continuité d’une précédente, rendue le 20 mai 2021 sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés4. À première vue, les deux sont sensiblement différentes. Quand le Conseil censurait le 20 mai 2021 la majorité des dispositions relatives au recours à la caméra par les forces de police5, il les validait presque toutes le 20 janvier 2022. S’esquisse néanmoins une continuité, anticipée, notamment, par Vanessa Barbé et Serge Slama dans leurs commentaires de la décision du 20 mai 20216. Les deux auteurs avançaient que cette dernière était en fait à « double‑détente ». Le Conseil censurait certes des modalités de captations vidéos policières, mais ne remettait à aucun moment en question le principe de leur existence, ni ne s’interrogeait généralement sur l’idée du recours à la caméra par la police. Les juges de la rue Montpensier avaient pointé dans leurs censures la voie à suivre pour le législateur, de la même manière que le Conseil d’État avait auparavant, dans l’arrêt « Quadrature du Net de 20207 », incité à l’adoption d’un cadre textuel en matière d’usage de drones.

La décision du 20 mai 2021 « sécurité globale » s’est inscrite dans la fonction d’aiguilleur du Conseil, pas dans le sens traditionnel de la notion, selon laquelle le juge constitutionnel indique aux autorités politiques la valeur formelle des réformes qu’ils entendent adopter8. La juridiction aurait davantage fait office d’aiguilleur substantiel, indiquant le contenu des ajustements à opérer pour instituer législativement de nouveaux types de caméra policière. La fonction du Conseil constitutionnel vis‑à‑vis des autorités politiques à la lumière des décisions en matière de sécurité globale et sécurité intérieure est également présentable par la notion d’accompagnateur, dont Julie Alix et Christine Lazerges estiment qu’elle caractérise le rôle de la juridiction en matière de police et de sécurité9. Le terme « colégislateur » pourrait également convenir, non pas au sens où le Conseil aurait exercé un office similaire à celui des autorités politiques10, mais dans une perspective procédurale objective, dès lors qu’il serait intervenu en amont dans la fabrique de la loi en guidant le législateur.

Si la qualification du rôle du Conseil dans la séquence est ouverte à débat, ce qui l’est moins est que la décision du 20 janvier 2022 a validé un accroissement des moyens et donc du pouvoir des forces de police. En ce sens, comme le souligne Stéphanie Hennette‑Vauchez, avant d’encadrer des dispositifs susceptibles de restreindre les libertés individuelles, le législateur les légalise11. La décision du Conseil constitutionnel est ainsi venue ponctuer un développement des capacités policières par le biais de technologies ou/et d’hypothèses d’usages supplémentaires de recours à la caméra : les caméras fixes de vidéosurveillance en garde à vue, les drones en matière de police administrative et judiciaire, et les caméras‑embarquées dans les véhicules de police. Ces dispositifs se sont ajoutés à ceux pré‑existants : caméras non‑aéroportées en matière judiciaire12, caméras non‑aéroportées autour des manifestations13 et caméras‑piétons14. En deçà de leurs capacités à produire leurs propres films, les forces de police pouvaient en outre, déjà, consulter les images prises par les différents dispositifs fixes de « vidéosurveillance » des entités privées et autres entités publiques15.

Le Conseil constitutionnel présente son dispositif comme la résultante d’une mise en balance entre deux normes : d’une part, l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public16, et d’autre part, la protection du droit au respect de la vie privée incluse dans l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen17. Une analyse de l’argumentation du Conseil conduit toutefois à questionner le fait qu’il ait équivalu ces deux normes. Les juges semblent en effet s’être situés a priori du côté du législateur et des efforts qu’il aurait effectués pour limiter les atteintes au droit à la vie privée, bien davantage que du côté des individus susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la loi. Autrement dit, la question structurant le contrôle paraît avoir été : en souhaitant protéger l’ordre public, le législateur a‑t‑il suffisamment limité les atteintes au droit au respect de la vie privée, plutôt que, au vu de l’ensemble des atteintes au droit au respect de la vie privée, les gains apportés par la loi en termes d'ordre public sont‑ils suffisants ? Cette affinité préférentielle avec le législateur correspond aux discours doctrinaux mettant en avant l’identité de modérateur des organes politiques de la juridiction, au détriment de celle de pur protecteur des droits et libertés individuels18. Une autre caractéristique du Conseil, plus singulière à lui dans une perspective comparée, est celle du minimalisme de son argumentation19. Ainsi, le texte de la décision ne propose pas de définition de la norme de référence « droit au respect de la vie privée », qu’elle soit générale ou en relation au recours à la caméra par les forces de police. Le droit au respect de la vie privée ne peut se comprendre dans la décision qu’en relation aux rares énoncés de la loi que le Conseil, d’autorité, invalide ou assortit de réserves d’interprétation, et pour le reste, reprend de manière synthétique, sans argument, afin de montrer que le droit au respect de la vie privée n’est pas méconnu par le texte. La frontière entre norme constitutionnelle de référence (droit au respect de la vie privée) et norme législative contrôlée (loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure) est donc difficile à établir, car la première norme n’est comprise par le Conseil constitutionnel qu’à l’aune de la seconde. La juridiction paraît donc avoir ébauché un régime constitutionnel du film de police à partir du texte même de la loi, même si des éléments normatifs européens et internes extérieurs ont manifestement influé sur son contrôle.

Nous opérerons principalement en systématisant les énoncés de la loi auxquels le Conseil constitutionnel se réfère et qui violent, ou potentiellement violent, le droit au respect de la vie privée, ou au contraire, concourent à sa suffisante protection. La valeur de cette démarche consiste à faire émerger un cadre général pour qualifier les normes de production vidéo par la police. Par ailleurs, eu égard au reste de la littérature qui ancre l’organisation de l’analyse des normes sur, par exemple, le dispositif technologique même20, la notion de donnée21 ou la trame des textes22, ce régime, s’articulera sur le produit des caméras envisagé descriptivement et matériellement, à travers la notion de film, au sens d’« enregistrement d’images mouvantes23 ». Ce faisant, l’article empruntera au champ cinématographique en renvoyant quelquefois aux énoncés juridiques encadrant le septième art, mais aussi à des notions non juridiques associées à cette activité. L’objectif est, grâce à la métaphore cinématographique, d’y voir plus clair sur les enjeux pratiques de la caméra policière. Le pari consiste à affronter les difficultés liées à la spécificité technologique, par la mobilisation d’un cadre notionnel et langagier susceptible d’apparaître plus familier aux profanes de la vidéosurveillance. Ce régime du film de police, que semble énoncer le Conseil constitutionnel, est organisable autour de deux méta‑types de normes : celles renvoyant à un sous‑régime dit de visa, extérieur au contenu du film (I), et celles renvoyant à un sous‑régime dit de production portant, lui, sur le contenu du film (II). La conclusion traitera, elle, directement et spécifiquement des droits et libertés individuels, à l’aune de cette analyse approfondie de la loi et de la décision du Conseil. La perspective sera évaluative, particulièrement s’agissant du choix du respect de la vie privée comme droit et liberté individuelle unique de référence.

I. Un régime de visa

La notion de visa renvoie à deux dimensions différentes unies par un point commun, celui de traiter du film de police de l’extérieur, sans déterminer son contenu. La première dimension fait écho à l’aspect habilitationnel du visa et englobe les énoncés autour de l’attribution à une autorité du pouvoir de décider de la production du film (A). La seconde résonne avec l’étymologie du terme, visa signifiant en latin « choses vues », et renvoie aux énoncés concernant l’exploitation matérielle et technique du film, en ce que ceux‑ci tendent à correspondre à un principe de visionnage (B).

A. Un régime d’habilitation

L’habilitation des forces de police à recourir aux caméras est une ligne directrice du contrôle du Conseil constitutionnel. Plus précisément qu’avec celle de visa, dont l’intervention est postérieure à la production du film pour en autoriser la représentation au public24, l’analogie avec le cinéma s’opère avec la notion d’autorisation de tournage sollicitée, en amont, par les équipes au gré des lieux publics ou privés qu’elles arpentent25. Le pouvoir d’habilitation ne s’articule toutefois pas à la propriété des lieux, mais trouve son fondement dans le principe de contrôle qui structure le droit de la donnée personnelle dans le paquet européen de protection26.

Pour justifier la validation des dispositifs, le Conseil constitutionnel souligne que la loi les encadre par une norme d’autorisation préalable à leur usage. La durée de cette autorisation est délimitée temporellement, que cette temporalité soit inhérente à l’objet du film (durée légale de la garde à vue27), ou à la décision de l’autorité habilitationnelle dans un plafond (trois mois pour les drones administratifs et huit mois pour les drones judiciaires28). Par ailleurs, l’autorisation émane d’une autorité qui inscrit le film tourné par le ou les policier(s) dans un dispositif de légitimation de type hiérarchique. L’autorité est externe ou interne aux forces de police, renvoyant à un contrôle plus ou moins fort en fonction du nombre plus ou moins élevé de personnes concernées par le dispositif29. L’autorisation y est interne pour la vidéosurveillance s’agissant des gardes à vue et émane du chef de service30. Elle est externe pour le drone administratif et échoit au préfet, l’autorité de droit commun en matière de police administrative générale31, qui détient déjà une compétence analogue en matière d’installation des dispositifs fixes de « vidéosurveillance » des entités privées et publiques32 et de caméras non‑aéroportées autour des manifestations33. Le caractère externe de cette autorisation est néanmoins à relativiser, en ce qu’il se comprend organiquement et non fonctionnellement, puisque si le préfet est une autorité distincte des forces de police, il est supposé concourir à la même mission de police administrative générale. En suivant l’analogie avec le cinéma, cela reviendrait à y concevoir que les autorisations de tournages puissent être octroyées par les équipes de production et non par les propriétaires des lieux filmés. Par ailleurs, l’intense lien de subordination du préfet vis‑à‑vis des autorités politiques peut, selon les points de vue, être conçu comme la garantie d’une décision responsable ou, au contraire, comme porteur d’un risque de contrôle déficitaire dans l’hypothèse d’un gouvernement peu soucieux des libertés individuelles. En matière de drone judiciaire, l’autorisation est également externe avec une nuance similaire à celle s’appliquant aux drones administratifs. La compétence échoit au magistrat de l’ordre judiciaire34 qui dirige l’enquête, une prérogative qu’il détient au nom de sa qualité de gardien des libertés individuelles35 et dans la continuité de ses compétences en matière de caméras non aéroportées36.

Symétriquement, la notion de régime d’habilitation souligne l’attention qu’accorde le Conseil constitutionnel à l’existence d’une compétence de retrait de cette autorisation dans la loi. Comme dans la décision « sécurité globale37 », l’absence de cette compétence en matière d’usage des « drones administratifs » par la police municipale figure parmi les motifs conduisant la juridiction à censurer le dispositif38. De plus, en contraste, le Conseil constitutionnel souligne bien que cette compétence de retrait est intégrée aux autres dispositifs qu’il valide. En matière d’usages de drone, la loi consacre un parallélisme des formes et le retrait émane des mêmes autorités qui l’ont autorisé : le préfet et le magistrat de l’ordre judiciaire39. S’agissant de la vidéosurveillance en garde à vue, la compétence échoit à une autorité différente de celle qui autorise. L’autorité est cette fois externe, judiciaire, et se prononce éventuellement sur demande de la personne objet du dispositif40. Le Conseil constitutionnel valide ainsi un changement vis‑à‑vis de la mouture « sécurité globale » dont il avait censuré le dispositif, au motif notamment que cette compétence échoyait au chef de service qui détenait, déjà, celle d’autorisation41. Ainsi, si l’on suit le Conseil constitutionnel, l’introduction d’une autorité externe à l’échelon du retrait compenserait le déficit organique de contrôle impliqué par le caractère interne de l’autorisation.

La notion de norme d’habilitation ne trouve toutefois pas à s’appliquer, lorsque l’hypothèse du recours à la vidéo renvoie à l’immédiateté de l’intervention policière, c’est‑à‑dire dans des situations où la police est face à la cristallisation d’une situation qui serait a priori illicite ou dangereuse, concernant les caméras embarquées et les drones administratifs en cas « d’exposition particulière et imprévisible à un risque d'atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens ». La notion de régime d’habilitation ne perd toutefois pas toute valeur heuristique pour comprendre la loi et la décision du Conseil. Simplement, l’enjeu d’habilitation monte en généralité et se dilue dans le principe général de contrôle évoqué plus haut, qui renvoie, pour les deux dispositifs, à l’information préfectorale postérieurement à leur usage. Outre d’avoir relevé ces énoncés législatifs, le Conseil paraît avoir veillé à l’effectivité de ce contrôle en censurant l’usage immédiat des drones administratifs, au motif que le contenu de cette information n’était pas suffisamment précis.

À l’instar de celle d’habilitation, la notion de régime d’exploitation renvoie à l’idée hiérarchique sans toutefois qu’elle en constitue l’unique ressort.

B. Un régime d’exploitation

En matière de films de police, la notion d’exploitation se comprend bien plus largement qu’au cinéma. Quand pour les salles obscures, elle s’y limite à l’activité de montrer le film au public, généralement à des fins commerciales42, l’exploitation s’articule à une conception bien plus générale de l’usage. Elle saisit l’ensemble des activités humaines entreprenables directement sur le film de police, et le régime d’exploitation renvoie aux énoncés relatifs à la manipulation technique du film.

Le Conseil constitutionnel souligne que, hormis en matière de drone judiciaire, la seule technique d’usage des films doit être le visionnage, entendue comme le regard humain. En droit du cinéma, une norme analogue est celle interdisant aux spectateurs d’enregistrer le film à des fins de piratage, car elle souligne la nécessité pour ces derniers de regarder eux‑mêmes le film43. Pour justifier la validation, le Conseil constitutionnel met ainsi en avant que la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure interdit, en matière de vidéosurveillance en garde à vue, le complément par des dispositifs biométriques44 et, en matière de drone administratif et de caméras embarquées, le complément par des dispositifs de reconnaissance faciale45. La juridiction ajoute également pour ces deux dispositifs une réserve d’interprétation disposant que l’interdiction vaut aussi pour le couplage avec des dispositifs extérieurs aux caméras46. Le Conseil souligne également que pour ces trois dispositifs précités, la loi veille bien à ce que les films ne soient pas manipulés numériquement a posteriori du tournage, afin d’être associés à d’autres logiciels de traitement de données à caractère personnel47. L’enjeu de l’intermédiation technologique entre le regard humain et l’image existe aussi au cinéma, mais avec une portée sensiblement atténuée. Il renvoie aux lunettes 3D, auxquelles certains films sont adaptés, mais qui, contrairement aux dispositifs contrôlés par le Conseil constitutionnel, relèvent d’une fonction récréative et n’ajoutent pas au film des éléments extérieurs à l’image.

Pour justifier la validation en matière de vidéosurveillance en garde à vue et de caméra embarquée, le Conseil constitutionnel souligne également que la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure limite cette compétence de visionnage en termes d’attribution individuelle. La loi comportait, également, des énoncés similaires concernant les drones48, que le Conseil n’a toutefois pas estimé nécessaire d’évoquer dans la décision. L’analogie la plus précise avec le cinéma se situe, ici, probablement dans les mécanismes de classification49 interdisant l’accès au film en fonction de la jeunesse des spectateurs potentiels. Cependant, dans la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, l’idée principale fondant la restriction individuelle n’est évidemment pas l’âge, mais le principe hiérarchique, dans sa forme intra‑policière. Le Conseil constitutionnel avance ainsi que, pendant l’opération, la loi dispose, pour la vidéosurveillance, qu’elle peut être visionnée uniquement par le chef de service et une personne désignée par lui‑même au préalable50 et, pour la caméra embarquée, par seuls des agents du poste de commandement et le personnel impliqué dans la conduite et l'exécution de l'intervention51. Après l’opération, une logique fonctionnelle s’ajoute pour restreindre la compétence de visionnage, car elle doit accompagner une démarche de signalement à l’autorité judiciaire52 ou aider à la rédaction du compte‑rendu d’intervention53.

La notion de régime de visa a permis d’envisager les énoncés de la loi relevés par le Conseil constitutionnel qui appréhendent le film de police d’un point de vue désincarné. Le pendant de cette notion est celui de régime de production qui renvoie au contenu filmique des caméras policières.

II. Un régime de production

L’idée de production au cinéma désigne, lato sensu, les activités de fabrication du contenu du film54. Ce contenu peut s’appréhender d’un point de vue narratif et symbolique par la notion de scénario qui aidera à saisir les hypothèses de recours à la caméra de police (A). Ce contenu peut aussi s’appréhender d’un point de vue matériel et rejoindre la notion de réalisation, qui désigne la concrétisation du film par le recours à la caméra55. La notion de régime de réalisation aidera alors à appréhender les règles relatives au contenu appréhendable par les sens du film de police (B).

A. Un régime scénaristique

Le théoricien du droit américain Robert M. Cover avance que les prescriptions juridiques, particulièrement en matière d’actes répréhensibles, se fondent sur des récits sociaux56. Dans cette perspective, il est possible d’avancer que la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure dispose que le recours à la caméra s’articule à des récits appelés, ici, « scénarios ». Le recours à la caméra de police apparaît ainsi structuré autour de la survenance de situations conçues comme illicites, ou plus largement dangereuses, appelant une réaction de la force publique, que la doctrine désigne par les termes « finalité57 » ou « cas58 » de recours à la caméra de police, et que nous désignerons par celui d’« hypothèse ». Contrairement au cinéma où le scénario s’identifie au film et y correspond totalement, le « film de police » se détache, en partie, de son scénario, et se conçoit comme un instrument destiné à jouer, potentiellement en cours, sur son déroulé. Autrement dit, le film de police serait un accessoire du scénario rattaché à son hypothèse de recours, alors que dans le cinéma le scénario se penserait davantage comme un accessoire du film. Ce caractère instrumental de la caméra se retrouve dans la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel sur la subsidiarité59 du recours au drone administratif. La mobilisation du filmage par drone ne saurait être qu’un moyen au service des finalités d’ordre public énoncées dans la loi et, à ce titre, le préfet doit s’assurer que son usage est nécessaire, à concurrence de tout autre moyen, pour accomplir la finalité poursuivie60. Les scénarios de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure peuvent être classés en deux méta‑types, selon que des éléments sont directement ou non susceptibles d’attester de la constitution des situations illicites ou dangereuses. La dichotomie recouvre fonctionnellement, mais pas nécessairement en droit positif, la distinction entre police judiciaire et administrative. Dans le premier type de scénario dit « administratif », l’enjeu est principalement préventif et la caméra intervient avant tout pour aider la police à ce que les situations ne se cristallisent pas, pour les dispositifs de vidéosurveillance en garde à vue, de drones administratifs et de caméra embarquée ex ante61. Dans le second type de scénario dit « judiciaire », l’enjeu est principalement résolutif, et la caméra intervient pour aider la police à traiter la situation, c’est‑à‑dire et éventuellement de manière cumulative, pour l’authentifier, la faire cesser et en identifier les responsables, pour les dispositifs de drones judiciaires et de caméra embarquée ex post.

Le Conseil constitutionnel souligne bien que la loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure », en relation à chaque technologie, détermine les différents « scénarios », et le juge énonce toutes les hypothèses de recours à la caméra comprises dans la loi. En ce sens, le Conseil dégage implicitement une norme de caractérisation du recours à la caméra par les forces de police62, afin d’en éviter, selon ses propres mots, un usage « généralisé et discrétionnaire63 ». La censure qu’il opère, au motif d’imprécision, du recours au drone administratif s’agissant « des expositions particulières et imprévisibles à un risque d'atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens » laisserait également penser que le Conseil a dégagé une norme de précision de ces hypothèses64. Toutefois, le reste de la décision conduit à en douter, dès lors que les juges de la rue de Montpensier ont jugé comme valides des hypothèses de recours à la caméra policière dont la précision apparaît variable et, pour certaines, faible.

La notion de scénario peut contribuer à mettre cela en lumière en ce qu’elle aide, dans son pendant « administratif », à décomposer les hypothèses de recours à la caméra par les forces de police en trois catégories d’éléments objectivants. L’évaluation générale de la précision de l’hypothèse est ainsi étayée, en ce qu’elle repose sur trois composantes dont il est possible d’identifier la présence et la précision. Ces trois composantes correspondent à la structure ternaire des scénarios ordinairement conceptualisée en théorie du cinéma65. La première renvoie à la phase d’exposition, consistant à établir l’environnement du film ; la seconde, à la phase d’action narrant la survenance d’un élément perturbateur dans cet environnement et la réaction suscitée parmi les personnages ; la troisième, à la phase conclusive, montrant les résultats de cette action sur l’environnement. Transposée à la caméra de police, cette structure ternaire donne :

  1. « la toile », correspondant à la phase d’exposition et renvoyant à un cadre situationnel d’intervention policière ;
  2. « l’issue à éviter », renvoyant à la phase conclusive ;
  3. « les éléments attestant de la probabilité de la survenance de cette issue », désignant la phase d’action en tant qu’appel à la caméra policière à intervenir dans la situation.

Parmi les hypothèses de recours à la caméra de la loi, c’est en matière de vidéosurveillance que le degré de précision apparaît le plus haut. L’hypothèse désigne une toile correspondant à un dispositif défini par la loi – la garde à vue –, une issue à éviter distinctement énoncée – « la fuite ou le danger sur soi‑même ou sur autrui » de la personne sujette à garde à vue –, et la référence à des éléments attestant de la probabilité de cette issue – « les raisons sérieuses66 ». Le degré de précision des hypothèses apparaît intermédiaire pour certains recours au drone en matière administrative, en ce que les trois composantes (toile, issue à éviter, et éléments attestant de sa probabilité) renvoient à des énoncés moins précis ou/et se confondant entre eux :

La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques de commission de certaines infractions ; la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation ; la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des troubles graves à l'ordre public67.

Le degré de précision du « scénario » à enjeu préventif en matière de caméra embarquée, lorsqu’est « susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées68 », est également intermédiaire. L’hypothèse du recours à la caméra se réfère à la toile de l’intervention policière en voiture et désigne des éléments attestant de la probabilité de l’issue à éviter, « les circonstances de l'intervention ou le comportement des personnes concernées ». Cette issue est toutefois désignée par le terme « incident », qui renvoie à un champ indéterminable d’évènements susceptibles même de s’extraire des missions de la police. Enfin, le degré de précision des cinq autres hypothèses de recours au drone administratif – « la régulation des flux de transport aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publics, la surveillance des frontières, la prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées, la prévention d'actes de terrorisme et le secours aux personnes69 » – semble faible. Ces hypothèses de recours à la caméra ne comprennent pas de références à des éléments attestant de la probabilité de l’issue à éviter, et les deux dernières ne contiennent pas non plus de toile et se définissent uniquement par l’issue à éviter.

Concernant les « scénarios » à enjeux résolutifs, la donne de l’analyse change. La notion de scénario perd quelque peu de son potentiel heuristique, car elle ne permet plus de décomposer les hypothèses de recours à la caméra en trois composantes. En effet, ne comptent, pour évaluer leur précision, que les éléments définissant les situations illicites ou dangereuses à résoudre, correspondant à la phase conclusive du scénario au cinéma. La caméra de police intervient en effet après la phase initiale d’exposition et l’enclenchement de la phase d’action. En dépit de cela, la notion de scénario peut quand même contribuer à évaluer la précision des hypothèses de recours à la caméra policière en soulignant bien qu’ici, l’enjeu réside dans la précision de la finalité du recours à la caméra, autrement dit dans celle de la situation à résoudre. En matière de caméra embarquée ex post,« lorsque se produit un incident », ce syntagme continue, comme plus haut, à désigner un champ événementiel indéterminable et correspond donc à un faible degré de précision70. En revanche, en matière de drone judiciaire, les enjeux du recours à la caméra apparaissent bien plus déterminés. Les situations à résoudre sont définies par le droit pénal71, où elles renvoient à la fuite72, l’ignorance des causes de la mort d’un individu ou/et de sa disparition73, et aux éléments caractérisant un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. Le législateur a ainsi suivi la voie tracée par la décision « sécurité globale », dans laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré le dispositif au motif que la loi ne limitait pas les infractions susceptibles de susciter un recours au drone judiciaire74.

En plus des hypothèses de recours à la caméra, la notion de scénario permet également d’alimenter la réflexion sur les normes relatives aux individus filmés, à travers la notion de personnage, entendue comme désignant une forme humaine créée par le scénario75. La notion de personnage souligne la distance et la réduction suscitée par l’œil de la caméra de police entre les images d’un individu dans l’espace‑temps déterminé du film et la réalité de son individualité inscrite à la fois dans une construction historique éminemment plus longue et dans un for intérieur complexe à sonder. Le Conseil constitutionnel s’intéresse, dans la décision, à la loi du point de vue des « personnages » auxquels ce statut est imposé, c’est‑à‑dire aux individus filmés n’appartenant pas aux forces de police. Aux fins de validation de la loi, la juridiction met en avant les dispositions de cette dernière susceptibles de pallier la violence de cette réduction et de cette mise à distance par la caméra de police. Le Conseil constitutionnel relève deux types d’énoncés. Le premier concerne l’identification des individus filmés avant l’usage de la caméra, afin d’en limiter le nombre. Ce type s’applique au drone judiciaire à travers la référence aux individus « déterminés » objets de la procédure judiciaire76, même si le Conseil doute de l’efficacité de la mesure et énonce que le drone filmera inévitablement un « nombre très important de personnes sans lien avec la procédure judiciaire en cause77 ». Le second type d’énoncé est relatif aux modalités de renseignement des individus filmés sur l’usage de la caméra renvoyant au principe d’information, qui est au cœur du paquet européen de protection des données personnelles78. L’enjeu n’est pas ici d’obtenir le consentement des individus, mais bien plus probablement de les inciter à participer à ce que la situation dangereuse et illicite n’advienne pas. Cette information apparaît donc destinée à leur attribuer un objectif à l’instar des personnages d’un scénario en théorie du cinéma79. Selon les points de vue, elle vise soit à discipliner l’individu, soit à l’aviser des enjeux de la situation pour qu’il ne la subisse pas et, tel un acteur, s’approprie le personnage et agisse en conséquence. Les énoncés en question, mis en avant par le Conseil constitutionnel pour justifier de la validité de la loi, sont l’obligation d’information par signalétique en cas d’usage de la caméra embarquée80 dont la police ne peut se dispenser qu’en cas de nécessité81, ainsi que la communication de la mesure de vidéosurveillance à l’individu concerné par la garde à vue82. Des énoncés analogues existent dans la loi pour les drones administratifs, mais le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas estimé nécessaire de les relever pour valider la décision.

Les normes de scénario ont permis d’appréhender le contenu du film de police d’un point de vue narratif. Les normes de réalisation le feront dans une perspective plus matérielle et technique.

B. Un régime de réalisation

À l’entendre comme la fabrication du film à partir du scénario83, la notion de réalisation au cinéma renvoie à des choix de deux ordres de la part du réalisateur : tout d’abord, technologique, concernant le dispositif matériel qu’il utilise, et ensuite, figuratif, sur le contenu de l’image qu’il filme. Cette dichotomie nous conduit à identifier deux sous‑types de normes dans la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, renvoyant à des énoncés relevés par le Conseil constitutionnel uniquement pour justifier sa validation.

S’agissant du sous‑type de normes dites technologiques, la première est l’interdiction de la captation sonore84 en matière de drone administratif et de vidéosurveillance en garde à vue85. Le film que ces dispositifs suscitent doit donc être muet, et les individus filmés s’incarnent seulement par le geste. Cet énoncé, déjà présent dans la loi « sécurité globale », peut par ailleurs être subsumé au sein du principe de visionnage évoqué dans le § I.B. L’absence de son confirme en effet que les policiers ne peuvent recourir qu’à la vue pour analyser les films. Ce rapprochement est congruent avec le fait que dans la loi, l’interdiction de la captation sonore se situe dans les mêmes alinéas que ceux interdisant les dispositifs biométriques, la reconnaissance faciale et l’interconnexion ou la mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel. L’autre norme technologique concerne le nombre d’appareils pouvant être utilisés dans le cadre d’une même opération. Ainsi le Conseil constitutionnel souligne bien que la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure institue une limite en matière de drone administratif, non définie arithmétiquement mais habilitationnellement par le nombre mentionné dans l’autorisation du préfet86. Cet énoncé de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure répond à la censure du projet de loi « sécurité globale », qui se référait notamment à l’absence de contingentement, évoquant le spectre d’un recours aux « essaims » de drone87.

S’agissant du sous‑type de normes dites d’images, il renvoie à la notion cinématographique de champ, au sens de portion d’espace perçu à chaque instant de l’image filmique88. Les énoncés de la loi relevés par le Conseil constitutionnel aux fins de validation contraignent le champ filmé par les caméras policières de manière à le restreindre ou à le densifier. La restriction du champ peut se comprendre abstraitement en termes de zones identifiables par des données géographiques au sein desquelles il est autorisé de recourir à la caméra de police. Le Conseil constitutionnel souligne que, selon la loi, les autorisations du préfet et du magistrat délimitent pour l’un, un « périmètre89 », et pour l’autre, un « lieu90 » que pourront survoler les drones. En droit du cinéma, une analogie peut être faite avec les espaces identifiés, par exemple, par des noms de rue et leur numéro, qu’octroient les municipalités aux équipes de tournage au cas où celui‑ci se déroule sur la voie publique91. La restriction du champ se comprend également concrètement en référence à des éléments matériels auxquels est attribuée une signification sociale et qui ne pourront pas, peu importe la zone, figurer à l’image. Le contrôle du Conseil constitutionnel se réfère ainsi aux énoncés de la loi interdisant de filmer l’espace domiciliaire et ses accès en matière de drones administratifs et de caméras embarquées92. Ces derniers reprennent les dispositions législatives encadrant les dispositifs fixes de « vidéosurveillance » des entités privées et autres entités publiques93 et la jurisprudence afférente du Conseil constitutionnel en 1995 consacrant le principe d’« inviolabilité du domicile »94. Cette restriction s’apparente en droit du cinéma à la censure existant, avec plus ou moins d’intensité en fonction des pays et des périodes historiques, contre « la sexualité et sa représentation, la violence, et la dénonciation des abus politiques95 » ou au nom de la conception de la dignité humaine propre aux autorités96. Outre l’objet des restrictions, une différence est toutefois qu’au cinéma, la censure s’exerce, d’une part, a posteriori, après le tournage du film, du moins formellement97, et d’autre part, par le biais d’une autorité extérieure à l’équipe de tournage. En revanche pour le film de police, la valeur pratique de la norme restreignant le champ est moins forte. La « censure » de l’espace domiciliaire et ses accès dépend en effet d’une décision « d’interruption98 » instantanée, en cours de tournage et prise, non pas par une autorité externe mais par l’autorité qui filme elle‑même, c’est‑à‑dire la police. Enfin, les normes d’images ne s’envisagent pas nécessairement comme diminuant le champ, elles peuvent être aussi conçues comme le densifiant. En matière de vidéosurveillance en garde à vue, le Conseil constitutionnel souligne bien que la loi dispose qu’un accessoire de « décor », un pare‑vue censé préserver l'intimité de la personne gardée à vue, doit figurer à l’image99.

Conclusion

L’idée de cinéma a participé à analyser en profondeur à la fois la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, le contrôle afférent du Conseil constitutionnel et les enjeux pratiques du recours à la caméra par les forces de police. D’emblée, en inscrivant la notion de film au cœur de la réflexion, l’idée de cinéma a permis d’esquisser les contours d’un régime à même de susciter une réflexion croisée et systématisée, toutefois pas complètement exhaustive100, sur les énoncés des différents dispositifs de la loi relevés par le Conseil constitutionnel. Cela a été fait à l’aune de notions et normes transversales également susceptibles d’interroger et éclairer les dispositifs de caméras policières préexistant à la loi, et ceux qui seront institués dans le futur. Ces normes et notions transversales correspondent à la structure de cet article. À l’intérieur de cette dernière, l’univers cinématographique a également constitué un contrepoint à celui des caméras policières évoquant convergences et contrastes ainsi que des notions, comme celles de scénario et de personnages, enrichissant l’analyse. Cette compréhension affinée peut concourir à un regard évaluatif en termes de droits et libertés individuels, par lequel il est possible, au préalable, de regretter que le Conseil constitutionnel ait contrôlé les modalités d’encadrement des dispositifs de caméra policière sans jamais s’interroger sur leur légitimité, opérant ainsi un contrôle très formaliste. La décision et la loi ont néanmoins certaines forces : principe d’autorisation et de retrait, principe de visionnage, principe de caractérisation des hypothèses de recours à la caméra, principe de contraintes sur le champ filmé… Émergent cependant, aussi, de sérieux doutes et potentielles lacunes : adéquation de la seule autorité préfectorale en matière d’autorisation et de retrait pour l’usage des drones administratifs, faiblesse de l’encadrement de l’exploitation matérielle du film en matière de drones judiciaires, imprécision de certaines hypothèses de recours à la caméra, absence de garanties à l’effectivité de l’interdiction de filmer les domiciles101. La métaphore cinématographique a également servi de palliatif au style minimaliste du Conseil constitutionnel, traduit ici par l’inconsistance de son argumentation dans son contrôle de la loi à la lumière du droit au respect de la vie privée. La juridiction n’a pas pour autant contrôlé à « l’aveugle ». Elle semble avoir effectué son contrôle à la lumière d’une constellation de textes traitant des caméras de police ou d’objets approchants : RGPD règlement général sur la protection des données, directive « Police‑Justice », loi « Informatique et libertés102 », avis de la CNIL Commission nationale de l'informatique et des libertés, lois précédentes de 1995, 2011 et « sécurité globale103 » et décisions de la Cour de justice de l'Union européenne104 et de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de surveillance105. Ces textes semblent en fait composer un bloc de constitutionnalité non formalisé, et donc fragilisé, sur la question des caméras policières que la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, et son contrôle par le Conseil constitutionnel, sont appelés à rejoindre. Si à peu énoncer, le Conseil gagne probablement en flexibilité et en adaptabilité106, la question de l’usage des caméras par les forces de police aurait pourtant mérité un traitement approfondi et davantage explicite en matière de droits et libertés individuels, ne serait‑ce que pour ancrer plus fermement les forces sus‑évoquées de la décision. Ainsi, le principe de visionnage107, désignant l’analyse du film de police par un regard strictement humain108, est d’ores et déjà menacé par la loi relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui autorise la vidéosurveillance algorithmique. L’affirmation claire d’une telle norme par le Conseil, plutôt qu’implicite par renvoi aux dispositions législatives contrôlées, aurait pu par ailleurs couper court aux dispositifs analogues déjà institués par certaines municipalités et dont la légalité est douteuse109. Une réflexion aboutie du Conseil constitutionnel sur la caméra policière et les droits et libertés individuels, manque d’autant plus que la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) adoptée le 24 janvier 2023 fait de l’équipement des forces de l’ordre par ces dispositifs une priorité, et conduit à anticiper une forte hausse quantitative de leur usage110. Or, se joue dans la caméra policière l’adjonction à la force de contrainte physique de l’État, celle d’un regard continu, mobile, accessible à plusieurs individus, semblant dépasser111 les doutes suscités par la mémoire humaine. La caméra policière figure donc une allégorie technologique et institutionnelle de l’idée deleuzienne de société de contrôle112, un cocktail potentiellement très dangereux pour l’individu et qui a constitué l’ingrédient principal de dystopies113.

Le sentiment que le Conseil constitutionnel ne s’est pas ajusté à la portée politique des dispositions de la loi renvoie, dans une autre optique, à son positionnement vis‑à‑vis du droit au respect de la vie privée. C’est à l’aune de cette composante des droits et libertés individuels, à l’exclusion de toute autre, que le Conseil a opéré son contrôle114. Certes, par ce choix, le Conseil s’est inscrit dans une dynamique antérieure d’autonomisation de la notion115. En dépit de la conformité à sa logique jurisprudentielle, ce choix soulève toutefois deux problèmes.

Le premier tient aux conséquences de cette exclusivité, c’est‑à‑dire à l’exclusion d’autres droits et libertés individuels116 comme normes de référence, et nous recourrons à trois illustrations :

  • La première tient à l’effet dissuasif des drones administratifs pour des individus ne souhaitant pas conditionner leur participation à des évènements publics à la captation vidéo de leur image par la police, qui est susceptible de contrevenir à la liberté de réunion, de manifestation et au droit à l’expression collective des idées et opinions117 ;
  • La seconde renvoie à l’accroissement général des moyens et corrélativement du pouvoir de la police, posant la question du droit à la sûreté des individus ainsi que l’ont souligné particulièrement Julie Alix et Christine Lazerges118 ;
  • La troisième s’inscrit dans une perspective anthropologique et s’intéresse à la relation tissée par l’État avec l’individu. La caméra de police dénoté un rapport de défiance119 dès lors qu’elle impose une présomption de dangerosité sur l’individu susceptible d’entrer en conflit avec le principe de dignité de la personne humaine.

Une autre manière d’envisager le problème de la norme de référence est de se focaliser sur l’idée même de l’exclusivité du droit au respect de la vie privée. Le problème n’est alors pas tant qu’il constitue la seule norme de référence, mais qu’il n’inclut pas les autres. Le droit au respect de la vie privée pourrait, en l’espèce, être considéré comme fondamental au sens logique, en tant que source des autres droits et libertés120, voire même en tant que fondement d’un ordre juridico‑politique libéral121 où le droit à la vie privée représenterait la clé de voûte de la limitation du pouvoir de l’État sur l’individu122. Une telle orientation impliquerait de sortir encore davantage de la conception traditionnelle de la notion en droit français qui tend à épouser l’imaginaire intime, individuel et dépolitisé du secret123. Des travaux sur les régimes politiques contemporains fournissent néanmoins matière à accompagner une telle évolution. Jack Balkin124 cité par Jean‑Philippe Foegle125 situe le droit à la vie privée au cœur de la distinction des régimes politiques, quand il institue une dichotomie entre société démocratique où la vie privée est préservée et l’État transparent, et société de surveillance où la configuration est inverse. Une telle conception, si elle n’épuise pas tous les enjeux des droits et libertés individuels, pourrait servir au Conseil constitutionnel de boussole ou du moins de ressource pédagogique en matière de recours par le pouvoir étatique aux technologies d’information et de communication.

1 Décision n° 2021‑834 DC du 20 janvier 2022, Loi relative à la sécurité pénale et à la sécurité intérieure.

2 F. Debove, « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 164.

3 L’institution policière est la seule à laquelle nous nous référerons, par volonté de simplification et car elle est la principale concernée par l’

4 Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

5 Le Conseil constitutionnel avait validé la compétence des policiers municipaux de visionner les images de vidéosurveillance des entités publiques

6 S. Slama, « Censure partielle de la loi “sécurité globale” : après demain les drones ? », Le Club des Juristes, 10 juin 2021 ; V. Barbé, « Quarante

7 Dans l’arrêt « Quadrature du Net », la juridiction administrative enjoignait au préfet de police de Paris de cesser de recourir aux drones à moins

8 Ch. Eisenmann, La justice constitutionnelle de la Haute Cour constitutionnelle en Autriche, Paris, Économica, 1986, p. 17 ; L. Favoreu, « Les 

9 J. Alix et C. Lazerges, « La loi “sécurité globale”, Acte II La policiarisation de la société sous la surveillance du Conseil constitutionnel »

10 Sur les convergences (et divergences) entre les activités du juge constitutionnel et celle du législateur, voir la synthèse de D. Baranger : « Sur

11 S. Hennette‑Vauchez, La démocratie en état d’urgence, Paris, Seuil, coll. « Le compte à rebours », 2022, p. 69.

12 Pour la voie publique C. Cass. Crim, 11 décembre 2018, n° 18‑82.365, Crim. 8 décembre 2020, n° 20‑83.885, Dalloz Actualités, notes S. Fucini. Pour

13 Article L. 252‑6 du Code de sécurité intérieure.

14 Article L. 241‑2 du Code de sécurité intérieure.

15 Code de procédure pénale, articles 60‑1 et 77‑1‑1.

16 Décision n° 1982‑141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle.

17 Décision n° 1999‑416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d'une couverture maladie universelle.

18 Voir par exemple D. Rousseau, « De quoi le Conseil constitutionnel est‑il le nom ? », JusPoliticum, n° 7, 2012 ; N. Belloubet, « La motivation des

19 Voir par exemple D. Baranger, « Sur la manière française de rendre la justice constitutionnelle : Motivation et raisons politiques dans la

20 Voir par exemple F. Debove, « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 164.

21 Voir par exemple X. Bioy, « Les drones produisent‑ils des données personnelles ? », AJDA, 2020, p. 1552.

22 Voir par exemple C. Crichton, « Encadrement législatif de la surveillance des drones », Dalloz IP/IT, 2022, p. 63.

23 J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 112.

24 Article L. 211‑1 alinéa 1 du Code du cinéma et de l’image animée.

25 P. Kamina, Droit du cinéma, 2e éd., Paris, LexisNexis, coll. « Droit & professionnels : propriété intellectuelle », 2014, p. 384.

26 Le paquet européen de protection est composé du RGPD, de la directive « Police‑Justice » et de leur traduction dans la loi « Informatique et

27 Point 8 (Article L. 256‑2 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

28 Points 28 (Article L. 242‑7 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi) et 43 (Article 230‑48 du Code de procédure pénale

29 Le contrôle apparaît devoir être plus intense pour le drone et la caméra embarquée en raison du plus grand nombre de personnes couvertes par ces

30 Point 7 (Article L. 256‑2 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

31 Point 26 (Article L. 242‑5 Titre IV du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi).

32 G. Benesty, « Le clair‑obscur du contrôle de la vidéosurveillance », AJDA, 2010, p. 764.

33 Article L. 252‑6 du Code de sécurité intérieure.

34 Point 43 (Article 230‑49 du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 de la loi).

35 Article 66 de la Constitution. F. Debove, « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 165.

36 Pour la voie publique, C. Cass. Crim, 11 décembre 2018, n° 18‑82.365, Crim. 8 décembre 2020, n° 20‑83.885, Dalloz Actualités, notes S. Fucini.

37 Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, Points 129 à 141.

38 Point 36 (Article 8 du projet de loi 7° bis).

39 Points 28 (Article L. 242‑7 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi) et 43 (Article 230‑48 du Code de procédure pénale

40 Point 9 (Article L. 256‑2 du Code de sécurité intérieure al. 3 et 5 introduit par l’article 13 de la loi).

41 Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, Points 83 à 88.

42 P. Kamina, Droit du cinéma, 2e éd., Paris, LexisNexis, coll. « Droit & professionnels : propriété intellectuelle », 2014, p. 275.

43 Le fait de filmer avec un caméscope ou son téléphone portable l’écran sur lequel est projeté un film dans une salle de cinéma est punissable d’une

44 Point 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

45 L’interdiction de la reconnaissance faciale avait, à cet égard, déjà été acquise dans la loi sur la sécurité globale, après l’intervention du 

46 Points 30 (Article L. 242‑4 du Code de sécurité intérieure modifié par l’article 15 du projet de loi) et 54 (Article L. 243‑3 du Code de sécurité

47 Points 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi), 30 (Article L. 242‑4 du Code de sécurité

48 Article L. 242‑2 et 4 du Code de sécurité intérieure.

49 Article R. 211‑12 du Code du cinéma.

50 Point 11 (Article L. 256‑4 al. 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

51 Point 56 (Article L. 242‑2 al. 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi).

52 Points 11 (Article L. 256‑4 al. 2 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi) et 56 (Article L. 243‑4 al. 1 du Code de

53 Point 56 (Article L. 243‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi).

54 A. Masson, « Production, cinéma », Encyclopædia Universalis, 2022.

55 Jacques Aumont et Michel Marie indiquent que traditionnellement la réalisation s’appliquait au scénario, en tant que mise par écrit à fins

56 Robert. M. Cover, « The Supreme Court, 1982 Term – Foreword: Nomos and Narrative », Harvard Law Review, n° 97, pp. 4‑68.

57 F. Debove « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 166 ; exemple X. Bioy, « Les drones produisent‑ils des données

58 « Vidéosurveillance dans les lieux publics », in C. Féral‑Schuhl (dir.), Cyberdroit. Le droit à l'épreuve de l'Internet, 8e éd., Paris, Dalloz

59 F. Debove « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 167.

60 Point 27.

61 Les notions ex ante et ex post distinguent selon que l’usage de la caméra embarquée intervient lorsqu’est « susceptible de se produire un incident

62 Points 6, 7, 25, 42, 52.

63 Points 6, 52.

64 L’autre justification est que ces cas ne sont pas d’une particulière gravité. Point 31.

65 Y. Lavandier, La dramaturgie : l’art du récit, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. « Réflexions faites », 2019, pp. 210‑215.

66 Article L. 256‑1 alinéa 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi.

67 Article L. 242‑5 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi.

68 Article L. 243‑1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi.

69 Article L. 242‑5 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi.

70 Article L. 243‑1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi.

71 Point 42.

72 Article 74‑2 du Code de procédure pénale.

73 Articles 74, 74‑1 et 80‑4 du Code de procédure pénale.

74 Le dispositif avait été censuré dans la décision « sécurité globale » car il comprenait les contraventions dans son champ d’application. Décision 

75 A. Gardies et J. Bessalel, 200 motsclés de la théorie du cinéma, Paris, éd. du Cerf, coll. « 7e art », 2004, p. 161.

76 Point 41. Article 230‑47 du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 de la loi se réfère au « une ou plusieurs personnes se trouvant

77 Ibid.

78 Article 14 du RGPD ; Article 13 de la directive « Police‑Justice » ; Articles 48 et 104 de la loi CNIL.

79 Y. Lavandier, La dramaturgie : l’art du récit, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. « Réflexions faites », 2019, pp. 211‑215.

80 Point 55 (Article L. 243‑2 du Code de sécurité intérieure alinéa 2 par l’article 17 de la loi).

81 Ibid. Le dispositif caméra embarquée avait été censuré dans la loi « sécurité globale » car la dispense d’information n’était pas suffisamment

82 Point 9 (Article L. 256‑1 du Code de procédure pénale introduit par l’article 13 de la loi).

83 Voir supra.

84 Point 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 du projet de loi). Point 30 (Article L. 242‑4 alinéa 2 du

85 L’interdiction ne s’applique pas en matière de caméra embarquée et en matière de drone judiciaire, un domaine où la captation sonore était déjà

86 Point 27. Article L. 242‑5 du Code de sécurité intérieure par l’article 15 du projet de loi.

87 S. Slama, « Censure partielle de la loi “sécurité globale” : après demain les drones ? », Le Club des Juristes, 10 juin 2021.

88 J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 48.

89 Article L. 242‑5 IV du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 du projet de loi.

90 Point 44 (Article 230‑49 alinéa du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 du projet de loi).

91 Pour le régime d’autorisation de tournage de la ville de Paris, voir par exemple [En ligne] URL : https://www.paris.fr/pages/deposer-une-demande-d

92 Points 19, 29, 53 (Article L. 242‑5 III du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi et Article L. 243‑4 du Code de

93 Article L. 251‑3 du Code de sécurité intérieure.

94 Décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Point 3.

95 J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 47.

96 En France, la loi dispose qu’un visa peut être refusé pour des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la

97 Nous pensons à l’autocensure, se référant au cas où le réalisateur ne tourne pas certains plans afin de s’assurer que son film passera la censure

98 Article L. 242‑5 III du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi ; Article L. 243‑4 du Code de sécurité intérieure

99 Point 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

100 La loi et son contrôle par le Conseil constitutionnel évoquent également d’autres enjeux tenant notamment à la durée de conservation des

101 Voir à cet égard le scepticisme de la doctrine, d’associations et de différentes autorités consultatives sur l’usage de la caméra par la police.

102 Loi n° 2018‑493 du 20 juin 2018.

103 Voir Décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Décision n° 2011‑625 DC du 10 mars 

104 CJUE 11 déc. 2014, aff. C‑212/13, Arrêt de la Cour, František Ryneš v Úřad pro ochranu osobních údajů, D., 2015. 11 ; RTD eur., 2016. 353, obs. F

105 F. Dubuisson, « La Cour européenne des droits de l’homme face à la surveillance de masse », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 129

106 Nicole Belloubet, ancienne membre du Conseil constitutionnel, justifiait notamment la brièveté des décisions du Conseil par le souci « du juge

107 Voir § I. B.

108 La Quadrature du Net, « Projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : Dossier d’analyse de la vidéosurveillance

109 C. Le Foll, C. Pouré, « Des algorithmes au coin de la rue, ou le nouveau business de la vidéosurveillance automatisée », Mediapart, 8 mai 2022.

110 « Policiers “augmentés”, drones et visioplainte : le plan de Darmanin pour 2027 », Mediapart, 11 octobre 2022. T. Desmoulins, « Un regard de

111 Par exemple, le film Blow up de Michelangelo Antonioni (1966) montre bien que l’image ne révèle pas nécessairement la vérité d’une situation, et

112 Cette idée renvoie au passage de société où le pouvoir s’exerce et se diffuse à travers des institutions localisables, à des sociétés où le 

113 Deux exemples iconiques sont le film Minority Report de Steven Spielberg (2002) et le roman 1984 de George Orwell (1949).

114 Force est néanmoins de reconnaître que le Conseil n’a pas été incité par les autorités de saisine à élargir ce champ. Elles se sont centrées sur

115 V. Mazeaud, « La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 48, 2015.

116 Marthe Bouchet déplore, de manière analogue, que « la confrontation des drones à d’autres libertés fondamentales n’a pas encore eu lieu ». M. 

117 Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Avis du 12 novembre 2020 des rapporteurs spéciaux sur la loi « sécurité globale », p. 4.

118 J. Alix et C. Lazerges, « La loi “sécurité globale”, Acte II La policiarisation de la société sous la surveillance du Conseil constitutionnel »

119 Dans leurs deux rapports susévoqués, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (Point 23) et le Défenseur des droits

120 S. Hennette‑Vauchez et D. Roman, Droits de l’homme et liberté fondamentale, 2e éd., Paris, Dalloz, 2015, p. 15.

121 Véronique Champeil‑Desplats envisage, parmi d’autres, cette définition des droits fondamentaux : « Dans l’espace‑temps Z, l’ordre juridique X ou

122 Dans la décision où le Conseil constitutionnel examinait pour la première fois l’usage de la vidéo par la police (vidéosurveillance sur la voie

123 V. Mazeaud, « La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 48, 2015.

124 J. Balkin, « The constitution in the national surveillance state », Minnesota Law Review, n° 93, 2008. Une référence peut être également faite

125 J.‑Ph. Foegle, « L’État de surveillance au régime sec : la CJUE renforce la prohibition de la surveillance », Actualités droits et libertés, n° 

Notes

1 Décision n° 2021‑834 DC du 20 janvier 2022, Loi relative à la sécurité pénale et à la sécurité intérieure.

2 F. Debove, « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 164.

3 L’institution policière est la seule à laquelle nous nous référerons, par volonté de simplification et car elle est la principale concernée par l’objet de la loi. Le texte habilite néanmoins d’autres autorités comme l’armée, la gendarmerie ou la douane, à recourir à la vidéosurveillance et aux drones.

4 Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

5 Le Conseil constitutionnel avait validé la compétence des policiers municipaux de visionner les images de vidéosurveillance des entités publiques et privées ainsi que les dispositifs dits de « caméras piéton ». Il avait, toutefois, censuré les dispositifs au cœur de la loi « sécurité pénale et sécurité intérieure » : la vidéosurveillance en garde à vue, le drone, et la caméra embarquée.

6 S. Slama, « Censure partielle de la loi “sécurité globale” : après demain les drones ? », Le Club des Juristes, 10 juin 2021 ; V. Barbé, « Quarante ans après la décision “Sécurité et liberté”, le Conseil constitutionnel filtre toujours “le moustique [pour] laisser passer le chameau” », Le blog Droit administratif, 7 juillet 2021.

7 Dans l’arrêt « Quadrature du Net », la juridiction administrative enjoignait au préfet de police de Paris de cesser de recourir aux drones à moins qu’il n’opère des ajustements techniques afin que le dispositif ne relève plus du traitement de données personnelles. Sinon, un cadre textuel devait être adopté au moins sous forme règlementaire. CE, ord., 18 mai 2020, Association « La Quadrature du Net » et Ligue des Droits de l’Homme, n° 440442, n° 440445. B. Le Querrec, « Le Conseil d’État ouvre l’espace aux drones », RDLF, n° 81, 2020.

8 Ch. Eisenmann, La justice constitutionnelle de la Haute Cour constitutionnelle en Autriche, Paris, Économica, 1986, p. 17 ; L. Favoreu, « Les décisions du Conseil constitutionnel dans l’affaire des nationalisations », RDP, 1982, pp. 419‑420 ; « La légitimité du juge constitutionnel », RIDC, 1994, pp. 578‑579.

9 J. Alix et C. Lazerges, « La loi “sécurité globale”, Acte II La policiarisation de la société sous la surveillance du Conseil constitutionnel », RSC, 2021, p. 923.

10 Sur les convergences (et divergences) entre les activités du juge constitutionnel et celle du législateur, voir la synthèse de D. Baranger : « Sur la manière française de rendre la justice constitutionnelle : Motivation et raisons politiques dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », JusPoliticum, n° 7, 2012, pp. 18‑22.

11 S. Hennette‑Vauchez, La démocratie en état d’urgence, Paris, Seuil, coll. « Le compte à rebours », 2022, p. 69.

12 Pour la voie publique C. Cass. Crim, 11 décembre 2018, n° 18‑82.365, Crim. 8 décembre 2020, n° 20‑83.885, Dalloz Actualités, notes S. Fucini. Pour l’espace privé, voir l’article 706‑96 du Code de procédure pénale.

13 Article L. 252‑6 du Code de sécurité intérieure.

14 Article L. 241‑2 du Code de sécurité intérieure.

15 Code de procédure pénale, articles 60‑1 et 77‑1‑1.

16 Décision n° 1982‑141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle.

17 Décision n° 1999‑416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d'une couverture maladie universelle.

18 Voir par exemple D. Rousseau, « De quoi le Conseil constitutionnel est‑il le nom ? », JusPoliticum, n° 7, 2012 ; N. Belloubet, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel : justifier et réformer », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 55, 2017.

19 Voir par exemple D. Baranger, « Sur la manière française de rendre la justice constitutionnelle : Motivation et raisons politiques dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », JusPoliticum, n° 7, 2012 ; A. Le Quinio, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel au prisme du modèle ibéro‑américain », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2017, pp. 33‑43.

20 Voir par exemple F. Debove, « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 164.

21 Voir par exemple X. Bioy, « Les drones produisent‑ils des données personnelles ? », AJDA, 2020, p. 1552.

22 Voir par exemple C. Crichton, « Encadrement législatif de la surveillance des drones », Dalloz IP/IT, 2022, p. 63.

23 J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 112.

24 Article L. 211‑1 alinéa 1 du Code du cinéma et de l’image animée.

25 P. Kamina, Droit du cinéma, 2e éd., Paris, LexisNexis, coll. « Droit & professionnels : propriété intellectuelle », 2014, p. 384.

26 Le paquet européen de protection est composé du RGPD, de la directive « Police‑Justice » et de leur traduction dans la loi « Informatique et libertés ».

27 Point 8 (Article L. 256‑2 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

28 Points 28 (Article L. 242‑7 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi) et 43 (Article 230‑48 du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 de la loi).

29 Le contrôle apparaît devoir être plus intense pour le drone et la caméra embarquée en raison du plus grand nombre de personnes couvertes par ces dispositifs. En revanche, en matière de vidéosurveillance, le dispositif ne concerne qu’un individu sur lequel il existe des présomptions de commission d’actes « illicites ».

30 Point 7 (Article L. 256‑2 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

31 Point 26 (Article L. 242‑5 Titre IV du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi).

32 G. Benesty, « Le clair‑obscur du contrôle de la vidéosurveillance », AJDA, 2010, p. 764.

33 Article L. 252‑6 du Code de sécurité intérieure.

34 Point 43 (Article 230‑49 du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 de la loi).

35 Article 66 de la Constitution. F. Debove, « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 165.

36 Pour la voie publique, C. Cass. Crim, 11 décembre 2018, n° 18‑82.365, Crim. 8 décembre 2020, n° 20‑83.885, Dalloz Actualités, notes S. Fucini. Pour l’espace privé, voir l’article 706‑96 du Code de procédure pénale.

37 Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, Points 129 à 141.

38 Point 36 (Article 8 du projet de loi 7° bis).

39 Points 28 (Article L. 242‑7 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi) et 43 (Article 230‑48 du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 de la loi).

40 Point 9 (Article L. 256‑2 du Code de sécurité intérieure al. 3 et 5 introduit par l’article 13 de la loi).

41 Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, Points 83 à 88.

42 P. Kamina, Droit du cinéma, 2e éd., Paris, LexisNexis, coll. « Droit & professionnels : propriété intellectuelle », 2014, p. 275.

43 Le fait de filmer avec un caméscope ou son téléphone portable l’écran sur lequel est projeté un film dans une salle de cinéma est punissable d’une amende de 300 000 euros et de trois ans d’emprisonnement. (Article L. 335‑2 du Code de la propriété intellectuelle).

44 Point 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

45 L’interdiction de la reconnaissance faciale avait, à cet égard, déjà été acquise dans la loi sur la sécurité globale, après l’intervention du Sénat et suite à la pression de l’avis du Défenseur des droits.

46 Points 30 (Article L. 242‑4 du Code de sécurité intérieure modifié par l’article 15 du projet de loi) et 54 (Article L. 243‑3 du Code de sécurité intérieure modifié par l’article 17 du projet de la loi).

47 Points 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi), 30 (Article L. 242‑4 du Code de sécurité intérieure modifié par l’article 15 du projet de loi), 54 (Article L. 243‑3 du Code de sécurité intérieure modifié par l’article 17 du projet de la loi).

48 Article L. 242‑2 et 4 du Code de sécurité intérieure.

49 Article R. 211‑12 du Code du cinéma.

50 Point 11 (Article L. 256‑4 al. 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

51 Point 56 (Article L. 242‑2 al. 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi).

52 Points 11 (Article L. 256‑4 al. 2 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi) et 56 (Article L. 243‑4 al. 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi).

53 Point 56 (Article L. 243‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi).

54 A. Masson, « Production, cinéma », Encyclopædia Universalis, 2022.

55 Jacques Aumont et Michel Marie indiquent que traditionnellement la réalisation s’appliquait au scénario, en tant que mise par écrit à fins cinématographiques d’une histoire orale. J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 226.

56 Robert. M. Cover, « The Supreme Court, 1982 Term – Foreword: Nomos and Narrative », Harvard Law Review, n° 97, pp. 4‑68.

57 F. Debove « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 166 ; exemple X. Bioy, « Les drones produisent‑ils des données personnelles ? », AJDA, 2020, p. 1556.

58 « Vidéosurveillance dans les lieux publics », in C. Féral‑Schuhl (dir.), Cyberdroit. Le droit à l'épreuve de l'Internet, 8e éd., Paris, Dalloz, coll. « Praxis » , 2020.

59 F. Debove « Surveiller et punir dans un monde 3.0 », AJ Pénal, 2022, p. 167.

60 Point 27.

61 Les notions ex ante et ex post distinguent selon que l’usage de la caméra embarquée intervient lorsqu’est « susceptible de se produire un incident » ou se « produit un incident ».

62 Points 6, 7, 25, 42, 52.

63 Points 6, 52.

64 L’autre justification est que ces cas ne sont pas d’une particulière gravité. Point 31.

65 Y. Lavandier, La dramaturgie : l’art du récit, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. « Réflexions faites », 2019, pp. 210‑215.

66 Article L. 256‑1 alinéa 1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi.

67 Article L. 242‑5 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi.

68 Article L. 243‑1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi.

69 Article L. 242‑5 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi.

70 Article L. 243‑1 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi.

71 Point 42.

72 Article 74‑2 du Code de procédure pénale.

73 Articles 74, 74‑1 et 80‑4 du Code de procédure pénale.

74 Le dispositif avait été censuré dans la décision « sécurité globale » car il comprenait les contraventions dans son champ d’application. Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, Point 137.

75 A. Gardies et J. Bessalel, 200 motsclés de la théorie du cinéma, Paris, éd. du Cerf, coll. « 7e art », 2004, p. 161.

76 Point 41. Article 230‑47 du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 de la loi se réfère au « une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu public ». C’est probablement à cet énoncé que le Conseil constitutionnel se réfère quand il évoque les « personnes déterminées ».

77 Ibid.

78 Article 14 du RGPD ; Article 13 de la directive « Police‑Justice » ; Articles 48 et 104 de la loi CNIL.

79 Y. Lavandier, La dramaturgie : l’art du récit, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. « Réflexions faites », 2019, pp. 211‑215.

80 Point 55 (Article L. 243‑2 du Code de sécurité intérieure alinéa 2 par l’article 17 de la loi).

81 Ibid. Le dispositif caméra embarquée avait été censuré dans la loi « sécurité globale » car la dispense d’information n’était pas suffisamment encadrée. Décision n° 2021‑817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, Point 144.

82 Point 9 (Article L. 256‑1 du Code de procédure pénale introduit par l’article 13 de la loi).

83 Voir supra.

84 Point 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 du projet de loi). Point 30 (Article L. 242‑4 alinéa 2 du Code de sécurité intérieure modifié par l’article 15 du projet de loi). Point 55.

85 L’interdiction ne s’applique pas en matière de caméra embarquée et en matière de drone judiciaire, un domaine où la captation sonore était déjà instituée mais seulement dans l’espace privé (Article 706‑96 du Code de procédure pénale).

86 Point 27. Article L. 242‑5 du Code de sécurité intérieure par l’article 15 du projet de loi.

87 S. Slama, « Censure partielle de la loi “sécurité globale” : après demain les drones ? », Le Club des Juristes, 10 juin 2021.

88 J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 48.

89 Article L. 242‑5 IV du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 du projet de loi.

90 Point 44 (Article 230‑49 alinéa du Code de procédure pénale introduit par l’article 16 du projet de loi).

91 Pour le régime d’autorisation de tournage de la ville de Paris, voir par exemple [En ligne] URL : https://www.paris.fr/pages/deposer-une-demande-d-autorisation-de-tournage-a-paris-16204.

92 Points 19, 29, 53 (Article L. 242‑5 III du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi et Article L. 243‑4 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi).

93 Article L. 251‑3 du Code de sécurité intérieure.

94 Décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Point 3.

95 J. Aumont et M. Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, 3e éd., Paris, Armand Colin, 2016, p. 47.

96 En France, la loi dispose qu’un visa peut être refusé pour des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine. Article L. 211‑1 du Code du cinéma et de l’image animée.

97 Nous pensons à l’autocensure, se référant au cas où le réalisateur ne tourne pas certains plans afin de s’assurer que son film passera la censure officielle.

98 Article L. 242‑5 III du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 15 de la loi ; Article L. 243‑4 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 17 de la loi.

99 Point 10 (Article L. 256‑3 du Code de sécurité intérieure introduit par l’article 13 de la loi).

100 La loi et son contrôle par le Conseil constitutionnel évoquent également d’autres enjeux tenant notamment à la durée de conservation des enregistrements, à leur intégrité, et à la traçabilité des consultations.

101 Voir à cet égard le scepticisme de la doctrine, d’associations et de différentes autorités consultatives sur l’usage de la caméra par la police. Ce scepticisme s’était exprimé principalement lors de l’adoption de la loi « sécurité globale » mais la loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure » apparaît loin de pouvoir dissiper tous les doutes et critiques. P. Cassia, « Demain les drones », Mediapart, 20 mai 2020 ; S. Slama, « Censure partielle de la loi “sécurité globale” : après demain les drones ? », Le Club des Juristes, 10 juin 2021 ; La Quadrature du Net, « Sécurité globale : nos arguments juridiques », 15 février 2021 ; V. Barbé, « Quarante ans après la décision “Sécurité et liberté”, le Conseil constitutionnel filtre toujours “le moustique [pour] laisser passer le chameau” », Le blog Droit administratif, 7 juillet 2021 ; M. Bouchet, « Les drones face aux enjeux de droit pénal et de libertés fondamentales », Dalloz IP/IT, 2022, p. 299 ; CNIL, Délibération n° 2021‑011 du 26 janvier 2021 portant avis sur une proposition de loi relative à la sécurité globale ; CNCDH, Avis du 26 novembre 2020 sur la proposition de loi relative à la sécurité globale ; Défenseur des droits, Avis n° 20‑06 du 17 novembre 2020.

102 Loi n° 2018‑493 du 20 juin 2018.

103 Voir Décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, Décision n° 2011‑625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI).

104 CJUE 11 déc. 2014, aff. C‑212/13, Arrêt de la Cour, František Ryneš v Úřad pro ochranu osobních údajů, D., 2015. 11 ; RTD eur., 2016. 353, obs. F. Benoît‑Rohmer, ou plus récemment, CJUE 14 février 2019, aff. C‑345/17, D., 2019. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; Légipresse, 2019. 261 ; Voir également V. Barbé « “La sécurité globale” et le droit de l’Union européenne », in J. Gallois et R. Maurel (dir.), La sécurité globale : Perspectives juridiques et éthiques, Toulouse, éd. l’Épitoge, coll. « l’Unité du droit », vol. XXXVI, 2022, pp. 139‑149.

105 F. Dubuisson, « La Cour européenne des droits de l’homme face à la surveillance de masse », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 129, 2022, pp. 123‑141 ; L. Benezech « La conformité de la loi “sécurité globale” à la CEDH », in J. Gallois et R. Maurel (dir.), La sécurité globale : Perspectives juridiques et éthiques, Toulouse, éd. l’Épitoge, coll. « l’Unité du droit », vol. XXXVI, 2022, pp. 149‑157.

106 Nicole Belloubet, ancienne membre du Conseil constitutionnel, justifiait notamment la brièveté des décisions du Conseil par le souci « du juge constitutionnel de conserver sa liberté ». N. Belloubet, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel : justifier et réformer », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 55, 2017.

107 Voir § I. B.

108 La Quadrature du Net, « Projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : Dossier d’analyse de la vidéosurveillance automatisée », 21 janvier 2023.

109 C. Le Foll, C. Pouré, « Des algorithmes au coin de la rue, ou le nouveau business de la vidéosurveillance automatisée », Mediapart, 8 mai 2022.

110 « Policiers “augmentés”, drones et visioplainte : le plan de Darmanin pour 2027 », Mediapart, 11 octobre 2022. T. Desmoulins, « Un regard de constitutionnaliste sur la LOPMI », JusPoliticum Le Blog, 21 octobre 2022.

111 Par exemple, le film Blow up de Michelangelo Antonioni (1966) montre bien que l’image ne révèle pas nécessairement la vérité d’une situation, et peut même, dans certains cas, orienter le spectateur vers une contre‑vérité.

112 Cette idée renvoie au passage de société où le pouvoir s’exerce et se diffuse à travers des institutions localisables, à des sociétés où le pouvoir s’horizontalise. Le pouvoir y serait immanent au champ social et exercé, reproduit, et sanctionné en continu par et dans l’ensemble de ce champ. Voir G. Deleuze, « Postscriptum », in Pourparlers 1972‑1990, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Reprise », 2003, 249 p.

113 Deux exemples iconiques sont le film Minority Report de Steven Spielberg (2002) et le roman 1984 de George Orwell (1949).

114 Force est néanmoins de reconnaître que le Conseil n’a pas été incité par les autorités de saisine à élargir ce champ. Elles se sont centrées sur le droit à la vie privée et ne mentionnaient qu’à titre accessoire la liberté de manifester et le droit à l’expression collective des idées et des opinions.

115 V. Mazeaud, « La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 48, 2015.

116 Marthe Bouchet déplore, de manière analogue, que « la confrontation des drones à d’autres libertés fondamentales n’a pas encore eu lieu ». M. Bouchet, « Les drones face aux enjeux de droit pénal et de libertés fondamentales », Dalloz IP/IT, 2022, p. 299. 

117 Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Avis du 12 novembre 2020 des rapporteurs spéciaux sur la loi « sécurité globale », p. 4.

118 J. Alix et C. Lazerges, « La loi “sécurité globale”, Acte II La policiarisation de la société sous la surveillance du Conseil constitutionnel », RSC, 2021, p. 923 ; C. Lazerges, « Le droit à la sécurité a‑t‑il effacé le droit à la sûreté ? L’exemple de la loi “sécurité globale” », La Revue des droits de l’homme, n° 20, 2021.

119 Dans leurs deux rapports susévoqués, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (Point 23) et le Défenseur des droits esquissaient cet argument (p. 9).

120 S. Hennette‑Vauchez et D. Roman, Droits de l’homme et liberté fondamentale, 2e éd., Paris, Dalloz, 2015, p. 15.

121 Véronique Champeil‑Desplats envisage, parmi d’autres, cette définition des droits fondamentaux : « Dans l’espace‑temps Z, l’ordre juridique X ou l’auteur A considère comme des droits fondamentaux des énoncés fondant l’ordre juridique. » V. Champeil‑Desplats, « Identifier un concept unique de droits fondamentaux », Revue française de droit constitutionnel, n° 120, 2019, p. 874.

122 Dans la décision où le Conseil constitutionnel examinait pour la première fois l’usage de la vidéo par la police (vidéosurveillance sur la voie publique), la juridiction avait adopté une posture inverse. Le droit à la vie privée était envisagé comme une composante de la liberté individuelle de l’article 66 de la Constitution. Décision n° 94‑352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

123 V. Mazeaud, « La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 48, 2015.

124 J. Balkin, « The constitution in the national surveillance state », Minnesota Law Review, n° 93, 2008. Une référence peut être également faite aux travaux de Deleuze et au concept de sociétés de contrôle. Voir G. Deleuze, « Postscriptum pour un résumé de la notion », in Pourparlers 1972‑1990, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Reprise », 2003, 249 p.

125 J.‑Ph. Foegle, « L’État de surveillance au régime sec : la CJUE renforce la prohibition de la surveillance », Actualités droits et libertés, n° février, 2017.

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Référence électronique

Alexis BLOUËT, « Du droit à la vie privée au régime du film de police : le Conseil constitutionnel et la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure », La Revue du Centre Michel de L'Hospital [En ligne], 26 | 2023, mis en ligne le 20 juillet 2023, consulté le 01 mai 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=1476

Auteur

Alexis BLOUËT

Enseignant-chercheur contractuel à l’Université Grenoble Alpes, chercheur-associé à l’Université d’Édimbourg

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