Les voyageurs comme ressources de l’économie sociale du savoir au xviiie siècle. Les enseignements du registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann

Travellers as Resources in the Social Economy of Knowledge in the 18th Century. Lessons from the Visitors’ Register of Jean Hermann’s Cabinet

DOI : 10.52497/viatica2484

Résumés

Résumé : La sédentarité du naturaliste strasbourgeois Jean Hermann (1738-1800) l’ancre parmi les savants de cabinet. Bien qu’il ait peu voyagé, le professeur d’université attire dans son cabinet d’histoire naturelle plus de 5 000 personnes, dont une grande partie de voyageurs venus de toute l’Europe. Le registre des visiteurs (1762-1800), qui est associé à un registre des auditeurs des leçons privées d’histoire naturelle, fait apparaître le cabinet comme un pôle d’attraction à l’échelle de la province naturaliste au xviiisiècle. Ce document est une source de première main pour observer les mobilités européennes, notamment les pratiques associées au Grand Tour et aux voyages savants. Il montre que les cabinets provinciaux sont placés au cœur de l’articulation entre voyage et histoire naturelle, car ils s’imposent comme des lieux de sociabilité savante et curieuse pour les visiteurs de passage. En plus de représenter une part importante du capital social de Jean Hermann, les voyageurs lui donnent par ailleurs les moyens de mobiliser à distance les ressources nécessaires à la pratique de l’histoire naturelle.

Abstract: The sedentary nature of the Strasbourg naturalist Jean Hermann (1738-1800) made him a cabinet scientist. Although he travelled little, the university professor attracted more than 5,000 people to his natural history cabinet, many of them travellers from all over Europe. The visitors’ register (1762-1800), which is associated with a register of auditors of private lessons in natural history, shows the cabinet as a centre of attraction for the naturalist province in the 18th century. This document is a first-hand source for observing European mobility, particularly the practices associated with the Grand Tour and scholarly travel. It shows that the provincial cabinets were at the heart of the link between travel and natural history, as they were places of scholarly and curious sociability for visitors passing through. In addition to representing an important part of Jean Hermann’s social capital, travellers also provided him with the means to mobilise the resources necessary for the practice of natural history from a distance.

Index

Mots-clés

Voyage savant, Grand Tour, histoire naturelle, collections, échanges savants, production du savoir

Keywords

Scholarly travel, Grand Tour, natural history, collections, scholarly exchange, knowledge production.

Plan

Texte

Le voyage et le cabinet forment les deux pôles principaux de l’activité naturaliste tout au long de la période moderne1. Tous deux prennent toutefois une nouvelle dimension au xviiisiècle, au moment où l’histoire naturelle fait l’objet d’une véritable mode culturelle. Cet engouement se traduit par un essor considérable des collections dans toute l’Europe2, tandis que les expéditions savantes mobilisent de plus en plus de naturalistes chargés de contribuer à l’inventaire du monde naturel, de mettre en valeur les ressources des colonies et d’enrichir les collections métropolitaines3. Si le voyage est la condition préalable à la constitution des collections, la récolte sur le terrain et l’étude des spécimens naturels tendent à être dissociées dans la seconde partie du xviiisiècle4. Les gestes des voyageurs sont davantage réglés à distance par les institutions centrales et le modèle du savant de cabinet, incarné par Georges-Louis Leclerc de Buffon ou Georges Cuvier, devient prégnant. Comme nombre de ses pairs, le naturaliste strasbourgeois Jean Hermann (1738-1800) fait valoir que le cabinet prime dans la pratique de l’histoire naturelle. Archétype du savant sédentaire, il défend l’idée que les collections forment un équipement matériel indispensable pour bien observer, comparer et classer, en mettant en évidence des rapports qu’il serait impossible de détecter dans la nature5. C’est pourquoi il crée en 1762 un riche cabinet ouvert aux trois règnes de la nature, qu’il mobilise pour l’enseignement et la recherche. Il est associé à une bibliothèque et à un jardin botanique, dont il a la charge en tant que professeur de botanique de l’université (1784-1792) puis de l’École de Santé (1794-1800) de la ville de Strasbourg.

Dans les faits, l’opposition entre le naturaliste de cabinet et le naturaliste voyageur demande à être relativisée. L’horizon de voyage d’Hermann est certes très limité, puisqu’il se réduit à un séjour d’étude à Paris et à deux excursions botaniques dans la Suisse voisine. Mais le savant n’est pas pour autant coupé du terrain. Il réalise de nombreuses courses et herborisations sur le territoire local alsacien, dont il devient un expert6. Son cabinet d’histoire naturelle lui permet surtout d’entrer en contact avec un grand nombre de voyageurs européens de passage à Strasbourg. Il en fait état dans le registre de ses visiteurs qui est tenu à jour quasi quotidiennement depuis l’ouverture du cabinet en 1762 jusqu’à la mort du savant en 18007.

Figure 1 : Le registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann (1762-1800).

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Source : Archives de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, 88 Z 11/3.

Il est associé à un registre des auditeurs de ses leçons privées d’histoire naturelle (1766-1800) qui rassemble des amateurs, des étudiants de l’université de Strasbourg et des élèves de l’École centrale du Bas-Rhin où le professeur obtient un poste à partir de 17958.

Figure 2 : Le registre des auditeurs de Jean Hermann (1766-1800).

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Source : Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, ms. 1887.

Le premier comptabilise plus de 3600 individus, contre environ 1700 pour le second. Les deux documents ne se limitent pas à une simple liste de noms : Hermann y renseigne les données biographiques d’une grande partie des visiteurs et, dans le cas des auditeurs, des informations relatives aux thèmes et aux tarifs des leçons. Ils démontrent que le cabinet strasbourgeois est un pôle d’attraction important à l’échelle de la province au xviiisiècle, en attirant plus de 5000 personnes issues de toute l’Europe.

Bien que plusieurs registres de ce type aient déjà été finement étudiés, à l’image des carnets du collectionneur nîmois Jean-François Séguier publiés par Emmanuelle Chapron ou du registre des auditeurs des cours de Jean-Baptiste de Lamarck, ils constituent des sources relativement rares pour le xviiisiècle9. Le registre des visiteurs de Jean Hermann offre ainsi l’opportunité de mieux appréhender le monde social des collections d’histoire naturelle, dont les voyageurs font partie intégrante. Tout en mesurant l’attractivité du cabinet, il est un outil de lecture singulier des mobilités savantes européennes. Il permet de déplacer le regard en direction des voyageurs, selon le point de vue de celui qui les reçoit. Derrière la liste de noms, les motivations de l’acte d’écriture et le dispositif d’écriture lui-même méritent d’être analysés. Ce registre permet surtout d’observer comment les voyageurs contribuent à faire du cabinet un lieu de sociabilité savante, au sein duquel ils apparaissent comme des ressources utiles à la réputation de leur hôte et à la production du savoir naturaliste.

Les mobilités savantes européennes au prisme du registre des visiteurs

Le récit d’un voyageur de passage à Strasbourg en 1782 signale que la visite du cabinet Hermann se clôt par l’inscription de son nom dans un registre :

Il nous pria, avant de sortir, d’écrire nos noms sur un registre, où sont ceux de toutes les personnes qui lui ont fait l’honneur de le venir voir : nous nous empressâmes de lui laisser cette faible marque de reconnaissance, pour le plaisir qu’il nous avait procuré10.

Ce livre d’or ne correspond en rien au registre des visiteurs tenu par le savant, mais il a probablement servi de source pour l’alimenter, au même titre que les listes de compagnies de visiteurs demandées à l’avance. Le document semble être plutôt le fruit de la recomposition de différentes listes combinées de manière rétrospective. Composé d’une cinquantaine de feuilles, le registre est divisé en deux colonnes dans lesquelles sont déclinées les listes de noms et les dates précises des visites, dans l’ordre chronologique. La comptabilité du public se veut exhaustive – avec près de 500 entrées relatives à des individus restés anonymes11 – et elle est tenue sans discontinuité entre 1762 et 1800. Il y renseigne les qualités d’environ la moitié des visiteurs, dont sont précisés le statut social, la profession et l’origine géographique. Il faut relever que les notices biographiques les plus détaillées s’attardent plus volontiers sur les savants, les collectionneurs et les voyageurs étrangers. Pour ces derniers, le registre mentionne fréquemment leurs itinéraires de voyage, leurs compétences en matière d’histoire naturelle, leurs affiliations académiques et les possibilités d’échanges de spécimens. C’est le cas de Samuel Vaughan qui est présenté en tant que « Connaisseur minéralogiste anglais. Dunster Court M. Lane à Londres. M’a promis des pétrifications. Voyage en Saxe, Hongrie, Dalmatie, Italie &. De retour dans deux ans12 ». Les cartes de visite de plusieurs hôtes de marque européens, tels que le minéralogiste anglais Charles Hatchett, « ami de M. Pallas et Banks », y sont même collées pour attester leur statut et garder une trace de leur adresse. Le registre apparaît ainsi comme un dispositif d’écriture hybride qui recouvre plusieurs fonctions. Il fait à la fois office de carnet de connaissances, d’outil comptable des possibilités d’échanges de spécimens et de faire-valoir pour le propriétaire, dont la réputation s’appuie sur l’autorité des visiteurs étrangers prestigieux.

D’un point de vue historique, le registre constitue une source de première main pour mesurer l’attractivité du cabinet auprès des voyageurs. En intégrant les auditeurs des cours, le cabinet Hermann accueille plus de 5000 individus entre 1762 et 1800, soit environ 140 personnes par an. Sa fréquentation apparaît modeste par rapport à certains cabinets implantés dans les capitales européennes, à l’instar de celui du marchand Levinus Vincent qui attire au moins 250 visiteurs par an à Amsterdam. Ces chiffres sont toutefois comparables au cabinet Séguier de Nîmes, ce qui confirme le rôle du cabinet strasbourgeois comme pôle d’attraction à l’échelle provinciale au xviiisiècle13. Les informations données sur la provenance des visiteurs permettent aussi d’esquisser une première cartographie du public. Les individus originaires du nord-est de la France y représentent un tiers des visiteurs, tandis qu’un autre tiers provient du territoire national, notamment de Paris et des espaces méridionaux. Si le cabinet apparaît comme un pôle d’attraction local, il s’ouvre en parallèle sur un espace régional qui n’a pas de frontières. Au moins 40 % de voyageurs sont des étrangers, qui viennent majoritairement de l’espace germanique voisin (Saint-Empire, Autriche, Suisse) et de l’empire russe, loin devant l’Angleterre et la péninsule italienne.

Figure 3 : Les visiteurs européens du cabinet de Jean Hermann (1762-1800).

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Sur les 3662 visiteurs, seule l’origine géographique de 1278 individus est renseignée par Jean Hermann.

Carte : D. Rusque. Source : Archives de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1762-1800.

Son rayonnement doit beaucoup au tropisme germanique de la ville, qui est une interface de premier plan pour les transferts culturels franco-allemands. Cela est d’autant plus vrai que l’université luthérienne est à l’origine une fondation allemande qui continue, après 1681, à être marquée par la tradition germanique14. La cartographie des visiteurs étrangers recoupe par conséquent sensiblement l’aire de recrutement des auditeurs, dont une large partie sont des étudiants de la faculté de médecine où Jean Hermann enseigne.

L’attractivité du cabinet auprès des voyageurs ne repose pas seulement sur la richesse des collections ni sur la réputation de son propriétaire. Dans les faits, il est rarement le but principal du voyage, qui est plutôt motivé par d’autres préoccupations, telles que les déplacements professionnels, le service de l’armée, de l’État ou encore les missions religieuses. Sur le modèle du carnet Séguier de Nîmes, le registre de Jean Hermann est un observatoire privilégié des mobilités européennes de l’Europe des Lumières, en restituant les « logiques de la route » de ces déplacements ordinaires15. Mais il se distingue par l’importance prise par les voyages à finalité pédagogique, qui sont inhérents aux fonctions attribuées par le professeur à son cabinet. En plus des étudiants venus compléter leur cursus ou obtenir un doctorat à l’université, beaucoup de jeunes gens font de Strasbourg une étape de leur Grand Tour. Ce circuit pédagogique mène les jeunes membres des élites européennes à travers plusieurs pays du continent pour parachever leur formation et élargir, au contact d’autres cultures, les savoirs théoriques acquis dans les universités ou auprès d’un précepteur16. Au xviiisiècle, il est d’abord orienté vers les savoirs administratifs, la gestion des affaires, avant de s’ouvrir davantage aux sciences et aux techniques. Ce n’est que dans la seconde partie du siècle que certains nobles consacrent leur Grand Tour aux sciences, parmi lesquelles les sciences naturelles figurent en bonne place17. À ce titre, les jeunes gens venus en groupe ou accompagnés de leur gouverneur figurent de manière récurrente dans le registre. Outre la France, les jeunes nobles étrangers proviennent essentiellement du Saint-Empire, de Suisse et d’Europe de l’Est. La présence des Russes et des Polonais y est forte, comme l’attestent les noms des princes Razoumoski, Lubomirsky, Galitzinou du comte Strogonoff.

Strasbourg fait en effet figure de centre de formation privilégié pour les nobles de l’empire russe, dont le Grand Tour est souvent associé à des séjours d’étude de plus ou moins longue durée sur place. Les innovations pédagogiques proposées par l’université luthérienne et les spécificités de la ville elle-même attirent bon nombre d’entre eux. Le professeur d’histoire Jean-Daniel Schoepfliny a notamment ouvert la première école diplomatique destinée à former les élites aux affaires de l’Europe, et plusieurs membres de l’université – dont Jean Hermann – sont des collaborateurs ou des correspondants de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Catherine ii crée même la bourse Golitsyne qui permet chaque année, jusqu’en 1790, à une quinzaine d’enfants de Moscou de se former à la médecine à l’université de Strasbourg. En outre, le caractère bilingue de la ville permet à la fois de se perfectionner en allemand et de poursuivre une éducation mondaine, à travers les cours dispensés en français18. Dans le cadre du Grand Tour, la ville se situe au croisement de l’axe est-ouest entre Paris et Saint-Pétersbourg et de l’axe nord-sud entre les Provinces-Unies et l’Italie. Le registre du cabinet valorise cette position stratégique, comme l’illustre le cas du prince Youssoupoff qui s’arrête à Strasbourg sur le chemin du retour en Russie, après un long périple qui l’a mené au Portugal, en Espagne, dans les Provinces-Unies et en Italie19. Le document atteste dans le même temps que la visite des collections est un premier levier qui permet au professeur de gagner un certain nombre d’auditeurs étrangers. Après avoir découvert le cabinet en août 1780, le prince Jablonovsky et son gouverneur entament des leçons d’histoire naturelle pendant plusieurs mois, qui sont payées 22 louis20.

De manière plus générale, le cabinet Hermann devient un pôle touristique mondain et curieux pour les élites étrangères ayant le souci de s’instruire. Il prend place dans le circuit de visite traditionnel de la ville, entre la cathédrale et le tombeau du maréchal de Saxe. Certaines catégories de visiteurs en font cependant le principal motif de leur voyage. Les naturalistes amateurs, les collectionneurs, les professeurs d’université et les savants professionnels comme Alessandro Volta, Daniel Bernoulli ou Johann C. Fabricius sont nombreux à s’y rendre pour bénéficier de l’expertise d’Hermann et échanger sur les sciences. Le cabinet est même au programme de plusieurs missions savantes. Il constitue une étape du voyage métallurgique de Carl B. Wadstrom, directeur des manufactures de fer au collège des mines de Stockholm, qui demande au savant strasbourgeois des minéraux de la région rhénane en échange de minéraux de Suède21. Le succès du cabinet auprès des voyageurs européens joue donc en faveur de son ancrage parmi les lieux de savoir de l’espace urbain strasbourgeois.

Les sociabilités du voyage savant ou les problématiques de l’accès au cabinet

L’ouverture du cabinet à un auditoire nombreux introduit même une certaine confusion autour du caractère public des collections. Les « Conditions de la démonstration du cabinet d’histoire naturelle » rédigées par Jean Hermann vers 1794 permettent à ce titre d’apporter un éclairage sur la problématique de son accessibilité22. Inspiré du règlement édicté par le British Museum, le document est avant tout un code de bonne conduite visant à régler les comportements des visiteurs afin de garantir la bonne conservation des échantillons exposés et l’efficience de la visite. Il confirme que l’ouverture du cabinet est régulière, avec des horaires qui sont définis à l’avance. Les voyageurs sont soumis aux mêmes contraintes que les auditeurs ayant des leçons prévues à des horaires fixes. Ils sont priés d’annoncer leur visite en amont, au moyen de listes indiquant leurs « nom, qualité & demeure », et de venir à l’heure convenue pour ne pas empiéter sur les « occupations très réglées » du savant23. Le principe d’un accès différencié se retrouve dans les conditions financières qui régissent l’admission du public. Alors que les visiteurs ont un accès gratuit au cabinet, les auditeurs doivent payer pour les leçons privées d’histoire naturelle24. Le registre fait état de tarifs normalisés, avec un prix de base de 36 francs par personne qui peut monter à plusieurs louis en fonction du niveau de richesse et de la générosité des élèves. Les conditions d’accès fixées par Hermann ne suffisent donc pas à faire du cabinet un musée public, tel qu’on l’entend à la fin du xviiisiècle25.

En dehors du cadre des leçons privées, le public peut y être admis à des horaires réguliers, gratuitement, mais il reste une collection privée régie par un privilège d’accès. Son ouverture est une faveur accordée par son propriétaire à des individus « choisis ». Pour les voyageurs inconnus de Jean Hermann, la visite du cabinet implique généralement la mobilisation de liens d’interconnaissance et de recommandation. La force de ces liens est bien visible dans les registres qui gardent une trace des intermédiaires sollicités26. Qu’elle soit envoyée en amont ou donnée sur place, la lettre de recommandation apparaît comme le moyen le plus sûr pour être introduit au cabinet. Les correspondants du savant en sont les principaux pourvoyeurs. Jacob Samuel Wyttenbach, un des fondateurs de la Société bernoise des sciences naturelles, en procure par exemple à quatre visiteurs différents. Certains se réclament de connaissances communes comme M. Grognard de Saint-Pétersbourg qui se présente comme un ami de Jean-Emmanuel Gilibert, si bien qu’il en repart avec une lettre à remettre à ce dernier en Pologne27. D’autres viennent directement accompagnés de personnalités locales alsaciennes qui ont leurs habitudes chez Jean Hermann. L’affiliation à l’université de Strasbourg est un autre gage d’entrée au cabinet puisque de nombreux étudiants y sont accueillis sur la recommandation des collègues du professeur. A contrario, des jeunes gens repartent du cabinet avec une recommandation utile à la poursuite de leur voyage d’études. C’est le cas des frères Delhuyar, originaires d’Espagne, qui obtiennent d’Hermann une lettre destinée à son correspondant Johann F. Charpentier, professeur à l’École des mines de Freyberg28. Le cabinet met ainsi en évidence des réseaux d’interconnaissance et des sociabilités propres aux voyages savants et pédagogiques.

En outre, les visiteurs sont les marqueurs des dynamiques de socialisation de la science qui entourent les collections d’histoire naturelle au xviiisiècle. Dans un prospectus publicitaire paru dans la presse locale strasbourgeoise pendant la période révolutionnaire, Hermann fait apparaître son cabinet comme une ressource de la science publique. Il valorise le rôle pédagogique des collections auprès d’un public élargi :

J’ai résolu de proposer [à mes concitoyens] une espèce de cours d’histoire naturelle continu et perpétuel par manière de démonstration de cabinet. […] Cela pourra devenir pour nombre de citoyens, un moyen de délassement aussi agréable, aussi instructif et aussi honnête qu’un spectacle quelconque. Des citoyens pourront en faire jouir toute leur famille. Les personnes arrivées des campagnes pourront en profiter. Les amateurs seront les maitres, les uns de contenter en général leur curiosité […] les autres s’instruiront pendant autant de temps, et prendront autant d’heures que chacun jugera lui convenir29.

Pour le professeur, l’histoire naturelle s’adresse à « tous les sexes » et à « tous les états30 » : les savants, les amateurs éclairés comme les simples curieux, les hommes comme les femmes, les jeunes gens comme les plus âgés, les gens des campagnes voisines comme les voyageurs étrangers. Il souligne également sa capacité à s’adapter à différents types de publics, en proposant aux amateurs des « démonstrations superficielles » qui diffèrent des cours privés donnés aux étudiants. Le prospectus publicitaire recouvre tout un discours sur la démocratisation de l’accès aux lieux de savoir, un discours qui est devenu prégnant pendant la période révolutionnaire.

Cette volonté d’ouverture affichée par Hermann est-elle mise en œuvre au sein du cabinet ? Même si les données relatives aux qualités des individus s’avèrent lacunaires et difficiles à exploiter, le registre des visiteurs permet de dessiner les contours de la composition sociale du public des collections31. Il atteste que le cabinet est avant tout un lieu de sociabilité savante et un équipement pédagogique : les savants, les professeurs, les médecins représentent un tiers du public, un chiffre qui atteint 50 % si on y adjoint les étudiants et les jeunes gens sur la route du Grand Tour. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit confisqué au seul profit du corps savant, car il s’ouvre assez largement aux amateurs et aux curieux qui associent la visite du cabinet à un loisir mondain. La découverte des productions de la nature se fait volontiers en famille. Le 27 juillet 1786, le comte et la comtesse de Ludres, originaires de Nancy, sont en effet accompagnés de leurs deux fils, de l’abbé Duviller, de leur bonne, de leur cocher et de leurs deux domestiques. La politique d’ouverture est en revanche beaucoup plus limitée sur le plan social. Les ordres privilégiés du clergé et de la noblesse représentent au moins la moitié des visiteurs, devant les élites urbaines éclairées comme les médecins, les professeurs, les négociants ou les administrateurs. La période révolutionnaire n’y change pas grand-chose, en dépit d’une raréfaction des anciens ordres privilégiés. Si le projet républicain de démocratisation de l’accès aux collections relève davantage du discours que de la pratique, le cabinet strasbourgeois s’impose comme un lieu de sociabilité savante et curieuse. Il est le terrain de rencontre entre la science instituée et le monde de la curiosité dilettante.

Des voyageurs mis au service de l’activité savante du cabinet

Les récits des voyageurs soulignent la disponibilité avec laquelle Hermann guide les visiteurs parmi ses collections. Christian U. von Eggers, professeur de droit et de sciences camérales de l’université de Copenhague, salue l’érudition et les compétences pédagogiques de son hôte lors de son passage à Strasbourg en 1798. Il relève notamment sa capacité à fournir des « explications dilettantes » accessibles au simple amateur32. Au-delà du temps de la visite, les récits de voyage participent à la construction de la réputation savante du cabinet et de son propriétaire. Cela est d’autant plus vrai qu’ils s’accordent à souligner la richesse des collections Hermann. Dès 1780, la seconde édition de la Conchyliologie de Dezallier d’Argenville intègre le cabinet strasbourgeois dans son tableau des plus belles collections européennes, qui s’impose alors comme un guide de référence pour les voyageurs amateurs d’histoire naturelle. La description de ce « beau cabinet d’histoire naturelle » qui « embrasse toutes les parties qui font l’objet de science » lui assure une publicité certaine33. Un étudiant polonais confirme, à la fin du siècle, que le professeur « avait un cabinet extrêmement bien choisi et étonnamment riche pour celui d’un particulier34 ». Plusieurs voyageurs font remarquer que le cabinet recouvre un programme encyclopédique en s’ouvrant aux trois règnes de la nature et en associant les productions communes du « pays » aux productions étrangères. Le regard du public curieux s’arrête plus volontiers sur les pièces rares et exotiques dont les incontournables sont les oiseaux des Indes, le tigre, l’alligator, les coquillages rares et les « chefs d’œuvre » que sont les cires de bivalves de la collection Poli achetées par Hermann en 180035. La vocation savante du cabinet transparaît dans son ordonnancement et dans le souci apporté à la bonne conservation des échantillons, ce qui fait l’objet de nombreux éloges. Les spécimens y sont « rangés avec ordre36 » et sont en général très bien étiquetés. Du bon arrangement des collections dépend la réputation du naturaliste, dont les compétences sont mises à l’épreuve dans les récits de voyage. Le cabinet représente un capital symbolique à portée ostentatoire dont la renommée rejaillit sur son propriétaire. Au-delà du cercle des savants, les voyageurs lui procurent une plus grande visibilité sociale, ce qui lui permet de se construire une réputation dans l’espace public. La prise en charge des visiteurs transforme de cette manière le cabinet en espace de représentation.

Les voyageurs sont par ailleurs mis au service de la collecte des spécimens naturels, ce qui en fait des ressources indispensables à la pratique de l’histoire naturelle. Ils donnent une nouvelle dimension aux réseaux d’échange d’objets déjà développés dans le cadre de la correspondance. Pour enrichir ses collections, le savant s’appuie en effet sur un réseau épistolaire de plus de 200 correspondants issus de toute l’Europe. Composé essentiellement de naturalistes, de professeurs et de collectionneurs, il se distingue par un fort degré de spécialisation. Les échanges matériels à l’œuvre dans la correspondance montrent l’importance de la logique du don et du contre-don, qui est également mise en évidence dans le registre des visiteurs. Les spécimens reçus, offerts ou transmis par les voyageurs y sont soigneusement consignés. Alors que certains offrent spontanément à Hermann des échantillons, un certain nombre promettent de lui en envoyer ultérieurement, une fois revenus chez eux. Par exemple, la princesse Dachkov s’engage à lui fournir des pétrifications de Russie contre des pétrifications d’Alsace37, et Léopold F. J. Berdot, tout juste revenu d’Amérique, lui promet des oiseaux38. Les voyageurs contribuent ainsi à élargir l’espace de collecte à toute l’Europe et au-delà, car ils sont susceptibles de fournir des spécimens tirés de leur territoire local ou des régions parcourues lors de leur voyage. Plusieurs voyageurs deviennent des intermédiaires privilégiés pour assurer la collecte à l’échelle d’un territoire défini comme M. de Libin qui propose de se charger des « commissions pour la Pologne39 ». La visite du cabinet peut donner lieu à des échanges fructueux sur le long terme. Après son passage au cabinet en 1783, l’Anglais Samuel Vaughan devient le correspondant d’Hermann et il lui envoie de nombreux spécimens de Jamaïque où il est devenu propriétaire d’une plantation de canne à sucre40. L’accumulation d’échantillons issus de territoires lointains permet de combler les « blancs géographiques » dans les séries et de compléter, en comparant les spécimens d’une région à la lumière d’une autre, l’inventaire du monde naturel. Si une minorité de visiteurs participent activement aux réseaux d’échange de spécimens, ils constituent un capital social qui se place en amont d’échanges en devenir pouvant être réactivés ultérieurement par la correspondance. Le registre peut donc être considéré comme un système d’archivage d’informations utile à l’économie d’échange. Hermann s’attache à y renseigner les informations biographiques des individus dont il pourrait tirer le plus profit, à l’image d’Eugenio Izquierdo, « vice-roi du cabinet d’histoire naturelle du Roy d’Espagne à Madrid » et de Jehannot, présenté comme « un curieux qui amasse et troque41 ».

Le registre dévoile aussi les interconnexions dans les réseaux d’échange, à travers les liens noués entre les visiteurs et les correspondants du savant. Au moins 70 voyageurs sont mobilisés pour acheminer une lettre ou un paquet destiné à un correspondant. Vialars rapporte par exemple à Hermann des graines données par le botaniste Antoine Gouan à Montpellier. En fonction des opportunités et de leur itinéraire, les voyageurs sont transformés en intermédiaires occasionnels chargés de sécuriser le transfert des spécimens sur de longues distances42. Ils sont d’autant plus nécessaires que leur circulation est soumise à de nombreux aléas en raison de la fragilité des échantillons et des risques de vol ou de perte des paquets. Une part importante des voyageurs deviennent eux-mêmes des correspondants d’Hermann, ce qui démontre que le cabinet sert de levier pour établir des relations plus durables43. La visite se prolonge souvent par des échanges de lettres qui consolident le réseau épistolaire du savant et sa position dans la République des Sciences au xviiisiècle. En 1787, le passage à Strasbourg de James Edward Smith est le point de départ d’une correspondance suivie et de nombreux échanges de livres44. La carrière de ce botaniste anglais n’est alors pas encore établie, mais l’acquisition récente des riches herbiers de Carl von Linné père et fils lui ouvre les portes de nombreux cabinets d’histoire naturelle. Son Grand Tour ressemble fort à une campagne de recrutement puisqu’il a l’ambition d’associer les savants rencontrés dans toute l’Europe à la Société linnéenne qu’il prévoit de créer à son retour à Londres45. Dès 1788 Hermann devient ainsi, dans le sillage de nombreux savants approchés par Smith lors de son voyage, membre étranger de la Linnean Society46.

Comme l’a bien montré Emmanuelle Chapron, les flux réguliers de visiteurs « participe[nt] au quotidien de la pratique savante47 ». Loin des capitales culturelles, les voyageurs permettent à Hermann de rester en contact avec la République des sciences. Le registre des visiteurs met en scène l’économie sociale du savoir à l’œuvre dans le cabinet, en le faisant apparaître comme un lieu d’échange d’informations et de découvertes scientifiques. Hermann est mis au courant de l’identification de nouvelles espèces encore inconnues qui ont été collectées outre-mer, grâce à des individus comme Lauragais « revenu de l’Amérique boréale avec minéraux et oiseaux48 ». Les savants tendent à y promouvoir leurs travaux respectifs, tandis que Jean Hermann a l’opportunité de discuter de ses propres publications d’histoire naturelle, au point d’offrir à certains des exemplaires de sa Tabula affinitatum animalium (1783)49. Il fait en même temps la publicité des activités de l’université de Strasbourg auprès de ses collègues professeurs. Les visites des naturalistes donnent enfin lieu à un véritable travail collaboratif. Certains analysent les spécimens du cabinet, comme Alberto Fortis qui identifie l’origine italienne d’une dent mâchelière50. D’autres comptent sur l’expertise scientifique de Jean Hermann pour mener à bien leurs missions savantes. En 1798, le professeur de géologie Barthélemy Faujas de Saint-Fond est chargé par le Muséum national d’histoire naturelle d’enquêter sur les mines, jardins botaniques et collections d’histoire naturelle de l’est de la France et du Saint-Empire. Hermann guide le savant parisien lors de l’étape alsacienne de son voyage scientifique51. Avant de visiter le Jardin botanique de Strasbourg, il passe plusieurs heures au cabinet à observer des spécimens zoologiques rares et il met à profit les relations de son hôte avec de nombreux naturalistes d’outre-Rhin pour faciliter la poursuite de son voyage52.

Le registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann contribue à élargir les formes d’expression écrite données au voyage. Il est une source de première main pour observer les mobilités européennes, notamment les pratiques associées au Grand Tour et aux voyages savants. La forte fréquentation du cabinet strasbourgeois montre que les collections d’histoire naturelle affirment leur place, aux côtés des bibliothèques et des académies, dans la topographie des lieux de savoir visités par les voyageurs au xviiisiècle. Les cabinets provinciaux sont ainsi placés au cœur de l’articulation entre voyage et histoire naturelle. Ils constituent des lieux de sociabilité savante et curieuse autour desquels se construit un monde d’interconnaissances. La visite du cabinet n’est pas déconnectée de l’activité scientifique, elle permet au contraire de mobiliser à distance les ressources nécessaires à la pratique de l’histoire naturelle. Les voyageurs s’inscrivent dans les réseaux d’échange de spécimens naturels, facilitent leur circulation à l’échelle européenne et sont des sources d’informations précieuses. Ils ne sont pas seulement des spectateurs des collections, mais également des intermédiaires qui participent à la production du savoir.

1 Voir Paula Findlen, Possessing Nature. Museums, Collecting, and Scientific Culture in Early Modern Italy, Berkeley, University of California Press

2 Voir Pierre-Yves Lacour, La République naturaliste. Collections d’histoire naturelle et Révolution française (1789-1804), Paris, Publications

3 Voir Katharine Anderson, « Natural history and the scientific voyage », dans Worlds of Natural History, Helen A. Curry, Nicholas Jardine, James 

4 Voir Marie-Noëlle Bourguet, « La collecte du monde : voyage et histoire naturelle (fin xviisiècle – début xixsiècle) », dans Le Muséum au

5 Voir Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg [BNUS], ms. 1887, « Remarques du Professeur d’histoire naturelle à la lettre du ministre

6 Voir BNUS, ms. 0629, Flora Alsatica, par Jean Hermann, xviiisiècle, 464 p.

7 Voir Archives de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg [AVES], 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1762-1800.

8 Voir BNUS, ms. 1887, registre des auditeurs de Jean Hermann, 1766-1800.

9 Voir Emmanuelle Chapron, L’Europe à Nîmes : les carnets de Jean-François Séguier (1732-1783), Avignon, Éditions A. Barthélémy, 2008 ; Raphaël

10 Fernand Heitz, L’Alsace en 1782 vue par un inconnu, Colmar, Alsatia, 1934, p. 38-39.

11 Les mentions telles que « Mlle », « un anglais jeune » ou « quatre officiers » sont récurrentes dans le registre.

12 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1762-1800.

13 Voir Maarten Prak, The Dutch Republic in the Seventeenth Century. The Golden Age, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 226 ; Emmanuelle

14 Voir Die Universität Straßburg zwischen Späthumanismus und Französischer Revolution, Hanspeter Marti et Robert Seidel (dir.), Cologne / Weimar /

15 Voir Emmanuelle Chapron, op. cit., p. 26-41.

16 Voir Gábor Gelléri, Lessons of Travel in Eighteenth-Century France: From Grand Tour to School Trips, Martlesham, Boydell Press, 2020.

17 Voir Gilles Bertrand, « Le voyage de formation en Europe, xve-xviiie siècle », dans L’Europe des sciences et des techniques. Un dialogue des

18 Voir Rodolphe Baudin, Nicolai Karamazine à Strasbourg. Un écrivain-voyageur russe dans l’Alsace révolutionnaire (1789), Strasbourg, Presses

19 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 15 octobre 1776.

20 Voir BNUS, ms. 1887, registre des auditeurs de Jean Hermann, 15 septembre 1780 et les mois suivants.

21 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 13 février 1778.

22 Voir BNUS, ms. 1027, f° 4-5, « Conditions de la démonstration du cabinet d’histoire naturelle du professeur Hermann », Strasbourg, vers 1794.

23 En plus des leçons données ponctuellement, beaucoup d’auditeurs s’inscrivent à des cours d’une durée de plusieurs mois, selon un rythme d’une à

24 À partir de 1795, le cabinet Hermann est mis à disposition des élèves de l’École centrale du Bas-Rhin contre une indemnité financière dévolue à

25 Voir Krzysztof Pomian, Des Saintes reliques à l’art moderne. Venise-Chicago. xiiie-xxe siècle, Paris, Gallimard, 2003, p. 271-297 ; Pomian y

26 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann. Les mentions « recommandé par » ou « allégué par » y sont récurrentes.

27 Voir ibid., 28 janvier 1785.

28 Voir ibid., 22 juin 1778.

29 BNUS, ms. 1887, prospectus faisant la promotion des cours d’histoire naturelle de Jean Hermann, fin du xviiie siècle. Il est paru dans le n° 44 de

30 Ibid.

31 Seule la moitié des entrées apportent des informations sur le statut social des visiteurs. Le découpage des publics en différentes catégories

32 Christian Ulrich Detlev Von Eggers, Bemerkung auf einer Reise durch das südliche Deutschland, den Elsass und die Schweiz in den Jahren 1798 und

33 Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, La Conchyliologie ou histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles, t. 1

34 Émile Longin, Souvenirs d’un étudiant de l’Université de Strasbourg (1783-1793), Strasbourg, F.-X. Le Roux, 1922, p. 5-12.

35 Heinrich Sander, Beschreibung Seiner Reisen durch Frankreich, die Niederlande, Holland, Deutschland und Italien, Leipzig, F. G. Jacobäer und Sohn

36 Fernand Heitz, op. cit., p. 38-39.

37 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 18 mai 1771. À partir de 1770, la princesse Catherine Dachkov voyage dans

38 Voir ibid., 13 février 1783.

39 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 27 décembre 1790.

40 Voir American Philosophical Society of Philadelphia, Misc. ms. Collection, ms. 339, lettre de Samuel Vaughan à Jean Hermann, Flamstead, Jamaïque

41 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 8 mars 1781 et 2 décembre 1780.

42 Voir Kapil Raj, « Intermédiation et intermédiaires », dans L’Europe des sciences et des techniques, op. cit., p. 213-219.

43 Sur les 215 correspondants identifiés, au moins 80 ont visité le cabinet.

44 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 13 septembre 1787 ; James Edward Smith, A Sketch of a Tour on the

45 Voir Timothée Léchot, « Quand le “successeur de Linné” traverse la Suisse : James Edward Smith en 1787 », Bulletin de l’Association culturelle

46 Voir Universitätsbibliothek von Leipzig, Autographensammlung Römer, Signatur: Slg. Römer/NL 136/106, lettre de James Edward Smith à Jean Hermann

47 Emmanuelle Chapron, op. cit., p. 43.

48 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1er février 1785.

49 Jean Hermann, Tabula affinitatum animalium, Strasbourg, Treuttel, 1783.

50 Voir BNUS, ms. 3757, f.° 6, lettre de Jean Hermann à Georges Cuvier, Strasbourg, 6 pluviôse an V.

51 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 2 mai 1798.

52 Voir Ferdinand Boyer, « Un voyage scientifique après Campo-Formio : trois lettres de Barthélemy Faujas de Saint-Fond à ses collègues du Muséum »

Notes

1 Voir Paula Findlen, Possessing Nature. Museums, Collecting, and Scientific Culture in Early Modern Italy, Berkeley, University of California Press, 1994.

2 Voir Pierre-Yves Lacour, La République naturaliste. Collections d’histoire naturelle et Révolution française (1789-1804), Paris, Publications scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle, 2014 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.mnhn.5319.

3 Voir Katharine Anderson, « Natural history and the scientific voyage », dans Worlds of Natural History, Helen A. Curry, Nicholas Jardine, James Secord et Emma C. Spary (dir.), Cambridge/ New York, Cambridge University Press, 2018, p. 304-318 ; Helen Londa Schiebinger, Plants and Empire. Colonial Bioprospecting in the Atlantic World, Cambridge (Mass.) / Londres, Harvard University Press, 2004.

4 Voir Marie-Noëlle Bourguet, « La collecte du monde : voyage et histoire naturelle (fin xviisiècle – début xixsiècle) », dans Le Muséum au premier siècle de son histoire, Claude Blanckaert, Claudine Cohen, Pietro Corsi et Jean-Louis Fischer (dir.), Paris, Publications scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle, 1997, p. 136-198 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.mnhn.1693.

5 Voir Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg [BNUS], ms. 1887, « Remarques du Professeur d’histoire naturelle à la lettre du ministre de l’Intérieur datée du 17 Vend. 7 », mémoire de Jean Hermann, fin du xviiisiècle.

6 Voir BNUS, ms. 0629, Flora Alsatica, par Jean Hermann, xviiisiècle, 464 p.

7 Voir Archives de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg [AVES], 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1762-1800.

8 Voir BNUS, ms. 1887, registre des auditeurs de Jean Hermann, 1766-1800.

9 Voir Emmanuelle Chapron, L’Europe à Nîmes : les carnets de Jean-François Séguier (1732-1783), Avignon, Éditions A. Barthélémy, 2008 ; Raphaël Bange, « Base de données pour une étude prosopographique : les auditeurs du cours de Lamarck au Muséum national d’histoire naturelle (1795-1823) », Annales historiques de la Révolution française, n° 320, 2000, p. 205-221 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/ahrf.167.

10 Fernand Heitz, L’Alsace en 1782 vue par un inconnu, Colmar, Alsatia, 1934, p. 38-39.

11 Les mentions telles que « Mlle », « un anglais jeune » ou « quatre officiers » sont récurrentes dans le registre.

12 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1762-1800.

13 Voir Maarten Prak, The Dutch Republic in the Seventeenth Century. The Golden Age, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 226 ; Emmanuelle Chapron, op. cit., p. 26-33.

14 Voir Die Universität Straßburg zwischen Späthumanismus und Französischer Revolution, Hanspeter Marti et Robert Seidel (dir.), Cologne / Weimar / Vienne, Böhlau Verlag GmbH, 2018.

15 Voir Emmanuelle Chapron, op. cit., p. 26-41.

16 Voir Gábor Gelléri, Lessons of Travel in Eighteenth-Century France: From Grand Tour to School Trips, Martlesham, Boydell Press, 2020.

17 Voir Gilles Bertrand, « Le voyage de formation en Europe, xve-xviiie siècle », dans L’Europe des sciences et des techniques. Un dialogue des savoirs, xve-xviiie siècle, Liliane Hilaire-Perez, Fabien Simon et Marie Thébaud-Sorger (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 231-237.

18 Voir Rodolphe Baudin, Nicolai Karamazine à Strasbourg. Un écrivain-voyageur russe dans l’Alsace révolutionnaire (1789), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2011, p. 41-58 ; Louis-Henry de Nicolay. Un intellectuel strasbourgeois dans la Russie des Lumières, Rodolphe Baudin et Alexandra Veselova (dir.), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2020.

19 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 15 octobre 1776.

20 Voir BNUS, ms. 1887, registre des auditeurs de Jean Hermann, 15 septembre 1780 et les mois suivants.

21 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 13 février 1778.

22 Voir BNUS, ms. 1027, f° 4-5, « Conditions de la démonstration du cabinet d’histoire naturelle du professeur Hermann », Strasbourg, vers 1794.

23 En plus des leçons données ponctuellement, beaucoup d’auditeurs s’inscrivent à des cours d’une durée de plusieurs mois, selon un rythme d’une à deux heures par semaine.

24 À partir de 1795, le cabinet Hermann est mis à disposition des élèves de l’École centrale du Bas-Rhin contre une indemnité financière dévolue à son entretien. Des créneaux de deux après-midis leur sont alors réservés chaque semaine.

25 Voir Krzysztof Pomian, Des Saintes reliques à l’art moderne. Venise-Chicago. xiiie-xxe siècle, Paris, Gallimard, 2003, p. 271-297 ; Pomian y questionne la notion de musée public employée par les voyageurs français en Italie au xviiisiècle.

26 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann. Les mentions « recommandé par » ou « allégué par » y sont récurrentes.

27 Voir ibid., 28 janvier 1785.

28 Voir ibid., 22 juin 1778.

29 BNUS, ms. 1887, prospectus faisant la promotion des cours d’histoire naturelle de Jean Hermann, fin du xviiie siècle. Il est paru dans le n° 44 de la Gazette de Strasbourg durant la période révolutionnaire.

30 Ibid.

31 Seule la moitié des entrées apportent des informations sur le statut social des visiteurs. Le découpage des publics en différentes catégories sociales (professeurs, savants, médecins, administrateurs, marchands…) est sujet à caution car elles sont perméables et soumises à des évolutions.

32 Christian Ulrich Detlev Von Eggers, Bemerkung auf einer Reise durch das südliche Deutschland, den Elsass und die Schweiz in den Jahren 1798 und 1799, Copenhague, Proft, 1802, t. 2, p. 329-332.

33 Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, La Conchyliologie ou histoire naturelle des coquilles de mer, d’eau douce, terrestres et fossiles, t. 1, Paris, Guillaume de Bure, 1780, p. 282.

34 Émile Longin, Souvenirs d’un étudiant de l’Université de Strasbourg (1783-1793), Strasbourg, F.-X. Le Roux, 1922, p. 5-12.

35 Heinrich Sander, Beschreibung Seiner Reisen durch Frankreich, die Niederlande, Holland, Deutschland und Italien, Leipzig, F. G. Jacobäer und Sohn, 1783, Bd. 1, p. 7-8.

36 Fernand Heitz, op. cit., p. 38-39.

37 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 18 mai 1771. À partir de 1770, la princesse Catherine Dachkov voyage dans toute l’Europe pendant plusieurs années afin d’éduquer son fils. De retour en Russie, elle est nommée directrice de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg en 1783.

38 Voir ibid., 13 février 1783.

39 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 27 décembre 1790.

40 Voir American Philosophical Society of Philadelphia, Misc. ms. Collection, ms. 339, lettre de Samuel Vaughan à Jean Hermann, Flamstead, Jamaïque, 20 mars 1788.

41 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 8 mars 1781 et 2 décembre 1780.

42 Voir Kapil Raj, « Intermédiation et intermédiaires », dans L’Europe des sciences et des techniques, op. cit., p. 213-219.

43 Sur les 215 correspondants identifiés, au moins 80 ont visité le cabinet.

44 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 13 septembre 1787 ; James Edward Smith, A Sketch of a Tour on the Continent, in the Years 1786 and 1787, Londres, J. Davis, B. and J. White, 1793, p. 183-186.

45 Voir Timothée Léchot, « Quand le “successeur de Linné” traverse la Suisse : James Edward Smith en 1787 », Bulletin de l’Association culturelle pour le voyage en Suisse, 2021, p. 11-16.

46 Voir Universitätsbibliothek von Leipzig, Autographensammlung Römer, Signatur: Slg. Römer/NL 136/106, lettre de James Edward Smith à Jean Hermann, Londres, 24 octobre 1788.

47 Emmanuelle Chapron, op. cit., p. 43.

48 AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1er février 1785.

49 Jean Hermann, Tabula affinitatum animalium, Strasbourg, Treuttel, 1783.

50 Voir BNUS, ms. 3757, f.° 6, lettre de Jean Hermann à Georges Cuvier, Strasbourg, 6 pluviôse an V.

51 Voir AVES, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 2 mai 1798.

52 Voir Ferdinand Boyer, « Un voyage scientifique après Campo-Formio : trois lettres de Barthélemy Faujas de Saint-Fond à ses collègues du Muséum », Revue d’histoire des sciences, n° 29/4, 1976, p. 325-336 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3406/rhs.1976.1429.

Illustrations

Figure 1 : Le registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann (1762-1800).

Figure 1 : Le registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann (1762-1800).

Source : Archives de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, 88 Z 11/3.

Figure 2 : Le registre des auditeurs de Jean Hermann (1766-1800).

Figure 2 : Le registre des auditeurs de Jean Hermann (1766-1800).

Source : Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, ms. 1887.

Figure 3 : Les visiteurs européens du cabinet de Jean Hermann (1762-1800).

Figure 3 : Les visiteurs européens du cabinet de Jean Hermann (1762-1800).

Sur les 3662 visiteurs, seule l’origine géographique de 1278 individus est renseignée par Jean Hermann.

Carte : D. Rusque. Source : Archives de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, 88 Z 11/3, registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann, 1762-1800.

Citer cet article

Référence électronique

Dorothée RUSQUE, « Les voyageurs comme ressources de l’économie sociale du savoir au xviiie siècle. Les enseignements du registre des visiteurs du cabinet de Jean Hermann », Viatica [En ligne], 10 | 2023, mis en ligne le 16 février 2023, consulté le 20 mars 2023. URL : http://revues-msh.uca.fr/viatica/index.php?id=2484

Auteur

Dorothée RUSQUE

Université de Neuchâtel

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