Les formes que prennent au Moyen Âge les textes que l’on peut qualifier de « récits de voyage » déroutent facilement le lecteur moderne, tant elles sont éloignées de ce que l’on trouve de nos jours sous cette appellation, qui constitue un genre littéraire à part entière, généralement rangé dans un rayon bien identifié des librairies. Les récits de voyages médiévaux n’appartiennent à aucun genre en particulier, ou plutôt à plusieurs, puisqu’ils recoupent ceux du traité de géographie, de la biographie, du récit historique ou encore de la correspondance. D’où les difficultés rencontrées par les spécialistes de ces textes pour les définir1. Cette caractéristique multi-formelle est propre à la période et contribue sans aucun doute à la richesse et à l’intérêt des études sur les récits de voyage médiévaux, mais à force de proposer des tentatives de définition en négatif (les récits de voyage médiévaux ne sont pas ceci ou pas cela), on en viendrait presque à nier l’existence de véritables récits de voyage pour le Moyen Âge2.
Que dire alors des carnets de voyage, qui nous semblent tellement modernes ? La première réaction serait de penser qu’une telle forme n’existe pas au Moyen Âge, mais une recherche approfondie fait apparaître des documents qui s’apparentent de très près aux carnets de voyage actuels et qui en partagent bien des caractéristiques, voire qui remettent en cause la prétendue modernité de ce type de récit.
Origines et contextes
Pour qu’il y ait un carnet de voyage, cela présuppose deux éléments qui ne sont pas fréquents dans les récits de voyage médiévaux. Il faut, premièrement, que le récit suive, plus ou moins, le fil du déplacement, qu’il s’apparente à un journal. Or, cette forme est très peu présente dans les récits médiévaux, qui prennent plus souvent la forme d’une recomposition, sous forme d’un traité, des souvenirs et des connaissances acquises par le voyageur. Pour les voyages lointains, seul celui du missionnaire franciscain Guillaume de Rubrouck, qui est en réalité une lettre, organise réellement le récit en fonction du déroulement du voyage, étape après étape3. À la fin du Moyen Âge, on rencontre plus fréquemment la forme du journal, organisé parfois jour par jour, mais cela est loin d’être systématique et ce type d’organisation du texte ne l’emporte pas sur les autres4.
Deuxièmement, un carnet de voyage est un récit illustré. Certes, les manuscrits de récits de voyages illustrés existent au Moyen Âge, mais les riches manuscrits enluminés, tels celui surnommé le « Livre des merveilles » (Paris, BnF, français 2810), n’ont que peu en commun avec ce que l’on appelle carnet de voyage5. Il s’agit le plus souvent de manuscrits de luxe, copiés et enluminés dans des ateliers à la demande de riches commanditaires. Rares sont en effet les récits illustrés par les auteurs de leur propre main, ce qui suppose un troisième pré-requis, non absolu toutefois, à savoir l’existence de manuscrits autographes, alors qu’une grande partie des textes dont nous disposons sont des copies, plus ou moins fidèles, plus ou moins éloignées, d’un original disparu.
C’est principalement parmi les récits de pèlerinage de la fin du Moyen Âge que l’on peut trouver des documents s’apparentant à des carnets de voyage. Le pèlerinage à Jérusalem, mais aussi en direction d’autres lieux saints, comme Rome ou Compostelle, connaît un grand essor à cette période, lié en partie au développement de nouvelles formes de dévotion6. Les pèlerins sont plus nombreux à entreprendre le voyage, et également plus nombreux à en faire le récit, que ce soit pour en garder la mémoire, pour transmettre leur expérience à ceux qui ne peuvent l’accomplir ou pour mettre en valeur leur expérience dans un souci de gloire personnelle ou familiale. Cette multiplication des mises par écrit se remarque particulièrement dans le fait que nous possédons parfois plusieurs témoignages, dus à différents pèlerins, pour une même expédition7. Des études ont mis en relation cet accroissement de récits avec le développement d’une conscience de soi, poussant les voyageurs à prendre la plume pour relater leurs aventures de façon plus personnelle8.
Quoi qu’il en soit, l’expansion de la pratique de l’écrit – et en particulier de l’écrit personnel – dans des couches plus importantes de la société, a permis l’élaboration et la conservation jusqu’à nos jours de documents personnels, dans lesquels un individu relate des événements qui le touchent et fait part de ses sentiments ou opinions. On peut faire un parallèle avec l’apparition et le développement des livres de raison, dont la chronologie est tout à fait similaire, en particulier en ce qui concerne les ricordanze florentines9.
Certains pèlerins ont pris la peine – ou ont éprouvé l’envie – d’agrémenter leur récit de petits dessins, schémas et autres signes graphiques. Inscrire une croix, qui peut aller d’un simple signe (deux traits de plume croisés) à un dessin plus élaboré, en marge des textes pour indiquer les lieux bénéficiant d’une indulgence, est une pratique courante que l’on retrouve dans un grand nombre de récits de pèlerinage des xive et xve siècles. Ces croix sont même recopiées par les copistes des manuscrits et ne figurent pas seulement dans les manuscrits originaux ou autographes. Certains manuscrits comportent toutefois davantage que des croix et on voit apparaître des dessins représentant des lieux saints ou des personnages bibliques liés à tel ou tel lieu de dévotion. Le nombre, l’ampleur et la qualité de ces dessins dépendent bien entendu du degré d’habileté de leurs auteurs et les cas de figure sont extrêmement variés. Ils vont du simple schéma à la plume, où il est parfois difficile d’interpréter ce que l’auteur a voulu dessiner, à l’illustration complète, en couleurs, comportant non seulement le lieu concerné, mais aussi son environnement et des détails précis.
Avant de présenter quelques exemples, il conviendrait de se poser la question de la raison de la présence de ces dessins en accompagnement du texte. Cela a peut-être un lien avec une pratique que l’on rencontre dans les récits de pèlerinage en Terre sainte depuis le Haut Moyen Âge et qui se poursuit pendant toute la période : celle de donner la mesure de différents lieux saints, notamment le Saint-Sépulcre. On trouve ce procédé déjà chez Arculf, par exemple, dont le récit du pèlerinage accompli vers 680 a été recueilli et mis par écrit par Adomnan, abbé du monastère d’Iona, dans le traité De locis sanctis10. Arculf donne fréquemment la mesure des lieux qu’il mentionne, mais il a aussi tracé les plans de plusieurs édifices qu’il a visités en Terre sainte, et qui ont été recopiés dans plusieurs manuscrits11. D’autres pèlerins ont pris soin de mesurer les églises et les sanctuaires de Palestine, y compris des pèlerins orthodoxes ou musulmans12.
Cette pratique semble se répandre davantage à la fin du Moyen Âge, les pèlerins s’inspirant des pratiques de leurs congénères ou reprenant les mesures données dans leurs récits. Par exemple, Hans Tucher, un patricien de Nuremberg qui accomplit le pèlerinage en 1479, mesura de façon précise les différents éléments du Saint-Sépulcre ; Félix Fabri utilisa ces mesures en les vérifiant sur place13. En procédant ainsi, les pèlerins semblent vouloir à la fois apporter une preuve de leur présence sur les lieux et en donner en même temps une perception concrète à leurs lecteurs, leur permettant peut-être ainsi de mieux se représenter les lieux saints où ils ne peuvent pas forcément se rendre eux-mêmes. La fin du Moyen Âge voit se développer les représentations et les reconstitutions des lieux saints, en Occident, à des fins de dévotion ; il s’agit parfois de sanctuaires de tailles variables, parfois de simples images14. Les dessins qui figurent dans certains manuscrits pourraient avoir une fonction similaire : attester la présence de l’auteur sur les lieux, un peu comme une photographie prouvant qu’ils ont bien vu ce dont ils parlent, mais aussi en transmettre de la même façon une image à leurs lecteurs, leur permettant ainsi de s’approprier visuellement un lieu de dévotion.
Par ailleurs, il semble qu’un nombre grandissant de récits de pèlerinage à la fin du Moyen Âge soient pourvus d’une carte de la Terre sainte, souvent dessinée sur le même modèle, celui élaboré pour illustrer le traité de Marino Sanudo15. Certaines de ces cartes, attestées par le texte qu’elles accompagnent, ont disparu, comme celle présente autrefois avec le récit de Johan Poloner16, mais d’autres sont parvenues jusqu’à nous, telles celles de William Wey17 ou de Gabriele Capodilista18, qui firent tous deux le voyage en 1458. Ces textes comportent ou ont comporté une carte, mais pas d’autres images.
L’idée d’associer une ou des représentation(s) figurée(s) au texte, qu’il s’agisse d’une vue d’ensemble de la Terre sainte ou de dessins montrant des lieux particuliers, paraît se répandre parmi les pèlerins et leurs lecteurs, préfigurant ainsi les entreprises éditoriales de récits de voyage ou d’exploration, fréquemment pourvues d’abondantes images.
Quelques exemples de carnets de voyages personnels
Pour la fin du Moyen Âge, l’exemple le plus précoce de récit de pèlerinage s’apparentant à un carnet de voyage semble être celui du frère augustin Jacopo da Verona, qui se rendit en Terre sainte en 1335. Le manuscrit original est perdu et seul un manuscrit daté de 1424 subsiste19. Au folio 130v, il contient un schéma, intitulé (f. 130) « Sequitur descriptio montis Synay » et représentant, sur l’ensemble de la page, différents édifices et lieux de culte du Sinaï et les chemins les reliant entre eux20. Deux autres dessins étaient probablement présents dans le manuscrit original, mais n’ont pas été copiés par le copiste du manuscrit subsistant, comme l’indiquent les annonces aux f. 99v-100 (à propos du Saint-Sépulcre) : « non est in mundo ecclesia taliter edificata, et ut possint intelligere legentes, describam eam modo quo sciam, et postea explanabo et ultra per ordinem designatur21 » et f. 137v : « Et sic sciendum est, quod tantum distat Gazara a monte Synay quantum mons Synay a Kayro et Kayrum tantumdem a Gazara, et sic modo triangulari se habet22 ». Dans les deux cas, le texte est suivi d’un espace blanc suffisant pour copier le schéma manquant23. Il convient de noter que Jacopo da Verona est également soucieux de donner les mesures des monuments qu’il visite, comme le Saint-Sépulcre24.
Cependant, la majorité des exemples que nous possédons appartiennent à la fin du xive siècle et surtout au xve siècle, ce qu’il faut interpréter avec une certaine prudence, en tenant compte du fait que, comme dans le cas du manuscrit original de Jacopo da Verona, cette situation peut être due à la disparition d’un plus grand nombre de manuscrits originaux ou autographes pour le xive siècle.
Un exemple de carnet à l’aspect très personnel nous est fourni par le manuscrit contenant le récit de pèlerinage de deux nobles frioulans, Michele di Rabatta et Morando di Porcia, accompli entre le 27 août et le 28 novembre 1396. L’unique manuscrit, aujourd’hui conservé à l’Archivio di Stato de Gorizia, est peut-être autographe de l’un des deux voyageurs25. Aux folios 11 à 14v, se trouvent des dessins à la plume de lieux visités lors du pèlerinage26. Certains d’entre eux sont aquarellés, d’autres à l’état de simples esquisses. Ces dessins ont été exécutés sur les feuillets terminaux du manuscrit, après la conclusion du texte. L’écriture de leurs légendes est toutefois de la même main que le texte. Les folios 11 à 12v comportent des dessins aquarellés qui sont placés dans l’ordre du voyage : Venise, Durazzo, Raguse, Corfou sont parmi les villes figurées sur le folio 11, la plupart sous forme de places fortes, la première par une représentation d’une église surmontée d’un lion ailé (San Marco) ; le folio suivant propose notamment des images de Santorin et de Rhodes ; tandis que le folio 12 est consacré aux lieux de Terre sainte : Bethléem, le Saint-Sépulcre, le Jourdain, Nazareth, etc. Le folio 12v contient un seul dessin du même style que les précédents, mais non aquarellé, représentant saint Paul orant avec la légende « Damascus civitas apud Syrie27 » ; au-dessous, se trouve un édifice, non identifié et tracé d’une main différente. Les feuillets suivants comportent encore des dessins à la plume, d’une autre encore et sans doute d’une autre main, mais non légendés et difficilement interprétables. Il n’est pas à exclure qu’ils aient été dessinés postérieurement. Les dessins des folios 11 à 12v semblent avoir été tracés selon un programme défini à l’avance : un quadrillage découpe l’espace de chaque feuillet en une série de cases, en nombre variable selon les feuillets, chaque case étant pourvue d’un nom de lieu. Certaines cases n’ont pas été remplies par un dessin et ne comportent donc que le toponyme. Par ailleurs, on peut suivre le texte tout en passant d’une case à l’autre, ce qui tend à montrer que le programme iconographique de ces feuillets a été élaboré en suivant le contenu du texte.
Du point de vue de la qualité des dessins, le manuscrit dit « Rustici » se place nettement un niveau au-dessus. Aujourd’hui conservé à la Biblioteca del Seminario Arcivescovile Maggiore de Florence, il contient le récit illustré du voyage accompli par le Florentin Marco di Bartolomeo Rustici († 1457) à Jérusalem en 144128. L’abondance des représentations graphiques justifie la forme particulière du titre porté par le manuscrit : Dimostrazione dell’andata o viaggio al Santo Sepolcro e al monte Sinai. Les dessins sont parsemés le long des marges du manuscrit et reflètent des compétences graphiques remarquables : l’usage de la perspective, de larges panoramas ou bien des représentations architecturales extrêmement détaillées, un usage limité mais pertinent de la couleur et de façon générale, une grande attention portée à la restitution exacte des édifices et des paysages. Le texte est de la main d’un copiste professionnel non identifié, tandis que les notes marginales, les corrections et les dessins ont été faits par Marco Rustici. L’ouvrage est divisé en trois parties : la première est centrée sur Florence et est illustrée de représentations d’édifices religieux florentins ; la deuxième raconte le voyage entre Pise et la Terre sainte ; la troisième porte sur le pèlerinage proprement dit, la visite des lieux saints et un certain nombre d’excursus que l’on retrouve dans d’autres récits de pèlerinage, tels que des conseils de diététique ou des considérations astrologiques29. Le texte est rempli de citations d’autres œuvres (rhétorique cicéronienne, chroniques, vies de saints, prières et autres pièces religieuses, mais aussi le Trattato della Spera de Zucchero Bencivenni ou la Géographie de Ptolémée), apportant un éclairage intéressant sur la culture d’un artisan florentin du xve siècle – Marco Rustici est orfèvre – et donnant à l’ensemble un aspect de zibaldone, recueil de textes et de notes personnelles diverses30. La question se pose du public éventuel de cet imposant volume (281 feuillets, 418 x 290 mm). La qualité et l’ampleur de l’illustration laissent penser que ce livre n’était pas destiné qu’à un usage personnel, mais devait être montré à des proches, aux membres d’un cercle de connaissances, afin de servir le prestige du pèlerin et de perpétuer la mémoire de son acte de pèlerin.
Un succès de librairie
Il semble en tout cas que l’idée d’associer récit de pèlerinage et représentations figurées des lieux saints et autres lieux visités ait rencontré un certain succès à la fin du Moyen Âge, au point que certains auteurs transforment ce qui était un document personnel en véritable objet commercial. L’exemple le plus frappant, qui est aussi le premier et qui joua un rôle indéniable dans le développement de ce type de production, est celui de Bernhard von Breydenbach. Dès la préparation du pèlerinage, l’aventure est envisagée comme une entreprise éditoriale destinée à offrir à ses lecteurs un ouvrage illustré sur la Terre sainte. Le doyen des chanoines de Mayence emmène en voyage avec lui Erhard Reuwich, peintre et graveur d’Utrecht, à qui il demande d’exécuter des représentations de villes et de lieux saints, ainsi qu’une carte paysagère du Proche-Orient, qui sont ensuite incluses dans la publication imprimée à Mayence en 148631. Comme dans le cas du manuscrit Rustici, l’œuvre ne contient pas que le récit du pèlerinage proprement dit, mais celui-ci est accompagné d’une série de petits textes divers : une dédicace, un éloge de Venise, des recommandations pour rédiger le contrat de transport maritime, une histoire de Mahomet, une réfutation de l’islam, un vocabulaire latino-arabe, des conseils sanitaires, etc.32. Les gravures présentes dans l’édition de 1486 sont réparties au fil du texte, certaines en pleine page, pour illustrer les différents lieux évoqués, villes et ports d’escales : Venise, Parenza, Corfou, Modon, Candie et Rhodes. Suit une gravure de grande taille consistant en une vue paysagère de la Terre sainte. Le volume comporte encore des gravures de taille plus réduite, dont celle représentant le Saint-Sépulcre, les costumes des Orientaux, les alphabets de langues orientales. La planche d’animaux exotiques placée en fin de volume a connu une postérité remarquable33.
Ce premier récit de voyage illustré imprimé semble avoir remporté un succès important, puisque plusieurs rééditions, ainsi que des traductions, paraissent dans les décennies suivantes34. Cela explique également que le procédé a été repris, y compris dans des récits manuscrits, par d’autres pèlerins, dont Arnold von Harff, chevalier allemand ayant accompli les pèlerinages de Rome, Jérusalem et Saint-Jacques de Compostelle en 1496-149835. Bien que resté manuscrit, son texte a connu un succès non négligeable, puisqu’une douzaine de manuscrits subsistent aujourd’hui36. Il est intéressant de noter que certaines de ses illustrations reproduisent, tant par leur sujet que par leur exécution, celles de Breydenbach : la girafe, les costumes d’Orientaux ou encore les alphabets par exemple37.
Sans proposer un catalogue exhaustif des carnets de voyage médiévaux, cette contribution a démontré l’existence de ce genre de documents au Moyen Âge. Si on les rencontre principalement à la fin de la période, et surtout au xve siècle, les origines en sont anciennes, puisque dès le Haut Moyen Âge, on peut trouver des exemples de schémas et de dessins représentant les lieux saints. Quoique ces documents soient clairsemés et parfois méconnus, une chaîne d’exemples peut en être égrénée tout au long du Moyen Âge.
Le développement de la pratique d’associer l’image au récit semble répondre à plusieurs préoccupations, qui peuvent se combiner chez un même auteur ou fluctuer en fonction des circonstances. Il y a tout d’abord la volonté d’apporter un témoignage : décrire aussi précisément et aussi complètement (par l’écrit et le dessin) ce que l’on a vu, mais aussi authentifier la présence du pèlerin sur les lieux, éventuellement afin de perpétuer une mémoire familiale ou d’asseoir un prestige social. Cette volonté de rendre compte des lieux et des réalités locales peut également être liée à des pratiques de dévotion, une représentation imagée du Saint-Sépulcre pouvant être utilisée pour méditer sur la Passion – et les pèlerins sont souvent conscients du rôle qu’ils jouent en transmettant leur expérience à un public qui ne peut lui aussi accomplir le pèlerinage. Ainsi Breydenbach évoque, dans sa dédicace, les émotions spirituelles que peuvent provoquer les images, davantage que le texte38.
Mais il ne faut pas écarter non plus les motivations esthétiques, bien perceptibles dans la qualité et le soin apportés à certaines images. Les dessins exécutés par Marco Rustici, le fait que Breydenbach ait fait appel à un graveur professionnel montrent bien qu’au-delà des préoccupations mémorielles et spirituelles, le souci de produire une belle image est bien réel. C’est d’ailleurs probablement en grande partie la valeur esthétique de ces images qui a assuré le succès du genre et a engendré son développement au xvie siècle.