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Comptes rendus

Fahd al-Dabbous, Al-rahhala al-’arab wa intiba’atuhum ‘an al-Ma’arid al-dawliyya, 1851-1900 (Les Voyageurs arabes et leurs impressions face aux Expositions universelles, 1851-1900)

2009
Randa Sabry
Référence(s) :

Fahd al-Dabbous, Al-rahhala al-’arab wa intiba’atuhum ‘an al-Ma’arid al-dawliyya, 1851-1900 (Les Voyageurs arabes et leurs impressions face aux Expositions universelles, 1851-1900), 2009

Texte intégral

  • 1 Al-rahhala al-’arab wa intiba’atuhum ‘an al-Ma’arid al-dawliyya (1851-1900).

1En 2009 paraît au Koweït – sans mention d’éditeur – une enquête pionnière consacrée aux Voyageurs arabes et leurs impressions face aux Expositions universelles (1851-1900)1. L’auteur de nationalité koweïtienne, Fahd Nayef al-Dabbous, souligne lui-même que son livre se veut moins un travail d’historien sur le phénomène des Expositions et sur les motifs qui poussaient écrivains et journalistes de langue arabe vers ces foires gigantesques, qu’un recueil réunissant tous les matériaux susceptibles d’inspirer diverses études à venir dans ce domaine. Et de fait, son ouvrage, d’une présentation très soignée, réunit sur 500 pages une abondante iconographie et des dossiers bien documentés qui nous renseignent sur les visiteurs – souverains, écrivains, juristes, journalistes, etc. – de chaque Exposition tout en nous offrant des extraits de leur témoignage, en une anthologie qui exhume bien des pages oubliées.

  • 2 Ce texte sera bientôt disponible en traduction française aux éditions Norma.

2L’introduction nous révèle qu’à l’origine de ce travail, il y eut le plaisir très vif ressenti à la lecture de L’Univers à Paris, 1900, cet étonnant journal où Ahmad Zaki pacha relate, avec autant d’humour que de précision, tout ce qu’il a pu observer durant son séjour dans la capitale française, du 21 avril au 12 juillet 19002.

  • 3 Pour le premier : un tableau de la vie sociale en Angleterre et en France (Kachf al-mukhabba ‘an f (...)

3C’est alors que s’amorce pour Fahd al-Dabbous une recherche plus vaste dont la difficulté ne saurait être minimisée. Car si plusieurs voyageurs de renom comme le Libanais Farès al-Chidyaq ou l’Égyptien Amin Fikri ont fait état de leurs réactions face à ces grand-messes du progrès technologique et des arts dans des récits viatiques facilement repérables3, si la visite des souverains, en tête desquels le Khédive Ismaïl pacha, a donné lieu à des comptes rendus circonstanciés, la majorité des autres témoignages, disséminés dans la presse, ont nécessité un dépouillement beaucoup plus sinueux.

  • 4 Dont l’un, Muhammad al-Muwaylihi, nous a laissé de sa visite non un journal de bord comme Ahmad Za (...)

4Procédant par ordre chronologique, le plan de l’ouvrage accorde un chapitre à chaque Exposition, depuis celle du Crystal Palace en 1851 jusqu’à celle de 1900 à Paris, pour laquelle l’auteur recense au moins treize voyageurs4. Dans l’entre-deux, des Expositions dont le retentissement en terre arabe (sont concernés avant tout l’Égypte, le Liban, la Tunisie, le Maroc) varie selon la distance, les Expositions européennes (celles de 1855, 1875, 1889 à Paris ; de 1862 à Londres ; de 1896 à Genève) attirant, on s’en doute, plus de curieux, que celles organisées outre-Atlantique (à Philadelphie en 1876 et à Chicago en 1893) ou en Australie (à Melbourne en 1888).

  • 5 Cette relation (Machahid al-Mamalik, ou Du spectacle des contrées), publiée en 1910, déborde les l (...)

5Chaque chapitre du livre obéit grosso modo au même modèle : après quelques informations générales sur l’Exposition elle-même, un ensemble de photographies présentant des vues panoramiques, des monuments et attractions mémorables, puis, pour chaque voyageur, une biographie, des portraits photographiques et, le cas échéant, la liste de ses œuvres, le tout suivi des extraits de son récit – une régularité qui nous rend d’autant plus attentifs à certains cas sortant de l’ordinaire. Tel celui d’Edward Pacha Elias, ce Syrien qui fit carrière en Égypte et participa à l’organisation du Pavillon égyptien à Philadelphie. D’où un récit passionnant5 dans lequel il rapporte tout à la fois ses impressions devant certains aspects stupéfiants de la ville à New York (les buildings de plus de quarante étages, une sonnerie permettant d’alerter les pompiers depuis sa chambre d’hôtel), ses souvenirs de l’excursion aux chutes du Niagara, mais aussi telles anecdotes sur les coulisses de l’Exposition : comme ces cuillères d’ébène de la collection égyptienne qui avaient si fort séduit l’épouse du Président Grant que notre généreux voyageur – ô désastreuse courtoisie orientale – ne voit d’autre issue que… de les lui offrir ! Autre découverte curieuse : le rôle actif joué lors de l’Exposition universelle de 1900 par la princesse Alexandra de Avierino, fille de Constantin Khoury, et fondatrice de la revue Le Lotus publiée en langue française au Caire. Venue à Paris pour représenter ses consœurs de la Ligue féministe de la paix, elle y prononce des conférences sur l’émancipation de la femme orientale. Enfin, on ne peut manquer de mentionner les comptes rendus que fit paraître Yakub Sannu’, le premier caricaturiste égyptien, exilé volontaire à Paris, d’où il lança les différentes livraisons de son journal satirique bilingue (arabe-français), Migalit Abou Naddara (Le Journal d’Abou Naddara), très hostile à l’occupation britannique et en connivence exaltée avec son pays d’accueil. Même si cette production tranche par son caractère de propagande pro-française avec les récits des autres voyageurs, là n’est peut-être pas l’essentiel, mais plutôt l’opportunisme qui pousse Sannu’ à rédiger, à l’occasion de l’Exposition de 1900, le premier guide de Paris en langue arabe : Al-Bada’i’ al-ma’radiyya bi Baris al-bahiyya (Des Expositions prodigieuses dans Paris la radieuse) doublé d’un livret en français : La France et son Histoire, Paris et ses Expositions.

  • 6 D’où l’absence, dans les développements sur les Pavillons des pays de l’Orient arabe représentés a (...)

6Si la bibliographie fait consciencieusement le tour des récits de voyages et des revues de l’époque ainsi que des ouvrages plus récents sur les écrivains et voyageurs mentionnés, on regrettera cependant qu’elle comprenne trop peu de références en anglais (même si on y trouve des titres phares comme : Great Exhibitions de J. Meyer, 2006 et Palace of the People de J. R. Piggott, 2004), et que l’auteur n’ait accès aux sources françaises qu’à partir de traductions arabes (par exemple pour L’Égypte, passion française de Robert Solé)6.

7Autre regret encore : que l’ouvrage de Fahd al-Dabbous repose essentiellement sur un patchwork sans s’aventurer jamais vers un commentaire personnel. Mais son mérite est aussi celui des bonnes anthologies : avoir su rassembler un faisceau de documents qui permettent de prendre la mesure d’un dynamisme viatique jusque-là insoupçonné et ouvrir le chemin, on peut l’espérer, à des investigations plus approfondies.

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Notes

1 Al-rahhala al-’arab wa intiba’atuhum ‘an al-Ma’arid al-dawliyya (1851-1900).

2 Ce texte sera bientôt disponible en traduction française aux éditions Norma.

3 Pour le premier : un tableau de la vie sociale en Angleterre et en France (Kachf al-mukhabba ‘an funun Urubba, soit Le Dévoilement des choses cachées dans les usages de l’Europe), où plusieurs pages sont réservées à l’Exposition du Crystal Palace de 1851. Pour le second, son Guide des esprits éclairés vers l’Europe et ses beautés (Irchad al-alibba ila Mahasen Urubba), où sont relatées les trois semaines passées par l’auteur en compagnie de son père à l’Exposition de 1889, sur le chemin qui devait les mener au Congrès orientaliste de Stockholm.

4 Dont l’un, Muhammad al-Muwaylihi, nous a laissé de sa visite non un journal de bord comme Ahmad Zaki, mais un document-fiction aux accents polémiques, disponible en traduction française aux éditions du Jasmin : Trois Égyptiens à Paris, traduit de l’arabe, présenté et annoté par Randa Sabry, Clichy, 2008.

5 Cette relation (Machahid al-Mamalik, ou Du spectacle des contrées), publiée en 1910, déborde les limites de son voyage aux États-Unis, pour englober ses pérégrinations à travers l’Europe, la Tunisie, l’Algérie, les Balkans, en Syrie et au mont Liban.

6 D’où l’absence, dans les développements sur les Pavillons des pays de l’Orient arabe représentés aux Expositions universelles, de toute référence aux imposants rapports, richement illustrés, de la Commission égyptienne que le Khédive Ismaïl avait chargée de tenir le registre, en français, de tous les détails relatifs au Pavillon d’Égypte lors des Expositions universelles de Paris en 1867 et en 1878.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Randa Sabry, « Fahd al-Dabbous, Al-rahhala al-’arab wa intiba’atuhum ‘an al-Ma’arid al-dawliyya, 1851-1900 (Les Voyageurs arabes et leurs impressions face aux Expositions universelles, 1851-1900) »Viatica [En ligne], 2 | 2015, mis en ligne le 16 février 2023, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/viatica/538 ; DOI : https://doi.org/10.4000/viatica.538

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Auteur

Randa Sabry

Université du Caire

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Droits d’auteur

CC-BY-4.0

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