Les enseignants dans la relation aux autres

Une question de distance et de lien social ?

Teachers and Interpersonal Relationships: a Question of Distance and Social Link?

DOI : 10.52497/kairos.192

Résumés

La question de la reconfiguration de la distance et du lien social se pose avec acuité dans les relations professeur-élèves. Elle mérite d’être éclairée sociologiquement. Pour ce faire, l’objectif du chapitre est double : clarifier le sens de ces termes et analyser les influences des reconfigurations de la distance sociale professeur-élèves sur les comportements des premiers envers les seconds. À partir d’entretiens menés auprès d’enseignants du secondaire, il s’attache à montrer comment les influences des reconfigurations de la distance sociale, contrariées, consenties, voire subies, transforment ou non leurs pratiques langagières orales.

Social distance and social link are important in the relationships between teachers and pupils. This question deserves to be examined with a sociological eye. The aim of this book chapter is to clarify the meaning of the terms (“social distance” and “social link”) and to analyze the influences of the social distance reconfigurations on the behavior of the first towards the second. Based on interviews with secondary school teachers, this chapter aims to show how do the influences of social distance reconfigurations change or not their oral language practices.

Index

Mots-clés

distance, contexte, professeur, élève, lien social

Keywords

social distance, social link, context, teacher, pupils, relationships

Plan

Texte

Introduction

À l’heure où l’école est profondément interculturelle (Pretceille, 2013), la question de la distance et du lien social se pose avec une acuité maximale. Ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, si l’on entend par distance, comme nous le verrons plus loin, la distance sociale professeur-élèves, notons que les profils sociologiques des professeurs et des élèves ont sensiblement évolué. D’un côté, la tendance dans l’enseignement secondaire en France est celle d’une moyennisation du recrutement social des professeurs – carrière désormais moins embrassée par les milieux privilégiés et plus investie par les milieux moins avantagés (Farges, 2011 ; Deauviau, 2005). De l’autre, l’accroissement des demandes d’éducation, la massification scolaire et l’allongement des études concourent à ce que le collège soit investi par tous les milieux sociaux (Dubet, 2002 ; Poullaouec, 2010). De ces évolutions, il en résulte que « l’indice de dissimilarité sociale mesurant la déformation entre la sociologie des enseignants et l’origine sociale des élèves montre un écart de 24 % pour les professeurs du secondaire public » (Périer, 2014, p. 63). L’une des manifestations concrètes de cette dissimilarité s’exprime dans les perceptions de la « plupart des enseignants [qui] s’accordent à souligner un fort décalage avec leurs élèves que ce soit sous l’angle du langage, des références culturelles ou des domaines d’intérêt qui puisent largement dans leur univers quotidien » (Périer, 2003, p. 35). Les professeurs du secondaire, aussi bien les « débutants » que les « plus anciens », ont donc à composer avec cette « nouvelle donne » de la distance.

Deuxièmement, la question de la distance sociale, et plus encore celle de sa reconfiguration, est centrale dans l’enseignement. Elle est même intrinsèque à la carrière des professeurs du secondaire. En effet, les collèges au sein desquels évoluent ces derniers sont touchés par une ségrégation sociale et ethnique (Félouzis, 2005 ; Trancart, 1998). Les cadres dans lesquels ils interviennent sont donc différents (Beaud et Weber, 1992). Le « degré de distance sociale et culturelle entre professeurs et élèves » est variable d’un lieu à un autre. En clair, les professeurs ont à faire l’expérience non seulement de ces différents lieux, mais aussi, simultanément, de ces variations ou reconfigurations de la distance. Ceci est d’autant plus vrai que la carrière des professeurs est structurée autour d’une « mobilité horizontale » (Becker, 1952) – carrière qui se caractérise par une succession d’établissements au sein desquels la distance professeur-élèves n’est que rarement identique. À cet égard, les professeurs débutants ne sont-ils pas plus souvent affectés dans les établissements difficiles et « plus directement confrontés au risque de dissonance culturelle avec les élèves » ? Tandis que « les professeurs accomplissent leur seconde partie et fin de carrière auprès d’élèves qui leur sont sociologiquement plus ressemblants (Léger, 1983) » (Périer, 2014, p. 63) ? Par suite, ces reconfigurations de la distance n’ont-elles pas une incidence sur le lien social ?

Troisièmement, il nous faut souligner que quelques recherches donnent des éléments de réponses sur cette articulation entre distance et lien social dans la relation éducative. Elles laissent penser que certains contextes d’établissement peuvent généralement conduire les professeurs à réaliser des ajustements pratiques. C’est le cas des travaux d’Agnès Van Zanten sur L’école de la périphérie (2001). Elle met par exemple en évidence comment les professeurs qui restent dans les établissements populaires de l’éducation prioritaire développent une « éthique relationnelle ». D’autres travaux montrent en revanche que la réalité des conditions d’exercice du métier et les difficultés d’établir des relations avec les élèves seraient inégalement ressenties par les professeurs. Elles dépendraient de l’origine sociale de ces derniers, de celles de leurs élèves et de leurs dispositions mutuelles. Du moins serait-ce le cas si l’on en suit Pascal Guibert et Gilles Lazuech, qui relèvent :

Les professeurs d’origine sociale populaire semblent établir de meilleures relations avec leurs élèves que les professeurs d’origine sociale élevée.

Alors que, à l’inverse, « il y a, pour les professeurs issus des milieux à fort capital culturel, un choc à rebours. Ce ne sont plus les élèves qui sont inadaptés à l’école, c’est pourrait-on dire, l’enseignant qui n’est pas adapté à ses élèves » (Guibert et Lazuech, 2012, p. 68-69). Serait-ce alors à dire que la similarité sociologique professeur-élèves est indispensable pour que la communication s’établisse entre eux ? Et que la distance sociale professeur-élèves impacte la capacité des premiers à surmonter les distances (langagières, culturelles, symboliques, etc.) pour nouer contact avec les seconds ?

En tout cas, les trois raisons non exhaustives que nous venons d’évoquer – déformation entre la sociologie des enseignants et l’origine sociale des élèves, variation croissante de la distance sociale professeur-élèves entre les lieux d’exercice, et difficultés inégalement vécues par les professeurs pour nouer du lien avec les élèves, pour être bref –, montrent clairement que la question de la distance et du lien social dans la relation éducative mérite d’être posée. Pourtant, peu de recherches s’y sont affrontées. À notre connaissance, aucune d’entre elles n’est thématisée spécifiquement autour de ces deux concepts. Notre objectif est donc d’apporter quelques éclairages à cette question, en posant plus précisément la problématique suivante : comment une reconfiguration de la distance sociale professeur-élèves modifie-t-elle le lien social ? Pour ce faire, la première étape consistera à clarifier les termes de distance et de lien social. Nous proposerons d’éclairer la question du lien social à l’aune d’une sociologie dispositionnaliste de la socialisation et de l’action (Lahire, 2013). Nous pourrons alors allouer un sens à la reconfiguration de la distance sociale et à la modification du lien social. Une deuxième étape visera à restituer les procédures de l’enquête – un travail mené par entretiens auprès de cinquante professeurs du secondaire de l’ouest de la France – sur laquelle nous prenons appui. Enfin, dans une troisième étape, d’une part nous chercherons à saisir comment les professeurs éprouvent subjectivement une reconfiguration de la distance sociale ; d’autre part nous dégagerons les effets que cette dernière peut avoir sur le lien social.

Qu’est-ce exactement que la distance et le lien social ?

La distance sociale et sa reconfiguration

Pour commencer, le concept de distance est largement polysémique. Il n’y a donc pas une, mais plusieurs distances :

La distance est à la fois spatiale, temporelle, mais aussi technologique, psychosociale et socio-économique (Jacquinot, 1993, p. 57).

Pour autant, sans doute n’est-il pas envisageable pour le chercheur de considérer et de manipuler ensemble toutes ces distances. Aussi apparaît-il nécessaire de privilégier un type de distance. La distance sociale entre le professeur et les élèves retient donc toute notre attention. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer : si nous avons choisi de nous intéresser à ce type de distance, c’est parce que, d’une part, c’est un défi que de parvenir à en saisir les effets sur les relations sociales (Jacquinot, 1993) ; et c’est parce que, d’autre part, la distance sociale est au cœur de la relation éducative : dans le face-à-face pédagogique, cette dernière se caractérise par la rencontre entre un professeur et des élèves où le premier est socialisé par « l’ensemble des expériences sociales qui l’ont amené jusqu’au métier d’enseignant » (Lahire, 2011, p. 33), tandis que les seconds ne sont pas vierges d’expériences passées mais porteurs d’un patrimoine de dispositions (ibid., p. 48). Plus précisément, le professeur et les élèves sont donc les dépositaires d’un ensemble de propriétés sociales – propriétés qui les situent dans un espace social. Ces derniers sont « justiciables d’une analysis situs, d’une topologie sociale » (Bourdieu, 2003, p. 195) : ils peuvent être situés dans cet espace en fonction d’un ensemble de propriétés déterminant leurs positions, dispositions et prises de position (Bourdieu, 1979). Il s’ensuit que la distance sociale représente les différences ou l’écart d’origine sociale et de dispositions incorporées entre le professeur et ses élèves. Mais soyons clairs : la distance est à la fois objectivée par le chercheur (connaissance sociologique), comme elle est aussi, bien que différemment, perçue par les acteurs (connaissance pratique). Il n’y a donc aucun sens à se focaliser sur un type d’analyse1, bien qu’ici nous nous intéresserons surtout à la manière dont le professeur éprouve cette distance suivant les lieux dans lesquels il exerce. La distance sociale définie2, voyons le sens que nous octroyons à sa reconfiguration.

Par une reconfiguration de la distance sociale, on entendra, dans son premier sens, un changement de contexte3 où l’écart qui sépare le professeur des élèves est modifié. Passer, par exemple, d’un lieu d’exercice où le professeur et les élèves ont sensiblement les mêmes propriétés sociales, où le premier se sent familier des seconds, du fait qu’il connaît leur histoire et leurs conditions actuelles d’existence, à un autre lieu d’exercice, où le professeur ne dispose pas des mêmes propriétés sociales que les élèves, et où domine un « sentiment d’étrangeté » (Rayou et Van Zanten, 2004), illustre ce que l’on désigne par ce terme. La reconfiguration de la distance sociale ne revêt toutefois pas une seule signification. Elle est aussi ce qui est fait in situ par le professeur avec un public d’élèves pour aller par-delà les ressemblances ou dissemblances sociologiques – c’est-à-dire l’ensemble des pratiques, procédés et subterfuges mis en œuvre dans un contexte qui permettent de réduire, maintenir ou accroître la distance initiale. À l’image, mutatis mutandis, de la relation entre l’enquêteur et l’enquêté, et de ce que fait le premier pour réduire (ou reconfigurer) la distance sociale d’avec le second (Bourdieu, 1993). En effet, si « la distance sociale n’est pas un attribut fixe des relations enquêteur/enquêté, mais une dimension susceptible de jeu » (Bonnet, 2009), il en est de même, bien qu’avec une rationalité et une visée différente, des relations professeur-élèves. Résumons-nous : nous octroyons donc deux sens à la reconfiguration de la distance sociale. D’une part elle est, pour le professeur, un changement du contexte où l’écart qui le sépare des élèves est modifié. Elle correspond, d’autre part, à une transformation relative des différences de propriétés sociales entre le professeur et ses élèves. Mais s’il est établi que les professeurs font souvent l’expérience d’une reconfiguration de la distance sociale, quelles incidences cela a-t-il sur le lien social ? Et, avant cela, qu’est-ce que le lien social ?

Le lien social et sa modification

Sébastien Rouquette précise, en introduction du livre Nouer le lien social, que :

Contrairement à ce qu’annoncent régulièrement de nombreux Cassandre, le lien social ne décline pas. Il risque encore moins de (se) casser. Ne serait-ce que parce que l’homme est avant tout, comme le dit Georg Simmel, un être de liaison. Les individus sont à la fois reliés entre eux et reliés les uns avec les autres par des « influences et des déterminations éprouvées réciproquement (Rouquette, 2015).

Plus précisément, à l’aune des apports de Georg Simmel (mais aussi de Tönnies, Durkheim ou Weber4), nous définissons le lien social comme l’ensemble des influences sur les comportements des professeurs qui surgissent des relations dans lesquelles ils s’insèrent. Dès lors, nous relions la problématique du lien social à une sociologie dispositionnaliste de la socialisation et de l’action. C’est en effet le propre de ce type de démarche scientifique que de prendre en compte « les forces et contre-forces, internes (dispositionnelles) comme externes (contextuelles) », ici celles qui pèsent sur les professeurs. Ne pouvant pas présenter en détail cette approche, soulignons donc simplement que les « forces internes » auxquelles sont sujets les comportements des professeurs sont le produit des multiples formes de la socialisation5. Ces dernières passent par le corps qui conserve la trace des expériences passées Faure, 2011 ; et, lorsque ces « expériences ont forgé chez l’acteur des habitudes particulières de comportement, d’action ou de réaction, celles-ci peuvent devenir des dispositions ». Des dispositions « au sens de tendance à croire, penser, voir, sentir, apprécier ou agir d’une certaine manière » (Lahire, 2013). Ces forces internes ne sont pas indépendantes des influences externes liées aux contextes au sein desquels ils gravitent : la distance sociale professeur-élèves détermine la nature et la combinaison de ces influences. Elle pèse plus ou moins sur les comportements des professeurs. Ainsi, on l’a compris, le lien social peut être appréhendé comme l’ensemble des influences internes (dispositionnelles) et externes (contextuelles) qui agissent sur les pratiques des professeurs. Le lien social défini, ceci nous conduit à clarifier ce qu’est une modification du lien social.

Une modification du lien social renvoie à une modification, même légère, de la configuration des forces ou du « parallélogramme des forces » (Lahire, 2005, p. 423) qui pèsent sur les professeurs. Mais si l’on a en tête la formule suivante « Dispositions + Contexte = Pratiques », cette modification du lien social doit s’appréhender à l’aune des pratiques. Parce que les forces sont « inobservables en tant que telles », les éventuelles modifications de leur configuration seront donc appréhendées et reconstruites par le chercheur « sur la base de la description (ou de la reconstruction) des pratiques », et sur celle « de la description (ou de la reconstruction) des situations dans lesquelles ces pratiques se sont déployées » (Lahire, 2001, p. 92). Les pratiques verbales des professeurs sont observables et elles occupent une place essentielle dans la relation pédagogique (Bautier, 2008 ; Pujade-Renaud, 2005). De là découle donc une hypothèse, qui se formule comme suit : les professeurs qui font l’expérience d’une reconfiguration de la distance sociale modifient consciemment ou non leurs pratiques verbales orales. Par là il sera donc possible d’apporter quelques éléments de réponse à la question : comment une reconfiguration de la distance sociale modifie-t-elle le lien social ?

Méthodologie de recueil des données

Le dispositif d’enquête mis en place s’est effectué en deux temps. Dans un premier temps, pour repérer des établissements scolaires socialement contrastés, nous avons demandé les données à la Direction de l’Évaluation de la Prospective et de la Performance. Ces dernières ont permis d’avoir une vue précise de la répartition des élèves et de leurs origines sociales en fonction des établissements de la ville du Mans. Six établissements ont donc été retenus : deux mixtes socialement, deux qui recrutent surtout des élèves issus de milieux populaires, deux qui concentrent des élèves de milieux favorisés. Le principe de ces choix est que nous souhaitions recueillir des propos de professeurs qui vivent in situ des expériences contrastées.

Dans un second temps, des entretiens ont été menés auprès de professeurs du secondaire. Si les observations en situation sont sans nul doute pertinentes pour étudier les relations de face-à-face, ces dernières n’auraient pas permis de retracer, mettre en regard et comparer comment les professeurs ont vécu depuis leur début dans le métier des reconfigurations successives de la distance sociale professeur-élèves – ce que permet l’entretien. Les entretiens collectés sont de première et de deuxième main. De première main : en rencontrant trente-cinq professeurs. De deuxième main : deux groupes d’étudiants en 3e année de licence en Sciences techniques des Activités physiques et sportives, que nous avons formés aux techniques et méthodes en sociologie, ont conduit quinze entretiens (Hughes, 1996). Les professeurs interviewés ont été sélectionnés de sorte qu’il soit possible d’avoir une diversité de profils selon l’origine sociale, l’âge, le sexe, la discipline enseignée, le type d’établissement. Dans les deux cas, les entretiens s’appuyaient sur la même grille. Cette grille était structurée en six parties : la dimension biographique de l’enseignant, l’établissement et ses élèves, l’action pédagogique, la tenue professorale, le discours de l’enseignant, le placement et les distances. L’ordre de ces parties n’a pas été toujours suivi scrupuleusement, le but étant d’éviter une reconstruction linéaire des expériences de la distance sociale professeur-élèves. Par là, l’objectif était de proposer aux professeurs de faire des allers-retours entre leurs différentes expériences d’établissement et de classe, mais aussi, de les faire verbaliser sur leurs pratiques dans ces cadres et, ainsi, d’en ressortir les ressemblances et spécificités. Mais toutes les questions de la grille ont toujours été posées. Les hypothèses et enjeux théoriques n’étaient pas livrés aux enquêtés pour éviter de recueillir des propos qui se seraient révélés fortement biaisés. Les questions n’ont jamais porté directement sur la distance sociale et le lien social. Elles ont été posées de façon indirecte, en cherchant à faire parler les professeurs sur leurs expériences des différents lieux d’exercice, ainsi que sur leurs pratiques verbales. Ces entretiens ont été enregistrés par dictaphone avec le consentement des participants. Ils duraient d’une à trois heures. Ces entretiens ont ensuite été retranscrits intégralement. Ils ont été analysés en ayant pour guide, dans le travail de codage, notre problématique et nos hypothèses. Ce travail s’est effectué à l’aide d’un logiciel d’analyse qualitative (logiciel Nvivo). Les quelques résultats que nous allons présenter mettent en évidence quelques tendances : celles relatives à la manière dont les professeurs font l’expérience d’une reconfiguration de la distance sociale ; et celles relatives à ses effets sur leurs pratiques, notamment leurs pratiques langagières orales.

Comment la reconfiguration de la distance sociale modifie-t-elle le lien social dans la relation éducative ?

Pour mettre à l’épreuve des faits notre problématique, nous chercherons à saisir comment une reconfiguration de la distance sociale peut modifier les influences qui pèsent sur les professeurs. Nous verrons que les professeurs peuvent résister, consentir voire subir ces influences ; et que l’analyse de leurs pratiques langagières orales permet d’en rendre compte.

Des pratiques langagières orales sous influences contrariées, consenties ou subies ?

Dans un chapitre de livre intitulé « De la nécessité de ne pas dissocier le langagier et le social », Bernard Lahire montre combien les différentes formes de pratiques langagières sont partout présentes dans les investigations sociologiques, mais aussi à quel point, paradoxalement, les sociologues tendent à les ignorer ou à les négliger en tant que telles (Lahire, 2015). Il poursuit en soulignant, toujours dans ce même chapitre, qu’en dépit de la difficulté à saisir les pratiques langagières, « la complexité du problème ne devrait pas empêcher des tentatives, même modestes, pour le résoudre » (ibid., p. 32). C’est précisément ce type d’entreprise, modeste, que nous avons entrepris en cherchant à saisir comment les professeurs se représentent subjectivement leurs pratiques langagières orales en fonction des reconfigurations de la distance sociale professeur-élèves, liées à des changements de contextes d’établissement et de classe socialement contrastés. Les professeurs enquêtés n’ont pas des représentations en tous points identiques. Nos enquêtés se scindent en deux groupes : d’un côté les professeurs qui estiment ne pas modifier leurs pratiques orales, en dépit de toute reconfiguration de la distance sociale professeur-élèves ainsi que des influences contextuelles qui pèsent sur eux. Et de l’autre, les enquêtés, significativement plus nombreux, qui consentent volontairement ou non à ces influences contextuelles en modifiant leurs discours oraux au gré des reconfigurations de la distance. Aux marges de ce second groupe, on trouve aussi des cas limites de professeurs qui tentent de transformer leurs pratiques langagières orales au gré des reconfigurations d’une distance sociale professeur-élèves largement subie.

Le premier groupe d’enquêtés concentre dans l’ensemble des professeurs âgés et des professeurs débutants qui perçoivent leur métier comme une vocation. La plupart sont issus de milieux socialement avantagés. Ils sont souvent d’anciens bons élèves et une partie d’entre eux ont fait tout ou partie de leur scolarité dans des grandes écoles (Sciences Po notamment). Anciens bons élèves, l’excellence scolaire est capitale à leurs yeux. Devenus professeurs, leur rapport au savoir scolaire et à l’école n’est pas anodin : il oriente leurs pratiques. En la matière, lorsque sont évoquées leurs pratiques langagières orales, ces professeurs tendent à penser qu’il est nécessaire d’adopter un « langage soutenu en toutes circonstances », peu importe la distance sociale professeur-élèves et sa reconfiguration : « Je privilégie un langage soutenu en toutes circonstances, et des tournures de phrases élaborées. Ça, c’est les consignes données par nos inspecteurs. Si nous ne les immergeons pas dans un langage recherché, ce n’est pas d’autres personnes qui le feront pour nous », déclare ainsi Camille, certifiée en français, à la suite de son arrivée dans un établissement populaire. Ces professeurs cherchent à se conformer à l’idée qu’ils se font de ce que doit être un professeur, c’est-à-dire une personne qui doit parler la langue légitime et acculturer les élèves, notamment ceux les plus éloignés de la culture scolaire, à un savoir dire à la fois demandé et récompensé par l’école. Les modifications de contraintes contextuelles liées à des changements de contexte d’établissement semblent alors peu peser sur leurs pratiques langagières orales. Pour eux, c’est surtout aux élèves de s’adapter. Les professeurs débutants de ce groupe d’enquêtés diffèrent néanmoins des professeurs plus âgés : s’ils déclarent ne pas modifier leurs pratiques orales en fonction de la distance sociale professeur-élèves et de ses reconfigurations, c’est surtout parce qu’ils seraient concentrés – et même selon leurs mots « aveuglés » – par le contenu disciplinaire à dispenser. Ces professeurs peuvent toutefois prendre conscience du décalage entre leurs pratiques et les contraintes contextuelles liées aux profils sociaux des élèves auxquels ils s’adressent, bref, comprendre rétrospectivement que « ce qui fait défaut au départ, c’est la communication » (Clémence, certifiée, Physique-Chimie). Aussi, dans ce cas précis, leurs pratiques orales évolueraient au gré de leur avancée dans leur carrière, au prix cependant d’un important processus de socialisation et de travail sur soi :

Changer ma façon de m’exprimer, même ma façon de ressentir le monde, de ressentir mes besoins et les besoins des élèves, ça prend vachement du temps, ça se fait lentement (Solène, certifiée, français).

Le second groupe d’enquêtés se caractérise quant à lui par une proportion plus importante de professeurs issus de milieux sociaux moins avantagés. Ils accordent une grande importance à la dimension relationnelle du métier. Ils n’évoquent jamais les dispositions et compétences demandées par l’institution suivant lesquelles il faudrait « utiliser un langage clair et adapté aux capacités de compréhension des élèves » (BOEN, 2013), mais semblent s’y conformer. En effet, à en suivre les propos de ces enquêtés, une reconfiguration de la distance sociale professeur-élèves, liée à un changement de contexte d’établissement, entraîne généralement chez eux une modification de leurs pratiques langagières orales. Maxime, certifié en EPS, rapporte comment de telles modifications peuvent advenir :

Ouais [mon discours a évolué], parce que je n’étais pas du tout dans le même type d’établissement l’année dernière surtout. C’était un établissement un petit peu plus bourgeois si on peut le qualifier comme ça, un peu plus favorisé, donc on avait des manières différentes de se comporter, de parler, plus distinguées, donc déjà là, je vois une grosse évolution.

En cela, peut-on avancer, la reconfiguration de la distance sociale professeur-élèves modifie les forces et influences (ou dit autrement, le lien social) qui pèsent sur les professeurs. Ceci s’observe concrètement par les transformations des pratiques langagières orales que ces derniers réalisent pour adapter intentionnellement ou non leur offre langagière aux aptitudes linguistiques réelles ou supposées des élèves. Du moins est-ce ce que déclare ce second groupe d’enquêtés. Cela ne signifie pas qu’ils affirment tous « parler comme leurs élèves », mais plutôt qu’ils cherchent à se mettre au diapason ou à leur portée. En d’autres termes, ils cherchent à réduire la distance sociale professeur-élèves et ses effets. Ceci pour éviter autant que faire se peut les malentendus dans la communication (Gumperz, 1989 ; Bautier et Rochex, 1997). Ceci aussi pour motiver les élèves et créer par là les conditions favorables à l’apprentissage, notamment quand ils exercent dans des établissements difficiles :

J’étais beaucoup plus dans le langage jeune quand j’étais jeune prof et notamment quand j’étais confronté à des élèves ZEP. Il y a un effet-langage. Le fait d’avoir le même langage qu’eux, les mêmes codes qu’eux faisaient qu’on était facilement intégrés et respectés. Du coup on avait des meilleurs résultats en termes d’implication (Myriam, certifiée, Éducation physique et sportive).

Les modifications des pratiques langagières orales de ces professeurs ne sont toutefois pas seulement la conséquence d’un changement d’établissement. En fonction des classes, l’expérience de la distance sociale professeur-élève est variable. Et pour cause : aux disparités entre collèges s’ajoute l’écart social entre élèves de classes différentes. Elles constituent même un surcroît de ségrégation sociale d’ampleur similaire à celle enregistrée entre les établissements (Ly, Maurin et Riegert, 2014). Concrètement, le niveau scolaire des élèves, leurs profils sociaux et culturels, la dynamique du groupe-classe, ou encore la taille des effectifs, voilà quelques-unes des contraintes variables d’une classe à l’autre avec lesquelles les professeurs doivent s’arranger. Ces dernières ne seraient pas sans effets. Elles impacteraient leur « être enseignant », distinct suivant les groupes-classes. À l’image de ce que peut rapporter Marc (certifié, français) :

Moi, je suis professeur de latin, de grec ancien, de français. Je ne suis absolument pas le même enseignant dans tous ces groupes-là ! Pour eux, je ne suis pas du tout le même enseignant !

De même est-ce le cas de Marion (certifiée, français), qui explique les modifications de ses pratiques langagières et de sa manière d’être d’enseignante en recourant à une métaphore : celle d’une « casquette » à revêtir ou à retirer suivant les classes :

J’ai senti cette année qu’en fait on n’était pas pareil et on ne parle pas pareil d’une classe à l’autre. C’est un peu bizarre, parce qu’on n’est pas bipolaire, mais (rire) on se dit qu’on est capable d’avoir, pas plusieurs personnalités, mais (rires), c’est comme en fait une casquette qu’on met, qu’on enlève […] en fonction de la classe ou du profil d’élève qu’on va avoir dans la classe (certifiée, Lettres modernes).

Le « genre de discours », ou, si l’on préfère, le registre des discours oraux de ces professeurs serait modifié en fonction des modifications des contraintes contextuelles liées aux changements de classe. Finalement, dans ce second groupe d’enquêtés, on voit donc bien comment des reconfigurations de la distance sociale professeur-élèves semblent pouvoir affecter et même transformer en partie les comportements langagiers oraux des premiers envers les seconds. Ces transformations paraissent être dans l’ensemble – intentionnellement ou non et consciemment ou pas – consenties. Mais il n’en est pas toujours ainsi.

Au sein de ce même groupe, on trouve quelques cas limites de professeurs, qui certes consentent, mais surtout subissent les reconfigurations de cette distance sociale professeur-élèves. Ces phénomènes surviennent notamment lorsque les professeurs sont en situation d’éprouver de forts décalages entre leurs propriétés et celles de leurs élèves, décalages qu’ils ne parviennent pas à durablement surmonter. C’est par exemple le cas de Gaëlle6. Lors de sa première expérience professionnelle dans un « très, très beau collège de centre-ville » de l’ouest de la France, elle a dû opérer une mise en conformité ou, mieux, une « hypercorrection sociale » (Sayad, 1999) de ses pratiques langagières. Reprise par les élèves sur son langage, tout se passe en effet comme si elle portait encore en elle les traces de son origine sociale, les marques de son point de départ (son père est ouvrier non qualifié, sa mère a toujours été sans activité professionnelle, et tous deux ne savent ni lire ni écrire). Et que cela se manifestait à travers ses manières de parler. De ce fait, dans ce contexte, elle s’est mise à contrôler et à surveiller son langage. Aussi explique-t-elle :

Là, dans cet établissement, je faisais très attention aux négations et tout quand je parlais aux élèves [Enquêteur : « et qu’est-ce que tu appelles par négation par exemple ? »]. Ah, ben les « ne pas : ». Par exemple, je vais dire aux élèves, « non, je ne sais pas », alors que moi, j’ai tendance à dire « ben ché pas » !

Même si nous ne pouvons pas ici rendre compte de la constitution de ses dispositions langagières orales au cours de ses expériences socialisatrices passées (un rapport essentiellement « relâché » au langage oral) les transformations de ses pratiques se révèlent moins consenties que subies : elles entrent en contradiction avec ses manières habituelles de parler. Elle insistera d’ailleurs à maintes reprises sur le fait que ces transformations de pratiques ne lui correspondent pas. Et que cela lui aura valu d’éprouver de manière très forte à la fois « malaise » et « souffrance ». Les transformations de ses pratiques ne vont néanmoins pas être durables : Gaëlle vit une reconfiguration de la distance professeur-élèves ; elle est affectée en éducation prioritaire. La configuration des influences qui ressortissent aux relations qu’elle va nouer dans ce nouveau contexte d’établissement est modifiée : concernant les pratiques langagières orales, elle sent qu’elle « utilise un peu plus le même langage qu’eux [les élèves] » et que « c’est un langage beaucoup moins soutenu ». Certes le cas de Gaëlle, sans doute ici trop succinctement évoqué, peut paraître « atypique ». Mais il n’en révèle pas moins une réalité que l’on ne peut pas ne pas prendre en compte, que l’on ne peut pas dénier : celle d’une part que les professeurs ressentent inégalement les influences des reconfigurations de la distance sociale ; et celle, d’autre part, que des professeurs les subissent avec force.

Conclusion

Qu’il s’agisse de la variation croissante de la distance sociale professeur-élèves entre les établissements et les classes, de la mobilité horizontale des professeurs, amenés à graviter dans plusieurs établissements au cours de leur carrière, ou encore des difficultés inégalement ressenties par les professeurs pour entrer en relation avec leurs élèves, c’est à chaque fois la question de la distance et du lien social qui est en jeu. Pourtant, peu de recherches traitent de cette question. Notre objectif était donc d’y apporter quelques éléments de réponse. Plus précisément, il s’agissait de répondre, certes modestement, à la problématique suivante : comment une reconfiguration de la distance sociale professeur-élèves modifie-t-elle le lien social ?

Pour ce faire, nous avons d’abord défini la distance sociale comme l’écart de propriétés sociales entre professeur et élèves. Le lien social renvoie quant à lui à l’ensemble des forces sous-jacentes aux relations dans lesquelles s’insèrent les professeurs. Pour être plus précis, en convoquant une sociologie dispositionnaliste et contextualiste, nous avons associé le lien social à des forces, à la fois internes (dispositionnelles) et externes (contextuelles), qui pèsent sur les pratiques de professeurs. Il s’agissait alors de mettre en lumière comment une reconfiguration de la distance sociale (liée par exemple à un changement de contexte d’établissement) pouvait entraîner une modification de la configuration de ces forces, lesquelles devaient être appréhendées à l’aune des pratiques langagières orales.

En prenant appui sur une cinquantaine d’entretiens réalisés avec des professeurs du secondaire, quelques tendances ont été mises au jour. L’examen des pratiques langagières orales permet de voir que les professeurs sont plus ou moins « affectés » par les reconfigurations de la distance sociale. En effet, nous l’avons souligné, un premier groupe d’enquêtés, minoritaire, semble résister aux forces ou influences contextuelles (et à leurs modifications) en refusant, consciemment ou non, de changer leurs manières de parler. En revanche, un second groupe d’enquêtés, majoritaire, consentirait volontairement ou pas à opérer un travail sur soi pour transformer leurs pratiques langagières orales en fonction de la distance sociale professeur-élèves et de sa reconfiguration. En outre, si les professeurs semblent pouvoir en partie résister aux forces contextuelles en ne transformant pas leurs pratiques ou bien y consentir en les transformant, ils peuvent aussi, on l’a vu, s’insérer dans des contextes d’établissement ou des groupes-classes où ces forces sont essentiellement subies. En bref, à la suite d’une reconfiguration de la distance sociale, les professeurs peuvent alternativement et localement être dans des situations où ils résistent, subissent ou consentent aux influences qui s’exercent sur eux. A fortiori les professeurs sont, au moins une partie de leur carrière, contraints d’évoluer dans des contextes d’établissement et de prendre en charge des classes qu’ils n’ont pas choisies ; et les forces sous-jacentes aux relations dans lesquelles ils s’insèrent – ainsi que leurs modifications – leur échappent toujours en partie.

Pour finir, sans doute n’est-ce pas un hasard si les professeurs issus de milieux populaires ressentent et subissent davantage les influences contextuelles. Après tout, les « oblats » ne sont-ils pas des professeurs attachés à la dimension relationnelle du métier et « disposés à donner à l’institution ce qu’elle demande de sacrifice et de travail sur soi » (Guibert et Gilles Lazues, 2012) ? Ceci mériterait toutefois une observation et une analyse plus fine des forces qui pèsent sur les professeurs. La perspective de réaliser une étude longitudinale auprès de professeurs débutants qui vivent plus souvent que les autres des changements d’établissement et des reconfigurations de la distance sociale paraît appropriée.

1 « Les faits sociaux sont aussi des objets de connaissance dans la réalité elle-même, car les êtres humains donnent signification au monde qui les

2 Il eut sans doute aussi été possible de parler de proximité sociale pour désigner une similitude d’origine sociale – et de dispositions incorporées

3 Par le terme de contexte, nous entendrons essentiellement un « cadre local d’interaction » (Lahire, 2012, p. 49).

4 Il ne faudrait pas surestimer l’usage du terme « lien social » par les fondateurs (Genestier, 2006, p. 20).

5 Pour Bernard Lahire, la socialisation correspond au « mouvement par lequel le monde social – telle ou telle ‘‘partie’’ de celui-ci – façonne – 

6 Les raisons sous-jacentes à ce choix d’étudier ce cas plutôt qu’un autre sont théoriques et méthodologiques. Méthodologiques parce qu’en menant des

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Notes

1 « Les faits sociaux sont aussi des objets de connaissance dans la réalité elle-même, car les êtres humains donnent signification au monde qui les fait. Une science de la société doit donc nécessairement procéder à une double lecture ou, pour être plus précis, elle doit mettre au point un jeu de lunettes analytiques à double foyer qui cumulent les vertus épistémiques de chacune de ces lectures tout en évitant les vices des deux » (Bourdieu et Wacquant, 1992, p. 17). En d’autres termes, « il est maintenant établi – spécialement depuis les théorisations de Pierre Bourdieu et de Peter L. Berger et Thomas Luckmann – que les sciences sociales se doivent de saisir les deux dimensions de la réalité, à la fois objective et subjective » (Mathieu, 2015).

2 Il eut sans doute aussi été possible de parler de proximité sociale pour désigner une similitude d’origine sociale – et de dispositions incorporées – entre le professeur et ses élèves. Mais nous allons surtout recourir à la notion de distance sociale en ce qu’elle englobe à nos yeux celle de proximité : une distance sociale (les différences de propriétés entre le professeur et les élèves) peut être peu significative.

3 Par le terme de contexte, nous entendrons essentiellement un « cadre local d’interaction » (Lahire, 2012, p. 49).

4 Il ne faudrait pas surestimer l’usage du terme « lien social » par les fondateurs (Genestier, 2006, p. 20).

5 Pour Bernard Lahire, la socialisation correspond au « mouvement par lequel le monde social – telle ou telle ‘‘partie’’ de celui-ci – façonne – partiellement ou globalement, ponctuellement ou systématiquement, de manière diffuse ou de façon explicite et consciemment organisée – les individus vivant en son sein » (Lahire, 2013).

6 Les raisons sous-jacentes à ce choix d’étudier ce cas plutôt qu’un autre sont théoriques et méthodologiques. Méthodologiques parce qu’en menant des entretiens approfondis et répétés avec elle, nous avons obtenu davantage d’éléments qui relèvent de sa trajectoire individuelle et de sa biographie qu’avec les autres enquêtés. Et théoriques : parce qu’en raisonnant non pas à propos mais à partir des singularités de son cas (Passeron et Revel, 2005), on peut voir ce que peuvent impliquer une reconfiguration et une modification subies du lien social.

Citer cet article

Référence électronique

Tony ORIVAL, « Les enseignants dans la relation aux autres », K@iros [En ligne], 3 | 2019, mis en ligne le 29 mars 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=192

Auteur

Tony ORIVAL

Doctorant en sociologie, université du Mans et université de Montréal

Droits d'auteur

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