L’alliance entre les artistes et les marques : Intérêts croisés et limites des démarches design

The Alliance between Artists and Brands: Shared Interests and Limits of Design Approaches

DOI : 10.52497/kairos.799

Résumés

Nous interrogeons les coopérations devenues courantes entre les marques et les artistes via les pratiques de design à travers deux cas emblématiques. Premièrement, le projet Masters Collection, une collaboration entre Louis Vuitton, Jeff Koons et le Louvre. Deuxièmement, le projet Air Force 1, une collaboration entre Louis Vuitton, Virgil Abloh, et Nike. Afin d’analyser les intérêts et les limites de ces deux projets de coopération, nous avons collecté et analysé des données sur le web entre les mois de mai et août 2022. Après avoir présenté le contexte historique de l’alliance entre l’art et le design des marques, nous modéliserons le champ de tensions entre les pratiques artistiques et leurs enjeux industriels contemporains. Sur la base de cette analyse, nous soulignerons la banalisation de la convergence entre les pratiques artistiques et de communication-marketing à travers trois questions jalonnant notre recherche : quels sont les liens entre les stratégies des artistes et celles des marques ? Quelles sont les caractéristiques et les logiques socio-économiques de leur collaboration ? Quelle est la valeur créée (ou non) par leur collaboration et pour quel bénéficiaire ? À travers ces questions, nous analyserons le rôle de l’artiste. Grâce au travail caractéristique du design, s’opère une médiation ponctuelle entre les univers symboliques des différentes parties prenantes. L’opération a pour fonction de faire ressentir et construire un dialogue entre les univers symboliques des marques concernées. Ce dialogue intègre non seulement des caractéristiques esthétiques, mais aussi des contraintes (temporelles, budgétaires et matérielles) liées au projet. Nous analyserons enfin le contexte socioculturel de la collaboration. En collaborant avec des marques, l’artiste prend la fonction de designer. L’analyse fine de ces projets nous permet d’identifier cinq tendances clés pour leur avenir : 1. Une diversification des stratégies de collaboration entre les pratiques artistiques et celles des marques. 2. Une difficulté à dissocier leur positionnement. 3. Une augmentation des fréquences de collaboration. 4. Des expérimentations plus extravagantes pour se démarquer. 5. Une orientation vers des collaborations politiques.

Collaborations between artists and brands have become common place. We investigate their cooperation through two emblematic cases. First, the Masters Collection project, a collaboration between Louis Vuitton, Jeff Koons, and the Louvre, and second, the Air Force 1 project, a collaboration between Louis Vuitton, Virgil Abloh, and Nike. To analyze the shared interests and inherent limits of these projects, we analyzed online data collected between May and August 2022. After presenting the historical context of the alliance between art and brand design, we indicate the field of tensions between artistic practices and contemporary industrial issues. Based on this analysis, we highlight the trivialization of the convergence between art and marketing-communication practices via our research questions: What are the links between artists’ and brands’ strategies? What are the characteristics and socio-economic logics of their collaboration? What value is created (or not) by their collaboration and for whom? We analyze the role of the artist who, through a work that ressembles design practices, operates a punctual mediation between the symbolic universes of the different stakeholders. This dialogue integrates not only aesthetic characteristics, but also project constraints (temporal, budgetary, and material constraints). We indicate, that by collaborating with brands, the artist takes on the function of a designer. A detailed analysis of these collaborations allows us to identify five key trends: 1. A diversification of collaboration strategies between artistic and branding practices. 2. A difficulty of dissociating their positioning. 3. An increase in the frequency of collaboration. 4. Experimentations with more extravagant collaborations. 5. An orientation towards political collaborations.

Index

Mots-clés

design, branding, marketing, créativité, art, mode

Keywords

design, branding, marketing, creativity, art, fashion

Plan

Texte

Contexte

« Sans oublier tout ce qui ne se voit plus à force de présence et d’omniprésence : le design, le monde merveilleux des marques, les produits de beauté, la chirurgie esthétique, l’industrie de la mode et du goût » (Michaud, 2011/2003, p. 14).

Nous sommes témoins d’une esthétisation de la vie privée, professionnelle et publique (Reckwitz, 2010) et par conséquent, les métiers de l’art et du design prennent une place majeure dans le secteur socio-économique. Cet article questionnera les pratiques artistiques d’aujourd’hui en lien avec celles du branding. Avant d’analyser leurs statuts actuels, nous rappellerons l’historicité des relations entre art, design et marketing.

Le premier biface préhistorique peut être considéré comme une sorte d’objet désigné par sa capacité à impacter l’environnement pour l’améliorer. En ce sens, le design a toujours eu une dimension anthropologique essentielle (Winkin, 2001 ; Beyaert-Geslin, 2012). Il s’appuie en même temps sur une technologie plus ou moins complexe (Caune, 1997), sur une forme de créativité plus ou moins forte (Brown, 2009 ; Kogan & Andonova, 2019), et sur une fonction méliorative (Ménissier, 2021) – c’est-à-dire, une croyance ou une espérance de pouvoir changer des choses vers un mieux – en créant par exemple des outils plus efficaces, des tableaux plus beaux ou des vêtements plus agréables.

Aujourd’hui le design est devenu complexe et fortement rationalisé. Il est évidemment peu comparable aux savoir-faire qui ont contribué à l’émergence du biface. Il s’est développé principalement au xxe siècle. Aux prémices de ce siècle, certains artistes ont peint des affiches publicitaires, comme Toulouse-Lautrec (Brocklehurst & Fowle, 2018). Puis, après la Deuxième Guerre mondiale, le design est devenu un métier en tant que tel. Aussi, dans un premier temps, le design a émergé en tant que profession, puis en tant qu’enseignement et enfin comme domaine de recherche (Petit, 2017). C’est à la fin du siècle dernier qu’il s’est fortement diversifié et les projets actuels témoignent d’une vaste liste de sous-disciplines : par exemple, le design d’interface (UI-design), le design d’expérience utilisateur (UX-design), le design produit ou le design d’intérieur. Cette tendance s’accélère pendant le début du xxie siècle avec la numérisation et l’omniprésence des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les sphères privées, professionnelles et publiques. Aujourd’hui le design est une discipline à part entière, imprégnée par l’utilisation des TIC (Henke & Martin-Juchat, 2022).

En contraste avec cette histoire du design, l’histoire de l’art se présente différemment, la fonction de l’art étant tournée à l’origine vers la religion et le spirituel. De nos jours, l’art est devenu un moyen d’expression pour les hommes. Nous y trouvons des formes aussi diverses et variées que le surréalisme, l’art brut ou le concept art pour ne nommer que trois exemples assez différents (une liste des courants artistiques serait trop fastidieuse). Ces courants ne partagent pas la même conception de l’art et interprètent différemment leur fonction dans la société. Malgré les différences entre l’art et le design, leur point commun est l’application des forces créatives à des fins mélioratives. L’alliance entre les acteurs du numérique, du design, de l’art et du branding au cours des dernières décennies s’est accélérée et a imprégné la vie quotidienne. Le branding, entendu comme stratégie de construction et de communication des marques, a infiltré l’espace privé grâce à des messages ciblés sur les besoins identitaires et de reconnaissance sociale des individus, et a irrigué toutes les sphères socioculturelles. Par leurs développements conjoints, l’art, le design et le branding se rapprochent, incitant ainsi à parler d’une convergence entre l’art, les artistes et les marques. Par conséquent, nous retrouvons des pratiques créatrices dans un champ de tensions entre des logiques artistiques et industrielles qui rappellent les antagonismes du design concerné à la fois par la culture et l’économie. Ce champ de tensions se visualise plus concrètement en regardant des pratiques artistiques courantes. Pour accentuer leur potentiel créatif, les artistes ont toujours développé des routines qui semblent difficilement acceptables dans un contexte industriel, parfois extrêmement strict et discipliné, en travaillant par exemple exclusivement pendant la nuit, ou encore sous l’emprise d’abus d’alcool, de tabac, de café ou d’autres drogues (Currey, 2013). Les marques mobilisent des pratiques créatrices pour créer ou renouveler une valeur économique, mais ces dernières suivent d’autres caractéristiques épistémologiques et psychosociales que celles de leur contexte industriel (Gentes, 2017 ; Vial, 2020/2015)1.

Les maisons de haute couture dépendent fortement de l’exploitation des forces artistiques et suivent en même temps des logiques économiques strictes. De ce fait, nous avons choisi d’analyser plus précisément des travaux de ces maisons en collaboration avec des artistes. Pour mieux comprendre leurs interactions, nous allons analyser deux cas emblématiques. Nous partons de l’hypothèse que notre époque est le témoin d’une banalisation de la convergence entre les pratiques artistiques et les stratégies de marques. Nous allons explorer leurs liens à travers les trois questions suivantes, qui structurent notre recherche :

  • Quelles sont les caractéristiques des collaborations entre pratiques des artistes et des marques ?
  • Quelles sont les logiques socio-économiques que nous pouvons identifier ?
  • Quelle valeur ajoutée est créée (ou non) par leur collaboration, et pour qui ?

Pour affiner ces questionnements, nous avons choisi deux collaborations d’une même marque (Louis Vuitton), mais avec des artistes différents (Jeff Koons et Virgil Abloh), ainsi que d’autres parties tierces (le Louvre et Nike). Les informations sur ces deux projets sont le fruit d’une recherche et d’une analyse de données présentes sur le web, menées entre mai et août 2022.

Études de cas emblématiques

Masters collection : La collaboration entre Louis Vuitton, Jeff Koons, et le Louvre

En 2017, l’artiste Jeff Koons, le Musée du Louvre et la maison de haute couture Louis Vuitton collaborent sur une collection de sacs à main – la Masters Collection – une collaboration initiée par la famille Arnault (président directeur du groupe LVMH, Bernard Arnault est collectionneur des œuvres d’art de Koons). Dans cette collaboration, Koons réutilise des photos d’œuvres d’art du Louvre en les imprimant sur des sacs à main Louis Vuitton et en mentionnant au milieu du sac le nom de l’artiste (par exemple Da Vinci ou Van Gogh) dans la police dorée de Vuitton (pour un aperçu de l’exposition Masters Collection voir Massart et al., 2017). Les sacs sont griffés par les deux logos de Louis Vuitton et de Jeff Koons – ce dernier étant recréé dans le style du monogramme de Louis Vuitton (2017).

Chaque sac est doté de la signature de Koons, telle que la représente l’œuvre Inflatable Rabbit, qui constitue comme l’empreinte de l’artiste. Selon Koons, la police utilisée pour écrire le nom de l’artiste au centre du sac à main renvoie à son projet Gazing Balls de l’année 2015 (Gagosian, 2015). Des boules en verre bleu avaient été placées par l’artiste devant des œuvres du Titien, du Greco, de Léonard de Vinci et de Manet, de telle sorte que le spectateur se perçoive comme fusionné avec l’œuvre. Nous retrouvons ce même concept dans les Masters Collection. L’intention de Koons est de rendre les chefs d’œuvres de l’art plus accessibles, en les exposant sur les sacs à main dans la rue – mélangeant ainsi la vie quotidienne et les œuvres des musées – chaque sac, censé « célébrer l’humanité2 » selon l’artiste, étant à considérer comme une œuvre d’art.

Une première ligne de cette collection a été réalisée en mars 2017, en reprenant les œuvres de Léonard de Vinci, Van Gogh, Rubens, Titien et Fragonard. Le vernissage s’est déroulé au sein même du Louvre, un événement illustrant l’imbrication entre le musée (le Louvre), la marque (Louis Vuitton), l’art (les œuvres) et l’artiste (Jeff Koons). Grâce au succès de cette première édition, Koons a conçu une deuxième série en octobre 2017 fondée sur les œuvres de Turner, Gauguin, Boucher, Poussin, Manet, et Monet. Massart et al. (2017) donne un aperçu des résultats issus de cette collaboration. Les sacs sont mis en scène comme des œuvres d’art en tant que telles – ils sont placés sur des socles de marbre à l’instar des statues de Michel-Ange (Hallemann, 2017).

Ces exemples soulignent une forte implication entre l’artiste et la marque. Chaque partie prenante fonctionne en tant que marque – Jeff Koons, le Louvre et Louis Vuitton. Chacun profite de la popularité de l’autre. Selon les termes de l’économie de l’attention (Franck, 1998), chacun amène son accumulation d’attention et les trois acteurs arrivent à créer une collaboration qui permet d’augmenter leur pouvoir et le nombre de captations des consommateurs-spectateurs. Du point de vue de l’exploitation mercantile du projet, il s’agit d’une situation gagnant-gagnant (win-win) pour toutes les parties impliquées.

Air Force One : La collaboration entre Louis Vuitton, Virgil Abloh et Nike

En 2018, un an après la collaboration entre Louis Vuitton et Jeff Koons, Virgil Abloh devient le directeur artistique de la gamme pour homme de Louis Vuitton, en remplaçant Kim Jones (Yotka, 2018). Architecte de formation, Abloh a notamment gagné en notoriété grâce à sa propre marque Off-White3 et ses travaux pour Donda, Fendi, et Nike4. Abloh a pratiqué l’interdisciplinarité aux frontières de l’architecture, de la mode, de la musique et du design graphique. L’approche émergente de son travail s’apparente à l’idée qu’il suffit de modifier seulement 3 % d’un design existant pour en créer un nouveau. Abloh définit son style comme un « détachement ironique » selon l’inspiration de Duchamp (Leach, 2018). C’est la raison pour laquelle il est connu pour son utilisation des guillemets qui lui servent à remettre en question un objet donné (Briones, 2022).

La collaboration entre Abloh et Louis Vuitton ne se limite pas à un seul projet. Dans cet article nous donnons un aperçu de leur collaboration autour de la réinvention de la paire de sneakers Nike Air Force 1. Abloh et Louis Vuitton ont commencé à travailler sur ce produit phare de la marque Nike. Lors d’une enchère chez Sotheby’s en 2021, 200 paires ont été vendues pour un montant total de 25,3 millions de dollars. L’argent a ensuite été investi dans la fondation d’Abloh Fashion Scholarship Fund, qui soutient l’accès à l’éducation pour les jeunes designers5. En mai 2022, 47 paires de Air Force 1 imaginées par Abloh ont été exposées à New York (Wintour, 2022). Un exemple des modèles vendus chez Sotheby´s est présenté par Briones (2022). Les paires conçues dans le cadre de ce projet ont toutes été mises en exergue avec le logo de cette collaboration (Rentschler & Malone 2022)6.

La collaboration entre Louis Vuitton, Virgil Abloh et Nike illustre une autre manière de mobiliser les parties impliquées. Les groupes ciblés ainsi que leur système symbolique se présentent comme différents7. Néanmoins, les collaborations partagent les codes de la haute couture. Le travail commun de Louis Vuitton, Abloh et Nike est marqué par des expérimentations visuelles et un mélange des disciplines et des styles (qu’il s’agisse de l’architecture, du design intérieur, ou de street style). Leur collaboration est caractérisée par une utilisation presque ludique de plusieurs éléments hétérogènes.

Discussion

Dans un premier temps, nous avons esquissé l’historicité de l’art et du design et indiqué leurs caractéristiques communes ainsi que leurs différences, ce qui nous a servi à identifier les champs de tensions dans lesquels se situent les pratiques créatrices actuelles. Cela nous a permis dans un second temps de clarifier le contexte dans lequel se situent nos questions, autour du lien entre les pratiques artistiques et les pratiques de branding.

Nous avons observé initialement l’intégration des pratiques artistiques dans la construction de l’identité des marques, à travers le travail des agences de design. Ces observations participatives menées pendant les cinq dernières années dans des agences de l’innovation et du design en Allemagne et en France (Henke, 2021a ; 2022) nous ont permis de montrer que dans une agence de design, les processus ne représentent pas des démarches qui puissent être classifiées comme étant « artistiques » (selon notre différenciation de l’art et du design donnée auparavant). Aussi, dans les agences de design, l’art est mobilisé à la fois comme source d’inspiration et comme source de renouvellement créative.

 

Nous avons choisi d’analyser des entreprises qui sont par nature plus proches des processus artistiques comme c’est le cas des maisons de haute couture. Cela nous a menés à réaliser une analyse de leurs collaborations, qu’il s’agisse d’abord de la Masters Collection et en second lieu de la Air Force 1. En tant que maison de haute couture, Louis Vuitton se retrouve au cœur de tensions entre les logiques artistiques et industrielles. Ces deux projets témoignent d’une activité artistique, mais aussi des logiques d’exploitations mercantiles générées. Jeff Koons et Virgil Abloh sont des artistes qui assument deux positionnements très différents. Koons en tant que promoteur du Pop Art s’est toujours interrogé sur la façon dont les objets de consommation peuvent être glorifiés. Connu pour le Inflatable Rabbit, le Puppy devant le musée de Guggenheim à Bilbao ou encore pour le Balloon Dog, il est habitué des coopérations avec des acteurs économiques. Ses œuvres se caractérisent par leur perfectionnisme de fabrication. En revanche, Abloh peut être perçu comme un artiste qui se place entre la mode, l’architecture et le design, promu et influencé par Kanye West et Kim Jones. Dans le travail d’Abloh, qui était architecte de formation, les frontières entre l’art et le design s’estompent. Les deux artistes font appel à des systèmes symboliques et à des références culturelles variées. Malgré leurs différences, Louis Vuitton arrive à synchroniser les styles de Koons et Abloh avec l’identité visuelle propre à sa marque. Mieux encore, les projets Masters Collection et Air Force 1 superposent l’identité d’une troisième partie impliquée (le Louvre dans le premier et Nike dans le deuxième cas). En revanche, cette troisième partie prend à chaque fois un autre rôle dans ces collaborations.

En effet, dans le cas de la Masters Collection, le Louvre lieu d’exposition est fournisseur d’images de haute résolution. Cette institution-marque offre un contexte socioculturel pour la collaboration. Dans cette dernière, le musée n’apporte pas son propre système sémiotique. En effet nous ne voyons aucune trace de l’identité visuelle du Louvre sur les sacs à main, seulement celles des artistes qui sont exposés au Louvre (qu’il s’agisse du langage de Léonard de Vinci ou de celui de Van Gogh). Ce projet prétend donner un avis sur le rôle de l’art dans la société, en faisant descendre l’art dans la rue. Pourtant, il y a une certaine incohérence entre une telle intention et le fait que les parties impliquées dans la collaboration produisent exclusivement des objets de luxe – en témoignent les sacs à main vendus au prix de 585 $ (des prix s’élevant aujourd’hui jusqu’à 5000 $). Seules des personnes avec des revenus supérieurs à ceux de la classe moyenne ont accès aux fruits de cette collaboration. Ce paradoxe entre en conformité avec la volonté de Koons de glorifier les objets de consommation. En ce sens, les produits de Louis Vuitton préservent un rôle, celui de permettre aux consommateurs de se sentir appartenir à cet univers d’exception. Au-delà de ce constat, l’impact sociétal de ce type de projet contribue à la création de tendances et du goût des consommateurs. Par leur statut sociétal, l’identité du Louvre correspond à celle de Louis Vuitton et de Jeff Koons, en tant qu’ils représentent la haute culture. De plus, le perfectionnisme de l’artisanat de Louis Vuitton résonne avec celui de Jeff Koons. Ces trois parties, par leur coopération, ont parachevé leur projet d’incarnation du statut de gardien de l’Olympe concernant ce qui est qualifié comme étant de l’art attaché à des œuvres emblématiques que ce projet conduit à renforcer. Ils prennent une place de garant de la qualité artistique et de la créativité au sein de la société moderne. Le processus artistique dans cette collaboration mobilise l’objet (le sac à main) et l’artisanat de Louis Vuitton ainsi que des photos (fournies par le Louvre) des œuvres d’artistes (de Vinci, etc.), rassemblés dans un design élaboré par l’artiste (Jeff Koons). Le principe artistique est notamment la superposition des éléments fournis. Les codes symboliques utilisés sont ceux de la haute culture. En somme, la collaboration crée de la valeur ajoutée pour toutes les parties impliquées. Le projet a créé un buzz dont Louis Vuitton, Jeff Koons et le Louvre profitent. Cela s’explique, selon l’économie de l’attention, par la multiplication des capacités d’attention que chaque partie reçoit, ainsi que par la capacité des œuvres d’art référencées à focaliser l’attention.

Dans le cas du projet Air Force 1, Nike agit comme le fournisseur d’un objet devenu culte, les sneakers – les Nike Air Force 1 se trouvant en troisième position du palmarès des sneakers les plus vendues de tous les temps (Dev, 2022). Les codes symboliques de Louis Vuitton sont appliqués par Abloh sur ces chaussures, par la création d’un nouveau langage visuel. Les systèmes symboliques de Louis Vuitton et de Nike sont engagés en synergie par Abloh en créant un troisième système sémiotique inédit. Dans ces deux projets, les parties prenantes profitent de la notoriété et de la réputation de l’autre. De plus, la fonction sociétale de ces deux projets est la création d’une mode et d’un goût avant-gardiste, en tant que fournisseurs de références d’identification socioculturelles. Enfin, par la mise aux enchères chez Sotheby’s du projet Nike Air Force 1, le produit de cette collaboration a permis de soutenir le « scholarship fund », initiative à fort impact sociétal, en donnant accès à l’éducation aux jeunes designers.

Les deux projets se démarquent par des différences, mais en même temps ils contiennent des similitudes. Masters Collection et Air Force 1 expriment l’intention de faire descendre la haute couture dans la rue et la vie quotidienne. Le principe artistique de combinaison des systèmes symboliques apporté par les collaborateurs diffère selon les deux projets. Koons superpose les éléments visuels pour ensuite questionner le statut de l’art dans la société et pour « célébrer la beauté et l’humanité » (Les façons, 2017), tandis qu’Abloh imbrique les systèmes symboliques des collaborateurs en créant un nouveau langage qui représente un point commun entre Louis Vuitton, Nike, et Abloh. Leur projet vise également à rapprocher l’art et la rue.

En conclusion, ces deux projets peuvent être considérés comme des projets phares, qui définissent des tendances fortes pour la société. Ils montrent des collaborations entre des acteurs prestigieux présentant des univers symboliques pourtant très différents. Leur collaboration sert à établir une rencontre sémiotique entre des parties prenantes ne provenant pas du même secteur économique. La tâche principale de l’artiste impliqué est de rassembler ceux-ci ; or ce type de tâche caractérise une des missions d’un designer. Les deux projets montrent que les interventions de Koons et Abloh servent à construire une passerelle entre les univers visuels des parties impliquées. Cette coopération représente une valeur économique ajoutée. L’intervention de Koons et Abloh peut être définie comme un travail artistique qui s’apparente au design.

En ce sens, nous pouvons souligner que les artistes qui sont aussi des designers peuvent plus facilement coopérer avec des marques. Leur rôle est de synchroniser les intérêts des parties impliquées, leurs univers symboliques et les caractéristiques du projet (les contraintes budgétaires, matérielles, temporelles). Nous pouvons définir cette compétence comme une appropriation psycho-somato-affective du projet8. Par ce néologisme, nous voulons signifier que l’artiste incarne les systèmes symboliques des parties impliquées et parvient à faire ressentir aux consommateurs une sorte de « communion », par la puissance d’un dialogue d’exception orchestrée avec ce nouvel univers symbolique. Cette compétence caractérise la valeur ajoutée par l’artiste. L’incarnation, voire la « digestion » de systèmes symboliques des différentes parties prenantes, crée un résultat qui respecte les systèmes impliqués, tout en créant un nouveau système symbolique. Dans des contextes industriels, ce processus du design est caractérisé par la manière nouvelle de faire s’exprimer un système symbolique. Par conséquent, nous observons un rapprochement si bien construit qu’il donne l’impression que chaque partie emprunte le rôle des autres. Les parties participantes prennent à la fois le statut de l’artiste et de la marque. En incarnant les compétences de l’autre, cette situation peut créer de la concurrence. Pour éviter cela, chaque partie doit se limiter à une proximité avec l’autre, afin que son identité de marque ne soit pas diluée. C’est ici que nous trouvons les limites d’une convergence entre les acteurs que sont les artistes et les marques. Une convergence totale aurait des effets nocifs pour leur positionnement stratégique. Identifier cette frontière est une tâche qui relève de la gestion stratégique des marques impliquées.

Perspectives

À partir d’un rappel succinct du contexte historique caractérisant l’art et le design, l’analyse de deux cas emblématiques ainsi que leurs discussions, nous pouvons identifier cinq tendances clés pour l’avenir des collaborations entre les pratiques artistiques et celles des marques.

Une diversification des stratégies de collaboration entre les pratiques artistiques et celles des marques

Nous avons vu qu’une collaboration entre un artiste et une marque peut se faire de différentes manières. Les parties peuvent s’accorder sur un même niveau (comme c’est le cas pour la collaboration entre Louis Vuitton et Jeff Koons). L’artiste peut agir plus en arrière-plan, en combinant l’identité de la marque avec celle d’une autre partie tierce. Ou enfin, plusieurs artistes peuvent inaugurer une nouvelle marque à partir de leur collaboration – comme Abloh l’a fait pour Louis Vuitton et Nike (à un certain degré) – voir leur logo (Rentschler & Malone, 2022).

Une difficulté à dissocier leur positionnement

Nous avons pu témoigner d’un rapprochement fort entre les parties impliquées. Dans les cas présentés, il devient presque difficile à identifier : qui est l’artiste ? Qui fait du design ? Quelle est la marque ? Chaque partie a intérêt à exploiter les compétences de son interlocuteur et son potentiel d’attention, par conséquent, il devient nécessaire de définir des frontières précises entre les parties impliquées. Dans Masters Collection, le Louvre se démarquant fortement de la maison de haute couture Louis Vuitton, les frontières restent précises. Dans Air Force 1, la frontière reste assurée, car les marques Louis Vuitton et Nike ont un positionnement très différent sur le marché de la mode. Cette difficulté est un enjeu clé dans les collaborations entre artistes et marques.

Une augmentation des fréquences de collaboration

La saturation des marchés occidentaux amène à une plus grande pression à innover sur les champs de l’art et du design, car ils impliquent la possibilité pour les marques de se différencier et de créer de la valeur ajoutée. L’esthétisation du monde pousse les acteurs socio-économiques à innover avec une plus haute fréquence, et pour cela, à collaborer plus souvent avec des artistes pour avoir de nouvelles inspirations.

Des expérimentations plus extravagantes pour se démarquer

La même tendance que mentionnée au point précédent amène également les marques à innover via des collaborations que nous qualifierons d’extrêmes. Elles peuvent tester de nouvelles expérimentations sans trop s’engager, et dans les cas les plus risqués, arrêter la collaboration. Cette caractéristique est due à la capacité de l’art à élargir le champ des possibles. Ainsi, des projets avec des artistes représentent une possibilité d’agir sur le marché d’une manière flexible. Cela fonctionne comme un test, pendant lequel l’identité de la marque doit être respectée. En ce qui concerne le cas de la Masters Collection, Louis Vuitton, Jeff Koons et le Louvre représentent des identités, des valeurs et des groupes ciblés similaires, malgré leurs activités différentes. Pour le projet de Air Force 1, c’est moins le cas, car Louis Vuitton et Nike ont une identité de marque bien distincte. En ce sens, Abloh fonctionne en tant que passerelle, il lie les marques. Dans l’avenir, nous posons comme hypothèse que les marques vont continuer à repousser les frontières, en collaborant avec des artistes qui ne semblent pas s’accorder de prime abord à leur positionnement, afin de se différencier et d’innover le plus possible.

Une orientation vers des collaborations politiques

Fruit d’une pression envers les marques à s’engager d’une manière responsable dans la société, cette orientation vers des collaborations politiques s’intensifie. Aussi, il devient nécessaire pour les marques de répondre aux actualités et aux tendances à court terme. Les collaborations avec les artistes vont dépendre de leur potentiel d’engagement sur le plan sociopolitique. Les artistes se présentent pour les marques comme un moyen efficace, surtout au niveau de l’exploitation de l’attention, de répondre ponctuellement et spécifiquement aux attentes socioculturelles qui leur sont adressées.

Conclusion

L’« esthétisation du monde » (Lipovetsky & Serroy, 2013) caractérise le contexte historique de l’alliance contemporaine entre l’art et le design. Dans le contexte industriel qui est le nôtre, les champs de tensions entre les logiques artistiques, de design et celles des marques sont-ils toujours aussi prégnants ? Au sein de ce champ se retrouve l’activité d’une entreprise comme la maison de haute couture Louis Vuitton. Pour répondre à nos questions de recherche (quels sont les liens entre les pratiques artistiques et celles des marques ? Quelles sont les caractéristiques et logiques socio-économiques de leur collaboration ? Quelle est la valeur créée [ou non] par leur collaboration et pour qui ?) nous avons présenté deux collaborations emblématiques. Premièrement, Masters Collection – une collaboration entre Louis Vuitton, Jeff Koons et le Louvre, et deuxièmement Air Force 1 – une collaboration entre Louis Vuitton, Virgil Abloh et Nike.

Nous avons pu identifier différentes caractéristiques et logiques. Dans le premier cas, Koons fonctionne sur le même plan que la marque Louis Vuitton, en créant son propre logo (ses initiales dans le style du logo de Louis Vuitton) ; dans le deuxième cas, Abloh crée une troisième marque en mélangeant les systèmes symboliques de Louis Vuitton et de Nike. Les interventions artistiques des artistes Koons et Abloh se caractérisent différemment : Koons s’appuie sur la superposition des systèmes symboliques des acteurs impliqués (presque selon le principe du ready-made de Duchamp), alors qu’Abloh se base sur une fusion des systèmes symboliques en créant un nouveau langage visuel.

La différence entre les deux cas est assez fine. Les styles utilisés par Koons et par Abloh se démarquent par le fait qu’ils font appel à des références culturelles inédites. Néanmoins, les collaborations arrivent à proposer un point commun entre les parties impliquées. Les deux collaborations représentent une situation gagnant-gagnant pour les parties impliquées à travers l’exploitation du potentiel d’attention de chaque partie prenante. Les collaborations sont essentielles pour les parties impliquées, afin de réinventer leurs systèmes symboliques et d’innover. Le travail de Louis Vuitton se caractérise par la réinvention de sa collection, ce qui témoigne du caractère indispensable des collaborations des marques avec les artistes. Néanmoins, l’identité de la marque ainsi que les contraintes économiques doivent être respectées, Louis Vuitton se retrouvant en effet sur un champ de tensions identifiées entre des pratiques créatrices et leurs contextes industriels.

De plus, nous avons souligné que l’intervention de Koons et de Abloh suit plutôt des logiques de design que des logiques d’art9. Par conséquent, nous avons indiqué qu’en collaborant avec des marques, l’artiste assume la fonction de designer. Les artistes interviennent en tant que designers en dialoguant entre les deux marques impliquées et les caractéristiques du projet (les contraintes budgétaires et matérielles ainsi que le contexte social).

Aussi, nous avons écarté notre hypothèse d’une convergence entre les pratiques artistiques et celles de branding, car elles ont intérêt à respecter le positionnement de chaque partie et à se rapprocher sans fusionner. L’art, le design et le marketing construisent des partenariats réussis quand ils se rapprochent, mais gardent des caractéristiques sous-jacentes qui les différencient. Nous avons défini la compétence de l’artiste qui est celle du designer, à savoir celle de pouvoir dialoguer entre deux marques. Cette compétence est qualifiée de psycho-somato-affective. Ce néologisme tend à signifier que l’artiste incarne les systèmes symboliques des marques impliquées d’une manière tacite, et propose des points communs entre des marques associées. Un nouveau langage visuel ou conceptuel émerge par la collaboration. C’est ici que nous retrouvons la valeur économique ajoutée par l’intervention de l’artiste, historiquement attribuée au designer. Sur la base de ces analyses, nous avons identifié cinq tendances pour l’avenir des coopérations entre les artistes et les marques :

  1. Une diversification des stratégies de collaboration entre les pratiques artistiques et celles des marques.
  2. Une difficulté à dissocier leur positionnement.
  3. Une augmentation des fréquences de collaboration.
  4. Des expérimentations visant des collaborations chaque fois plus extravagantes pour se démarquer.
  5. Une orientation vers des collaborations affirmant un engagement politique.

Préciser les tendances identifiées ainsi que les champs de tensions dans lesquelles se situent ces pratiques créatrices demeure un travail de recherche à mener à l’avenir. L’importance socio-économique et socioculturelle des professions créatrices va continuer à croître (Brown, 2009) et nos futures recherches viseront à mieux comprendre ce processus, ainsi que ses implications sociétales.

1 Dans cet article, nous différencions l’art et le design selon leur application industrielle. Le design, en tant que métier, est plus fortement

2 Notre traduction. D’après l’original : « My wish is, that when somebody is walking down the road with the bag (…) that they are really celebrating

3 https://www.off---white.com/en-fr/ [consulté le 01-08-2022].

4 On utilisera le passé car Abloh est décédé en 2021.

5 https://www.fashionscholarshipfund.org [consulté le 04-06-2022].

6 Pour voir plus précisément l’univers visuel du projet, veuillez visiter le site web du projet sur : https://fr.louisvuitton.com/fra-fr/

7 Avec le terme système symbolique, nous définissons la totalité des manifestations sémiotiques d’une marque. La partie visuelle est, en grande

8 Nous utilisons le terme psycho-somato-affective en suivant la conception développée par Henke (2021b), selon laquelle les sphères psychique

9 Voir notre différenciation de l’art et du design selon leur degré d’intégration industrielle.

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Notes

1 Dans cet article, nous différencions l’art et le design selon leur application industrielle. Le design, en tant que métier, est plus fortement intégré dans des processus industriels que l’art. Cependant, l’art suit les logiques du marché de l’art, qui ne s’appliquent pas au design (Lindemann, 2006). Ce que l’art et le design ont en commun, c’est l’application des forces créatives humaines. Entre les pratiques d’art et du design, il existe une forte hétérogénéité qui fait que chaque designer, chaque artiste et chaque projet sont à classer différemment. Nous utilisons le terme pratiques créatrices pour englober des pratiques d’art en même temps que les pratiques du design. Nous nous référons à la conception de l’art de Dewey (2005/1915), qui a ancré les processus artistiques dans des expériences corporelles quotidiennes, ce qui résonne avec notre approche d’embodiment (Glenberg, 2010).

2 Notre traduction. D’après l’original : « My wish is, that when somebody is walking down the road with the bag (…) that they are really celebrating humanity » (Les façons, 2017).

3 https://www.off---white.com/en-fr/ [consulté le 01-08-2022].

4 On utilisera le passé car Abloh est décédé en 2021.

5 https://www.fashionscholarshipfund.org [consulté le 04-06-2022].

6 Pour voir plus précisément l’univers visuel du projet, veuillez visiter le site web du projet sur : https://fr.louisvuitton.com/fra-fr/vos-questions/produits/nike-et-louis-vuitton [consulté le 03-07-2022].

7 Avec le terme système symbolique, nous définissons la totalité des manifestations sémiotiques d’une marque. La partie visuelle est, en grande partie, définie dans les Corporate identity guidelines d’une marque. Le terme est plus large que le terme langage visuel, en incluant également des manifestations de la marque par le design produit, le design intérieur des boutiques, l’ergonomie du site web ou la matérialité des produits.

8 Nous utilisons le terme psycho-somato-affective en suivant la conception développée par Henke (2021b), selon laquelle les sphères psychique, somatique et affective sont indissociables. Une conception découlant de l’embodiment (Glenberg, 2010) et de l’anthropologie de Martin-Juchat (2002 ; 2020).

9 Voir notre différenciation de l’art et du design selon leur degré d’intégration industrielle.

Citer cet article

Référence électronique

Niklas HENKE et Fabienne MARTIN-JUCHAT, « L’alliance entre les artistes et les marques : Intérêts croisés et limites des démarches design », K@iros [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 12 janvier 2024, consulté le 01 mai 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=799

Auteurs

Niklas HENKE

GRESEC (Groupe de recherche sur les enjeux de la communication), Université Grenoble Alpes

Fabienne MARTIN-JUCHAT

GRESEC (Groupe de recherche sur les enjeux de la communication), Université Grenoble Alpes

Droits d'auteur

Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)