Réussir et s’épanouir : deux représentations antagonistes du bonheur

Succeed and Flourish: Two Antagonistic Representations of Happiness

DOI : 10.52497/kairos.341

Résumés

À partir de l’analyse d’un corpus composé des livres explicitement dédiés à la vie heureuse, de films à succès et d’enquêtes sociales, cet article entend mettre en évidence deux déclinaisons du bonheur qui s’opposent dans la France post-1945 : la réussite sociale et l’épanouissement. Il s’agit de mieux comprendre comment sont construits les deux modèles, de saisir les dimensions qu’ils recouvrent et de percevoir que l’univers du bonheur, conflictuel, est structuré par les luttes entre les diverses définitions de la vie heureuse. La voie du bonheur par la réussite, ancienne, est un modèle agonistique et rigide qui repose notamment sur la jouissance différée et propose aux individus d’être heureux une fois le succès garanti, tandis que l’épanouissement, plus récent, invite les acteurs à assumer leurs propres désirs, à aimer, à s’amuser et à savourer le chemin qu’ils sont en train de parcourir, quelle qu’en soit l’issue. Pour le promouvoir, les partisans de l’épanouissement se sont frontalement opposés à la réussite sociale, jugée injuste et, de surcroît, inapte à procurer le bonheur. De leur côté, les tenants de la réussite ont riposté et ont également forgé un argumentaire justificateur afin de tenter de discréditer leurs adversaires. Les phases de ce conflit permettent de mieux comprendre l’influence de chaque modèle, mais les individus peuvent aussi les concilier et décider de réussir dans le monde professionnel et de s’épanouir dans leur vie privée.

From the analysis of a corpus made up with books explicitly dedicated to happiness, box-office successes and social surveys, this article intends to highlight two struggleling happiness’s ideas in France after 1945: the social success and the self-fulfillment. What is at stake is a better understanding of the models. Moreover, the purpose is to perceive that the universe of happiness is structured by the fights between the definitions of happy life. The way of the happiness by the success is an agonistique and stiff model which bases in particular on the deferred enjoyment and wants the individuals to be happy once the success is guaranteed, whereas the self-fulfillment invites the actors to assume their own desires, to love, to have fun and to savor the path they are now browsing. To promote it, the self-fulfillment’s partisans frontally criticized the social success, considered inequitable and, besides, unfit of getting the happiness. The upholders of the success responded and also forged justificatory discurses to try to compromise their opponents. The phases of this conflict allow a better understanding of their influence, but the individuals can also reconcile them and decide to succeed in the professional world and to fulfill in their private life.

Index

Mots-clés

bonheur, conflit, croyance, France, histoire contemporaine

Keywords

Happiness, representation, cultural studies, contemporary history, sociology, France, conflict, belief

Plan

Texte

La valorisation sociale du bonheur, phénomène relativement récent, a encouragé la floraison de riches représentations (Pawin, 2010 et 2013). L’univers du bonheur est notamment dynamisé par des oppositions structurantes et il s’agit ici d’étudier, dans une perspective d’histoire du temps présent, deux modèles concurrents, parmi les principaux : le bonheur-réussite et le bonheur-épanouissement. Ces deux pôles proposent deux orientations à nos actions, reposent sur des conceptions différentes de ce que peut et doit être le bonheur et s’opposent souvent violemment. C’est cette dialectique entre la réussite et l’épanouissement que nous nous proposons d’interroger : comment sont construits les deux modèles et quelles dimensions recouvrent-ils ? Dans quelle mesure structurent-ils l’univers des représentations du bonheur ? Comment s’opposent-ils ? Quelle est leur prégnance respective et comment le rapport entre les deux a-t-il évolué ?

Pour ce faire, nous utiliserons un large corpus documentaire composé de plusieurs massifs. En premier lieu, l’ensemble des ouvrages publiés en France de 1945 à 2010 dont le titre comporte le mot bonheur ou un autre terme du champ sémantique afférent1, soit plus de 11 000 volumes soumis à un traitement statistique quantitatif, parmi lesquels un échantillon intégralement dépouillé d’environ 400 documents, sélectionnés en fonction de critères de succès, de genres, d’auteurs et d’éditeurs. En second lieu, un ensemble de films à succès qui permettent d’établir la fréquence et l’audience des représentations mises à jour dans les ouvrages : environ 7 films par an, soit un total de près de 400 films. En troisième lieu, une centaine d’ouvrages publiés par des intellectuels influents dont le titre ne comporte pas le mot bonheur, mais dont le contenu en traite longuement. Ces travaux de la pensée critique (Erich Fromm…), d’économistes (Jean Fourastié…) ou de psychologues (Françoise Dolto…) offrent l’occasion de mettre à jour des images du bonheur plus novatrices. L’analyse croisée de ces différents types de documents évite de se cantonner à un unique locuteur et permet, au contraire, de baliser l’ensemble des représentations du bonheur, forgées et diffusées par les divers acteurs sociaux. De surcroît, la profondeur chronologique sur laquelle s’étale leur production mène vers une saisie des évolutions, toujours essentielle pour mieux comprendre les facteurs du changement socioculturel.

Compte tenu de la taille de cet article, il ne sera pas possible de convoquer directement la totalité du corpus : il s’agit ici de présenter une synthèse étayée sur le matériel empirique brièvement présenté. Celle-ci débute par la présentation des deux voies d’accès au bonheur, avant de se pencher sur les luttes qui les opposent.

Réussir, s’épanouir : deux modèles du bonheur

Dans la France du second xxe siècle, le bonheur, c’est d’abord de réussir. La structure narrative des récits est un premier indice de cette conception du bonheur comme récompense du succès. Les histoires orales, écrites ou filmées transmettent des récits de réussite : l’immense majorité des récits mettent en scène un héros en lutte contre le malheur et le tragique vient de l’échec, tandis que la fin heureuse est issue du succès. Bien entendu, la vertu délimite un cadre législatif : il faut réussir en respectant l’éthique, affirment en substance les livres, les films, les sondages et les journaux intimes, qui, pour la plupart, infirment l’idée que la fin justifie les moyens. L’idéal est donc de réussir tout en observant les règles sociales en vigueur, qui modulent les objectifs légitimes en fonction de l’appartenance sociale d’origine et des caractéristiques personnelles.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, les auteurs d’ouvrages de développement personnel déploient systématiquement la technique du bonheur par la réussite. Les pères fondateurs tels Norman Peale et Joseph Murphy écrivaient déjà des guides de réussite, celle-ci devant conduire au bonheur (Peale, 1955 et Murphy, 1980)2 : ils prodiguaient force conseils permettant au lecteur d’accomplir ses projets. En France, la ligne directrice du développement personnel ne diverge pas de cette idée. Les auteurs sont rarement pasteurs et plus souvent médecins, ce qui les amène à accentuer cette importance de la réussite temporelle, à l’instar de Charles Guild (Guild, 1947). Leurs recommandations reposent sur deux types de dispositifs. D’une part, ils misent sur l’autosuggestion, qui permet à l’individu de se conditionner et de disposer de ses meilleurs atouts : par la mise en œuvre de sa volonté et par sa capacité d’autopersuasion, l’individu est capable de mieux préparer sa stratégie et d’accroître considérablement ses performances, affirment ces auteurs qui s’inscrivent dans le prolongement de la tradition morale occidentale. D’autre part, ils affirment – parfois non sans angélisme – que la vertu est toujours récompensée par le succès : le don et l’attention à autrui faciliteraient l’accomplissement de nos projets, parce qu’ils initient une dynamique positive. Outre refonder la vertu traditionnelle – devoir plaire et être aimable – par la raison du bonheur, ils proposent donc une technique reposant sur l’intérêt bien compris de chacun.

Ce chemin du bonheur par la réussite repose sur la jouissance différée : le bonheur vient couronner un effort bien ordonné et s’obtient en fin de course, après la peine. Éthiquement, il est donc juste. L’efficacité de cette technique provient de son adéquation avec le fonctionnement cognitif humain. D’une part, au niveau de la sensation immédiate, l’homme ne peut pas être dans un état toujours stable mais fluctue entre divers sentiments, certains positifs, d’autres négatifs. La dynamique effort-récompense canalise cette oscillation physiologique : les moments de souffrance sont assumés au nom des jouissances futures, ce qui permet de tenir le malheur à distance – l’individu peut facilement le dépasser en se disant qu’il agit en vue d’un but et que la peine est nécessaire – ; les moments de triomphe sont légitimés par l’effort précédent, ce qui dissout la culpabilité et accroît le bonheur. Le système de peines et de récompenses offert par le modèle de la réussite et de l’effort – une suite sinusoïdale de malheurs et de bonheurs adaptée à la réalité de l’évolution des sentiments – correspond donc à l’alternance naturelle entre plaisirs et chagrins. D’autre part, au niveau réflexif cette fois, l’homme est moins capable de juger d’un état intérieur stable que de percevoir la différence entre deux situations : du fait de l’habitude, toute condition qui se prolonge a tendance à diminuer en intensité, qu’elle soit plaisante ou déplaisante (Layard, 2005 : 229). La performance de la technique de l’effort et de la récompense est de faire entrer l’être humain dans une fluctuation forcée alternant entre un état de peine – l’effort – et un état heureux – le succès –, oscillation qui accroît, par contraste, le bonheur de la réussite.

Toutefois, les chantres de la réussite personnelle savent que celle-ci n’est pas toujours aisée à obtenir3. Par conséquent, ils traitent tous de l’échec éventuel de nos projets. Pour y remédier, Norman Peale a, avec d’autres, lancé aux États-Unis la « pensée positive » (positive thinking). Cette technique peut se résumer par le principe de Pollyanna (Porter, 1946-1950) : une série d’histoires pour enfants racontent la vie de Pollyanna, jeune orpheline recueillie par sa tante, vieille fille acariâtre vivant dans une petite ville du Vermont. Quelle que soit la situation, Pollyanna en perçoit les aspects positifs : lorsqu’elle est, pour une broutille, condamnée par sa tante à dîner de pain sec et d’eau, elle se convainc d’aimer l’eau et le pain sec ; perdant l’usage de ses jambes après un accident, elle parvient à retrouver le sourire. Aux États-Unis, Pollyana est si célèbre que dans certains états, c’est devenu un substantif. En France, il n’y a pas d’équivalent sémantique à Pollyanna, mais la locution « méthode Coué » qualifie ce type de technique de résignation positive, qui permet de se persuader que tout va bien. Dans une large mesure, les moralistes contemporains mettent à profit cette capacité humaine d’autosuggestion et retrouvent l’aphorisme de Bussy-Rabutin : « quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a ». Pour surmonter l’échec, expliquent-ils, il faut emprunter le chemin de la résignation volontaire et trouver le moyen d’élaborer un récit positif des événements. Et les auteurs de nous conseiller la technique du verre d’eau, qu’il faut trouver à moitié plein et non à moitié vide.

En somme, si la préparation de nos actes s’avère insuffisante pour réussir, nous devons parvenir à nous contenter de notre sort, recommandent ces experts avisés, qui cheminent à la recherche d’un juste milieu entre des voies pourtant exclusives l’une de l’autre. Nonobstant la contradiction entre leurs préceptes, ils ne conseillent pas autre chose qu’un bricolage entre le plaisir de l’obstacle surmonté et l’acceptation ravie des limites inhérentes à l’être humain. Dans cette mesure, ils décrivent le fonctionnement effectif de l’esprit humain, qui tente d’imposer ses désirs dans un monde adverse, et se résout à accepter une fatalité qu’il ne peut subvertir. Ce caractère adéquat au réel de la technique du développement personnel éclaire certainement le succès de ce genre nouveau.

Le modèle de la réussite constituait le dernier avatar des représentations positives de la souffrance, non plus justifiée pour elle-même, mais pour ses conséquences pratiques : levier puissant, elle permettait à l’homme de survivre – en assurant l’homéostasie de l’organisme – et d’améliorer ses conditions de vie. Selon les tenants de l’épanouissement, l’effort douloureux doit être réduit au strict nécessaire. L’objectif assigné à la vie humaine, c’est de suivre sa pente naturelle, comme une fleur épanouit ses pétales selon un processus spontané et non contraint, ni par la volonté, ni par des règles extérieures à l’individu. Avant 1945, le dépôt légal ne recense que 21 titres comportant le terme « épanouissement ». Ses acceptions n’ont aucun lien avec le bonheur. Le premier titre où le terme épanouissement est lié à la vie heureuse – et le seul avant 1945 – paraît en 1925 (Boucaud, 1925) : on le trouve utilisé en botanique ; il est, dans des ouvrages historiques, synonyme d’essor ; il est, enfin, employé par des chrétiens. Après guerre, la croissance est manifeste : 4 ouvrages comportent le terme « épanouissement » entre 1944 et 1949 ; 6 entre 1950 et 1959 ; 17 entre 1960 et 1969 ; 21 de 1970 à 1979 ; 42 entre 1980 et 1989 ; 97 entre 1990 et 1999 ; 123 entre 2000 et 2009. L’apparition du terme dans le champ des représentations de la vie heureuse signale la nouveauté de la technique du bonheur par « l’épanouissement ».

La première caractéristique de la technique de l’épanouissement consiste à préconiser une voie ludique : pour éviter l’ennui du monde moderne (Le Goff, 1998, chapitre 1 et 2 et Nahoum-Grappe, 1995, chapitre 4), il s’agit de vivre la vie comme un jeu, d’en tirer plaisir, de pratiquer des activités par elles-mêmes plaisantes et non des activités qui aliènent le présent en raison d’un bonheur futur. Ses tenants insistent ainsi sur le bonheur que l’on obtient au moment même où l’on agit et non sur celui que l’on obtient après le succès. Ce sont donc les activités créatrices, artistiques ou ludiques qui sont valorisées et non plus les activités productives ou compétitives. L’épanouissement consiste à permettre à l’individu d’assumer ses propres désirs, à les réaliser, et à s’en contenter ; il se distingue des techniques de résignation, puisqu’il invite à accroître ses aspirations personnelles. Les promoteurs de l’épanouissement s’inspirent notamment des travaux d’Erich Fromm, « psychologue humaniste » juif allemand lié à l’école de Francfort, né en 1900 et émigré aux États-Unis en 1934, dont les ouvrages sont traduits en français dès les années 1950, et qui exerce une influence importante sur les jeunesses occidentales des années 1960-19704. Fromm souligne l’aliénation des individus qui ne peuvent parvenir à l’autonomie dans nos sociétés contemporaines (Le Goff, 1998 : 77 sqq.) : la consommation, stimulée artificiellement, ne serait qu’un « acte aliéné » et passif qui n’amène qu’à l’ennui (Fromm, 1956 : 133 et 148). Au contraire, il valorise les « activités productrices et spontanées » qui, seules, peuvent conduire au vrai bonheur : parmi celles-ci, « l’artisanat […] constitue l’un des sommets du travail créatif ». Peu amène à l’égard du monde moderne et de la technique, il prédit un « choix décisif » entre le « robotisme » et le « socialisme communautaire et humaniste », qui permettra de « dépasser la phase dans laquelle l’homme n’était pas pleinement humain » (Fromm, 1956, respectivement : 136, 173 et 338).

À son invitation, certains essaient de retrouver la spontanéité d’un individu qui n’aurait pas été pollué par une société jugée perverse ; ils se sondent à la recherche de leurs désirs authentiques (Le Goff, 1998, chapitre 17). Il convient ici de remarquer la convergence des conseils de Fromm et des expérimentations des jeunes hippies, qui se passionnent pour les travaux manuels : certes la vente des produits sur les marchés permet aux communautés de subsister, mais cette finalité économique n’épuise pas le sens de ces activités manuelles, qui sont surtout réalisées pour le plaisir qu’elles apportent. Les contemporains les ont essayées à l’instigation des maîtres de l’époque, afin de retrouver des sensations authentiques et un rapport direct à la matière. C’est d’ailleurs ce que suggère Agnès Varda dans Le bonheur, sorti en 1965 : les héros vivent en communion avec la nature et méprisent la société, considérée comme responsable de tous leurs maux. Pour Varda, la capacité de vivre en autonomie morale est un ingrédient indispensable au bonheur-épanouissement.

La capacité à aimer en est un autre, plus essentiel encore. Sur la question de l’amour, L’art d’aimer d’Erich Fromm, traduit en France en 1968 alors que le Summer of love a débuté aux États-Unis, rencontre également un large public. Pour Fromm, « l’amour » constitue la « réponse au problème de l’existence humaine » (Fromm, 1968 : 80), c’est-à-dire à l’angoisse née de la séparation du moi et des autres. Partant, l’auteur prône les différentes formes d’amour, y compris « l’amour de soi », condition nécessaire à l’amour d’autrui :

Loin d’être identiques, l’égoïsme et l’amour de soi sont en fait des phénomènes contraires (Fromm, 1968 : 80).

Développant une thématique qui n’est pas sans rappeler le christianisme originel, et qui converge avec les interprétations progressistes du message chrétien, il prêche ensuite en faveur de l’amour du prochain. Fromm préconise donc l’épanouissement des hommes par l’amour et le slogan « Peace and love », pourrait aussi servir d’épigraphe à ses théories.

Suivant les maîtres de sagesse comme Fromm, de nombreux Français, en commençant par les jeunes, éduqués et urbains, vont tenter l’expérience de cette technique du bonheur par l’épanouissement, qui oppose les tendances spontanées et authentiques de l’individu à l’artificialité du monde social, aux désirs imposés par les entreprises marchandes, aux normes sclérosées et archaïques et à la compétition généralisée. Ils souhaitent se libérer de l’influence pernicieuse de l’éducation, assimilée à un dressage castrateur, s’émanciper et devenir autonomes. Ils empruntent donc la voie de l’épanouissement : le modèle de la fleur sauvage, et non du bonsaï, fournit celui du développement humain souhaitable. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si l’épanouissement est sémantiquement rattaché à la nature, le terme venant en effet du lexique végétal : l’époque est à la valorisation de la nature contre une culture perçue comme pervertie, dénaturée et néfaste au bonheur des hommes. Cet idéal de l’épanouissement s’exprime notamment dans le rapport au corps, comme en témoigne la fréquente locution « épanouissement sexuel ». C’est sur ce point qu’il connaît la plus forte audience et qu’il entraîne les plus importantes évolutions des pratiques.

L’attention au corps et aux plaisirs qu’il procure est celle qui anime les participants aux diverses méthodes du bien-être par le corps ainsi que ceux des nouveaux sports « fun », en plein essor à partir des années 1970. Le yoga peut être considéré comme le parangon de ces pratiques : il conjugue le souci corporel à l’attention psychologique – le yoga a, dans les représentations des Français, une composante spirituelle (Ceccomori, 2001 : 302-304) – et prétend apporter un bien-être, qui mêle inextricablement le physique et le psychique. Dès 1970, « le nombre de ses adeptes ne cesse de croître : en 1975, si la courbe continue de monter, un Français sur deux sera yogi » ironise un journaliste du Monde, avant de décrire ce « phénomène social d’une ampleur extraordinaire » et de dresser le portrait « du client-type du cours de hâta-yoga : trente-cinq-quarante ans, situation aisée. Ambition de départ : “perdre des kilos” et “chercher à mieux se connaître soi-même” ». Pour ce dernier, le yoga est « équilibrant, décompressif » et « apparaît comme un dérivatif à la bombe, à l’absurde ». Sarcastique, l’article s’achève sur les propos d’une « secrétaire de trente-quatre ans » selon laquelle « le développement de la machine à laver fait éprouver un profond besoin de spirituel » (Sery, 1970). De fait, le yoga « explose » dans les années 1970 – avant d’être concurrencé, à partir des années 1980, par d’autres formes de gymnastiques douces, Tai-shi et autre Qi-gong – et les amateurs – majoritairement des amatrices – se recrutent principalement dans les classes moyennes supérieures des grandes villes (Ceccomori, 2001 : 302-306).

Pour les pratiquants, le yoga est perçu comme un art de vivre qui garantit une meilleure santé, un équilibre physique et psychique. Il permet de répondre à la question : « qui suis-je ? », et constitue un cheminement vers l’unité spirituelle (Ceccomori, 2001 : 306). Le yoga symbolise enfin la libération des corps : affaiblissement des contraintes corporelles, légitimité accrue de l’attention au corps, valorisation des sensations. Ainsi, tant la quantité des participants que l’interprétation subjective qu’ils donnent de leur pratique, confirment la forte influence qu’exercent les techniques du bonheur par l’épanouissement du corps. Depuis les années 1970, il s’agit de prendre conscience de son corps : être heureux, c’est ressentir et se délecter de la vie et de l’énergie vitale qui coule en soi, affirment les pratiquants des nouvelles gymnastiques. C’est aussi, il ne faudrait pas l’oublier, développer ses capacités corporelles personnelles et accroître ses possibilités, physiques comme psychiques. S’épanouir, c’est se développer naturellement et ne pas y être contraint, c’est augmenter sa conscience et ses possibles, ce n’est pas se réfugier dans un mysticisme ascétique. Selon cette optique, l’homme sera heureux, affirment les guides spirituels, et certains acteurs éprouvent souvent bien réellement cette expérience d’un mieux-être, en pratiquant la voie du bonheur par l’épanouissement.

Plus ancien, le modèle de la réussite propose donc le bonheur en bout de course, comme récompense du succès. Plus récent et moins concurrentiel, le modèle de l’épanouissement retrouve un proverbe attribué au bouddhisme et devenu célèbre selon lequel « le bonheur n’est pas le but, c’est le chemin ». Assez logiquement, ces deux modèles antagonistes ne vont pas manquer de se confronter.

Réussir ou s’épanouir : les confrontations des deux modèles

Les tenants de la réussite et ceux de l’épanouissement sont souvent en conflit et luttent pour asseoir leur représentation du bonheur. Bien souvent confirmés dans leurs croyances par les performances – bien réelles – de chaque modèle, les individus partagent, par le biais de discussions privées ou de prises de position publiques, leurs expériences qui viennent, à leur tour, nourrir et enrichir chaque horizon. C’est ainsi contre le modèle rigide de la réussite sociale que se construit l’idéal de l’épanouissement ; plus récemment, la contre-offensive est venue de la part de partisans de la réussite.

Les critiques du modèle de la réussite sont issues de divers secteurs de la société. La critique chrétienne le dénigre car il est trop matériel, et ne laisse pas de place à la spiritualité qui, par nature, ne saurait être plus ou moins réussie (Duquesne, 1963 : 230-31). Ce ne sont pourtant pas les chrétiens qui imposent leurs vues, mais plutôt les penseurs critiques, parmi lesquels Herbert Marcuse. Issu de l’école de Francfort puis émigré aux États-Unis, le penseur juif allemand né en 1898 réalise une relecture marxienne de Freud dans Éros et civilisation (Marcuse, 1963). Avant 1968, sa diffusion est limitée, mais son audience est réelle auprès des avant-gardes (Trebitsch, 2000). À partir de 1968, ses ouvrages, traduits et édités en poche, se vendent par milliers : les étudiants les lisent, ainsi que les intellectuels critiques. Marcuse exerce un magistère moral sur les manifestants de mai 1968 et leurs successeurs des années 1970. Il pourfend le modèle du bonheur-réussite, qu’il baptise « principe de rendement » et oppose au « principe de plaisir » (Marcuse, 1963 : 120). Pour lui, le processus de civilisation ne s’obtient qu’au prix d’un détournement des instincts, qui « ne luttent pour rien d’autre que pour obtenir “le plaisir” » et il déplore que le « principe de réalité [ait pris] le pas sur le principe de plaisir » (Marcuse, 1963 : 24-25). Certes, « la pénurie (lebensnot ; ananké) enseigne aux hommes qu’ils ne peuvent pas satisfaire librement leurs pulsions instinctuelles, qu’ils ne peuvent pas vivre sous le principe de plaisir » (Marcuse, 1963 : 27). Mais « l’excuse de la pénurie […] s’affaiblit au fur et à mesure que le savoir de l’homme et sa domination sur la nature accroissent les possibilités qu’il y a de satisfaire les besoins humains avec un minimum de labeur » (Marcuse, 1963 : 87). Dans ce cadre, il faut remettre en cause l’impératif productiviste et lui substituer « une nouvelle rationalité de la satisfaction dans laquelle raison et bonheur convergent » (Marcuse, 1963 : 194).

Lorsque Marcuse conseille de préparer nos enfants à « élever leurs enfants afin qu’ils n’aient pas à travailler comme une nécessité névrotique », parce que « la nécessité de travailler est un symptôme névrotique […] une béquille […] une tentative de l’homme pour se rendre valable à ses propres yeux, même s’il n’est pas nécessaire de travailler » (Chilsholm, 1946 : 37, cité par Marcuse, 1963 : 191-192), il sait que ses propositions radicales créeront difficilement l’assentiment et c’est pourquoi il s’abrite derrière les paroles d’un autre scientifique. En effet, les multiples critiques du modèle productiviste du bonheur-réussite n’ont pas réussi à le désactiver : aujourd’hui encore, réussir reste l’un des objectifs principaux et l’une des techniques majeures du bonheur, sans doute parce que ce dispositif est performant et intégré à l’édifice social. De fait, la multiplication des guides de réussite, ainsi que les modèles sociaux (depuis les golden boys des années 1980 jusqu’aux footballeurs contemporains, les success stories à la fin heureuse n’ont pas tari), ont continué de nourrir cet idéal et de le porter aux nues, si bien que les pratiques du grand nombre restent construites par la volonté d’obtenir le bonheur dans le succès, après l’effort. Mais les critiques sont parvenues à se faire entendre par certains groupes sociaux attentifs à l’épanouissement ; ceux-là ont élaboré d’autres techniques du bonheur, valorisant davantage le présent, l’instant et le plaisir de l’activité pour elle-même.

L’épanouissement procède d’abord de la critique de la réussite. La question s’est posée du bien-fondé du cycle production-consommation ou effort-plaisir, et le caractère fuyant de la félicité a progressivement été perçu : contrairement au postulat du modèle de la réussite, le bonheur promis après l’effort s’évanouit trop vite, si bien que la rentabilité du procès travail-bonheur est remise en cause. Le découpage conceptuel occidental entre les moyens et les fins est progressivement battu en brèche, et plusieurs penseurs ont recours à la philosophie orientale pour s’en écarter : en témoigne la mode des sagesses mystiques et ésotériques qui, pour la plupart d’entre elles, préconisent de renoncer à la finalité et à l’action volontaire (Morin, 1975 : 13 et chapitre 2).

Sans lien avec la sagesse orientale, Mon oncle de Tati en 1958 porte l’estocade contre le modèle de la réussite sociale : non seulement les salariés de l’usine moderne ne sont pas heureux à leur poste, mais surtout, les cadres supérieurs ne parviennent pas non plus à jouir dans leur vie privée, comme le montre l’absence de bonheur qui règne chez les Arpel, y compris lors de la scène de la garden party : la réussite sociale, professionnelle pour le père, ou familiale pour la mère, n’est aucunement suivie d’une vie heureuse (Tati, 1958, 78e mn). De même que la modernité aseptise les intérieurs, la technique affadit le quotidien des hommes, qui ne savent plus rire et ont perdu le sens du ludique, jusque dans leurs loisirs ou dans leur jeu. Certes, les spectateurs du film de Tati ne voient pas forcément dans ce film cet aspect édifiant, la plupart se contentant certainement d’une lecture superficielle qui les fait rire. Mais si le cocasse peut surgir de situations burlesques, telle la scène où l’usine se dérègle, le ressort comique ne consiste pas uniquement dans la bouffonnerie : Mon oncle constitue une véritable satire sociale, comprise comme telle par les contemporains. Cette œuvre converge d’ailleurs admirablement vers les remarques d’Edgar Morin qui souligne, dans l’esprit du temps, l’inflation du ludique dans la vie contemporaine (Morin, 1962 : 96). Une décennie plus tard, Henri Lefebvre, l’un des penseurs dont se réclament le plus les participants de mai 1968 (Trebitsch, 2000 : 86), critique la modernité qui a perdu le sens de la fête et souhaite voir advenir la « ville ludique » (Lefebvre, 1968 : 375).

La réussite est également critiquée en raison de son caractère immoral et inique. En effet, le jeu de la réussite implique des gagnants et des perdants, qui n’ont pas mérité de perdre : toujours se perpétuera une hiérarchie injustifiée. Les conclusions fortement médiatisées des penseurs progressistes, qui mettent en évidence l’injustice d’une échelle qui se reproduit ad vitam, déclenchent ainsi un scandale et leurs critiques de la compétition sociale suscitent une adhésion large auprès de contemporains soucieux de justice (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Baudelot et Establet, 1971). Dans ce cadre, l’épanouissement est valorisé puisqu’il consiste plus à réaliser son potentiel, à réussir relativement à ses propres capacités et à sa propre situation, qu’à réussir dans l’absolu et à triompher de la concurrence.

Les tenants de l’épanouissement remettent enfin en cause l’unicité du modèle de la réussite : différents les uns des autres, les individus ne poursuivent pas les mêmes objectifs et n’ont pas tous les mêmes aspirations. Par conséquent, ils conseillent à chacun de définir ses propres priorités et de donner soi-même sens à ses activités, hors de la contrainte sociale : le « connais-toi » platonicien possède une vigueur renouvelée depuis les années 1960 (Castel, 1981 : 276). Dans le contexte maintes fois démontré de la massification de l’enseignement secondaire propre à la seconde partie du xxe siècle (Prost, 1981), un premier facteur de diffusion repose sur l’étude de la pensée platonicienne par les lycéens qui parviennent en classe de philosophie : ils ne constituent qu’une minorité, mais ils sont plus nombreux qu’auparavant. La propagation de la psychanalyse et la vulgarisation de certaines de ses thématiques rendent également compte de cette nouvelle tendance à désirer « être soi-même ». À nouveau, les patients ne constituent qu’une faible minorité recrutée au sein des catégories sociales supérieures ; cependant, une connaissance psychologique, sous des formes simplifiées, se propage et atteint des groupes sociaux de plus en plus larges (Castel, 1981, chapitre 6). En troisième lieu, les films intimistes mettent en scène des individus à la recherche de leur désir propre et d’une trajectoire personnelle satisfaisante. Or le modèle de la réussite, même modulé, est de plus en plus mal perçu : rigide et peu apte à satisfaire les différentes aspirations individuelles, il imposerait aux acteurs des désirs qui ne seraient pas les leurs et normaliserait les pratiques (Deleuze et Guattari, 1972 : 40). Pour y remédier, l’individu est invité à scruter ses aspirations authentiques, à les assumer et à les réaliser : il doit s’épanouir, comme une fleur, dont les pétales s’affirment progressivement, assumer sa différence avec les autres et vivre selon ses propres règles. C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter la vogue des diverses thérapies des années 1970 qui visent à débarrasser l’individu du poids de règles sociales exogènes. En effet, la technique de l’épanouissement consiste en une libération de l’individu par rapport aux contraintes sociales culpabilisantes, inhibitrices et inutiles : l’objectif consiste à s’affranchir des normes sociales désuètes.

Face aux attaques venues des partisans de l’épanouissement, les tenants de la réussite ont forgé un argumentaire justificateur : ils raillent cet idéal de tempérance dans la relation à autrui, mettent en exergue le caractère « naturel » de la lutte de chacun contre tous et se légitiment par le détour par Hobbes (« l’homme est un loup pour l’homme »). Leur volonté de réussir s’arrimerait ainsi sur un substrat ontologique agonistique que les tenants de l’épanouissement tenteraient indûment de nier. Cette mobilisation d’une supposée « nature humaine » par essence compétitive leur permet de discréditer les partisans d’une culture supposée indolore de l’épanouissement, au sein de laquelle on conseille aux hommes de brider leur pulsion de domination. Dans les années 1980, la fin du mythe du bon sauvage leur fournit un nouvel argument : les années 1960 avaient retrouvé Rousseau et avaient porté aux nues les idéaux communautaires, mais leur déclin dans la seconde moitié des années 1970 permet aux tenants de la réussite de critiquer vivement leurs concurrents, au nom du caractère naturel des rapports de pouvoir. Faux dévots, les promoteurs de l’épanouissement ne seraient que d’avides gourous instrumentalisant le désir de leurs fidèles pour en obtenir des faveurs : l’épanouissement ne serait qu’un lustre rhétorique qui permet aux plus habiles de réussir dans leurs projets. Souhaitant simplement obtenir des rapports sexuels et une position de pouvoir dans les microsociétés communautaires, ceux qui ont introduit l’épanouissement auraient ainsi revêtu une peau de mouton pour festoyer dans la bergerie. Et l’argument s’est pérennisé, depuis Les Babas-cool (Leterrier, 1981) jusqu’au récent Peace, Love et plus si affinités (David Wain, 2012).

De surcroît, leur horizon agonistique les fait se moquer de l’épanouissement, fade et peu susceptible, selon eux, de grandes réalisations : les « petits bonheurs », ceux de la gorgée de bière par exemple, manqueraient de grandeur et le plaisir du macramé ou du patchwork leur paraît sans commune mesure avec celui de la victoire dans une compétition universelle. Plutôt que le plaisir du dépassement de soi, ils portent aux nues celui de la comparaison avec autrui, jugée plus intense. Plutôt que de mesurer leur réalisation relativement à une aune personnelle, ils préfèrent les juger par rapport à une valeur absolue, dont l’échelle est immuable : les sports classiques et les compétitions sportives fournissent un domaine où triomphe le modèle de la réussite. Certes l’on cite souvent le baron Pierre de Coubertin qui soulignait hier que l’essentiel est de participer, mais cette convocation confine à une tentative d’exorcisme : dans le monde du sport médiatisé, l’objectif est bel et bien de réussir et le bonheur s’obtient en fin de course, une fois l’adversaire écrasé. Ce modèle sportif a débordé de son lit pour irriguer bien au-delà et a servi à soutenir le bonheur-réussite : tandis que les souffrances et les innombrables privations de l’entraînement ne sont guère médiatisées, les images du bonheur de la victoire sont omniprésentes et véhiculent avec elles la valorisation du succès. En soulignant la consistance de la voie du bonheur par la réussite, ces représentations la légitiment et dévalorisent implicitement celles de l’épanouissement de soi, à la dramaturgie moins excitante. Par contraste, le sport devient une arme au service du bonheur-réussite et l’un des domaines où les deux modèles sont en conflit.

Enfin, les promoteurs de la réussite s’attaquent à l’épanouissement en arguant de son utilité sociale supposée : trop strictement individualiste et hédoniste, l’épanouissement ne servirait en rien le bien commun, contrairement à la réussite qui bénéficierait plus directement à la collectivité. L’argument est habile et s’enracine dans la promotion de la figure de l’entrepreneur, dans la théorie des miettes et dans la croyance au progrès. Par rapport à ceux qui ne font que s’épanouir, ceux qui réussissent socialement auraient l’avantage d’être créateurs : les activités dans lesquelles ils réussissent sont supposées améliorer le monde social (sinon, elles disparaîtraient, puisqu’une mauvaise invention est, dans ce cadre de pensée, appelée à péricliter). Dès lors et en vertu de la théorie des miettes (qui veut que les non-créateurs bénéficient des miettes du gâteau cuisiné par les entrepreneurs et qui a pour postulat, sans doute critiquable d’après les acquis de la récente science du bonheur (Layard, 2005 : 135-36), que les miettes valent mieux que rien), l’intérêt général est servi par les tenants du bonheur-réussite : l’effet secondaire du chemin qu’ils empruntent – le partage des miettes – vaut, pour eux, légitimation de ladite voie.

Ces deux modèles de bonheur sont donc souvent en frontale opposition et leurs promoteurs respectifs tentent, chacun de leur côté, d’imposer leurs vues : prosélytes, ils essaient de convaincre les citoyens d’adopter tel ou tel type de pratiques, afin d’y réussir ou de s’y épanouir. Les winners aux dents longues se targuent ainsi de leur supposée utilité sociale et dénigrent l’insipidité de l’épanouissement, quand ses tenants vouent aux gémonies le monde concurrentiel où chacun doit, pour être heureux, écraser les autres. Dans cette lutte, les tenants de la réussite semblent actuellement dominer et mettent partiellement à l’écart ceux de l’épanouissement : la dimension productiviste du chemin de la réussite et son adaptation au monde du travail et à la culture consumériste, ainsi que l’offensive décrite plus haut contre l’épanouissement, permettent de comprendre qu’il ait conservé sa position dominante, après avoir été un temps battu en brèche par son concurrent.

Mais les deux modèles peuvent aussi parfois se concilier : l’individu peut rechercher tantôt la réussite, par exemple dans le domaine professionnel, tantôt l’épanouissement, par exemple dans la sphère privée. Plus récentes, ces représentations de la vie heureuse ont ainsi pris place dans la vie privée de nombreux concitoyens, non plus seulement pour les groupes sociaux jeunes, éduqués et urbains, mais auprès d’une population de plus en plus élargie. Dès lors, le clivage entre le privé et le public permet de réconcilier les deux visions du bonheur : selon le moment et la situation, l’individu peut alterner entre ces voies, parce qu’il n’est pas tenu d’adhérer à un seul modèle. Cependant, ces chemins, malgré les nombreux échanges, partages d’expériences et circulations, restent très clivés et difficilement réconciliables.

1 C’est-à-dire (par ordre alphabétique) : allégresse (aucun titre avec allégresse au pluriel), béatitude(s), bien-être, contentement(s), extase(s)

2 D’après le catalogue Opale, entre 1955 – date de la première traduction d’un ouvrage Murphy – et 1981, il existe cinquante-huit éditions

3 Ne serait-ce que parce que, si les hommes se mettent tous à utiliser les « clés de la réussite », elles deviendront forcément moins efficaces. C’

4 Les ouvrages de Fromm connaissent de nombreuses rééditions et il est cité par Georges Friedmann dans Le Travail en miettes (Friedmann, 1946). Si

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Notes

1 C’est-à-dire (par ordre alphabétique) : allégresse (aucun titre avec allégresse au pluriel), béatitude(s), bien-être, contentement(s), extase(s), félicité(s), gaité(s), heureuse(s), heureux, joie(s), jouissance(s), plaisir(s), satisfaction(s), sérénité(s), volupté(s).

2 D’après le catalogue Opale, entre 1955 – date de la première traduction d’un ouvrage Murphy – et 1981, il existe cinquante-huit éditions différentes de ses ouvrages.

3 Ne serait-ce que parce que, si les hommes se mettent tous à utiliser les « clés de la réussite », elles deviendront forcément moins efficaces. C’est l’effet pervers de la diffusion de ces techniques, qui conduisent à une élévation du niveau absolu de compétences, et à une dévaluation relative des capacités personnelles devenues communes.

4 Les ouvrages de Fromm connaissent de nombreuses rééditions et il est cité par Georges Friedmann dans Le Travail en miettes (Friedmann, 1946). Si tous les Français ne l’ont pas lu, le grand public résonne des préoccupations de Fromm, qui a rapidement été vulgarisé. Son magistère moral autorise ainsi une longue description de ces travaux.

Citer cet article

Référence électronique

Rémy PAWIN, « Réussir et s’épanouir : deux représentations antagonistes du bonheur », K@iros [En ligne], 1 | 2015, mis en ligne le 22 mars 2015, consulté le 26 décembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=341

Auteur

Rémy PAWIN

Centre d’Histoire sociale, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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