La réception internationale des séries américaines

Une comparaison France/Chine

The International Reception of the American Series: a Comparison between France and China

DOI : 10.52497/kairos.109

Résumés

Résumé : Ce travail vise à appréhender comment deux groupes de spectateurs d’origine culturelle différente perçoivent la réception d’un même contenu médiatique télévisé et en nuancent la qualité de réception. Ici, l’objet étudié est un numéro de la série américaine télévisée Modern Family. La première partie de cette recherche porte sur les disparités d’interprétation du contenu entre deux groupes de spectateurs : étudiants chinois et étudiants français ; la deuxième partie sur les éléments congruents. Le contexte socioculturel de la France et de la Chine est analysé sur la base des théories de la réception. Finalement, les réceptions se distinguent par la place plus importante accordée par les spectateurs chinois aux relations familiales et par celle accordée par les spectateurs français aux modalités de production de la série. La lecture critique des seconds sur le scénario, l’usage stéréotypé des décors et des dialogues est moins présente chez les étudiants chinois. Néanmoins une grande partie des idées et des valeurs sociales et familiales de la série sont autant reconnues par les spectateurs français que par les spectateurs chinois.

This work aims to understand the reception of the American television sitcom Modern Family by French and Chinese students. The first part of this research points up disparities of interpretation between French and Chinese receivers and the second one the congruent elements. The analysis of the sociocultural context of France and China is based on the theory of reception. Actually, the receptions partly differ in the most important place granted by the Chinese audience to family relationships while the French audience regards the mode of production of the series as more important. Although the French audience’s critical reading on scenario, stereotypic usage of decors and dialogues are less present among Chinese students, a large part of ideas and social values as well as family values of series are recognized as much by the French audience as by the Chinese one: among these, love, family and mutual assistance between relatives are rated as the most important.

Index

Mots-clés

réception, réception comparative, programmes médiatiques internationaux, sociologie des pratiques culturelles, séries comiques, appropriations plurielles

Keywords

reception, comparative reception, international media programs, sociology of cultural practices, sitcoms, plural appropriations

Plan

Texte

Introduction

Ce travail propose de traiter de la question suivante : en quoi des contenus médiatiques diffusés internationalement favorisent-ils ou non la compréhension de l’autre et, par-là, le vivre ensemble ? Poser cette question c’est interroger l’une des hypothèses formulées par Dominique Wolton : pourquoi, loin de faciliter la compréhension de l’autre, la diffusion de programmes internationaux révèle l’importance des distances culturelles en confrontant les téléspectateurs à des images, des discours pour lesquels ils ne disposent pas des mêmes clés d’interprétation que les producteurs de ces discours (Wolton, 2004) ? S’il est vrai qu’aujourd’hui « l’étrangéité est devenue quotidienne et proche » (Pretceille, 1999) dans la plupart des régions du monde, la rencontre indirecte (la mondialisation de l’information) avec l’autre ne se fait pas toujours selon le même schéma. Du point de vue interculturel, la diffusion mondialisée de programmes télévisés ne signifie pas mécaniquement l’augmentation de l’intercompréhension des autres cultures. C’est pourquoi ce texte propose d’investiguer cette interrogation à partir d’une recherche empirique comparative focalisée sur les conditions et les dimensions interculturelles1 de la réception d’une série télévisée diffusée internationalement.

Compte tenu de cet état de la question, il s’agit dans ce travail de comprendre :

  • Comment les spectateurs interprètent les contenus télévisuels en fonction de ce qu’ils sont, de leurs représentations de soi qui prennent la forme de questionnements sur le rapport à autrui (Aubert, 2009).
  • Comment, en parallèle, les groupes d’auditoire dans lesquels sont insérés ces spectateurs « participent à la création sociale du sens des produits médiatiques par les lectures qu’ils en font » (Millerand, 1997 citant Morley) ? Comment alors ces contenus sont interprétés de façon également à fournir « des ressources communes (supposées partagées et facilement mobilisables) […] pour définir le rapport à soi et au monde » (Le Saulnier, Guillaume, 2011).

Pour répondre à cette problématique, plusieurs choix méthodologiques ont été opérés. Le premier concerne le choix des spectateurs. Parmi les stratégies possibles d’études comparatives internationales (Livingstone, 2003), nous avons privilégié celle dite de « maximisation ». Pour placer au centre de l’analyse la « variable culturelle2 », nous allons comparer la réception d’un même programme par des spectateurs de cultures très différentes (culture asiatique, culture européenne) en adoptant une perspective relative. Selon Jullien (2009), la culture n’est qu’actualisation de données par des individus dotés de subjectivité. La culture évolue : le choix de la Chine est ici pertinent en raison des antagonismes culturels apparents (Postel, 2010). La Chine, pour Jullien (2009), est l’autre radical de l’Europe3. En effet, selon lui, c’est la Chine qui est la vraie et la plus radicale extériorité de l’Europe qui soit et qui, de ce fait, permet de mieux accéder à la culture d’origine européenne c’est-à-dire grecque. L’inverse est tout à fait pertinent également. Pour le Chinois moderne, la rencontre avec l’autre est synonyme d’excitation et de découverte (et de liberté). Certes, elle n’en produit pas moins conflits, doutes, indignations et souffrances. Cette recherche sera donc conduite à partir de deux panels de téléspectateurs : un panel de 58 téléspectateurs et étudiants chinois âgés de 19 à 21 ans de Chengdu et un panel de 87 téléspectateurs et étudiants français du même âge.

La deuxième option méthodologique opérée consiste à ne pas créer une situation de réception artificielle en choisissant comme programme une émission ayant peu de chance d’être suivie par le panel en dehors de l’enquête. Compte tenu des pays retenus pour la comparaison, il est nécessaire de sélectionner un programme parmi les plus diffusés internationalement afin de prendre une émission programmée dans les deux pays. Il est également important que ce programme cible habituellement le type de public choisi pour cette enquête (entre autres donc des spectateurs « jeunes adultes »). C’est le cas de Modern Family (Une famille très moderne), série comique diffusée sur ABC depuis 2009. À ce jour, la série est encore en production et compte sept saisons à son actif et une huitième saison en cours de production. La série aborde des thèmes bien connus de la famille contemporaine et s’attache à nous montrer avec humour les différentes formes qu’elle peut prendre : famille traditionnelle, famille homoparentale qui doit faire face aux préjugés ou bien famille recomposée dont l’homme est marié à une femme bien plus jeune que lui. C’est une série qui permet à tout un chacun de s’identifier à l’un des personnages et de retrouver sa propre famille. Cette série est diffusée en France sur M6 depuis juin 2012 et connaît des audiences satisfaisantes4. Elle est diffusée en Chine depuis 20115. Le nombre de diffusions sur Internet est de 39 790 000. L’intérêt de la recherche sur la réception interculturelle de cette série américaine est qu’elle permet à nos spectateurs chinois et français d’aborder sous des perspectives différentes les dimensions socioculturelles et interculturelles des problématiques actuelles, par exemple celles du stéréotype sur l’homosexualité, les problèmes des familles recomposées, les crises d’adolescence, etc. Comment nos spectateurs comprennent et interprètent ces phénomènes ? Quelles sont leurs réflexions par rapport à leurs propres cultures ? Ces questions sont au cœur de notre recherche.

Le troisième choix consiste à combiner les avantages de deux méthodes d’enquêtes de réception. D’une part, une enquête par questionnaire qui combine des questions ouvertes et des questions fermées après présentation d’un épisode de la série. Et ce afin de s’assurer que chaque répondant sache à quel type de fiction se rapportent les questions posées (avantages, construction, inconvénients). Les premières questions interrogent leurs pratiques (regardent-ils des séries américaines ? Cette série ? À quelle fréquence6 ?) afin d’introduire progressivement le sujet de l’enquête et de déterminer le profil des répondants. Une deuxième série de questions porte sur ce qu’ils ont apprécié et ce qu’ils n’ont pas aimé dans cet épisode, afin de comparer si les téléspectateurs chinois et français ont adopté les mêmes critères d’évaluation de la série, sur la forme et sur le fond. Les interrogations suivantes auront trait à la compréhension du programme : comment l’épisode a-t-il été compris ? D’après eux, quel est le principal message à retenir de cet épisode ? Sur une échelle de 1 à 5 apprécient-ils tel ou tel personnage ? Des questions qui ont pour objectif d’évaluer si les spectateurs chinois et français ont interprété l’histoire de la même façon ou s’ils ont privilégié des éléments narratifs différents. Et d’autre part, une enquête comparée en France et en Chine. Pour limiter autant que possible des biais interprétatifs liés à ce que les chercheurs perçoivent comme « exotique » dans l’interprétation des résultats (Lochard et Soulez, 2003 p. 159), les auteurs de ce travail sont issus de deux cultures différentes, française et chinoise. Ces questionnaires ont été diffusés dans des conditions similaires : un épisode (le même) a d’abord été diffusé – en VF en France, en VO sous-titré en anglais ou en chinois en Chine – aux spectateurs, puis ces derniers ont disposé d’une heure pour répondre aux questions posées. Cette méthodologie de recueil de données a, inévitablement, ses limites. Elle ne répond pas – comme c’est d’ailleurs le cas de la plupart des enquêtes de réception de la littérature – à la critique d’artificialité de constitution du public formulée par Daniel Dayan en 2013. Loin de s’être construit par choix personnel et/ou par affinité (à son domicile, entre copains), « ce public a été forgé pour les besoins de l’enquête » (Dayan, 2003, p. 457). Il n’en reste pas moins que, mise en place dans des conditions similaires en Chine et en France, cette enquête permet, en raison même de ce dispositif d’enquête, d’obtenir des données qui peuvent être comparées – et exploitées – par une approche interculturelle7.

Or, les résultats de l’enquête montrent que si des différences d’interprétation existent bien entre spectateurs français et chinois, il existe également des aspects de la série sur lesquels leurs interprétations sont semblables. Aussi, la première partie de cette recherche détaille et questionne les différences d’interprétation constatées entre récepteurs français et chinois de Modern family (1re partie). Sur quoi portent ces différences et comment les expliquer ? La deuxième partie s’interroge, elle, sur les éléments congruents. Sur quoi les spectateurs chinois et français s’accordent ? Pourquoi ces éléments-là sont-ils plus facilement acceptés que les autres et quelles en sont les implications (2e partie) ?

Des différences – attendues – de réception entre les récepteurs français et chinois de Modern Family

L’analyse de la réception de programmes diffusés internationalement a établi que la réception des feuilletons est culturellement située. Les différences de perception portent sur l’interprétation qui en est faite en fonction de paramètres de culture politique8, de valeurs morales ou religieuses9. Partant de ces recherches, ce travail vise à interroger en fonction de quels paramètres – sociaux, religieux, politiques, culturels – la série américaine Modern Family est potentiellement perçue de manière différente par des spectateurs français et chinois ?

un premier type de résultats révèle une attention variable des spectateurs français et chinois à une partie des contenus de la série :

Les études de réception montrent comment les publics participent à une production sociale de sens et de formes culturelles, généralement, à travers leur appartenance à des communautés interprétatives socialement définies (Klaus Bruhn et al., 1993, p. 16).

Bien que les formes de réception de média soient très individuelles, il ressort toutefois des points de convergence parmi les réponses des étudiants chinois. En effet, chez ces derniers les termes « famille » et « harmonie » sont particulièrement récurrents. Par exemple :

Chaque famille est différente de l’autre. Chaque famille a ses propres conflits et soucis. Malgré tout, ils s’aiment. Parce que c’est une famille (Xin).
C’est une famille soudée (Jiaxin et Wei).
D’abord c’est d’accepter la différence et chercher les points communs. L’amour entre les parents et les membres de la famille, c’est de respecter leur choix (Yiqing).

Ce type de réponse reflète leur expérience, leur pensée, leur culture, leur système de valeurs. Dès lors, le contexte socioculturel mérite d’être analysé. La « famille » est non seulement un mot-clé, mais aussi une valeur clé dans la culture traditionnelle chinoise. En Chine, ce mot désigne la famille élargie à l’époux, l’épouse, les enfants, les grands-parents. La relation entre parents et grands-parents est caractérisée par un lien de très forte loyauté. La société chinoise est au cours des siècles passés et encore de nos jours une société agricole basée sur le noyau familial, unité de travail par lui-même, et dont le mode de vie est extrêmement simple. Elle est aussi relativement stable et donc peu ouverte aux changements. Ainsi, le fils reprend le métier de son père et bénéficie de l’expérience accumulée par celui-ci. Il en ressort qu’à plus grande échelle la stabilité familiale est garante de la stabilité sociale. En outre, au cours de l’Antiquité, comme la société chinoise n’était pas une société de droit, c’est la solidarité entre les membres de la famille qui assurait la vie personnelle. Cela explique pourquoi de nos jours la société chinoise accorde encore une telle importance à la famille et ce n’est en aucun cas le fruit du hasard. Ces raisons sociétales mais aussi environnementales continuent d’exercer un impact profond sur la vie sociale et familiale en Chine. La notion de famille y est dominante et est ancrée dans la vie quotidienne. Ce sont les raisons pour lesquelles ce numéro de Modem Familly interprété par des étudiants chinois met en valeur l’importance d’une famille très soudée.

Le plus grand intérêt accordé aux relations familiales de la part des spectateurs chinois révèle, ainsi, la place que tient la famille dans leurs préoccupations quotidiennes. Un constat qui s’inscrit complètement dans la filiation de celui établi plus généralement par Géraldine Poels sur les conversations au sujet de la télévision : parler de la télévision, c’est parler de soi, de ses goûts, de ses préférences mais aussi de ses préoccupations. « Sous couvert d’évoquer la télévision, c’est avant tout de soi que l’on parle » (Poels, 2013, p. 128). Une série, comme n’importe quel autre produit fictionnel, n’est pas regardée par un téléspectateur détaché de toute préoccupation, souvenir, convictions personnelles. Ces préoccupations peuvent rester en arrière-plan et ne pas interférer dans la lecture qu’il fait de l’histoire comme elles peuvent, au contraire, ressurgir à un moment jugé particulièrement prenant ou émouvant de l’histoire regardée. Le fait que la relation entre le père et le fils ait bien plus marqué les esprits d’un public que de l’autre incite à faire ressortir la place et le rôle accordés à la famille comme variable d’explication centrale dans l’interprétation de cette sitcom.

Le mot « harmonie » est un autre terme récurrent dans les réponses des spectateurs chinois. Les étudiants chinois cités ci-dessous le disent ainsi :

L’harmonie qui règne dans une famille (Sen).
Tout le monde peut vivre harmonieusement si on fait des efforts pour comprendre les autres (Lisheng).

 Ce mot « harmonie » est ainsi défini par un auteur chinois : 

Un groupe de moissonneurs chante un air, un autre groupe lui répond. L’harmonie est ainsi le fait d’un contre-chant renvoyé à une première chanson, différente par ailleurs. Les parties agissent non pas à l’unisson, mais de concert. Il s’agit donc d’une harmonie basée sur la négociation et le réajustement des conflits. (Zheng et Xu, 2001, p. 36)

La notion d’« harmonie » en chinois comprend en elle-même son contresens, c’est-à-dire conflit et différence. C’est au travers d’une action d’ajustement que se réalise l’harmonie. Cette interprétation de l’harmonie à la façon chinoise correspond bien à un célèbre proverbe chinois d’origine confucéenne « 君子和而不同,小人同而不和 » (jun zǐ hé ér bú tóngxiǎo rén tóng ér bú hé) qui signifie que le sage penche pour l’harmonie et se distancie de la ressemblance. L’homme ordinaire préfère l’uniformité à l’harmonie. La notion d’« harmonie » en chinois se fonde sur l’existence de la différence. Ceci explique d’une part pourquoi les étudiants chinois préfèrent le mot « harmonie » comme message véhiculé par cet épisode. En effet cette grande famille constituée par des cultures très différentes et diversifiées correspond bien à cette valeur. Malgré les différences, l’idée dominante partagée par chaque famille est l’amour et l’entraide. Un autre proverbe illustre bien également les valeurs traditionnelles de la culture chinoise « 家和万事兴 » (jiā hé wàn shì xìng). Ce qui signifie que l’harmonie dans la famille constitue le fondement de la construction d’une vie prospère et indique bien que la notion de la « famille » et celle de « l’harmonie » sont indissociables dans cette culture. Les deux termes ponctuent régulièrement les réponses des étudiants chinois indiquant également les principaux messages retenus dans cet épisode.

 Une deuxième différence d’interprétation ressort de manière très nette dans les réponses des téléspectateurs chinois interrogés : le petit garçon Manny y est beaucoup cité (11 sur les 58 répondants chinois). C’est un personnage qui plaît aux étudiants chinois. Manny est un petit garçon très mûr pour son âge et qui excelle par sa débrouillardise. Ce personnage permet aux spectateurs chinois de s’identifier à lui d’une autre manière, en faisant référence à leur vie passée et présente. Nous pouvons constater que ces étudiants chinois appartiennent à la génération de l’enfant unique. En Chine, les enfants de cette génération sont aussi dénommés sous le nom de « petit roi » ou de « petite princesse ». La société chinoise attache beaucoup d’importance à la réussite sociale et matérielle. Cela explique pourquoi c’est sur le seul enfant de la famille que reposent tous les espoirs d’essor social de la famille ; et aussi pourquoi très souvent, les parents des étudiants de la génération de l’enfant unique ne laissent pas leur enfant faire la cuisine, le ménage ou bien avoir trop de loisirs, et ce afin qu’il puisse avoir le temps de se consacrer pleinement à ses études et de ramener de bonnes notes (Liu, 2016, p. 347). La pression exercée sur les étudiants provient de leur famille, de leurs professeurs, de leurs camarades et de la société. On peut dire que la seule mission des étudiants chinois avant d’entrer à l’Université est d’avoir de bonnes notes et d’entrer dans une bonne université. De ce fait, après être entrés à l’Université, ces étudiants connaissent un changement d’environnement brutal et radical. Pour beaucoup d’étudiants chinois, c’est la première fois qu’ils quittent leurs familles pour vivre dans une autre ville ou une culture de campus. Sortis physiquement du giron familial, c’est aussi la première fois qu’ils doivent s’autogérer y compris dans la vie quotidienne. Ils doivent apprendre à se débrouiller. Surpris par la capacité d’assumer ses propres affaires, les étudiants chinois apprécient beaucoup ce personnage de Manny si indépendant.

Une troisième différence d’interprétation porte sur l’inégale attention accordée au jeu des acteurs, au budget. Alors que les spectateurs chinois se focalisent essentiellement sur le contenu, les spectateurs français – eux – accordent une grande importance à la manière dont cette série est produite. Autrement dit, les spectateurs français savent faire preuve d’expertise télévisuelle pour légitimer leurs points de vue spectatoriels et justifier leurs réponses. Ces spectateurs expliquent apprécier les séries américaines en se prévalant d’arguments filmiques ou économiques (c’est le cas de 53 des 87 répondants français en réponse à la question « pourquoi regardez-vous et appréciez-vous cette série en comparaison avec d’autres séries françaises, chinoises ou anglaises ? ») :

Ce qui est particulièrement bien dans les séries américaines, c’est qu’il y a parfois des citations d’auteurs américains, les intrigues sont plus poussées et elles ont beaucoup d’influence sur l’émotion de spectateurs, elles donnent envie de vivre cet épisode en réalité (Tatiana).
Les séries américaines sont plus attirantes et intéressantes car elles disposent souvent d’un plus gros budget, de meilleurs acteurs, et même de meilleurs scénarios, donc si je dois regarder une série, mon choix va plus se porter sur une série américaine (Fabien).

Il serait possible de ne voir dans cet exercice de commentaire expert qu’une volonté de justifier ses préférences et son (bon) goût appliqué au programme regardé si d’autres recherches menées en sociologie de la réception n’avaient pas par ailleurs montré qu’un programme télévisé n’était pas évalué seulement sur son contenu, sur le fond, mais aussi sur la forme, la façon de raconter des histoires, de tenir en haleine les spectateurs, de créer une attente et une fidélisation. Or, ce regard spectatoriel qui met en jeu des connaissances et des compétences sur le fonctionnement de l’économie de la télévision est inégalement distribué, pas seulement entre spectateurs d’un pays mais aussi entre pays. Ce constat fait en effet écho à celui établi par Tamar Liebes et Élihu Katz à partir de leur enquête de réception internationale de la série Dallas : les spectateurs occidentaux s’y étaient révélés plus habitués aux commentaires critiques portant sur la scénarisation de l’histoire, les impératifs commerciaux, que les autres spectateurs interrogés (russes, japonais, etc.). Un constat qui « reflète peut-être une plus grande expérience des médias, ou une plus longue habitude de la critique, ou encore une plus grande familiarité avec la société que 1’on dépeint » (Katz et Liebes, 1993, p. 131). Une connaissance acquise par les spectateurs français à la fois à la lecture des magazines télévisés soucieux de dévoiler les coulisses de l’émission mais aussi d’un accès plus grand aux ressources en ligne créées par les fans pour partager leurs connaissances des séries : blogs, forums, wikis et pages dédiées des réseaux sociaux numériques.

Au total, la critique plus importante à l’égard de la série américaine Modern Family de la part des spectateurs français est révélatrice de différences d’accès à Internet. La plus grande connaissance des enjeux économiques de l’émission dont font preuve les premiers n’aboutit-elle pas à restreindre l’intérêt pour l’histoire, à ne pas se « laisser prendre » par les péripéties des personnages trop connaisseurs qu’ils sont des « ficelles de divertissement » utilisées par les scénaristes et réalisateurs pour augmenter l’attrait de la série ? Poser cette question c’est se demander au fond si ce que Dominique Pasquier (1991) – après Tamar Liebes et Élihu Katz – appelle la lecture critique est compatible avec une lecture référentielle de la série.

Avoir une lecture référentielle de la série signifie s’intéresser prioritairement à l’histoire narrée, à la vie des personnages, aux évènements qui leur sont familiers. C’est se prendre « au jeu » de l’histoire, comme en témoigne ce commentaire de Faya (spectatrice française de l’enquête) :

Ils sont sympathiques et adorables. Le couple s’aime et ils n’ont pas honte d’exposer leur vie de couple. Ils se respectent et respectent également leurs proches.

C’est, rire de leurs maladresses et s’inquiéter – avec eux – de leurs difficultés. C’est s’imaginer être à leur place et se demander comment on réagirait. Adopter une lecture critique revient, à l’inverse, à « traiter le programme comme une construction fictionnelle qui obéit aux règles d’un genre avec ses formules, ses conventions et ses schémas narratifs » (Pasquier, 1991, p. 142). Une lecture qui s’intéresse au travail des réalisateurs, des scénaristes, à la construction dramatique de l’histoire ou encore à ses dimensions idéologiques.

La réponse est double. Pour partie, la lecture critique dont font preuve les spectateurs français se traduit effectivement par un jugement également plus critique sur les ressorts comiques de l’histoire. Ils se révèlent bien plus critiques que les spectateurs chinois vis-à-vis des clichés utilisés par la production pour faire avancer l’histoire (ce commentaire critique est le fait de 68 des 87 répondants français en réponse à la question : « Quelque chose vous a-t-il déplu dans cet épisode ? Si oui quoi et pourquoi ? », un pourcentage bien plus important que les spectateurs chinois : 3/58).

À l’utilisation jugée caricaturale des voix, du rythme du montage et des effets de scène correspond une description estimée tout aussi exagérée de la psychologie des personnages. Une argumentation qui repose, au fond, sur l’association des idées suivantes : la caricature du scénario illustre pleinement la caricature des dialogues. La régularité de cette argumentation nécessite de s’interroger sur l’importance aujourd’hui prise – dans la réception des programmes comme dans l’analyse théorique qu’il faut en faire – par un élément nouveau : la croissance récente de l’espace du débat critique télévisuel et cinématographique. Un espace qui s’est agrandi avec la prise de parole croissante d’amateurs dans ces champs de la culture cultivée. Très concrètement, la parole « sériephile » – amateure et professionnelle d’ailleurs – se diffuse pleinement dans l’hypermédia Internet : blogs en ligne, forums, espaces de commentaires de sites commerciaux, etc. Et ce tant en production, en partageant et devant justifier de leurs préférences et de leurs dégoûts, avec pour objectif pour de nombreux blogueurs amateurs de faire reconnaître leur compétence en la matière (Béliard, 2014), qu’en réception, avec un impact tangible qui a pu être mesuré par une enquête d’usage des blogs, des pages Facebook, et autres pages auprès d’internautes, réalisée auprès d’un panel exploratoire par Clément Fonty. Ces internautes/spectateurs appréciant alors évaluer leurs impressions avec celles des avis spécialisés publiés en ligne (Fonty, 2016). Sans doute faut-il alors expliquer – pour une part – la place prise par les commentaires critiques à cet enrichissement du contexte entourant la réception des séries. De telle sorte qu’inévitablement, une attention trop vive à l’utilisation exagérée de gags comiques, de tenues vestimentaires « connotées » (l’homosexuel vêtu d’une chemise rose), de personnages caricaturaux (la « bimbo latina »), de musique romantique ajoutée au moment de la demande en mariage balisant musicalement le climat de l’épisode) modifie le regard qu’ils portent sur la série.

Mais ce premier constat ne répond qu’imparfaitement aux rapports existants entre lecture référentielle et lecture critique. Car il faut faire un deuxième constat et donc une deuxième réponse. Cette lecture critique porte, pour l’essentiel, sur le genre comique présenté par Modern Family, sur la façon fortement calibrée d’amener le spectateur à rire ou à sourire. Elle ne porte pas ou très peu sur la plupart des valeurs familiales défendues par l’épisode en France, et a fortiori en Chine.

Ce deuxième constat amène deux commentaires. Le premier est que les lectures référentielle et critique ne sont pas incompatibles. Autrement dit, que le téléspectateur peut, comme l’écrit joliment Frédéric Lambert, dire dans une même phrase : « je sais bien… mais quand même ». Nous sommes tous capables de suspendre notre connaissance du langage audiovisuel, sa rhétorique spécifique, ses conventions pour croire – quand même – à ce qu’on voit (2013). La réception de Modern Family en atteste pleinement. Le deuxième est que non seulement une grande partie des idées et des valeurs sociales et familiales de la série ne sont, dans la majorité des cas, pas critiquées, mais qu’elles ne le sont – comparativement – pas plus par les spectateurs chinois que par les spectateurs français interrogés pour cette recherche. Ce résultat, même restreint à certaines facettes de la série, est inattendu dans la mesure où cela semble contradictoire avec l’idée de l’existence potentielle de variété d’interprétations liées à la culture du pays du récepteur.

Comment expliquer ce résultat ? Comment, plus précisément, expliquer que les valeurs défendues par ce programme soient – globalement – appréciées par les téléspectateurs chinois et français interrogés, alors même qu’il s’agit d’un programme américain ? Pour mesurer l’intérêt de la question, il ne suffit pas de la mettre en perspective avec d’autres résultats obtenus en matière d’analyse comparée de réception de programmes internationaux10. Il faut, tout autant, prendre en compte combien la logique de l’industrie culturelle des programmes internationaux met au centre de ses stratégies commerciales les attentes – supposées – de son public. Pour reprendre les termes de John Fiske, le succès d’un programme commercial dépend de sa capacité à intégrer les modes de vie et de pensée des publics visés (Fiske, p. 40). Autrement dit, à prendre en compte ici prioritairement les attentes d’un public américain, alors même que – contrairement aux formats internationaux comme Big Brother – le format de ces histoires n’est pas adaptable à chaque pays, alors que chaque téléspectateur entend une même histoire.

Des motifs de satisfaction partagés par les téléspectateurs français et chinois.

Interroger ce deuxième type de résultat revient à comprendre à quelles conditions une série étrangère peut être appréciée à l’international ? Puis, plus spécifiquement, quels facteurs favorisent une compréhension élargie de valeurs diffusées par ces programmes ?

Il faut, en premier lieu, s’intéresser à l’importance également accordée à la dimension comique de la série par les spectateurs français et chinois. Il faut y voir la revendication, dans les deux pays, de la télévision comme un outil efficace de divertissement et un moyen légitime d’y parvenir. Un plaisir revendiqué par la quasi-totalité des téléspectateurs interrogés dans cette recherche (100 % des Français, 95 % des Chinois) : « On attend de tout type de série : de nous divertir, nous faire rire. Caractéristique la plus étendue selon moi, sans effort de réflexion, facile à suivre » expliquent Clémence (spectatrice française) et un spectateur chinois (« Ce qui me fait beaucoup rire c’est la conversation au moment où Jay et Manny font la queue parmi les homosexuels qui attendent leur papier de mariage » : Jie).

Comment expliquer cette importance quasiment unanime accordée au ton comique ? Il faut d’abord rappeler combien la télévision occupe une place importante dans les loisirs de nos contemporains, quels que soient les pays11. Combien, plus significativement encore, le temps consacré aux programmes fictionnels (séries, feuilletons, films) y est particulièrement important12. Ce retour suggère d’y voir un plaisir partagé entre le comique de dialogue et de situation, « car il y a des situations cocasses » (Sophie) un sentiment de détente ressenti à l’écoute de ces « scènes courtes et dynamiques » (Méline). Il faut noter combien ce type de sitcom sait diversifier les formes comiques, la diversité des personnages se traduit notamment par la diversité des registres comiques dans lesquels chacun s’illustre – et grâce à cela génère une toute aussi grande diversité des motifs d’attachement aux personnages et à leur humour. Certains apprécient le comique de situation (« J’aime bien le comique de situation et les blagues mêmes répétitives (bébé qui vomit) n’étaient pas louches » (Claire), d’autres le caractère décalé de certaines situations (« Ce qui me fait beaucoup rire c’est la conversation au moment où Jay et Manny font la queue parmi les homosexuels qui attendent leur papier de mariage » (Xiaoxiao), d’autres encore la force des réparties (« Cet épisode m’a fait sourire pour ses dialogues un peu décalés » (Camille), « Les malentendus entre le couple homosexuel me font beaucoup rire » (Wei). Finalement, la diversité des tempéraments des personnages multiplie les raisons d’apprécier le ton de la série : soit en raison de l’humour des personnages avec lesquels on rit en raison de leurs qualités, soit à leurs dépens. Autrement dit, l’humour facilite l’attachement à une série – y compris de spectateurs culturellement différents – en raison de sa plasticité d’interprétation. Exactement de la même façon qu’une série comme Friends dont les personnages principaux sont suffisamment différenciés pour faire l’objet d’engouements variables et variés suivant le milieu social du spectateur interrogé13. De telle sorte que les spectateurs peuvent à la fois revendiquer leur intérêt pour la dimension comique de la série tout en appréciant des éléments différents, et ce en raison de critères qui leur sont propres et d’autres qui sont communs à leur groupe social14 ou à leur groupe d’appartenance culturelle.

Mais, au-delà du rire ou du sourire engendré par la narration divertissante de la série, il est nécessaire de comprendre « l’effet comique » en réception. Car les réponses des spectateurs interrogés associent régulièrement au plaisir de se détendre l’intérêt pour les valeurs défendues par les personnages ; comme si l’effet potentiellement perturbateur de principes moraux ou sociaux défendus par les comédiens était atténué par les traits d’humour de ceux qui les professent :

En général, dans les séries américaines que je regarde il y a toujours une dimension comique qui permet de prendre au second degré certaines réflexions qui peuvent être choquantes au premier abord (Claire).
La dimension comique rend les personnages plus attachants (Clémentine).
Je suis moi-même un amateur de comédies, le thème de cette série est très semblable à celui des comédies, dès que j’ai su que c’était en relation avec l’homosexualité, j’ai pensé que le réalisateur utiliserait l’humour pour décrire ce thème sensible, c’est vraiment ce que j’espérais, en fait je voulais vraiment voir comment il s’y prendrait pour créer et tourner en abordant ce domaine (Yuxi).

Il existe au moins deux « effets comiques ». D’une part, parce que les spectateurs sensibles à l’humour des personnages s’attachent plus facilement à ces derniers et aux causes qu’ils défendent. « Les personnages sont sympathiques » explique par exemple Bastien. Ensuite parce qu’en « détendant l’atmosphère », en rendant l’histoire « moins sérieuse », ces traits d’humour réduisent d’autant l’intensité des critiques qu’une lecture référentielle de l’histoire (attachée au récit) peut occasionner dans la mesure où toute fiction permet de s’interroger soi-même sur sa propre histoire, sa propre vie, en particulier dans les moments les plus tendus de ce récit que sont : « dans les ruptures biographiques et les tensions normatives » (Collovald et Neveu, 2004 ; cités par Le Saulnier, 2011), dans les moments où les protagonistes sont confrontés à des choix pouvant modifier complètement leur existence.

Cependant, l’importance de la dimension comique ne permet pas totalement d’expliquer pourquoi la grande majorité des spectateurs français et chinois a reconnu et retenu les mêmes idées et valeurs de cet épisode : l’importance de la famille, des amis, les valeurs d’entraide et de tolérance (c’est le cas de 76 des 87 spectateurs français interrogés sur les valeurs qu’ils retenaient de la série et ce qu’ils avaient particulièrement apprécié. De même, c’est le cas de 55 des 58 téléspectateurs chinois) :

On doit respecter chaque personne. On a le droit d’être différent des autres (Xin).
Des valeurs de famille notamment, sur l’entraide et l’amour au sein d’une famille (Louise-Apolline).
Accepter la différence et chercher les points communs. L’amour entre les parents et les membres de la famille c’est de respecter leur choix (Sen).
On devrait être ouvert et tolérant (Yiran).

L’interprétation partagée de cet épisode s’explique, certes, largement par le déroulement conventionnel de l’histoire, au caractère stéréotypé des personnages. Elle reste, malgré tout surprenante, au regard de la variété des interprétations générées sur les histoires d’amour et d’amitié de jeunes enfermés – sous l’œil de caméras de surveillance – dans une maison, histoires mises en scène par les producteurs du concept de Big Brother du monde entier. Comment l’expliquer ?

Cela tient en partie au fait que cet accord porte sur des valeurs anthropologiques centrales : l’amour, la famille, l’entraide des proches. Comme si la dimension intemporelle de ces histoires – l’amour, la mort – en facilitait leur acceptation dans différentes cultures (Pasquier, 1991). Le compromis sur les valeurs de l’amour, de la famille et de l’amitié permet aux spectateurs de s’identifier et de retrouver leur propre écho dans la série. Ce lien signe également une reconnaissance sur la culture d’appartenance. Comme si, également, la convocation de valeurs universelles de la part des téléspectateurs interrogés constituait une solution pour « donner un sens universellement acceptable à sa pratique, en ajustant à ses goûts ce qui lui ressemble moins » (Balland et Vera Zambrano, 2015, p. 80 et suivantes). Comme si, au fond, faute de critères de justification – idéologiques ou culturels – plus précis, plus adaptés à leurs propres références ou contextes culturels, les spectateurs chinois et français intéressés par la double dimension narrative (les deux héros vont-ils se demander en mariage ?) et comique de l’histoire, en justifiaient – partiellement – l’intérêt en faisant référence à ces valeurs si « étendues » qu’elles peuvent être mentionnées dans des fictions au contexte et aux références largement « exotiques ».

Mais cela n’explique pas pourquoi des valeurs plus contestées dans le monde entier (notamment la tolérance sexuelle) font l’objet de peu de différences. En ce qui concerne les participants chinois15, il y a seulement deux étudiants parmi 58 qui n’acceptent pas le « couple homosexuel » à cause de l’orientation homosexuelle même des partenaires. Comment expliquer la faible différence de perception des spectateurs sur le couple homosexuel entre spectateurs français et chinois ?

En Chine, l’homosexualité est censurée par la presse d’État. Un film avec un personnage homosexuel ne serait pas autorisé à la projection par l’agence d’administration de la publication de la radio, de la télévision et de la presse culturelle chinoise. Mais c’est un sujet partiellement censuré : sur certains forums, les gens peuvent s’exprimer librement s’il ne s’agit pas de sujets politiquement sensibles. La recherche sur l’homosexualité est autorisée même si elle présente quelques difficultés. Selon la recherche de Li Yinhe (Li Yinhe, 2014, p. 140), c’est parce qu’ils ont peur de perdre la face que certains parents n’acceptent pas l’homosexualité de leurs enfants. Les jeunes étudiants chinois des grands centres urbains chinois ont beaucoup plus d’opportunités de rencontrer des personnes elles-mêmes homosexuelles. En plus, pour les étudiants interrogés, le fait d’apprendre une autre langue étrangère les aide à connaître une autre culture et leur permet d’avoir une ouverture d’esprit. Ce sont les raisons pour lesquelles la majorité des étudiants chinois interrogés ne sont pas choqués par le couple homosexuel de ce numéro de Modern Family.

Un autre point commun entre les spectateurs français et chinois c’est qu’ils ont tous mentionné volontairement les séries de leur propre pays en répondant aux questions sur cette série américaine. Par exemple :

La série chinoise met souvent en relation la famille et la guerre contre le Japon. Ceci intéresse la génération la plus âgée (Xiran).
Je trouve que la censure chinoise sur certains sites Internet et sur certaines séries étrangères doit faire l’objet d’une réflexion… Traiter cela, y compris dans ce type de comédie sensible, nécessite que l’on ose représenter ouvertement ce qu’ils vivent (ce que les homosexuels vivent) ; ce qui nécessite aussi d’accompagner ces œuvres, de diriger ces films de manière à ce qu’ils correspondent judicieusement et avec pertinence à la réalité et aux circonstances contemporaines afin de lever tout malentendu vis-à-vis de ces groupes de personnes qui font facilement l’objet d’incompréhension. (Lisheng)
Je la trouve réaliste mais pas vraiment pour la France, elle est plus réaliste pour les États-Unis (Claire).

Sans demande de la part des deux enquêteurs, les étudiants entament spontanément une réflexion sur leur propre culture. Comme Privat le révèle :

La distance (géographique et sociale) qui est proche de l’exclusion sociale, crée des conditions propices à la réflexion. L’acuité du regard et le sens de l’innovation sont renforcés avec la distance (Privat, 2004).

Cette prise de recul permet de rendre les différences culturelles perceptibles. Ce programme commercial américain vise à satisfaire un grand public américain et n’a toutefois pas l’intention de montrer la réalité de la société américaine. En analysant les réponses des étudiants français et chinois, nous avons remarqué qu’en ce qui concerne la vraie vie des Américains, ils accordent peu de crédibilité à cette série, car ils savent bien qu’il ne faut pas généraliser les phénomènes. Pourtant, ceci ne les empêche pas d’avoir une réflexion critique sur leur propre culture.

Conclusion 

En fin de compte, que nous enseigne cette comparaison de la réception de Modern Family en fonction de contextes culturels différents ? Sur le plan des théories de la réception, quelles sont les conditions de succès d’une série américaine auprès de spectateurs français et chinois culturellement distants des valeurs et références des producteurs de la série ? En ce qui concerne la construction d’un lien social symbolique, la représentation fictionnelle de familles américaines – concourt-elle oui ou non – à fournir des perceptions partagées de valeurs qui doivent se trouver au centre des relations familiales et amicales ? L’objectif étant de contribuer à répondre à la question de savoir comment la reconfiguration de la distance avec les cultures d’autres pays par la diffusion de programmes d’industries de la culture et des médias participe à modifier les représentations de la culture d’un pays étranger (en l’occurrence les États-Unis, pays producteur du programme).

Ces réceptions de la série comique diffèrent dans la place plus importante accordée par les spectateurs chinois aux relations familiales, un reflet de l’importance centrale de la famille dans la culture traditionnelle chinoise. La stabilité familiale est garante de la stabilité sociale. Elles diffèrent encore dans l’intérêt accordé au jeune adolescent débrouillard, Manny, avec un intérêt plus important de la part des récepteurs chinois ; celui-ci fait écho à la nécessité pour les jeunes étudiants d’un pays prônant l’enfant unique de savoir se débrouiller lorsqu’ils quittent le cocon familial pour vivre pour la première fois dans une autre ville ou une culture de campus, en s’autogérant dans la vie quotidienne estudiantine ou professionnelle. Le personnage de Manny permet aux étudiants chinois de faire référence à leur vie passée et présente. Ces réceptions de la série comique diffèrent enfin dans l’inégale attention accordée au jeu des acteurs, au budget. Alors que les spectateurs chinois se focalisent essentiellement sur le contenu du programme et évitent de critiquer cette série américaine, l’esprit critique ne faisant pas partie du système éducationnel, les spectateurs français – eux – accordent une grande importance à la manière dont cette série est produite. Un constat qui révèle une plus longue habitude des spectateurs français à la critique télévisuelle acquise à la fois à la lecture des magazines télévisés soucieux de dévoiler à leurs lecteurs les coulisses de l’émission, mais aussi en raison d’un intérêt certain et d’un accès plus grand aux ressources en ligne créées par les fans pour partager leurs connaissances des séries, comme les blogs, les forums, les wikis. Autant de ressources qu’il est plus difficile de consulter à ce jour pour les spectateurs chinois. Ces différences soulignent alors à la fois le poids du contexte économique et politique dans la compréhension des séries (l’inégal accès à Internet par exemple) mais aussi celui du contexte social. En parlant de certains personnages plus que d’autres, les spectateurs témoignent de leurs préoccupations spécifiques.

Ces réceptions diffèrent donc. De ce point de vue, ces résultats semblent bien confirmer l’idée de variation de la réception de programmes internationaux en fonction du contexte culturel du récepteur, que cette différence de contexte soit sociale, politique ou encore religieuse (Lochard et Soulez, 2003). Cependant, ce travail apporte deux éléments nouveaux aux recherches sur les études de réceptions.

La première est de montrer que si ces réceptions diffèrent, elles ne s’opposent pas. Car la lecture critique des spectateurs français sur le scénario, l’usage stéréotypé des décors et des dialogues ne les empêchent pas, par ailleurs, d’adopter une lecture référentielle de la fiction. De telle sorte qu’une grande partie des idées et des valeurs sociales et familiales de la série sont autant reconnues par les spectateurs français que par les spectateurs chinois, principalement l’importance de l’amour, de la famille et de l’entraide des proches. Il faut y voir un « effet comique ». Les spectateurs sensibles à l’humour des personnages s’attachent plus facilement à ces derniers et aux causes qu’ils défendent. Il faut y voir, également, l’attachement à des valeurs anthropologiques centrales. Comme si la convocation de valeurs universelles de la part des téléspectateurs interrogés permettait de donner un sens acceptable à l’intérêt suscité par une fiction étrangère comique.

Ainsi, il est possible de nuancer les différences d’interprétation culturellement situées. Pour autant, les spectateurs chinois et français ne focalisent pas leur écoute de Modern family sur ce qui diffère, sous ce format comique, entre leur culture familiale et sociale et la culture américaine mise en scène. Surtout, l’inégale attention accordée à la famille, à tel ou tel personnage ou à l’usage de « ficelles comiques stéréotypées » n’empêche pas un intérêt, partagé, pour une partie des idées et des valeurs diffusées par ce programme. De ce point de vue, ces fictions diffusées internationalement favorisent la compréhension des sentiments, des réactions d’autrui confronté à des problèmes sociaux et privés d’actualité (un autrui personnifié par ces protagonistes de séries américaines). Et, par-là, se matérialise une forme verticale et symbolique de lien social. Un tel résultat ne suggère-t-il pas, finalement, que – parce qu’il s’agit de programmes fictionnels en apparence moins engageants que les programmes d’actualité – le pouvoir d’influence culturelle (le soft power) des programmes télévisés, relève au moins autant des programmes fictionnels diffusés internationalement que de celui des chaînes d’information ?

Quel est, au plan méthodologique, le bilan de cette étude et quelles sont, sur un plan théorique, les pistes de recherche futures ? Pour des raisons logistiques, nous regrettons de n’avoir pu organiser une confrontation directe et plus approfondie entre étudiants français et chinois. Toutefois, partant d’une perspective interculturelle pour la future recherche, une discussion sur les résultats d’un groupe d’étudiants issu d’un autre pays permettrait aux protagonistes de prendre du recul par rapport à leur propre culture d’origine, de mieux comprendre la culture des autres et de réfléchir davantage sur les origines de la différence de la réception médiatique. Et comme Lévi-Strauss le dit, l’individu doit prendre du « recul par rapport à lui-même et à sa propre culture, pour mieux se familiariser avec ce qui est étrange(r) ». (Privat, 2004, p. 19). Sur un plan scientifique, un tel résultat ouvre de nouvelles perspectives de recherche. Il incite à accorder plus d’importance aux scénarios des séries dans l’analyse des critères facilitant une lecture internationalement acceptable de ces productions. On le sait, les producteurs de ces programmes de télévision sont attentifs à « l’air du temps ». Ils sont soucieux de raconter des histoires qui ne prennent pas le risque de choquer leurs spectateurs et cherchent avant tout à plaire au plus grand nombre (Boutet, 2004), quitte à modifier le scénario en fonction des tests effectués auprès de panels de spectateurs. La pertinence de ces méthodes pour favoriser un succès « local » (américain) a été plusieurs fois éprouvée. Mais, on le voit avec ce travail, investir dans un scénario de ce type est, sous certaines conditions, exportable internationalement. Un résultat qui fait empiriquement écho à une hypothèse sémiologique proposée par François Jost pour expliquer le succès international des séries américaines : si les producteurs de ces fictions choisissent de confronter les personnages à des sujets d’actualité (ici l’autorisation du mariage homosexuel) plutôt dans des récits inscrits dans des univers clos, c’est pour accorder une plus grande place aux réactions et aux émotions ressenties par ces personnages par ces sujets afin que les spectateurs comprennent leurs réactions et s’attachent plus fortement à ces derniers (Jost, 2011). C’est, de manière complémentaire, la raison pour laquelle ces fictions accordent désormais une plus grande place aux voix off dans leurs récits. Ainsi, dans Modern Family spécifiquement, les personnages témoignent « face caméra » de leurs réactions aux évènements qui leur arrivent au cours de l’histoire. En dévoilant leurs sentiments, les personnages permettent aux spectateurs de mieux saisir l’intimité et l’intensité de leurs réactions, d’en comprendre les ressorts et de se poser les questions que se posent ces personnages (Jost, 2011, p. 36-37). Des explications accordant une grande place au récit dont des recherches comparatives internationales pourraient mesurer plus finement l’impact sur la réception à l’avenir.

Cette recherche apporte, également, un deuxième résultat nouveau. Elle montre l’importance désormais jouée par Internet dans la dimension critique de ces réceptions. Une importance inégale en raison de l’inégal accès à ces ressources des spectateurs/internautes suivant les pays. Autant de pistes à prendre en compte désormais dans les études internationales des réceptions des médias.

1 Cette variable n’étant pas, bien entendu, la seule possible. Ce choix ne signifie donc pas que cette recherche méconnaît l’intérêt et l’importance

2 Étant entendu que la diversité culturelle n’est ni mesurable ni chiffrable.

3 Selon lui, pour mieux comprendre l’Europe, il faut sortir de la famille indo-européenne, et aux Amériques même quand elles venaient juste d’être

4 « Ce lundi 18 avril, 262 000 amateurs ont suivi les six épisodes de Modern Family proposés par M6. La part de marché a atteint 4.7 %. » News TV, 19

5 Sur le site Internet http ://tv.sohu.com/s2014/ modernfamily6/.

6 Six échelles de mesure quantifiées ont été proposées : jamais, rarement, une fois par mois, une fois par semaine, plusieurs fois par semaine, tous

7 Dans les deux cas, le public choisi est constitué de spectateurs ayant entre 19 et 21 ans, afin de ne pas ajouter de dimension générationnelle à

8 Russie communiste versus Amérique libérale dans le cas de Dallas : Katz et Liebes, 1992.

9 Maghreb versus Europe dans le cas de Big Brother : Lochard et Soulez, 2003.

10 Voir Balland et Vera Zambrano, 2015, p. 63.

11 La durée moyenne d’audience est de 2h 32 en Asie et 3h 55 en Europe en 2015 d’après une étude Eurodata TV Worldwide. « La baisse du temps passé

12 En Chine, Hunan TV – deuxième chaîne de télévision du pays derrière le groupe national chinois de télévision [le CCTV] – a construit son succès

13 (Balland et Vera Zambrano, 2015, p. 86).

14 C’est pourquoi « l’insistance sur les différentes modalités de la jouissance d’un même produit culturel […] ne saurait toutefois faire oublier

15 Par rapport aux participants chinois, cette recherche a été menée auprès de 58 étudiants chinois de 19-21 ans de l’Université de Jiaotong du

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Notes

1 Cette variable n’étant pas, bien entendu, la seule possible. Ce choix ne signifie donc pas que cette recherche méconnaît l’intérêt et l’importance d’autres variables d’analyses de la réception, y compris pour des programmes étudiés internationalement. Au contraire, il est incontestable que d’autres marqueurs de différenciation sociaux expliquent également les différences d’interprétation des programmes et les logiques de réception. Comme l’a montré Ien Ang à propos de Dallas, la différence de genre permet de comprendre comment les différences d’éducation entre petits garçons et petites filles se traduisent par un intérêt plus marqué pour les relations familiales chez les téléspectatrices et aux relations d’affaire et de pouvoir chez les téléspectateurs (Ang, 1985, p. 118). Simplement, cette étude a choisi d’analyser en profondeur l’impact de la variable interculturelle.

2 Étant entendu que la diversité culturelle n’est ni mesurable ni chiffrable.

3 Selon lui, pour mieux comprendre l’Europe, il faut sortir de la famille indo-européenne, et aux Amériques même quand elles venaient juste d’être découvertes, ses habitants étaient vus comme de « bons sauvages ».

4 « Ce lundi 18 avril, 262 000 amateurs ont suivi les six épisodes de Modern Family proposés par M6. La part de marché a atteint 4.7 %. » News TV, 19-04-2016.

5 Sur le site Internet http ://tv.sohu.com/s2014/ modernfamily6/.

6 Six échelles de mesure quantifiées ont été proposées : jamais, rarement, une fois par mois, une fois par semaine, plusieurs fois par semaine, tous les jours. Cette échelle de mesure a été préférée à des dénominations sujettes à des interprétations plurielles telles que « fréquemment » qui peut être compris comme « une fois par semaine » pour un spectateur et « une fois par jour » pour un autre.

7 Dans les deux cas, le public choisi est constitué de spectateurs ayant entre 19 et 21 ans, afin de ne pas ajouter de dimension générationnelle à cette analyse interculturelle de la réception.

8 Russie communiste versus Amérique libérale dans le cas de Dallas : Katz et Liebes, 1992.

9 Maghreb versus Europe dans le cas de Big Brother : Lochard et Soulez, 2003.

10 Voir Balland et Vera Zambrano, 2015, p. 63.

11 La durée moyenne d’audience est de 2h 32 en Asie et 3h 55 en Europe en 2015 d’après une étude Eurodata TV Worldwide. « La baisse du temps passé devant la télé en direct se confirme dans le monde », L’observateur, 4-04-2016.

12 En Chine, Hunan TV – deuxième chaîne de télévision du pays derrière le groupe national chinois de télévision [le CCTV] – a construit son succès dans les années 2000 grâce à sa programmation audacieuse en matière de fiction (Letawe, Evelyne, « Hunan TV, l’essor spectaculaire d’une télévision chinoise », Ina-global, 24-11-2010).

13 (Balland et Vera Zambrano, 2015, p. 86).

14 C’est pourquoi « l’insistance sur les différentes modalités de la jouissance d’un même produit culturel […] ne saurait toutefois faire oublier, après Thorstein Veblen et Pierre Bourdieu, les profits de distinction qui demeurent attachés à la consommation des biens culturels » (Darras, p. 2003, p. 39).

15 Par rapport aux participants chinois, cette recherche a été menée auprès de 58 étudiants chinois de 19-21 ans de l’Université de Jiaotong du Sud-Ouest pendant la période de novembre et décembre 2016. Ce sont des étudiants du département de langues étrangères.

Citer cet article

Référence électronique

Lu LIU et Sébastien ROUQUETTE, « La réception internationale des séries américaines », K@iros [En ligne], 3 | 2019, mis en ligne le 27 mars 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=109

Auteurs

Lu LIU

Communication et sociétés, Université Clermont Auvergne

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