« L’éternité du matin fait halte sur toi ». Étapes et locus romani

‘Eternity of morning halts on you’. Stages and locus romani 

DOI : 10.52497/sociopoetiques.1616

Résumés

Résumé : L’article « “L’éternité du matin fait halte sur toi”. Étapes et locus romani » interroge la sociopoétique de l’étape sous trois points de vue : le voyage, la halte et leur unité. Le corpus se compose des œuvres des deux écrivaines Sintizza Philomena Franz et Romnia Ceija Stojka. Si le voyage sert de mouvement moteur à un art de vivre transporté, le lieu de repos dans la littérature représente une halte idéale, le locus romani, espace verdoyant situé à portée d’une forêt et à proximité d’une eau courante. S’ajoute l’importance de la maison mobile stationnée dans la topographie naturelle pour la production de l’espace romani. La roulotte a fait époque. Elle représente néanmoins un jalon de référence majeure pour l’identité romani construite à travers elle : un vrai patrimoine rom, sous-évalué pour l’instant.

Abstract: The article « “Eternity of morning halts on you”. Stages and locus romani » focusses on the sociopoetics of stages in life of romanis, the way travelling and halts are represented in the literary and pictural works of Sintizza Philomena Franz and Romnia Ceija Stojka. If voyaging leads to a mental transport, resourcing relies on a characteristic place. Un ideal halt, the locus romani, is defined by the natural elements of wood, grass and running water in synergy with the presence of verdines (gypsy caravans). The verdines combine mobility and halt and thus play an eminent role in romani life. Despite their unchallenged role for romani identity, the mobile habitats are nowadays representing a vulnerable cultural heritage.

Index

Mots-clés

Franz (Philomena), Stojka (Ceija), roulotte, halte, espace romani, voyage, forêt

Keywords

Franz (Philomena), Stojka (Ceija), caravan, locus romani, voyage, halt, forest

Plan

Texte

L’étape : le voyage et la halte

Dans les hétéroreprésentations1 des Bohémiens2 du xixe siècle, ce sont l’estampe « La Halte des Bohémiens » (1621) du cycle Bohémiens en voyage de Jacques Callot3 et les « Bohémiens en voyage » (1857) du sonnet des Fleurs du Mal de Baudelaire4 qui imprègnent la représentation sociale de la société majoritaire par rapport aux espaces des Romanis, associés à la fois à la route et au camp tsigane. Les deux œuvres d’art mettent en relief le « voyage » et la « halte », ce qui présuppose une valorisation particulière de l’étape. L’étape serait alors substantielle à l’art de vivre des peuples romanis5. Leur moyen de transport le plus répandu, la roulotte, implique déplacements, haltes, et donc contact étroit avec la nature6. La présente analyse, qui s’intègre dans le champ sociopoétique, interroge l’étape dans la vie des Romanis. Elle se propose d’étudier la fonction des représentations sociales dans la création du point de vue autoreprésentationnel actuel en ciblant les œuvres des deux femmes des communautés sinti et rom de langue allemande et romanès, Philomena Franz (née en 1922) et Ceija Stojka (1933-2013).

Une sociopoétique de l’étape en régime romani se divise en trois temps qui sont d’une part celui du mouvement lié à la « [d]istance parcourue ou à parcourir entre deux lieux d’arrêt7 » et d’autre part le « [l]ieu où s’arrête un voyageur avant de reprendre sa route8 ». L’ensemble du mouvement et du repos constitue l’étape du « voyage des Bohémiens ». Il faut souligner la tripartition du sens de la notion d’étape en langue française contrairement à son acception en langue allemande. L’allemand a emprunté la notion de l’étape (Etappe) avec le sens restreint de la « partie d’un chemin à parcourir9 » : la route. En allemand, le seul sens du déplacement se transmet aux dépens de la constituante spatiale du lieu de repos ou de commerce. Par conséquent, la notion allemande d’étape figure rarement dans les textes des Roms et des Sintis de langue allemande. Selon la Sintizza Philomena Franz10, le mouvement pulsatoire de la vie sinti intacte consiste en la Wegstrecke (route) et le Halteplatz (lieu de la halte), appelés de manière élégante, en romanès sinti, la Platza. La série du mouvement rythmique du déplacement (route et halte, etc.) correspond en effet au concept français de l’étape. L’étape peut donc être considérée comme le moment central de la mobilité tsigane. Selon Alain Montandon, l’étape « est une certaine forme de halte nécessaire durant la trajectoire du voyageur, à savoir une contrainte (matérielle, administrative, personnelle, aléatoire, etc., car il en existe de diverses sortes) forçant le passager à rester dans ce lieu même de l’étape sans possibilité d’en sortir11 ». Elle est un habitat provisoire12 ou un « lieu habité de manière éphémère13 » qui révèle des « tensions entre précarité, vulnérabilité et quête de sécurité voire d’intimité14 ».

En suivant les deux temps de la vie itinérante, le mouvement et le repos, liés aux composantes spatiales de la route et de l’espace de la halte ainsi qu’à leur ensemble, nous allons porter notre intérêt sur ces trois enjeux. Nous allons d’abord analyser la route et la halte dans l’œuvre de Franz, puis dans celle de Stojka. La troisième partie a pour objectif de comparer la fonction de la roulotte chez les deux auteures.

Notre approche privilégie les autoreprésentations des deux écrivaines romanies majeures, la Sintizza15 allemande Philomena Franz et la Romnia16 autrichienne Ceija Stojka. Les deux écrivaines sont toutes les deux des témoins du Samudaripen17, des survivantes d’Auschwitz et d’autres camps d’extermination (Ravensbrück, Bergen-Belsen). Leurs œuvres sont considérées non seulement comme étant les premières œuvres littéraires, poétiques et artistiques provenant des communautés tsiganes de langue allemande, mais qui plus est, ce sont les premiers chefs-d’œuvre créés par des Romanies et des témoignages importants de la littérature de l’Holocauste. Les textes sont accompagnés par une multiplicité de films documentaires18. Dans la réflexion sur la résilience qui caractérise les deux femmes, le souvenir d’un passé quasiment paradisiaque joue un rôle central. La puissance destructrice des traumatismes est surmontée grâce aux ressources rassemblées lors d’une existence au contact de la nature, nourrie de musique et peuplée par les membres de la famille. L’art de vivre s’avère comme une ressource qui aide à étoffer « un sentiment du oui19 » à la vie malgré tout. Une grande partie de cette ressource s’identifie à la vie de voyage symbolisée par la roulotte. La vie « [s]ur les routes20 » forme le cadre des autobiographies respectives Entre amour et haine (Franz 1985) et Nous vivons cachés (Stojka 1988) qui témoignent de leurs expériences très personnelles de l’Holocauste.

Le corpus qui nous sert à mettre en avant notre hypothèse d’une poétique de l’étape dans les littératures romani, ancrée dans l’univers culturel spécifique des groupes rom et sinti, se compose de l’œuvre de Philomena Franz et de celle de Ceija Stojka. Les quatre ouvrages majeurs de Franz sont réunis en langue française dans l’édition de 2019 L’amour a vaincu la mort. Elle contient entre autres les Contes (1982), l’autobiographie première Entre amour et haine. Une vie tsigane (1985) et l’autobiographie seconde en fragments de genres mixtes Des mots : clés (2016). S’y ajoute le volume Ainsi marchent les nuages/ Wie die Wolken laufen (2017), composé de poèmes en prose et de poèmes lyriques. Concernant Stojka, nous allons nous référer aussi bien à ses deux œuvres littéraires Je rêve que je vis ? Libérée de Bergen-Belsen/ Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen21 [2005] et Nous vivons cachés : Récits d’une Romni à travers le siècle/ Wir leben im Verborgenen. Aufzeichnungen einer Romni zwischen den Welten22 (2013) qu’à son œuvre pictural23 présenté dans Ceija Stojka24 (2017) et Ceija Stojka : Une artiste rom dans le siècle25 (2018) ainsi qu’aux légendes qui accompagnent les peintures choisies.

Selon l’approche sociopoétique26, nous allons nous interroger sur la route et son impact sur la création littéraire, la halte et sa fonction dans la fiction ainsi que la roulotte et sa mise en récit.

Le voyage : « sur les routes »

Aujourd’hui encore, je revois ma mère qui marche dans les prés. Nous l’aimions infiniment. Je la revois, assise dans une calèche, tenant les rênes du cheval27.

Les deux impressions qu’évoque Philomena Franz dans un éclair représentent la quintessence de l’amour pour la mère et pour sa manière d’être. L’image de la mère marchant dans les prés accentue sa consubstantialité avec la nature environnante. L’image de Theresia Johanna Köhler, tel est son nom, sur le Wagen évoque sa mobilité ainsi que sa fierté, deux caractéristiques qui sont liées à son art de vivre. Bien que Madame Köhler provienne d’une famille juive, les Eckstein, c’est elle qui incarne le mode de vie sinti pour Philomena. Durant son enfance, la « grive musicienne28 » (philomelos turdus), comme on l’appelle, jouit d’une vie de semi-nomade durant son enfance29. La riche famille est capable de combiner sédentarité et nomadisme avant la répression nazie. Les deux souvenirs évoquent les déplacements à pied ainsi qu’au moyen du Wagen – la calèche ou bien la roulotte. Il ne s’agit pourtant pas d’un contexte romantique analogue à celui des Bohémiens de Baudelaire ou de Richepin. La mère, lors des haltes au printemps et en été, va à la recherche des simples dans les prés pour affiner sa cuisine30. Elle prend la calèche à cheval pour « partir faire les courses31 ». Comme le précise Philomena32, les trajets à parcourir par journée pour arriver au lieu où se produirait sa famille d’artistes33 ne dépassaient généralement pas les 30 km et duraient environ une heure. La route, au regard de l’enfant Philomena est synonyme d’ennui. Durant le trajet, elle dort souvent à l’intérieur de la roulotte sur le divan en peluche bleue, à proximité de sa mère. Elle a aussi le droit de prendre place sur un des quatre chevaux de trait, de rester debout sur le cheval et de sauter à nouveau par terre, ce qui rend le trajet beaucoup plus amusant. L’important en somme est d’arriver au but, de trouver un lieu convenable pour la famille et ses chevaux. Souvent, la famille s’installe sur un pré appartenant à une auberge34 où les sanitaires sont utilisables. Leur camp doit absolument se trouver à proximité d’un cours d’eau pour abreuver les animaux, d’arbres pour leur ombre en été et pour attacher les chevaux durant la nuit. Dans la journée, les chevaux doivent avoir la possibilité de paître librement de l’herbe35.

La route ne semble guère exercer d’impact sur l’auteure, qui fait abstraction de l’espace parcouru ainsi que de la spécificité du milieu mobile dans lequel elle voyage. La route en tant que telle exerce bien moins de fascination sur la « femme qui marche36 » que le changement de place en lui-même et le temps de la halte, qui s’avère essentiel pour l’ensemble du mouvement rythmique qu’est l’étape. Il s’agit de court-circuiter la route, de sauter les étapes pour valoriser la multiplicité des lieux qui composent son paysage. La route devient cependant une stratégie narrative dans Entre amour et haine. L’enfance est placée sous le titre de « sur les routes » et forme une contrepartie aux atrocités de l’Holocauste. Le voyage s’oppose donc à la captivité. Aussi les Contes tsiganes s’ouvrent sur une présentation de la narratrice Philomena qui rappelle que, jusqu’à ses dix ans, elle parcourait le pays en roulotte avec sa famille. Le mouvement du voyage sert ainsi de moteur pour enclencher une écriture qui tourne ensuite autour des déplacements, des haltes libres et des arrêts forcés. L’ouverture sur les routes se présente ainsi telle une invitation au voyage dans la vie des Sintis, avec ses hauts et ses bas.

La halte : le locus romani chez Franz

Nous souhaitons émettre l’hypothèse d’un répertoire récurrent des éléments constitutifs des lieux de la halte des Romanis. La gamme des éléments naturels définit un lieu topique. Le locus romani comme lieu caractéristique des Romanis sur le plan du récit, de la fiction et de la poésie se range parmi d’autres topoi, comme le locus amoeunus37 et le locus terribilis, tous deux associés à la forêt. Nous allons premièrement mettre en lumière la topographie des lieux éphémères de la halte chez Franz. Dans un deuxième temps nous allons considérer dans quelle mesure le lieu de la halte imprègne la poétique de la Sintizza.

L’autobiographie Entre amour et haine décrit le lieu de la halte comme un lieu naturel à la lisière de l’impénétrable et du paysage cultivé : « Nous vivions dans les forêts, courions à travers champs et prés38. » L’orée de la forêt semble être le lieu de la halte privilégié par la famille : « Nous aimions passer la nuit dans des endroits solitaires ; à la tombée du soir, nous traversions le bois […]. À l’orée de la forêt, nos chevaux paissaient tranquillement39. » Le complément Des mots : clefs évoque à son tour « un endroit à la lisière d’une forêt ou au bord d’un champ longé par un ruisseau40 » et accentue l’entre-deux de l’espace ainsi que du temps, le crépuscule : « Lorsque nous nous installions avec nos roulottes en lisière de forêt, et que le soir, les hommes allumaient un grand feu : voilà quelque chose qui nous procurait une joie immense41. » De manière générale, Franz conclut quant à ses voyages en France :

En Alsace, ou quand nous traversions la Provence, nous nous arrêtions sur un terrain vague, au bord d’un chemin ou à côté d’un de ces vignobles où mon père rendait visite à des amis. C’étaient souvent des lieux entre routes et forêts, dans un coin, un renfoncement, d’où nous avions une belle vue dégagée sur les prés et bien souvent un ruisseau à truites se trouvait à proximité42.

Si lors du voyage en France, la halte s’approche de l’éphémère d’un jour et devient choix spontané, le locus romani en Allemagne est plus exquis et écarte la présence de la route et l’incommodité du « coin ». Les Contes tsiganes enfin localisent le campement dans un endroit totalement éloigné des Gadjé43. C’est ainsi que le violiniste Senelo (« le Vert » en romanès, la langue des Sinti) vit « dans une petite roulotte, sur une clairière de la forêt44 ». Les Tsiganes installent leur camp d’hiver « dans les forêts45 ». Pendant les autres saisons, ils stationnent leurs roulottes sur une clairière à la lisière de la forêt et au bord de la rivière (dans ce cas, du Danube46). Le séjour en forêt n’est pas toujours librement choisi ; il sert parfois à fuir les persécutions : « Mais on ne peut tout de même pas exterminer tout un peuple ! Il ne nous reste qu’à nous refugier dans la forêt. Peut-être y serons-nous à l’abri de ce roi cruel47. » Pour résumer, dans l’œuvre de Franz, le locus romani se définit comme un lieu de halte plus ou moins éphémère intégré dans le paysage naturel. La roulotte se trouve soit sur une clairière dans la forêt soit à l’orée d’un bois. L’endroit dispose d’herbe pour les chevaux et d’arbres pour les atteler. Un cours d’eau ou une source sont le troisième élément aux côtés de la forêt et du pré voire de la clairière. Franz hésite entre une topographie concrète, même en ce qui concerne les contes (dans le Wurtemberg, sur les rives du Danube, en Provence et al.) et une individualité romantique : « mon enfance a été baignée de romantisme48 », « Je veux sauver le romantisme49. » Plus son écriture devient poétique, plus elle s’approche, sur le plan du lieu idéal, d’une symbolique romantique qui mise sur l’évocation des ambiances (Stimmungslyrik) plus que sur le témoignage réaliste de l’étape parcourue. L’éloignement temporel de la vie de voyage, qui s’arrête définitivement dans les années 1960, fait de plus en plus de la forêt une figure salvatrice et la choisit comme symbole écologique50.

Le sens figuré de la halte : « l’éternité du matin fait halte sur toi51 »

La rivière en tant que telle est listée parmi les mots-clefs de la vie de Philomena Franz. Le poème « Rivière52 » met en scène la poétesse dans son mouvement créatif péripatétique : « je marche plongée dans mes pensées/le long de l’eau courante ». Mouvement extérieur et transport émotionnel sont en correspondance. L’immersion dans un mouvement naturel plus vaste stimule aussi bien le corps que l’âme, l’anime et le met en mouvement. On pourrait traduire la scène par un sentiment de bonheur associé au flow (flux créatif) trouvé parmi les éléments naturels. Avec les rayons de soleil qui réchauffent le visage de la baigneuse réapparaît le « tu » lyrique : « c’est comme si tu étais vraiment là et l’éternité du matin fait halte sur toi. » Le soleil, comme le « tu » offrent au moi lyrique un « éclair qui dure » – une fraîcheur de jeunesse, de commencement qui a le goût de l’éternité. « Faire halte » (rasten) se dote d’une connotation absolument positive. Dans la poétique de Franz, la halte signifie bonheur passager qui transcende le temps pour donner à sentir une dimension de l’infini.

Les lieux et les chemins des Roms

Si les textes de Stojka accentuent bien moins la vie d’avant-guerre dans les roulottes, en revanche ils évoquent la vie sur les routes après 1947 quand elle a quatorze ans53. Née en 1933, la Romni de la tribu des Lovara (marchands de chevaux) met au centre de son œuvre littéraire d’autodidacte les expériences du Samudaripen. Les textes de ses deux autobiographies ont été transcrits et édités par la cinéaste Karin Berger. L’œuvre pictural de Stojka resplendit des haltes et des voyages des familles en roulottes à travers le paysage autrichien. Ses peintures nous semblent particulièrement instructives concernant notre sujet portant sur l’étape. Dans l’ouverture à son édition « Paroles d’artiste », Stojka déclare :

Je dois témoigner de la façon dont les Roms vivaient et de la façon dont ils vivent, et de ce qu’il leur est arrivé. Partout où nous sommes allés, les lieux des Roms, là où ils campaient, je les ai encore en tête, ces images sont encore en moi. La nature est ma vie, j’aime tenir un arbre54.

Si Franz aime déployer des tableaux de forêts, de prés et de rivières comme une grande mosaïque au moyen de genres qui lui sont propres, le rêve et la « méditation incarnée55 », Stojka intègre la route dans son récit pour mener le lecteur d’un lieu et d’un sujet à l’autre. La route sert donc de fil rouge à travers ses textes. Après 1947, la famille ne dispose pas de but précis56, elle repart sur les routes « à tort et à travers ». Dorénavant, les routes départementales, les prés et les forêts forment leur chez-soi57. Les conditions économiques et de survie déterminent leurs étapes. Dans cette liberté relative, Ceija adolescente évoque des trajets éprouvants : « Notre voyage était très difficile58 ». Pour ménager les chevaux en amont, les membres de la famille marchent à pied. Les routes n’étant pas encore aménagées59 et souvent âpres, leur état ralentit considérablement le voyage. Dans la région montagneuse de la Steiermark60, il faut empêcher la roulotte de descendre en aval durant la montée. La route détermine ainsi la longueur des étapes. Elle se présente comme un acte de force, un obstacle à vaincre. Par ailleurs, les chevaux nécessitent de fréquents lieux de repos.

Les lieux de ressourcement revêtent dans l’œuvre de Stojka un rôle essentiel. Le locus romani relevé chez Sintizza Philomena Franz se retrouve chez sa collègue rom. La famille Stojka fait halte à la lisière d’une forêt à proximité d’un ruisseau61. La route mène à travers un grand nombre de forêts62 de sorte que le voyage s’effectue « de forêt en forêt63 ». Les lieux de l’étape ne sont pas situés dans le périmètre de centres urbains ni dans leurs périphéries mais tout au contraire dans la solitude de la forêt (la Waldeinsamkeit romantique). Le Platz idéal, évoqué à maintes reprises, est doté des éléments suivants :

[Q]uand nous avions trouvé un bel endroit, nous donnions souvent lieu à des grandes fêtes, au cœur de la forêt. Nous avons campé près d’une orée, derrière nous un petit cours d’eau ou une rivière, c’est là où nous nous sommes installés64.

Les deux éléments essentiels qu’évoque Stojka sont la forêt et le cours d’eau. La description du voyage et de la halte dans ses textes reste concise. Les deux temps de l’étape dans la vie de voyage tsigane sont exposés dans les peintures. Comme peinture représentative de l’étape dans l’œuvre pictural de Stojka, nous nous référerons à la reproduction d’une toile qui appartient à Karin Berger. Cette peinture (sans titre) nous présente une caravane de deux roulottes, chacune tirée par un cheval le long d’un chemin rural, accompagnée d’une file d’environ dix personnes. Le style de peinture peut être qualifié d’expressionnisme naïf. Les contours indécis des personnes se dissolvent en taches colorées à l’instar des fleurs de champs qui les entourent. Sur le côté gauche, un chemin divise deux pans de champs en fleurs, en friche et herbus. Le chemin avec la caravane rom tourne à gauche où il est arrêté par un meneur de train. Des longues herbes pareilles aux franges d’un immense tapis coloré se dressent finement devant l’horizon en haut du tableau. Au milieu du plan droit, composé de surfaces rectangulaires sans frontières fixes, ondulées et pointillées, un arbre solitaire est en train de perdre la charge de ses fleurs ou de ses fruits violets. Les couleurs vertes et jaunes dominent la toile de fond, parsemée par les nuances de la terre arable et du rouge feu. La peinture fait écho à la constatation de Stojka : « le paysage changea sans cesse65. » La poiesis de la route s’avère donc comme une poétique de la diversité esthétique et naturelle. Le changement de place entraîne une attention toujours renouvelée, portée à la singularité du paysage dans sa diversité et aux riches facettes qui vont du panorama jusqu’à la flore minuscule. Cette diversité qui semble relever d’un changement continuel du lieu, donc de l’art du voyage, se retrouve également chez Franz dont l’œuvre s’apparente à un kaléidoscope de moments vécus dans les lieux naturels (champs, forêts, prés).

La roulotte

Les analyses du voyage sur les routes et de la place caractéristique de la halte des Sintis et des Roms, le locus romani, ont montré l’importance de l’escale. Le changement de lieu qui, dans la perception, court-circuite les distances est ce qui imprègne l’art des deux écrivaines romanies. Malgré la fascination pour la diversité, un lieu typique, le locus romani, est recherché comme halte idéale à travers toutes les géographies différentes. Le parcours de nos deux artistes relève donc d’une géographie intime et littéraire66. L’élément central qui lie les deux sémantiques séparées de la route et de la halte est la roulotte. Si la « maison nomade » englobe à la fois la distance parcourue et la halte, les analyses précédentes nous amènent à formuler l’hypothèse selon laquelle la fonction de la roulotte en tant que moyen de transport disparaît au profit de la fonction première de la roulotte comme habitat. Comme le montre Alain Montandon67, l’étape est un « habitat provisoire ». La roulotte n’est pas une maison provisoire. En revanche, le lieu où elle fait halte est habité de manière éphémère – « habiter une roulotte » équivaut donc à habiter dans l’éphémère. La roulotte est plus, comme le souligne Philippe Antoine à propos du camping-car, un « habitat mobile68 », une « maison roulante » qu’un moyen de transport, même si elle revêt exactement cette fonction de machine de locomotion dans le même temps. Ceija Stojka a tendance à montrer le fait qu’à partir d’un simple lieu trouvé (lieu au sens de Certeau69), la communauté romani crée un espace par la manière de regrouper des roulottes qui communiquent entre elles par leur composition :

Je me souviens […] des nôtres regroupés sur une place. C’étaient souvent quarante, cinquante roulottes. […] Des Roms assis dans l’herbe, leurs roulottes mises en cercle autour, au milieu le feu de camp. Ils s’assirent tous ensemble et contribuèrent à la soirée70.

La Romnia ne donne que rarement un aperçu de l’intérieur de la roulotte71. La position de la roulotte, appuyée par les éléments de la nature environnante, exprime des relations interpersonnelles et peut renvoyer à l’attention portée par ses habitants au spectacle du paysage avec ou sans figures humaines. Dans Sans titre du 11/10/1996 à la légende « Une vie que nous [révérions] à l’époque. Libres et indépendants, sans avoir peur des lettres piégées. Et pourtant nous vivons encore72 », Stojka met en scène deux groupes de Romanis. La roulotte de la famille à droite avance à la rencontre de la roulotte stationnée à gauche, devancée par une famille aux habits colorés. Les personnages se font des signes de la main tandis que la distance entre elles s’amoindrit. Si un grand arbre solitaire protège la roulotte stationnée, une allée d’une vingtaine de peupliers agités par le vent accompagne le voyage des nouveaux arrivants.

Pour Philomena Franz, la roulotte est un espace familial intime. Dans Ainsi marchent les nuages, elle établit une correspondance avec l’espace maternel et l’habitat. Le riche wagon de salon sert de poste d’observation du vivant. En tirant le rideau, l’enfant avec sa mère observe le merle noir. La mère compare la tâche de la femelle de l’oiseau, qui consiste à rechercher de la nourriture et à alimenter ses petits avec la sollicitude de la mère pour son enfant73. Les parents réchauffent agréablement la roulotte en hiver et permettent ainsi aux enfants de dormir bien au chaud. La roulotte représente l’élément culturel central de la vie des Sintis74, sans lequel, selon Franz, les Sinti perdent leur culture, dont le lien consubstantiel avec la nature constituait le noyau. La roulotte, suivant la poétique de l’espace, équivaut, dans la correspondance établie par Franz, au nid dans la logique bachelardienne75. Il s’agit d’un nid qui est refuge intime, refuge dynamique pourtant, car habitat mobile. La roulotte, faisant halte dans un lieu idéal, le locus romani, est le plus souvent associée à un espace caché sur une clairière ou à l’orée d’une forêt. Dans sa symbolique, la roulotte se veut refuge maternel et insaisissable.

« La roulotte était riche, en fleurs, en couleurs, et fine76 »

La poétique de l’étape dans la vie de voyage des Romanis se divise en deux temps, la route et la halte, tous deux liées par l’habitation nomade de la roulotte. Les premières roulottes font leur apparition dès 180677 et ont de nos jours quasiment disparu de nos routes78. Selon les deux artistes romani Philomena Franz et Ceija Stojka, la roulotte permettait toutefois de vivre l’essentiel de la culture des Sintis et des Romanis pour qui le lien étroit avec la nature constituait « le grand cadre… le fondement pour la vie79 ». Dans le même temps, la roulotte est un moyen social qui permet des regroupements choisis et spontanés. La roulotte informe le texte même dans son écriture et s’inscrit dans une vraie poétique du nid protecteur. Celui-ci relève de la poétique de l’espace et signifie un espace intime et familial. La roulotte comme nid met en relief son statut liminal entre l’espace social du foyer et celui naturel. Sa mobilité et le privilège de faire halte dans les endroits forestiers solitaires font de la roulotte un espace intime éphémère et en fuite. Aucun refuge pour le refugium, la roulotte de nos jours s’est absentée de nos forêts, de nos prés et de nos routes. Ses successeurs comme la caravane80 et les camping-cars permettent de vivre d’autres étapes.

 

Dans les œuvres de Philomena Franz et de Ceija Stojka qui mettent en avant une sociopoétique de la roulotte, celle-ci est surtout appréhendée comme un habitacle. Mais le lieu dans lequel stationne la maison roulante joue un rôle principal : il s’agit du locus romani dont l’agrément tient à la présence des arbres et de l’eau courante qui stimule la pensée poétique de la Sintizza. La maison nomade se situe à la limite du monde intime voire social et du paysage, voire de la nature sauvage. Ceija Stojka accentue le potentiel social de la roulotte qui permet de configurer le locus romani – la roulotte revêt un rôle de médiation entre les différents groupes de Roms ainsi qu’un rôle liminal entre les Romanis et l’espace physique de l’environnement naturel. Les deux auteures accentuent le statut primordial de la roulotte comme un espace refuge et protecteur correspondant au nid dans la poétique de l’espace bachelardienne.

1 Par hétéroreprésentation nous entendons la représentation par autrui, dans ce cas des Romanis par des non-Romanis.

2 Le terme de Bohémien est courant depuis le xvie siècle, tout comme l’exonyme « Tsigane » à l’époque moderne (Vaux de Foletier). Depuis la fin de la

3 Le cycle Bohémiens en voyage comprend quatre estampes, intitulées « L’Avant-garde », « Le Départ », « La Halte », « Les Préparatifs du festin ».

4 Le titre initial du manuscrit de 1852 était : « La caravane des bohémiens ». Melâhat Menemencioglu, « Le thème des bohémiens en voyage dans la

5 Callot aurait lui-même eu l’expérience de la vie de voyage des Roms à travers l’Italie. Selon les sources, il aurait marché avec les Bohémiens à l’

6 Pascale Auraix-Jonchière, « De l’hétéroreprésentation à l’autoreprésentation : nature et simplicité dans l’œuvre de Philomena Franz », in Ästhetik(

7 Dans cette acception synonyme de « route », Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2001, p. 926.

8 Ibid.

9 Günther Drosdrowski, Duden. Das große Wörterbuch der deutschen Sprache, Mannheim/Wien/Zürich, Dudenverlag, 1976, p. 758 : « zurückzulegende

10 Entretien personnel avec Philomena Franz le 23 janvier 2022.

11 Voir la contribution d’Alain Montandon dans ce même dossier : Alain Montandon, « Passagers en transit (Escales aéroportuaires) », Sociopoétiques

12 Ibid.

13 Voir la contribution de Philippe Antoine dans ce même dossier.

14 Montandon, art. cit.

15 Sintizza est la dénomination des femmes des groupes sinti.

16 Romnia est la dénomination des femmes des groupes roms.

17 Holocauste en romanès. Sidonia Bauer, « Écrivaines samudaripiennes : les Lager de Stojka et Franz », in Ästhetik(en) der Roma, op. cit., p. 

18 Pour Franz par exemple par Detlev Buck, Charlotte Loesch, Marìa Sierra. Pour Stojka surtout Karin Berger.

19 Pascale Auraix-Jonchière, art. cit., p. 53 cite Julien Gracq.

20 Philomena Franz, L’amour a vaincu la mort, Paris, Éditions Pétra, coll. « Méandre », 2019, p. 81. Traduction de l’allemand par Aïka Mittler.

21 Ceija Stojka, Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen, Munich, Picus Verlag, [2005] 2009.

22 Ceija Stojka, Wir leben im Verborgenen. Aufzeichnungen einer Romni zwischen den Welten, Vienne, Picus, 2013.

23 L’œuvre artistique de Stojka se compose de plus de mille peintures et dessins datant de la fin des années 1980 jusqu’à sa mort. La majorité de ses

24 Ceija Stojka, Ceija Stojka, Lyon, Fage Éditions, coll. « Paroles d’artiste », 2017.

25 Paula Aisemberg, Gerhard Baumgartner, Philippe Cyroulnik, et. al., Ceija Stojka. Une artiste rom dans le siècle, Lyon, Fage Éditions, 2018.

26 Alain Montandon, « Sociopoétique », Sociopoétiques, n° 1, 2016 [En ligne] DOI : https://dx.doi.org/10.52497/sociopoetiques.640.

27 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 96.

28 « Rossignol », L’amour a vaincu la mort. Contes, p. 21.

29 Pascale Auraix-Jonchière, art. cit., p. 53.

30 Ibid.

31 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 96.

32 Citations d’un entretien oral avec Philomena Franz du 23 janvier 2022.

33 La famille de Philomena Franz était composée de musiciens, de chanteurs, de danseurs, etc. Elle possédait une maison mais se produisait de ville

34 L’amour a vaincu la mort, Des mots : clefs, op. cit., p. 226.

35 Entretien personnel avec Philomena Franz le 1er février 2022.

36 L’amour a vaincu la mort, Des mots : clefs, op. cit., p. 260.

37 Heinrich Lausberg, Elemente der literarischen Rhetorik, Ismaning, Max Hueber Verlag, 1990. Pour le locus amoeunus silvain voir Johannes Zechner

38 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 89.

39 Ibid., p. 82.

40 Ibid., p. 228.

41 Ibid., p. 271.

42 Ibid., p. 221.

43 Non-Romanis.

44 Philomena Franz, Zigeunermärchen, Norderstedt, Books on demand, [1982] 2020, p. 30. Nous proposons notre propre traduction pour ce volume qui

45 Ibid., p. 9.

46 Ibid., p. 8.

47 Ibid., p. 14.

48 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 21.

49 Ibid., p. 197.

50 Voir « La forêt fait retour », ibid., p. 276.

51 Ibid., p. 255.

52 Ibid., p. 253.

53 Nous vivons cachés, op. cit., p. 80.

54 Ceija Stojka, op. cit., p. 6.

55 Sidonia Bauer, art. cit., p. 232-236.

56 Nous vivons cachés, op. cit., p. 80.

57 Ibid., p. 80.

58 Ibid., p. 84.

59 Ibid., p. 85.

60 Ibid., p. 86.

61 Ibid., p. 80, p. 87, p. 212.

62 Ibid., p. 212.

63 Ibid., p. 218.

64 Ibid., p. 215.

65 Nous vivons cachés, op. cit., p. 86.

66 Michel Collot, Pour une géographie littéraire,Paris, Éditions Corti, coll. « Les Essais », 2014.

67 Voir sa contribution dans ce même numéro, art. cit.

68 Voir sa contribution dans ce même numéro, art. cit.

69 Michel de Certeau, L’invention du quotidien I : Arts de faire, Paris, Gallimard, 1980.

70 Nous vivons cachés, op. cit., p. 219.

71 Une exception représente sa peinture Sans titre, 21/12/1993, in Une artiste rom, op. cit., p. 182.

72 Ibid., p. 57.

73 Ainsi marchent les nuages, op. cit., « Depuis que le Sinti vivons dans les maisons/Seit die Sinti in den Häusern sind », p. 16.

74 Ibid., p. 15.

75 Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace [1957], Paris, Presses universitaires de France, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine »

76 Ainsi marchent les nuages, op. cit., « Tu m’as raconté/Du erzähltest mir », p. 25.

77 Selon le musée anglais de la roulotte.

78 Matéo Maximoff parle ainsi des « routes sans roulottes ». Matéo Maximoff, Routes sans roulottes, Champigny-sur-Marne, Concordia, 1993.

79 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 195.

80 Voir la contribution de Philippe Antoine, art. cit. Le terme de « caravane » apparaît en 1886. Voir aussi Jeanne Bayol, Les roulottes. Une

Notes

1 Par hétéroreprésentation nous entendons la représentation par autrui, dans ce cas des Romanis par des non-Romanis.

2 Le terme de Bohémien est courant depuis le xvie siècle, tout comme l’exonyme « Tsigane » à l’époque moderne (Vaux de Foletier). Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les différents groupes des peuples rom et sinti utilisent l’autononyme des « Romanis ». Emmanuel Filhol, « La Bohémienne dans les dictionnaires français (xviiie-xixe siècle) : discours, histoire et pratiques socioculturelles », in La Bohémienne, figure poétique de l’errance aux xviiie et xixe siècles, Pascale Auraix-Jonchière et Gérard Loubinoux (dir.), Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2005, p. 21-43 ; Marie Treps, « Comment on nomme les Bohémiens et les Tsiganes », in Le Mythe des Bohémiens dans la littérature et les arts en Europe, Sarga Moussa (dir.), Paris, L’Harmattan, coll. « Histoire des Sciences Humaines », 2008, p. 21-38.

3 Le cycle Bohémiens en voyage comprend quatre estampes, intitulées « L’Avant-garde », « Le Départ », « La Halte », « Les Préparatifs du festin ». Elles « scand[e]nt les moments successifs du voyage des Aegyptiens au cours de la journée. » Ana Fernandes, « Les bohémiens de Baudelaire, une métamorphose possible », Mathesis, n° 12, 2003, p. 233-243.

4 Le titre initial du manuscrit de 1852 était : « La caravane des bohémiens ». Melâhat Menemencioglu, « Le thème des bohémiens en voyage dans la peinture et la poésie de Cervantès à Baudelaire », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n°18, 1966, p. 227-238 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3406/caief.1966.2320.

5 Callot aurait lui-même eu l’expérience de la vie de voyage des Roms à travers l’Italie. Selon les sources, il aurait marché avec les Bohémiens à l’âge de 12 ans. Il aurait transmis cette expérience à travers quatre eaux-fortes. Hermann Nasse, Jacques Callot, Leipzig, Verlag von Klinkhardt Biermann, coll. « Meister der Graphik », 1909, p. 4-5. Baudelaire est certes imprégné par l’idée d’un bohémianisme artistique. Cependant, sa transposition est basée sur la représentation nourrie de l’expérience vraie de Callot. La référence au peuple romani transparaît donc dans son sonnet de manière médiatisée.

6 Pascale Auraix-Jonchière, « De l’hétéroreprésentation à l’autoreprésentation : nature et simplicité dans l’œuvre de Philomena Franz », in Ästhetik(en) der Roma, Marina Ortrud M. Hertrampf et Kirsten von Hagen (dir.), Munich, Akademische Verlagsgemeinschaft München, coll. « Ästhetiken der Roma – Selbst- und Fremdrepräsentationen », 2020, p. 53.

7 Dans cette acception synonyme de « route », Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2001, p. 926.

8 Ibid.

9 Günther Drosdrowski, Duden. Das große Wörterbuch der deutschen Sprache, Mannheim/Wien/Zürich, Dudenverlag, 1976, p. 758 : « zurückzulegende Teilstrecke, nach der eine Ruhepause eingelegt wird », « zu bewätigender Zeitabschnitt ».

10 Entretien personnel avec Philomena Franz le 23 janvier 2022.

11 Voir la contribution d’Alain Montandon dans ce même dossier : Alain Montandon, « Passagers en transit (Escales aéroportuaires) », Sociopoétiques, no7, 2022 [En ligne] DOI : https://dx.doi.org/10.52497/sociopoetiques.1587.

12 Ibid.

13 Voir la contribution de Philippe Antoine dans ce même dossier.

14 Montandon, art. cit.

15 Sintizza est la dénomination des femmes des groupes sinti.

16 Romnia est la dénomination des femmes des groupes roms.

17 Holocauste en romanès. Sidonia Bauer, « Écrivaines samudaripiennes : les Lager de Stojka et Franz », in Ästhetik(en) der Roma, op. cit., p. 209-240.

18 Pour Franz par exemple par Detlev Buck, Charlotte Loesch, Marìa Sierra. Pour Stojka surtout Karin Berger.

19 Pascale Auraix-Jonchière, art. cit., p. 53 cite Julien Gracq.

20 Philomena Franz, L’amour a vaincu la mort, Paris, Éditions Pétra, coll. « Méandre », 2019, p. 81. Traduction de l’allemand par Aïka Mittler. Toutes les références suivantes revoient à cette même édition à l’exception de quatre contes qui n’ont pas trouvé place dans cette édition et au livre Ainsi marchent les nuages, auxquels je renvoie dans ma traduction [S.B.].

21 Ceija Stojka, Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen, Munich, Picus Verlag, [2005] 2009.

22 Ceija Stojka, Wir leben im Verborgenen. Aufzeichnungen einer Romni zwischen den Welten, Vienne, Picus, 2013.

23 L’œuvre artistique de Stojka se compose de plus de mille peintures et dessins datant de la fin des années 1980 jusqu’à sa mort. La majorité de ses œuvres n’a pas été reproduite ; nous nous référons par conséquent aux éditions des livres d’art initiées par la Galerie Christophe Gaillard et les Éditions Fage à Paris. Elles se proposent de diffuser l’œuvre de la Romnia auprès d’un public plus large.

24 Ceija Stojka, Ceija Stojka, Lyon, Fage Éditions, coll. « Paroles d’artiste », 2017.

25 Paula Aisemberg, Gerhard Baumgartner, Philippe Cyroulnik, et. al., Ceija Stojka. Une artiste rom dans le siècle, Lyon, Fage Éditions, 2018.

26 Alain Montandon, « Sociopoétique », Sociopoétiques, n° 1, 2016 [En ligne] DOI : https://dx.doi.org/10.52497/sociopoetiques.640.

27 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 96.

28 « Rossignol », L’amour a vaincu la mort. Contes, p. 21.

29 Pascale Auraix-Jonchière, art. cit., p. 53.

30 Ibid.

31 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 96.

32 Citations d’un entretien oral avec Philomena Franz du 23 janvier 2022.

33 La famille de Philomena Franz était composée de musiciens, de chanteurs, de danseurs, etc. Elle possédait une maison mais se produisait de ville en village au gré de ses engagements.

34 L’amour a vaincu la mort, Des mots : clefs, op. cit., p. 226.

35 Entretien personnel avec Philomena Franz le 1er février 2022.

36 L’amour a vaincu la mort, Des mots : clefs, op. cit., p. 260.

37 Heinrich Lausberg, Elemente der literarischen Rhetorik, Ismaning, Max Hueber Verlag, 1990. Pour le locus amoeunus silvain voir Johannes Zechner, Der deutsche Wald. Eine Ideengeschichte zwischen Poesie und Ideologie 1800-1945, Darmstadt, Verlag Philipp von Zabern, 2016, p. 53.

38 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 89.

39 Ibid., p. 82.

40 Ibid., p. 228.

41 Ibid., p. 271.

42 Ibid., p. 221.

43 Non-Romanis.

44 Philomena Franz, Zigeunermärchen, Norderstedt, Books on demand, [1982] 2020, p. 30. Nous proposons notre propre traduction pour ce volume qui contient quatre contes en plus par rapport à l’édition de 2019.

45 Ibid., p. 9.

46 Ibid., p. 8.

47 Ibid., p. 14.

48 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 21.

49 Ibid., p. 197.

50 Voir « La forêt fait retour », ibid., p. 276.

51 Ibid., p. 255.

52 Ibid., p. 253.

53 Nous vivons cachés, op. cit., p. 80.

54 Ceija Stojka, op. cit., p. 6.

55 Sidonia Bauer, art. cit., p. 232-236.

56 Nous vivons cachés, op. cit., p. 80.

57 Ibid., p. 80.

58 Ibid., p. 84.

59 Ibid., p. 85.

60 Ibid., p. 86.

61 Ibid., p. 80, p. 87, p. 212.

62 Ibid., p. 212.

63 Ibid., p. 218.

64 Ibid., p. 215.

65 Nous vivons cachés, op. cit., p. 86.

66 Michel Collot, Pour une géographie littéraire, Paris, Éditions Corti, coll. « Les Essais », 2014.

67 Voir sa contribution dans ce même numéro, art. cit.

68 Voir sa contribution dans ce même numéro, art. cit.

69 Michel de Certeau, L’invention du quotidien I : Arts de faire, Paris, Gallimard, 1980.

70 Nous vivons cachés, op. cit., p. 219.

71 Une exception représente sa peinture Sans titre, 21/12/1993, in Une artiste rom, op. cit., p. 182.

72 Ibid., p. 57.

73 Ainsi marchent les nuages, op. cit., « Depuis que le Sinti vivons dans les maisons/Seit die Sinti in den Häusern sind », p. 16.

74 Ibid., p. 15.

75 Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace [1957], Paris, Presses universitaires de France, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine », 1961, p. 91 : « L’intimité a besoin du cœur d’un nid. » ; p. 120 : « Le nid, pour l’oiseau, est sans doute une chaude et douce demeure. Il est une maison de vie ». Le nid devient un instant « le centre d’un univers, la donnée d’une situation cosmique », ibid., p. 121. Bachelard parle ainsi de la « maison-nid » (ibid., p. 126) qui correspondrait à la roulotte, centre intime dans la nature. À la différence du nid, elle est mobile et humaine.

76 Ainsi marchent les nuages, op. cit., « Tu m’as raconté/Du erzähltest mir », p. 25.

77 Selon le musée anglais de la roulotte.

78 Matéo Maximoff parle ainsi des « routes sans roulottes ». Matéo Maximoff, Routes sans roulottes, Champigny-sur-Marne, Concordia, 1993.

79 L’amour a vaincu la mort, op. cit., p. 195.

80 Voir la contribution de Philippe Antoine, art. cit. Le terme de « caravane » apparaît en 1886. Voir aussi Jeanne Bayol, Les roulottes. Une invitation au voyage, Paris, Éditions de la Martinière, 2016.

Citer cet article

Référence électronique

Sidonia BAUER, « « L’éternité du matin fait halte sur toi ». Étapes et locus romani », Sociopoétiques [En ligne], 7 | 2022, mis en ligne le 07 novembre 2022, consulté le 12 mai 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=1616

Auteur

Sidonia BAUER

Université de Cologne

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