Navigation – Plan du site

AccueilNuméros en texte intégral10DossierÉrudition et relations de voyages...

Dossier

Érudition et relations de voyages au siècle des Lumières : le cas des voyageurs britanniques à l’Académie de Lorraine (1697-1736)

Scholarship and Travel Writing in the Age of the Enlightenment: The Case of British Travelers at the Académie de Lorraine (1697-1736)
Jérémy Filet

Résumés

Cet article s’intéresse aux échanges culturels qui se sont déroulés entre le Royaume-Uni et le duché de Lorraine dans la première moitié du xviiie siècle. Il présente les raisons pour lesquelles les Britanniques accomplissant le Grand Tour considéraient l’Académie du duc Léopold comme centre de l’érudition lorraine. C’est notamment l’étude d’une sélection de récits, de lettres de voyage et d’un corpus d’écrits scientifiques qui expliquera l’influence des savants britanniques sur la formation d’érudits locaux et qui révèlera les transferts culturels s’opérant entre les bibliothèques de la Royal Society de Londres et celle de l’Académie de Lunéville. Nous mettrons ainsi en lumière l’importance de l’Académie de Lorraine bien avant l’âge d’or des salons lunévillois de Stanislas, tout en révélant l’un des premiers exemples de diffusion des théories de Newton en Europe continentale à travers l’analyse de la notion de réseaux de savants créés au sein de la République des Lettres.

Haut de page

Texte intégral

1Dans l’article du présent dossier intitulé « Érudition, voyage et correspondance : les leçons du voyage d’Italie au temps des Lumières », Gilles Bertrand a parlé du xviiie comme du siècle où l’amitié prolonge le temps du voyage en faisant des cabinets et bibliothèques un lieu de rencontre permettant des échanges entre érudits. C’est justement de ces érudits voyageurs et de la notion de réseaux de savants créés au sein même de la République des Lettres que l’on souhaite ici parler.

  • 1 Voir Anne Motta (dir.), Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Ren (...)
  • 2 Voir Guy Cabourdin, Encyclopédie illustrée de la Lorraine. Histoire de la Lorraine, t. 2, Nancy/Me (...)
  • 3 Voir Raphaël Tassin, « Une institution pour encadrer la création artistique : le cas de l’Académie (...)
  • 4 Voir Henri Baumont, Études sur le règne de Léopold, duc de Lorraine et de Bar : 1697-1729, Nancy, (...)
  • 5 Voir Jeremy Black, The British Abroad: The Grand Tour in the Eighteenth Century, Stroud, History P (...)

2Après le traité de Ryswick de 1697, le duc Léopold de Lorraine obtient la restitution du territoire de ses ancêtres1. Il entame alors une politique de reconstruction de ses institutions2, dont l’Académie des nobles de Lunéville et l’Académie des arts et lettres formeront deux des pierres angulaires3. Cependant, l’étude de l’Académie des nobles n’a fait l’objet que de quelques articles scientifiques, et les monographies sur le règne de Léopold n’offrent que très peu de détails sur les jeunes nobles étrangers qui venaient s’y former4. Les grands oubliés de cette historiographie sont sans doute les voyageurs britanniques qui effectuaient alors leur Grand Tour5, en raison de la difficulté à documenter à la fois leur pérégrination dans l’Europe du xviiisiècle et leur séjour à l’Académie de Lorraine. C’est pourquoi l’on se propose d’étudier la présence des jeunes nobles britanniques à l’Académie de Lunéville et son impact sur l’érudition lorraine de la première moitié du siècle des Lumières.

3Nous montrerons dans un premier temps en quoi l’Académie de Lorraine offrait une perspective alléchante pour les voyageurs britanniques tout en expliquant pourquoi leur nombre fut sous-estimé par les spécialistes de la période. Une analyse succincte de l’histoire comparative du duché de Lorraine et du Royaume-Uni éclairera les raisons pour lesquelles les voyageurs britanniques considéraient l’Académie des nobles comme le centre de l’érudition lorraine sous le règne du duc Léopold. Nous aborderons ensuite le problème posé par les sources jusqu’alors utilisées par les historiens de la Lorraine en proposant de les élargir, sur la base des théories littéraires sur les relations de voyage. Pour finir, l’étude d’une sélection de récits et de lettres de voyage et d’un corpus d’écrits scientifiques éclairera l’influence des savants britanniques sur la formation d’un érudit lorrain, Philippe Vayringe (1684-1745), et révèlera les transferts culturels s’opérant entre les bibliothèques de la Royal Society de Londres et celle de l’Académie de Lunéville jusqu’au départ de François III pour la Toscane en 1736.

L’Académie de Lunéville, centre de l’érudition lorraine et étape du Grand Tour

  • 6 Cité dans Jean-Jacques Lionnois, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, depuis leur fondat (...)

Tant de grands Seigneurs étrangers […] y apporteront de l’argent et […] rendront la Cour du Souverain plus nombreuse et plus magnifique6.

  • 7 Voir Gilles Bertrand, « Du voyage utile et nécessaire : les arts de voyager et le débat sur les vo (...)
  • 8 Voir Jean Boutier, « Le Grand Tour : une pratique d’éducation des noblesses européennes (xvie - xvi (...)

4C’est avec ces mots que Léopold de Lorraine décrit l’Académie des arts qu’il crée en 1699 et c’est avec cette même intention qu’il inaugure l’Académie des nobles en mai de la même année. Le but de cette seconde Académie était d’enseigner l’histoire, la géographie, les mathématiques, le droit et les langues étrangères à la jeune noblesse des quatre coins de l’Europe7. Léopold avait d’ailleurs bien compris la nécessité d’attirer ces jeunes étrangers en Lorraine8 et il s’est proposé pour objectif principal d’utiliser la position géographique centrale de son duché pour assurer le succès de l’institution :

  • 9 Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle [désormais ADMM] 3F276, « Mémoire sur la création d (...)

Le moyen le plus sûr pour attirer les jeunes seigneurs étrangers à Nancy, est d’y établir une Académie où ils puissent faire infiniment plus de profit qu’en aucune autre Académie de l’Europe, soit dans les exercices, les mathématiques et les langues, de même que dans les bonnes mœurs et la politesse9.

  • 10 Voir Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans (...)
  • 11 ADMM, – loc. cit. Après un bref retour à Nancy, l’Académie sera définitivement réinstallée à Lunév (...)
  • 12 Voir ADMM, B 121, « Lettres patentes au baron de Ceccatty » (Bar-le-Duc, 12 août 1699), f° 35.
  • 13 Voir ADMM, B 1673, « Compte des grands gages pour l’année 1724 », f° 228.
  • 14 Voir ADMM 3F276, f° 8.

5Comme on peut clairement le lire dans le mémoire sur la création de l’Académie, le duc choisit tout d’abord l’hôtel de la Primatie à Nancy10 pour l’abriter et prête même les chevaux de l’écurie ducale aux académiciens jusqu’au transfert de l’institution à Lunéville en 170911. Outre cette étroite association entre la cour et l’Académie, Léopold avait bien compris qu’il ne devait pas regarder à la dépense pour assurer le succès de cette dernière. Il rétribue ainsi jusqu’à 9000 livres par an le gouverneur de l’Académie – en d’autres mots son directeur – et le maître des écuries afin de n’attirer que les meilleurs talents. Il n’hésite pas à employer des étrangers de renom pour que le gouverneur jouisse d’une réputation internationale de prestige. Il choisit tout d’abord un Italien, Claude François Pavan, baron de Ceccati et Fourg12, avant de le remplacer par Marc-Antoine Avril de Pignerol en 172413. Une fois son Académie bien établie, Léopold peut se permettre d’employer le baron Ulrich Schack qui, malgré son manque d’expérience équestre, possédait une excellente réputation comme ancien directeur de l’Académie de Besançon14. Le duc le reconnaît d’ailleurs :

  • 15 ADMM 3F276, f° 22.

[…] pour donner une solide réputation à cette Académie, il faut mettre un écuyer et les autres maîtres des exercices, les plus habiles et les plus honnêtes gens que l’on pourra trouver à quelque prix que ce soit. C’est la capacité de tous ces maîtres qui doit la rendre célèbre dans toute l’Europe15.

  • 16 Des copies de ce règlement ont été envoyées « dans toutes les parties de l’Europe » (ADMM, 3F276, (...)
  • 17 Voir Jérémy Filet, Jacobitism on the Grand Tour ? The Duchy of Lorraine and the 1715 Jacobite rebe (...)
  • 18 Extrait d’un document faisant la promotion de l’« Académie des nobles » (Bibliothèque Municipale d (...)
  • 19 Dans l’ensemble, ce programme est proche de celui des Académies nobiliaires de Paris, Turin ou enc (...)
  • 20 Voir Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans (...)
  • 21 ADMM, 3F276, f° 2.
  • 22 Bibliothèque nationale de France, coll. de Lorraine 465, « Règlement pour l’Académie qui sera esta (...)

Léopold fait en sorte de promouvoir le programme de son institution dès le mois de mai 1699 en envoyant des copies du règlement à toutes les grandes cours d’Europe16. Cette publicité était d’ailleurs bien connue des voyageurs britanniques, comme nous l’avons montré dans de récentes recherches17. Contrairement à l’université de Pont-à-Mousson, qui proposait une éducation basée sur l’apprentissage du latin, le duc de Lorraine annonce que sa nouvelle Académie permettra « d’apprendre tous les exercices, qui conviennent aux personnes de qualité18 ». Il met ainsi l’accent sur la pratique des arts équestres et l’acquisition des bases de l’hippiatrie. Les « cavaliers », c’est-à-dire les voyageurs inscrits à l’Académie, pourront se former à la voltige tout en apprenant l’histoire des arts militaires à cheval. Outre les langues étrangères, on y enseigne le mousquet, les manœuvres de drapeaux ou encore l’escrime19. Les jeunes voyageurs étrangers peuvent ainsi s’éduquer à l’art de la stratégie militaire et de la fortification grâce à des exercices pratiques20. Mais ce qui attire particulièrement les Britanniques en Lorraine, c’est l’accès régulier à la cour du duc dont bénéficient les académiciens. En effet, chaque jeudi après-midi, les cavaliers peuvent « aller à la cour où ils auront mille agréments et entreront dans les plaisirs du Prince, qui aura toujours pour eux beaucoup d’égard21 ». De plus, le dîner est servi tous les soirs à sept heures « à moins qu’il n’y ait quelques divertissements à la cour22 ». L’Académie de Lorraine permet donc aux voyageurs de toute l’Europe de se former à l’art de la conversation dans le contexte mondain de la cour.

  • 23 Voir Jerémy Filet, « The Networks of Francis Taaffe, 3rd Earl of Carlingford and Irish Jacobite Ém (...)
  • 24 Voir Frédéric Richard-Maupillier, « Les Irlandais à la cour du duc Léopold de Lorraine (1698-1729) (...)
  • 25 Voir Lucien Bély, « L’incognito des princes : l’exemple de Jacques iii », Revue de la Bibliothèque (...)
  • 26 Voir ADMM, H85 et H86.
  • 27 Voir Frédéric Richard-Maupillier, « The English Benedictines in Eighteenth-Century Lorraine », dan (...)
  • 28 Voir Jean Boutier, « Le “Grand Tour” des élites britanniques dans l’Europe des Lumières : la réinv (...)

6C’est ainsi que deux factions opposées de voyageurs britanniques se rencontrent au sein du duché de Lorraine. D’un côté, il y a les jacobites, défenseurs de la succession catholique de Jacques II d’Angleterre, qui arrivent en Lorraine grâce à l’influence de Francis Taaffe, comte de Carlingford et de facto premier ministre du duc de Lorraine23. De l’autre côté se trouvent ceux qui, en grande majorité protestants, soutiennent la succession des Hanovre au trône d’Angleterre. Le groupe des jacobites a déjà fait l’objet de publications sur lesquelles nous ne reviendrons pas24. Nous ajouterons simplement que l’arrivée à Bar-le-Duc en 1713 du prétendant au trône d’Angleterre, sous l’incognito du chevalier de Saint George, encouragea les Britanniques à s’intéresser aux différentes institutions présentes au sein du duché de Lorraine25. En effet, on compte parmi les plus en vogue le monastère des Bénédictins anglais de Dieulouard : il attirait bon nombre d’Anglais qui s’y arrêtaient pendant leur voyage entre Paris et l’Italie26. Ce qui est particulièrement intéressant pour notre propos, c’est le lien que l’on peut tisser entre cette institution monastique, la diaspora jacobite installée en Lorraine au début du xviiisiècle27 et la propension des voyageurs britanniques à s’arrêter à Lunéville en raison de la présence de leurs compatriotes dans l’entourage du duc de Lorraine28. Pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres, le capitaine Humphrey Fish décide de s’arrêter à l’Académie en raison de ses contacts avec les moines anglais de Dieulouard. Il passe en Lorraine une première fois en 1725 en tant que tuteur du jeune Charles Stanhope. C’est d’ailleurs sans doute l’accueil chaleureux que le duc lui réserve qui le pousse à revenir en 1726, en tant que tuteur de Charles et John Spencer, puis en 1728 avec George Lyttleton.

  • 29 Voir René Taveneaux, « La Lorraine, les Habsbourg et l’Europe », dans Les Habsbourg et la Lorraine(...)
  • 30 Voir Andrew Lang et Alice Shields, The King over the Water, Londres, Forgotten Books, 2012, p. 184
  • 31 Léopold continue cependant une abondante correspondance avec le prétendant Stuart, mais il n’est p (...)
  • 32 Voir Jean Boutier, « Compétence internationale, émergence d’une “profession” et circulation des sa (...)

7Ce qui pourrait surprendre les historiens de la Lorraine, c’est l’inclination du duc à autoriser les protestants à fréquenter, non seulement son académie, mais aussi sa cour. En effet, il est maintenant bien établi que la dynastie lorraine a toujours été une pierre angulaire de la dorsale catholique29. En réalité, Léopold tolère les protestants dans son duché en raison du soutien qu’ils apportent au prétendant au trône d’Angleterre jusqu’à la rébellion de 1715. Celui que ses partisans appelaient Jacques iii avait en effet obtenu du duc une certaine indulgence envers les protestants qui défendaient sa cause et avait pu établir une chapelle protestante à Bar-le-Duc en décembre 171330. Il aurait alors été incohérent de ne pas autoriser les protestants à l’Académie, d’autant que Léopold semble officiellement prendre le parti de George ier dès l’échec de la rébellion jacobite et le retour de Jacques iii en Lorraine en 171631. Bon nombre de tuteurs qui accompagnent les jeunes nobles en Lorraine bénéficient d’ailleurs de cette tolérance : ils faisaient office de guides et de précepteurs pour les jeunes nobles qui accomplissaient le Grand Tour32.

  • 33 Voir Michel Parisse, Histoire de la Lorraine, Rennes, Ouest-France, 2005 ; François Roth, Histoir (...)

8Par conséquent, Léopold réussit à faire de son Académie le centre d’érudition du duché et de Lunéville une étape du Grand Tour des nobles britanniques. C’est la position géographique de la Lorraine et la tolérance du duc à l’égard des protestants qui en font l’attrait. En prenant grand soin de ne recruter que les plus prestigieux professeurs enseignant un programme pratique, utile aux voyageurs qui retourneront dans leur pays d’origine, Léopold s’assure une place enviable sur la carte du Grand Tour à l’aube du xviiisiècle. Cependant, l’historiographie traditionnelle ne s’attarde pas sur les liens entre la Lorraine et les îles Britanniques, et les historiens du duché ne se sont que très peu penchés sur les liens entre le Grand Tour et le développement de l’érudition lorraine sous le règne de Léopold33. Nous nous attacherons à en expliquer les raisons tout en nous efforçant de mieux comprendre l’influence du voyage sur la formation d’un centre d’érudition lorrain centré sur l’Académie de Lunéville.

Étudier les sources sur la mobilité au xviiisiècle : un point de méthode

9L’Académie de Lunéville, comme sans doute beaucoup d’autres en ce début de xviiie siècle, pose des défis liés au large périmètre des sources à étudier, mais aussi à l’utilisation des sources présentes sur place.

  • 34 Voir ADMM, 3F276, pièce 21.
  • 35 Voir N. Conrads, op. cit., p. 236.
  • 36 Voir Jean Boutier, « À l’épreuve du cosmopolitisme. Les noblesses européennes à Lunéville sous le (...)
  • 37 Frédéric Richard-Maupillier, « L’Académie de Lunéville, miroir des relations diplomatiques entre l (...)
  • 38 ADMM, 3F276, f° 22.

10La source la plus connue pour l’Académie de Lunéville est une liste de noms de voyageurs conservée aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle. Cette liste indique à la fois des voyageurs « internes », c’est-à-dire résidant à l’Académie, ainsi que des noms d’« externes », qui se logent indépendamment. Les internes sont présentés pour les années 1699-1733 tandis que les externes le sont pour les années 1725-172834. Cette liste est problématique de bien des points de vue : on ne sait pas qui l’a composée, pour quelles raisons, ni encore à quelle date elle fut rédigée. Il convient alors de remarquer que les informations seront nécessairement incomplètes et/ou erronées, et ce, quelle que soit la nationalité des voyageurs. Norbert Conrads fut le premier chercheur à tenter de décrire cette liste, proposant une répartition de ceux-ci par pays d’origine, à savoir 30 % de Lorrains, 12 % de Britanniques tandis que 52 % seraient français ou allemands35. En 2017, Jean Boutier a proposé de réévaluer les chiffres de Conrads en s’attachant en particulier aux voyageurs britanniques qui décidaient de s’arrêter à l’Académie de Lorraine alors qu’ils effectuaient leur Grand Tour36. La liste des présents sera ensuite précisée par Frédéric Richard-Maupillier dans un article du Pays Lorrain en 201837. Cependant, il faudrait encore clarifier cette liste, à la fois pour les années couvertes par la liste des internes, mais aussi pour les années qui ne sont pas couvertes par celle des externes, à savoir 1697-1725 et 1728-1733. À cela, on peut ajouter la difficulté purement pratique de voyager en Europe continentale pendant la Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) : cela explique d’ailleurs une recrudescence de la présence d’étrangers à l’Académie entre 1714 et 172038. Au-delà de la documentation disponible pour les historiens de la Lorraine, nous suggérons de travailler cette liste « en creux » en incluant notamment des types d’écrits habituellement peu ou pas exploités par ces derniers.

  • 39 Cette idée a été développée plus longuement dans un autre article : voir Jérémy Filet, « Vers un c (...)
  • 40 Le « Grand Tour Project » est coordonné par Giovanni Ceserani à l’université de Stanford (https:// (...)

11Nous proposons ainsi d’inclure les écrits que la critique littéraire considérerait comme littérature de voyage en les comparant avec les documents d’archives que les historiens décryptent afin d’en extraire les données utilisées pour analyser l’histoire culturelle de la mobilité. Cela nous amène donc à adopter une démarche à la fois interdisciplinaire et comparative afin de résoudre le problème des sources relatives aux voyageurs britanniques s’arrêtant en Lorraine39. En effet, au cœur de notre démarche se trouve la volonté de replacer le voyage dans le cadre de la mobilité en reconstruisant l’expérience des pérégrinations des voyageurs par le truchement des traces écrites, produits de la pratique et/ou mise en récit du déplacement. Nous avons donc compilé une liste de sources incluant nombre d’archives britanniques, de lettres et de mémoires, ainsi que des récits de voyages mentionnant la Lorraine comme arrêt sur le Grand Tour. Cela permet d’ajouter aux sources lorraines les archives historiques conservées à la National Library of Ireland, à la Beinecke Library et aux National Archives. De plus, les récits de voyages conservés au sein des collections privées de l’université d’Édimbourg, de la British Library et du dépouillement du « Grand Tour Project40 » sont utilisés pour comparer et/ou compléter/vérifier ces sources archivistiques. Ainsi, la documentation sur l’Académie de Lorraine passe de 48 références à plus de 230 références, faisant passer le nombre de voyageurs britanniques dont la présence est identifiable en Lorraine de 35 à plus de 85 pour la période étudiée.

  • 41 Voir Simon Cooke, « Inner Journey: Travel writing as life writing », dans The Routledge Companion (...)
  • 42 Voir Matthew Day, « Western Travel Writing 1450-1750 », dans ibid., p. 161-172.
  • 43 Voir Francis Affergan, Exotisme et altérité. Essai sur les fondements d’une critique de l’anthropo (...)

12C’est de cette comparaison entre lettres échangées pendant un voyage, carnet de notes scientifiques, mémoires et récits de voyages publiés qu’émerge une relation inattendue entre deux érudits lorrains et la Royal Society. C’est d’ailleurs au cours du xviiisiècle que commencent à paraître des écrits de voyages orientés vers l’empirisme prôné par John Locke41, mais aussi des relations de voyage scientifiques émergeant sous l’impulsion de la Royal Society42. Cet échange, tantôt épistolaire, tantôt littéraire et/ou scientifique rappelle, en filigrane, la structure dialogique du voyage43. Dans ce cas précis, c’est l’amitié entre deux érudits lorrains qui permet à Valentin Jamerey-Duval (1695-1775) d’écrire les mémoires de Philippe Vayringe : ceux-ci, juxtaposés aux sources d’archives servant à l’étude de l’Académie de Lorraine et à des correspondances entre savants, mettent en lumière la formation et les contacts entre les deux hommes, révélant par là même de riches échanges culturels entre le duché de Lorraine et les îles Britanniques.

Savants britanniques, érudits lorrains, et la République des Lettres : récits de voyages et transferts culturels

  • 44 Voir la fiche qui le concerne dans le projet ERUDHILOR Érudition et érudits : leur histoire en Lor (...)
  • 45 Voir André Courbet, « Philippe Vayringe (1648-1746), physicien des Ducs de Lorraine », Le Pays Lor (...)
  • 46 Voir André Courbet, Correspondance de Valentin Jamerey-Duval, bibliothécaire des ducs de Lorraine, (...)

13Tout commence avec ces voyageurs britanniques que Léopold invite régulièrement à sa cour lorsque ces derniers fréquentent l’Académie de Lorraine. Ces voyageurs jouent en effet un rôle crucial dans la formation d’un des érudits lorrains concernés : Philippe Vayringe44. Après une formation de serrurier puis d’horloger, celui-ci s’établit à Lunéville et apparaît dans les documents de la cour à partir du 2 mai 1720. C’est dans ce cadre qu’il obtient le prestigieux poste d’horloger-machiniste du duc le 22 octobre de la même année45. Après à peine quelques mois au service de la cour, Léopold remarque les travaux du jeune savant. Un soir, alors que le duc dîne avec des voyageurs britanniques séjournant à l’Académie de Lunéville, il se targue des prouesses de son protégé en mécanique. Une chose en entraînant une autre, Vayringe se retrouve à montrer ses talents, et son succès change drastiquement le cours de sa carrière. En effet, les invités du duc sont si impressionnés par Vayringe qu’ils conseillent à Léopold de l’envoyer se perfectionner à Londres auprès des plus brillants horlogers d’Europe. Cependant, ce moment charnière de la vie de Vayringe ne nous est connu que par la description qu’en fait Valentin Jamerey-Duval46. Ce dernier a compilé les documents laissés par Vayringe après sa mort et écrit les mémoires de son collègue en incorporant ses propres souvenirs à ceux de l’homme qui sera plus tard surnommé « l’Archimède lorrain ». Dans les mémoires de Vayringe, Duval nous raconte cette rencontre entre son ami et les invités du duc :

  • 47 Cité dans ibid., p. 165.

Il [Léopold] avait invité selon sa coutume, plusieurs seigneurs anglais qui faisaient leurs exercices à l’Académie. Ayant fait tomber la conversation sur la mécanique, et ces Messieurs ayant assuré que les plus belles inventions de cette espèce venaient d’Angleterre. « Hé bien ! leur dit ce Prince, je vais vous en montrer de mon pays. » Et aussitôt on leur exposa celles que j’avais apportées. Lorsqu’ils les eurent examinées avec attention, ils convinrent qu’ils n’avaient jamais vu de pareilles, ni d’aussi simples47.

  • 48 Voir Frédéric Charbonneau, « Les silences de l’histoire. Les mémoires du xviisiècle », Cahiers S (...)
  • 49 Voir John S. Rowlinson, Cohesion. A Scientific History of Intermolecular Forces, Cambridge, CUP, 2 (...)
  • 50 Son journal de voyage est conservé à la Bodleian Library à Oxford sous l’entrée MS Rawlinson D. 11 (...)
  • 51 Voir André Courbet, op. cit., p. 166.
  • 52 Voir Jean Saint-Raymond, « Lunéville entre Londres et Vienne : Vayringe et les premiers planétaire (...)

14Alors que l’on pourrait questionner à la fois l’objectivité et la véracité des écrits de Duval48, c’est en comparant cet extrait avec les archives lorraines qu’une question se pose : qui étaient ces visiteurs qui reconnurent le potentiel de Vayringe à la table de Léopold en cette année 1720 ? Il pourrait s’agir de Charles Cavendish, qui deviendra membre de la Royal Society en 1757 et se verra attribuer une médaille Copley pour son travail sur les thermomètres49, et de Richard Rawlinson, élu à la Royal Society en 1714 et proche ami de Newton50. C’est grâce aux archives britanniques précédemment citées et aux lettres de voyages de ces deux brillants esprits anglais du xviiisiècle que l’on peut confirmer leur présence à Lunéville. À la suite de cette soirée, Vayringe part étudier sans plus attendre auprès de Theophilius Desaguliers le 5 septembre 172151. Il restera à Londres jusqu’en octobre 1722, séjournant notamment dans le quartier bien connu de la Royal Society autour de Fleet Street. Hormis Desaguliers, Vayringe travaille avec l’horloger et astronome George Graham, mais aussi dans le célèbre magasin de Thomas Tompion, The Dial and the Three Crowns52. Lorsque Vayringe revient de Londres, Karl Pfütschner suggère à Léopold de demander à Vayringe de faire des expériences publiques au sein de l’Académie de Lunéville. C’est à partir de 1723 que Vayringe commence à créer son « cabinet de curiosités » et assemble une « salle des machines » pour faire la démonstration des expériences de Newton aux voyageurs fréquentant l’Académie des nobles du duc Léopold. L’érudit lorrain ne s’arrête pas là et s’attelle à reproduire le planétaire de George Graham et à améliorer son mécanisme en Lorraine. C’est donc la présence de Britanniques effectuant leur Grand Tour en passant par l’Académie de Lorraine qui permet à l’érudit lorrain de se former auprès des plus grands scientifiques de son temps et d’acquérir, par la suite, une renommée internationale.

  • 53 À la cour, Duval côtoie noblesse lorraine et érudits locaux mais également des écrivaines telles q (...)
  • 54 La correspondance de MacLaurin est conservée dans les Special Collections de la Bibliothèque unive (...)
  • 55 Voir Olivier Bruneau, Colin MacLaurin ou l’obstination mathématicienne d’un newtonien, Nancy, PUN, (...)
  • 56 Isaac Newton félicite directement MacLaurin pour sa nomination « in the Professorship of Mathemati (...)

15C’est également au sein de l’Académie et de la cour de Léopold que Philippe Vayringe se lie d’amitié avec celui qui aura par la suite la charge de la bibliothèque ducale créée par Léopold à l’usage de son Académie en 171553. Valentin Jamerey-Duval avait entrepris des études à Nancy dès 1717, pour ensuite fréquenter l’université de Pont-à-Mousson où il avait obtenu un baccalauréat de philosophie en 1720. Quand Vayringe revient d’Angleterre à la fin de l’année 1722, Duval se voit nommé sous-bibliothécaire des collections du duc. C’est donc à partir de 1723 que les deux hommes travaillent dans la même aile du château de Lunéville et prennent part aux différentes activités liées à l’Académie. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de Duval que Vayringe fait la rencontre du mathématicien écossais Colin MacLaurin (1698-174654), tuteur de George Hume, fils de Lord Polwarth, qui avait décidé que l’Académie de Lunéville serait une des étapes de son Grand Tour55. MacLaurin saisissait là en réalité une occasion d’élargir ses horizons au-delà de son Aberdeen natal, et devenir le tuteur de George Hume lui donnait l’occasion de rencontrer un des adeptes lorrains des théories physiques de son ami, Isaac Newton56.

  • 57 Il était le fils du secrétaire général d’Irlande. Pour plus d’informations, voir J. Filet, op.  ci (...)
  • 58 Le manuscrit de ce voyage est conservé en deux parties à la British Library, sous les cotes Add. M (...)
  • 59 Ibid., Add. Mss 34753, n. p.
  • 60 MacLaurin était « fellow » de la Royal Society depuis 1719 et en devient membre par la suite avec (...)
  • 61 Voir Andrea Rusnock, « Correspondence Networks and the Royal Society, 1700-1750 », The British Jou (...)

16Cependant, la venue de MacLaurin à Lunéville n’est visible, ni dans les archives lorraines, ni dans les mémoires de Vayringe, puisque MacLaurin servait simplement de précepteur à un fils de noble fortuné. C’est en lisant le récit de voyage composé par un autre voyageur à la cour de Lorraine que les échanges entre le duché et la Royal Society deviennent plus clairs : il s’agit de l’Irlandais Edward Southwell57, qui visite l’Académie en 1723 et assiste aux expériences publiques de Vayringe et qui le qualifie de « great Genius58 ». Grâce au récit de Southwell, on apprend que Vayringe revendique volontiers sa formation londonienne « for a year and half into England to be under Mr Desaguliers, where he learnd all his art », mais on y apprend surtout la présence de « Mr Humes Lord Polwarth’s son, Mr McLorain [sic] an eminent Mathematician his governor59. » Quel est donc le rôle de cet Écossais dans les échanges entre l’érudition lorraine et les îles Britanniques ? C’est en tentant d’en savoir plus sur le temps passé par George Hume en Lorraine que l’on a découvert une série de lettres de voyages à caractère scientifique échangées par Vayringe et Duval avec des membres de la Royal Society par l’intermédiaire de MacLaurin60. Le mathématicien écrit notamment à James Jurin, secrétaire de la Royal Society (1684-1750), et à James Spreull : cette correspondance nous apprend notamment que MacLaurin quitte Cambrai pour la Lorraine le 29 août 1722 et qu’il séjourne à Lunéville au moins jusqu’au 29 janvier 172461. On y apprend également qu’il rencontre à la fois Vayringe et Duval, avec lequel il se liera d’amitié.

  • 62 Royal Society Archives [RSA], RS/L6/17.
  • 63 The Correspondence of James Jurin (1684-1750), Andrea Rusnock (éd.), Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 19 (...)
  • 64 Dans une lettre écrite depuis Lunéville le 14 juillet 1723, MacLaurin explique à Jurin : « I had t (...)
  • 65 A. Jacobo Jurin, « Invitatio ab observationes meteorologicas communi consilio instituendas », Phil (...)

17Pendant que George Hume fréquente les cours de Vayringe entre 1723 et janvier 1724, MacLaurin en profite pour faire des rapports réguliers sur son séjour pour « the curious of the society ». Il rapporte notamment la naissance d’un « monstre » le 7 avril 1723 qui se trouve en réalité être des jumeaux siamois, sur lesquels il écrit un rapport détaillé qui sera lu à Londres62. Il ajoute que le duché est « fertile in prodigies » bien que l’histoire selon laquelle une jeune servante « lived without any nourishment but a little water for 25 Months » paraisse douteuse. L’Écossais semble néanmoins conclure que « the Air or Nancy had surprising effects » sur ses habitants, et ce seront les inventions de l’un d’entre eux qui attireront le regard de la Royal Society en direction de la Lorraine. En effet, Jurin écrit à MacLaurin le 27 mai 1723 pour lui signaler son intérêt pour une des inventions de Vayringe : une machine à désaliniser l’eau. Il lui demande de se procurer « A description of that Machine, wch his Royal Highness ye Duke of Lorraine is possess’d of, wth ye manner, ye time, ye expence, & quantity of Salt Water made fresh by it, will be agreeable to ye Society63. » Cependant, il semble que ni MacLaurin, ni Léopold n’aient pu percer le mystère de la machine de Vayringe64. Jurin est aussi impliqué dans un projet de recherche météorologique pour lequel il n’avait pas encore pu obtenir d’informations émanant du duché65. Il demande donc à MacLaurin de contacter Duval et Vayringe pour que ces derniers l’aident à collecter des données :

  • 66 Lettre du 28 janvier 1724, dans The Correspondence of James Jurin, op. cit., p. 225.

[…] I waited to send you ye Copies enclosed of a Paper later printed in the transactions. You will easily see ye design of it, & I beg you will present the Copies to such Persons, as are likely to give me their assistance therein. Perhaps, if ye Paper were shewn to his Royal Highness, a Prince of his Curiosity might have ye goodness to promote ye design, by purchasing a few instruments & lodgings them in proper hands66.

  • 67 Ibid., p. 239-240.

18Si l’on en croit les archives de la Royal Society, Léopold accueille favorablement ce projet dès le 18 avril 1724 puisque MacLaurin écrit ce jour-là à Jurin que « [t]he Duke of Lorrain has encouraged very much your design ». La personne choisie pour enregistrer les mesures effectuées par Vayringe n’est autre que Duval, « bibliothécaire de Son A. R. le duc de Lorraine à Lunéville67. » Durant son séjour lorrain, MacLaurin met donc Vayringe et Duval en contact avec des personnages haut placés de la République des Lettres en Angleterre. Duval envoie ainsi les relevés météorologiques de Vayringe directement à Londres à partir de 1725 tout en continuant de tenir Edmund Halley informé des progrès de son ami :

  • 68 Lettre de Duval à Halley depuis Lunéville le 7 juin 1725 (RSA, EL-V-59).

Le journal que j’ai eu l’honneur de vous adresser et que nous continuerons dans la suite avec toute l’exactitude possible, a été composé en conséquence de l’invitation que Mr Jurin a publiée, touchant les observations météorologiques68.

  • 69 Lettre de Duval à Jurin depuis Lunéville le 22 février 1725 (RSA, EL-V-60).

19Duval profite de cette occasion pour rappeler à Jurin que, bien qu’il soit l’ami de MacLaurin, il a besoin d’un prétexte pour « oser entrer en relation avec une personne qui occupe un aussi haut rang dans la république des Lettres69 », et ainsi s’assurer une position de choix dans ce cercle de lettrés.

  • 70 Voir Sir Isaac Newton’s Philosophiae Naturalis Principia Mathematica. Edition tertia aucta et emend (...)
  • 71 « The new Edition of ye Principia goes on very fast » (lettre du 28 janvier 1724, dans The Corresp (...)
  • 72 Lettre de Duval à Jurin, depuis Lunéville le 22 février 1727, dans André Courbet, op. cit., p. 143
  • 73 Duval achète également une History of the Royal Society grâce à ses contacts à Londres et reçoit, (...)

20Duval entretient également cette correspondance dans le but d’acquérir des livres pour les collections de la bibliothèque ducale. En plus d’écrits en langues française et allemande, il n’hésite pas à se procurer des ouvrages venant d’Angleterre pour l’usage personnel de son ami Vayringe. Il peut notamment acquérir, dès le début 1727, les Philosophiae Naturalis Principia de Newton réédités par Henry Pemberton à la fin de l’année précédente70. Duval a en fait gardé contact avec MacLaurin, qui connaît par Jurin l’état d’avancement de l’ouvrage71. C’est pourquoi Duval lui écrit directement dès février 1727 afin d’en connaître le nombre de volumes et leurs prix72. C’est ainsi que la mobilité des hommes favorise le voyage des livres et que les différents écrits produits par les voyageurs permettent de mettre à jour de nouveaux échanges érudits et épistolaires. En effet, cette incursion de Duval au sein des hautes sphères de la République des Lettres britannique permet à la bibliothèque ducale d’être toujours au fait des nouvelles publications venues d’Angleterre au sujet de la physique newtonienne73. Ainsi, en 1725, l’interne John Hope nous livre une description de la bibliothèque tenue par Duval et enrichie des machines de Vayringe :

  • 74 The Diaries & Travels of Lord John Hope 1722-1727, Hopetoun Research Group Studies series 1, Édimb (...)

The duke’s library is but little, but there are very good books. It has a very good collection of models and all the instruments of experimental philosophy74

  • 75 Dissertation upon the High-Roads of the Duchy of Lorraine (1729). Sur Dom Calmet, voir Aurélie Gér (...)
  • 76 Edward Corp, A Court in Exile: The Stuarts in France, 1689-1718, Cambridge, CUP, 2009, p. 340 ; – (...)
  • 77 Il est très difficile de connaître le contenu exact de cette collection privée, mais l’on sait que (...)

Un autre exemple de ces échanges est la traduction anglaise de l’ouvrage de Dom Calmet sur les routes de Lorraine75 qui fut dédiée au duc de Beaufort, un autre externe présent à l’Académie en 172676. D’autres livres furent sans doute échangés entre ces deux espaces, puisque les recherches d’André Courbet consacrées à Duval précisent que Vayringe avait également une bibliothèque privée dont nous ne connaissons que le nombre d’entrées77. Il est d’ailleurs permis de penser que Vayringe pouvait consulter les ouvrages de la bibliothèque ducale à sa guise pour la préparation de ses cours à l’Académie de Lunéville. Il ne tarda d’ailleurs pas à en être de même pour Duval, qui fut nommé titulaire de la chaire d’histoire, de géographie et d’antiquités le 15 novembre 1730.

  • 78 Voir André Courbet, « Le bibliothécaire du Grand-Duc de Toscane Valentin Jamerey-Duval (1695-1775) (...)

21Peu de temps avant la nomination de Duval, le duc Léopold meurt le 27 mars 1729 et son fils lui succède sous le nom de François III (1708-1765). Dans le contexte de la Guerre de Succession de Pologne, ce dernier cède la Lorraine ducale à Stanislas Leszczynski et obtient le titre de grand-duc de Toscane. Duval le suit à Florence et conserve sa fonction de bibliothécaire au Palazzo Pitti78. Il en va de même pour Vayringe qui devient alors maître du cabinet de physique du duc. Après des débuts en Lorraine, c’est le caractère cosmopolite de la cour du duc Léopold qui entraîne la carrière de Vayringe vers Londres, Vienne et enfin Florence, ville dans laquelle il meurt le 24 mars 1746. À la suite de la Guerre de Succession d’Autriche, François III, marié à l’archiduchesse Marie-Thérèse depuis 1736, est élu à la tête du Saint-Empire et part pour Vienne. Encore une fois, Duval le suit, et devient directeur du cabinet impérial des monnaies jusqu’à sa mort le 3 novembre 1775. Érudit autodidacte, ancien paysan fugueur, Valentin Jamerey-Duval est souvent cité par les historiens comme un exemple d’ascension sociale. Historien, géographe, bibliothécaire, numismate, ou encore homme de lettres, ce qui caractérisa avant tout la vie de cet érudit, c’est sa fidélité à la maison des ducs de Lorraine.

  • 79 Voir Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans (...)

22L’érudition lorraine a donc été stimulée au début du xviiie siècle par le succès de l’Académie de Lunéville comme étape sur le Grand Tour. Léopold a ainsi créé une institution en adéquation avec les préoccupations de son temps et réussi à attirer les voyageurs de toute l’Europe79. La création de l’Académie des nobles a fait partie intégrante d’une politique de reconstruction du duché de Lorraine et d’une volonté de remettre ce petit État sur les routes de l’éducation nobiliaire de l’Europe. Les voyageurs qui l’ont fréquentée ont laissé derrière eux des relations de voyages protéiformes qui permettent de retracer non seulement leurs pérégrinations mais aussi les échanges qu’elles ont générés.

23Plus largement, l’étude de cas présentée ici montre le caractère nécessairement transnational et interculturel des relations de voyages sous toutes leurs formes et nous entraîne à considérer mémoires, sources d’archives étrangères, lettres de voyages et écrits scientifiques en parallèle des sources locales. De plus, la méthode comparative permet de faire apparaître l’érudition comme plus que la simple forme d’accumulation des données du savoir à laquelle elle est bien trop souvent assimilée. Au contraire, le voyage peut être vu comme un prolongement du savoir sédentaire et la relation de voyage comme la transcription écrite d’un ensemble de références communes que tout érudit peut alors reconnaître, quel qu’en soit le support d’écriture.

  • 80 Voir Irène Passeron, René Sigrist et Sigfried Bodenmann, « La République des sciences : réseau des (...)
  • 81 Voir Niccolò Guicciardini, « Dot-Age: Newton’s Mathematical Legacy in the Eighteenth Century », Ea (...)
  • 82 Colin MacLaurin, An account of Sir Isaac Newton’s philosophical discoveries in four books, Londres (...)

24Dans un sens, c’est ce prolongement que l’on peut retrouver dans les liens qui se créent entre érudits et voyageurs par une appartenance commune à la République des Lettres. Sans la venue de ces voyageurs britanniques à l’Académie de Lorraine, quel aurait été le destin de Philippe Vayringe ? Sans l’amitié entre MacLaurin, Vayringe et Duval, quels auraient été les échanges entre la bibliothèque ducale et la Royal Society ? Le passage des voyageurs britanniques par la Lorraine trouve alors un prolongement dans le savoir des érudits locaux qui nous parvient à travers l’analyse des lettres qu’ils échangent et des rapports scientifiques qu’ils établissent : leur somme, constitue, d’un certain point de vue, le véritable récit de voyage de Colin MacLaurin en Lorraine. Au début du xviiisiècle, la distinction désormais bien établie entre République des Lettres et République des sciences était encore très floue, et des savants tels que Vayringe et Duval appartenaient souvent à ces deux ensembles80. On peut déduire des différentes sources étudiées que c’est l’intégration de ces deux hommes à un réseau d’érudits voyageurs qui a permis des échanges de livres entre Lunéville et Londres. Ces ouvrages ont également une importance non négligeable pour l’histoire intellectuelle puisque Vayringe introduit en Lorraine les idées de Newton qui sont encore très nouvelles sur le continent81 et qui animeront ses discussions avec MacLaurin et Duval. MacLaurin dédie d’ailleurs à son ami Newton bon nombre de ses publications que l’on retrouve dans la bibliothèque de Duval82. Tout cela met en lumière l’importance de l’Académie de Lorraine bien avant l’âge d’or des salons lunévillois de Stanislas, mais révèle également l’un des premiers exemples de diffusion des théories de Newton en Europe continentale.

Haut de page

Notes

1 Voir Anne Motta (dir.), Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.154840.

2 Voir Guy Cabourdin, Encyclopédie illustrée de la Lorraine. Histoire de la Lorraine, t. 2, Nancy/Metz, PUN/Serpenoise, 1993.

3 Voir Raphaël Tassin, « Une institution pour encadrer la création artistique : le cas de l’Académie de Peinture et Sculpture de Nancy », communication donnée à l’INHA, Paris, 12 novembre 2015.

4 Voir Henri Baumont, Études sur le règne de Léopold, duc de Lorraine et de Bar : 1697-1729, Nancy, Berger-Levrault, 1894 ; Zoltan Harsany, La Cour de Léopold, duc de Lorraine et de Bar (1698-1729), Nancy, Berger-Levrault, 1938 ; Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans la Lorraine ducale (1699-1737) », dans Lunéville, la cite cavalière par excellence. Perspectives cavalières du siècle des Lumières au xxsiècle, Patrice Franchet d’Espèrey (dir.), Paris, Agence Cheval de France, 2007, p. 82.

5 Voir Jeremy Black, The British Abroad: The Grand Tour in the Eighteenth Century, Stroud, History Press, 2003 ; Jean Boutier, « Le “Grand Tour” des élites britanniques dans l’Europe des Lumières : la réinvention permanente des traditions », dans Le Chemin, la Route, la Voie. Figures de l’imaginaire occidental à l’époque moderne, Marie-Madeleine Martinet, Francis Conte, Annie Molinié-Bertrand et Jean-Marie Valentin (dir.), Paris, PUPS, 2005, p. 225-242 ; Gilles Bertrand, Le Grand Tour revisité. Pour une archéologie du tourisme : le voyage des Français en Italie, milieu xviiie siècle-début xixe siècle, Rome, École française de Rome, 2008 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.efr.1974.

6 Cité dans Jean-Jacques Lionnois, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, depuis leur fondation jusqu’en 1788, t. 2, Nancy, Haener Père, 1811, p. 17.

7 Voir Gilles Bertrand, « Du voyage utile et nécessaire : les arts de voyager et le débat sur les voyages au xviiisiècle », Viatica [en ligne], n° 6, 2019, [En ligne] URL : https://revues-msh.uca.fr/viatica/index.php?id=314, DOI : https://dx.doi.org/10.52497/viatica314 [consulté le 06 mai 2022].

8 Voir Jean Boutier, « Le Grand Tour : une pratique d’éducation des noblesses européennes (xvie - xviiisiècles) », dans Le Voyage à l’époque moderne, Jean Boutier, François Moreau, Gilles Bertrand, Pierre-Yves Baurepaire et Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, « Bulletin de l’Association des historiens modernistes des universités », 2004, p. 7-21.

9 Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle [désormais ADMM] 3F276, « Mémoire sur la création de l’Académie », f° 22.

10 Voir Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans la Lorraine ducale (1699-1737) », dans Lunéville, la cite cavalière par excellence. Perspectives cavalières du siècle des Lumières au xxsiècle, op. cit., p. 84.

11 ADMM, – loc. cit. Après un bref retour à Nancy, l’Académie sera définitivement réinstallée à Lunéville en 1715 (voir Norbert Conrads, Ritterakademien der Frühen Neuzeit. Bildungs als Standesprivileg im 16. und 17. Jahrundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1982, p. 229).

12 Voir ADMM, B 121, « Lettres patentes au baron de Ceccatty » (Bar-le-Duc, 12 août 1699), f° 35.

13 Voir ADMM, B 1673, « Compte des grands gages pour l’année 1724 », f° 228.

14 Voir ADMM 3F276, f° 8.

15 ADMM 3F276, f° 22.

16 Des copies de ce règlement ont été envoyées « dans toutes les parties de l’Europe » (ADMM, 3F276, f° 11).

17 Voir Jérémy Filet, Jacobitism on the Grand Tour ? The Duchy of Lorraine and the 1715 Jacobite rebellion in the writings about displacement (1697-1736), thèse soutenue à l’université de Lorraine et à Manchester Metropolitan University le 10 avril 2021, p. 128-135.

18 Extrait d’un document faisant la promotion de l’« Académie des nobles » (Bibliothèque Municipale de Nancy, ms. 392, f° 60).

19 Dans l’ensemble, ce programme est proche de celui des Académies nobiliaires de Paris, Turin ou encore Florence : voir Jean Boutier, « De l’Académie royale de Lunéville à l’“Accademia dei nobili” de Florence. Milieux intellectuels et transferts culturels au début de la Régence », dans Il Granducato di Toscana e I Lorena nel secolo xviii, Alessandra Contini et Maria Grazia Parri (dir.), Florence, Olschki, 1999, p. 327-353.

20 Voir Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans la Lorraine ducale (1699-1737) », dans Lunéville, la cite cavalière par excellence. Perspectives cavalières du siècle des Lumières au xxsiècle, op. cit., p. 88-90.

21 ADMM, 3F276, f° 2.

22 Bibliothèque nationale de France, coll. de Lorraine 465, « Règlement pour l’Académie qui sera establie à nancy, capitale de la Lorraine, le moy de may de la presente année 1699 », f° 2.

23 Voir Jerémy Filet, « The Networks of Francis Taaffe, 3rd Earl of Carlingford and Irish Jacobite Émigrés in the Duchy of Lorraine », Eighteenth-Century Ireland, n° 36, 2021, p. 27-48 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3828/eci.2021.5.

24 Voir Frédéric Richard-Maupillier, « Les Irlandais à la cour du duc Léopold de Lorraine (1698-1729) », dans Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Anne Motta (dir.), op. cit., p. 47-60  [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.154895 ; Jérémy Filet et Stephen Griffin, « Duke Léopold’s Irish Subjects and Jacobitism in Lorraine, 1698-1727 », History Ireland, vol. 26, no 3, 2018, p. 22-25.

25 Voir Lucien Bély, « L’incognito des princes : l’exemple de Jacques iii », Revue de la Bibliothèque nationale, n° 46, 1992, p. 40-43.

26 Voir ADMM, H85 et H86.

27 Voir Frédéric Richard-Maupillier, « The English Benedictines in Eighteenth-Century Lorraine », dans Forming Catholic Communities. Irish, Scots and English College Networks in Europe, 1568-1918, Liam Chambers et Thomas O’Connor (dir.), Leyde/Boston, Brill, 2018, p. 116-138.

28 Voir Jean Boutier, « Le “Grand Tour” des élites britanniques dans l’Europe des Lumières : la réinvention permanente des traditions », dans Le Chemin, la Route, la Voie. Figures de l’imaginaire occidental à l’époque moderne, op. cit., p. 241.

29 Voir René Taveneaux, « La Lorraine, les Habsbourg et l’Europe », dans Les Habsbourg et la Lorraine, Jean-Paul Bled, Eugène Faucher et René Taveneaux (dir.), Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1988, p. 11-23.

30 Voir Andrew Lang et Alice Shields, The King over the Water, Londres, Forgotten Books, 2012, p. 184.

31 Léopold continue cependant une abondante correspondance avec le prétendant Stuart, mais il n’est plus en position de lui apporter une assistance directe après le couronnement de George ier (voir Stephen Griffin, « Duke Leopold of Lorraine, Small State Diplomacy, and the Stuart Court in Exile, 1716-1729 », The Historical Journal, vol.65, no 5, 2022, p. 1-18 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.1017/S0018246X2100090X).

32 Voir Jean Boutier, « Compétence internationale, émergence d’une “profession” et circulation des savoirs : le tuteur aristocratique dans l’Angleterre du xviie siècle », dans Saperi in movimento, Maria-Pia Paoli (dir.), Pise,  Edizioni della Normale, 2009, p. 19.

33 Voir Michel Parisse, Histoire de la Lorraine, Rennes, Ouest-France, 2005 ; François Roth, Histoire de la Lorraine et des Lorrains, Metz, Éd. Serpenoise, 2006 ; William Monter, A Bewitched Duchy: Lorraine and its Dukes, 1477-1736, Genève, Droz, 2007 ; Henry Bogdan, La Lorraine des ducs. Sept siècles d’histoire, Paris, Perrin, 2013.

34 Voir ADMM, 3F276, pièce 21.

35 Voir N. Conrads, op. cit., p. 236.

36 Voir Jean Boutier, « À l’épreuve du cosmopolitisme. Les noblesses européennes à Lunéville sous le règne de Léopold, 1699-1730 », dans Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Anne Motta (dir.), op. cit., p. 79 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.154910.

37 Frédéric Richard-Maupillier, « L’Académie de Lunéville, miroir des relations diplomatiques entre la Lorraine et la Grande-Bretagne (1715-1737) », Le Pays Lorrain, n° 98/4, 2017, p. 310-11.

38 ADMM, 3F276, f° 22.

39 Cette idée a été développée plus longuement dans un autre article : voir Jérémy Filet, « Vers un comparatisme des écrits du déplacement ? Littérature et voyageurs comparatistes », Cahiers Tocqueville des Jeunes Chercheurs, vol. 2, no1, 2020, p. 21-28.

40 Le « Grand Tour Project » est coordonné par Giovanni Ceserani à l’université de Stanford (https://grandtour.stanford.edu/). Il offre, pour la première fois une version digitale du Dictionary of British and Irish Travellers in Italy 1701-1800 de John Ingamells, publié par Yale University Press en 1997. Son intérêt est de rendre accessibles les sources italiennes du Grand Tour afin de permettre aux chercheurs de compléter leur connaissance des voyages au xviiie siècle.

41 Voir Simon Cooke, « Inner Journey: Travel writing as life writing », dans The Routledge Companion to Travel Writing, Carl Thompson (dir.), Londres, Routledge, 2016, p. 15-24.

42 Voir Matthew Day, « Western Travel Writing 1450-1750 », dans ibid., p. 161-172.

43 Voir Francis Affergan, Exotisme et altérité. Essai sur les fondements d’une critique de l’anthropologie, Paris, PUF, 1987, p. 16.

44 Voir la fiche qui le concerne dans le projet ERUDHILOR Érudition et érudits : leur histoire en Lorraine, [En ligne] URL : https://erudhilor.huma-num.fr/item/1018, [consulté le 18/05/2022].

45 Voir André Courbet, « Philippe Vayringe (1648-1746), physicien des Ducs de Lorraine », Le Pays Lorrain, 2002, p. 161-174.

46 Voir André Courbet, Correspondance de Valentin Jamerey-Duval, bibliothécaire des ducs de Lorraine, Paris, Champion, 2011.

47 Cité dans ibid., p. 165.

48 Voir Frédéric Charbonneau, « Les silences de l’histoire. Les mémoires du xviisiècle », Cahiers Saint-Simon, n° 30, 2002, p. 107-108 ; – id., « La mémoire des autres. Historiens et plagiaires d’Ancien Régime », Tangence, n°74, 2004, p. 59-69.

49 Voir John S. Rowlinson, Cohesion. A Scientific History of Intermolecular Forces, Cambridge, CUP, 2004, p. 129.

50 Son journal de voyage est conservé à la Bodleian Library à Oxford sous l’entrée MS Rawlinson D. 1179-87.

51 Voir André Courbet, op. cit., p. 166.

52 Voir Jean Saint-Raymond, « Lunéville entre Londres et Vienne : Vayringe et les premiers planétaires », dans Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Anne Motta (dir.), op. cit., p. 181-194 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.154990.

53 À la cour, Duval côtoie noblesse lorraine et érudits locaux mais également des écrivaines telles que Mme de Graffigny.

54 La correspondance de MacLaurin est conservée dans les Special Collections de la Bibliothèque universitaire de l’Université d’Édimbourg sous l’entrée GB 237 Coll- 245.

55 Voir Olivier Bruneau, Colin MacLaurin ou l’obstination mathématicienne d’un newtonien, Nancy, PUN, 2011, p. 108 ; Roger L. Emerson, Academic Patronage in the Scottish Enlightenment. Glasgow, Edinburgh and St Andrews Universities, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2008, p. 326-327 ; Jérémy Filet, op. cit., annexes p. 23.

56 Isaac Newton félicite directement MacLaurin pour sa nomination « in the Professorship of Mathematics at Edinburgh, not only because you are my friend but principally because of your abilities » (lettre du 21 août 1725, Sir Isaac Newton Collection, Stanford University Library, M0132).

57 Il était le fils du secrétaire général d’Irlande. Pour plus d’informations, voir J. Filet, op.  cit., Annexes p. 25.

58 Le manuscrit de ce voyage est conservé en deux parties à la British Library, sous les cotes Add. Mss 34753 (« Journal of travels in Lorraine and France, 7 Sept. -16 Nov. 1723, by Edward Southwell, with his father, the Right Hon. Edward Southwell, Principal Secretary to the Council for Ireland ») et Egerton Ms 3805 (« Travel journal of Edward Southwell, M.P. (1705-1755), son of Edward Southwell, Secretary of State for Ireland, describing his journey from Paris to Naples by way of Turin, Florence and Rome; Oct. 1725-Feb. 1726 »). Le premier a été en partie transcrit dans Jérémy Filet, op. cit., Annexes p. 38 et suiv.

59 Ibid., Add. Mss 34753, n. p.

60 MacLaurin était « fellow » de la Royal Society depuis 1719 et en devient membre par la suite avec le soutien de Newton (voir Olivier Bruneau, op. cit., p. 10).

61 Voir Andrea Rusnock, « Correspondence Networks and the Royal Society, 1700-1750 », The British Journal for the History of Science, vol. 32, no 2, 1999, p. 155-169 [En ligne] URL : http://www.jstor.org/stable/4028081 ; Stella Mills, The Collected letters of Colin MacLaurin, Nantwich, Shiva, 1982, p. 14-15 ; Glasgow University Library, MS GEN 1378.

62 Royal Society Archives [RSA], RS/L6/17.

63 The Correspondence of James Jurin (1684-1750), Andrea Rusnock (éd.), Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1996, p. 164.

64 Dans une lettre écrite depuis Lunéville le 14 juillet 1723, MacLaurin explique à Jurin : « I had these figures from the designing Master, who drew them for the Duke without any explications. I hope they will not need any with you » (RSA, EL/L6/16).

65 A. Jacobo Jurin, « Invitatio ab observationes meteorologicas communi consilio instituendas », Philosophical Transactions of the Royal Society, vol. 32, n379, 1723, p. 422-427 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.1098/rstl.1722.0082.

66 Lettre du 28 janvier 1724, dans The Correspondence of James Jurin, op. cit., p. 225.

67 Ibid., p. 239-240.

68 Lettre de Duval à Halley depuis Lunéville le 7 juin 1725 (RSA, EL-V-59).

69 Lettre de Duval à Jurin depuis Lunéville le 22 février 1725 (RSA, EL-V-60).

70 Voir Sir Isaac Newton’s Philosophiae Naturalis Principia Mathematica. Edition tertia aucta et emendate, Henry Pemberton (éd.), Londres, William & John Innys, 1726.

71 « The new Edition of ye Principia goes on very fast » (lettre du 28 janvier 1724, dans The Correspondence of James Jurin, op. cit., p. 225).

72 Lettre de Duval à Jurin, depuis Lunéville le 22 février 1727, dans André Courbet, op. cit., p. 143.

73 Duval achète également une History of the Royal Society grâce à ses contacts à Londres et reçoit, directement de son auteur, un exemplaire de la Démonstration des Loix du Choc des corps. L’inventaire le plus complet de la bibliothèque de Duval a été publié par André Courbet, op. cit., p. 567-610.

74 The Diaries & Travels of Lord John Hope 1722-1727, Hopetoun Research Group Studies series 1, Édimbourg, University of Edinburg, 1988, p. 10.

75 Dissertation upon the High-Roads of the Duchy of Lorraine (1729). Sur Dom Calmet, voir Aurélie Gérard, Dom Augustin Calmet et l’abbaye de Senones : un milieu littéraire, Langres, Guéniot, 2012.

76 Edward Corp, A Court in Exile: The Stuarts in France, 1689-1718, Cambridge, CUP, 2009, p. 340 ; – id., The Stuarts in Italy, 1719-1766: A Royal Court in Permanent Exile, Cambridge, CUP, p. 170-176 ; Evelyn Lord, The Stuarts’ Secret Army English Jacobites, 1689-1752, Édimbourg, Pearson and Longman, 2004, p. 173.

77 Il est très difficile de connaître le contenu exact de cette collection privée, mais l’on sait que Vayringe avait aux alentours de 40 ouvrages pour son usage personnel, et l’on peut estimer qu’il se tenait au courant des dernières découvertes scientifiques par l’intermédiaire de Duval (voir André Courbet, op. cit., p. 610).

78 Voir André Courbet, « Le bibliothécaire du Grand-Duc de Toscane Valentin Jamerey-Duval (1695-1775) et sa correspondance de Florence », dans Il Granducato di Toscana e I Lorena nel secolo xviii, op. cit., p. 355-383.

79 Voir Jean Boutier, « L’Académie de Lunéville-Nancy. Éducation nobiliaire et culture équestre dans la Lorraine ducale (1699-1737) », dans Lunéville, la cite cavalière par excellence. Perspectives cavalières du siècle des Lumières au xxsiècle, op. cit.

80 Voir Irène Passeron, René Sigrist et Sigfried Bodenmann, « La République des sciences : réseau des correspondances, des Académies et des livres scientifiques au xviiisiècle. Introduction », et René Sigrist, « La “République des sciences” : essai d’analyse sémantique », Dix-Huitième Siècle, n° 40, 2008, p. 5-28 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/dhs.040.0005 et p. 333 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/dhs.040.0333.

81 Voir Niccolò Guicciardini, « Dot-Age: Newton’s Mathematical Legacy in the Eighteenth Century », Early Science and Medicine, vol. 9, n3, 2004, p. 218-256 [En ligne] URL : http://www.jstor.org/stable/4130350.

82 Colin MacLaurin, An account of Sir Isaac Newton’s philosophical discoveries in four books, Londres, Milar & Nourse, 1748.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Jérémy Filet, « Érudition et relations de voyages au siècle des Lumières : le cas des voyageurs britanniques à l’Académie de Lorraine (1697-1736) »Viatica [En ligne], 10 | 2023, mis en ligne le 01 mars 2023, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/viatica/2472 ; DOI : https://doi.org/10.52497/viatica2472

Haut de page

Auteur

Jérémy Filet

Department of Languages, Information and communication, Manchester Metropolitan University

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search