Entretien avec Daniel Buren

DOI : 10.52497/kairos.873

Texte

Christian Drevet1 : La machine et la fabrication en série ont enfanté le monde moderne passant de la spécificité sensible de l’artisanat à la standardisation froide de l’industrie. Pour concilier ces deux protagonistes majeurs de la vie quotidienne, le Bauhaus avait inventé ou réinventé le design et son partenaire commercial, la « marque » qui ont redonné l’aura à la marchandise et réenchanté l’univers de la consommation émergent. De son côté, l’art contemporain, si on se souvient des readymades, est passé de la réponse esthétisante et totalisante à l’univers plus fragile de la question et du fragment en renouvelant les notions de vision du monde et d’« œuvre d’art ». Marque et œuvre d’art dont les droits réciproques sont d’ailleurs protégés par des codes juridiques identiques et font, l’un comme l’autre, l’objet de cotations marchandes.

Daniel Buren, en artiste reconnu, quel regard as-tu sur cette dualité, duplicité ou même dialectique entre la « marque » de produit et l’« œuvre d’art » ?

Daniel Buren : Ta question semble assez simple pour toi, mais, quant à moi, je ne pense pas qu’elle le soit tant que ça !

Tout d’abord, la marque d’un produit, c’est quoi ? Le logo qui l’accompagne ou le produit qu’il tente finalement de mettre en vente ? Les rapports entre l’un et l’autre me semblent par ailleurs mériter une analyse particulière et longue.

Quant à « l’œuvre d’art », jusqu’à preuve du contraire, je ne vois pas précisément quels logos les annonceraient et favoriseraient leurs ventes ? Je ne vois pas vraiment non plus les rapports sérieux qui existeraient entre les marques en général et les œuvres d’art d’autre part. Ce sont, il me semble, deux mondes complètement différents dans la forme et dans le fond. Si on peut admettre que certaines œuvres d’art ont plus à voir avec la mode et le business le plus sordide que d’autres, il est quant à moi tout aussi, voire plus évident encore, qu’aucun logo n’est une œuvre d’art.

Y a-t-il une seule œuvre d’art au monde, inscrite au CAC40 ou au DOW JONES ? Quant aux marques auxquelles tu fais allusion même sans les nommer, je suis sûr qu’elles y sont toutes ! Il faut donc se méfier énormément des images et des comparaisons, séduisantes certes, mais sans aucune réalité ni rapport quelconque les unes avec les autres.

Christian Drevet : Quel que soit le domaine de marchandise considéré, automobile, habillement, mobilier, appareils numériques… la marque, dans l’esprit du grand public, donne souvent au produit une aura comparable à la signature d’une œuvre d’art qui dépasse sa valeur objective dans les orientations et les choix du consommateur. Marque et signature brouillent ainsi leurs limites mutuelles et partagent des questions devenues communes que sont, entre autres, l’authenticité, la reconnaissance et les outils visuels utilisés volontairement ou non à ces deux desseins.

Dans cette orientation, peux-tu, Daniel Buren, nous parler de l’outil visuel – les fameuses bandes Buren – que tu utilises depuis le début de ta carrière et que tout le monde identifie parfaitement aujourd’hui ? Ce simple outil de lecture et de transformation de l’espace, sans signification particulière en lui-même, n’est-il pas devenu aux yeux du public et au fil du temps une signature ou un style, et même, en brouillant les limites justement, une « marque » de fabrique ou une image de « marque » ?

Daniel Buren : Ici, on arrive, je crois, au cœur du sujet ! Je dois dire qu’une rétrospective historico-chronologique depuis l’arrivée de cette séquence visuelle blanc/couleur/blanc, etc. – chaque bande ayant 8,7 cm de large –ne peut pas se résumer en quelques mots, car, ce faisant on perd très vite le fil de son exposé et on en arrive immédiatement aux possibles sens que certains (y compris moi-même) peuvent et vont donner, à la présence de cet « outil visuel » aujourd’hui, le tout sans véritables explications ! Brut de décoffrage ! Je veux bien évidemment que tout un chacun fasse tous les raccourcis que l’on veut, mais je ne me prêterai pas à ce jeu. Lorsque tu indiques par exemple, au sujet des bandes alternées blanches et colorées « que tout le monde identifie parfaitement aujourd’hui », je pense qu’il s’agit déjà là d’un abus de langage. La majorité de ceux qui « identifient » ce signe s’arrêtent généralement à cette identification, ce qui prouve a contrario qu’ils n’ont rien identifié du tout, car, si on peut admettre que mon travail commence par là, il ne s’y arrête pas !

Donc tant pis si j’ai déjà dit et écrit des choses identiques, mais si l’on veut comprendre un tant soit peu, comment ces bandes alternées surgissent dans mon travail et s’y comportent jusqu’à aujourd’hui, il faut faire une complète description des étapes qui se sont constituées et comment elles se sont succédé, voire montrer comment des allers-retours peuvent se faire et ce qu’ils signifient y compris ce qu’ils rejettent catégoriquement.

Je connais fort bien les allusions, perfides pour la plupart, de ceux qui aimeraient réduire mon outil visuel en une sorte de signature voire de logo alors qu’il est déjà, en tant que signe, l’une des rares réductions visuelles possibles, n’ayant aucune signification comme tu le dis d’ailleurs, autre que celle tautologique qui reviendrait à dire, en paraphrasant légèrement une locution bien connue : « que la couleur du cheval blanc d’Henri IV, c’est le blanc ! ». J’utilisais souvent à cette époque une définition de mon travail, imprimée dans l’invitation envoyée aux possibles visiteurs et dont la formulation tautologique n’était pas sans rappeler celle de la couleur du cheval blanc ! La voici : 

Vous êtes invités à venir voir, des bandes verticales alternées blanches et colorées, qui ne sont que des bandes alternées blanches et colorées, qui ne se rapportent qu’à des bandes alternées blanches et colorées, qui ne sont que des bandes alternées blanches et colorées.

J’ajouterais que cette dénomination d’« outil visuel », que j’ai adoptée, n’a été trouvée que quelques années plus tard. À l’origine et pour la toute première fois en octobre 1965, j’ai abandonné les éléments/supports de draps de lit délicatement colorés, sur lesquels je travaillais jusqu’alors, pour les remplacer par un support constitué par un textile tissé blanc et coloré avec des fils de coton, acheté au Marché Saint-Pierre, lors d’un aller-retour à Paris (je travaillais et vivais alors à Sainte-Croix dans les Îles Vierges américaines dans les Caraïbes).

Ce passage du drap de lit coloré à un autre type de support, le tissu rayé avec des bandes blanches et colorées égales, me permit de continuer ainsi avec une certaine logique, le travail du peintre que j’étais alors et qui « fabriquait » avec des papiers autocollants (scotch) utilisés par les peintres en bâtiment pour protéger leurs travaux ou bien pour délimiter des surfaces à affirmer d’une couleur à une autre, avec lesquels je créais une série de lignes parallèles et verticales sur toute la surface, de gauche à droite et de haut en bas, de ces draps de lit, généralement colorés (rose, bleu ciel, beige, vert pâle, etc.). Pour ce faire, ces draps étaient tendus sur un châssis fixe en bois, cloué sur le seul mur disponible dans la petite pièce où je travaillais alors à Sainte-Croix. Ceci expliquant entre autres les tailles extérieures identiques de tous ces travaux effectués à l’époque.

Les scotchs avec lesquels je remplissais verticalement toute la surface du drap étaient généralement espacés entre eux, par une distance oscillant entre 8 à 10 centimètres. Ce détail a son importance pour la suite de cette histoire, mais je ne le savais pas encore !

Ensuite je venais avec des pinceaux et des pots de couleurs, la plupart du temps assez vives, recouvrir ces scotchs de différentes manières, soit totalement abstraites et indéfinies soit en inscrivant des formes ni géométriques, ni figuratives, mais plus ou moins organiques, recouvrant ainsi toute la surface et donnant souvent l’impression que ces formes, dessinées directement avec les pinceaux et la peinture, voulaient sortir du cadre ! Ceci étant fait, je retirais alors tous les scotchs posés avant de commencer à peindre. La couleur du drap utilisé réapparaissait alors et venait se combiner visuellement aux autres couleurs ajoutées. Vous aurez déjà compris pourquoi lors de ma courte visite à Paris où je voulais acheter des toiles pour peindre, un peu plus grandes et surtout plus solides que les draps utilisés aux îles Vierges et que c’est en cherchant ces matériaux classiques, que je fus attiré comme par un aimant, quand, à quelques mètres de moi, des textiles tissés, bayadères et autres, explosaient à ma vue et tout spécialement ces tissus aux fameuses bandes égales blanches et colorées qui avaient, tout à fait incidemment, à peu près la taille des bandes dont je viens de parler et que je fabriquais avec quelques difficultés et surtout avec beaucoup d’imprécisions depuis quelques mois déjà dans ma petite pièce aux îles Vierges à l’aide de scotchs. Je me suis même dit immédiatement que ces bandes alternées tissées correspondaient – en beaucoup mieux – à celles que je fabriquais depuis plus de huit mois avec acharnement sans jamais en être satisfait ! Ces nouveaux tissus rayés allaient m’éviter d’animer à ma manière et assez péniblement, ces dizaines de bandes trop indécises et trop « picturales » pour mon goût. Tout ceci pour dire que, quoique l’on puisse en penser, ces détails de fabrication que je me permets d’indiquer, qui n’ont pour quiconque, à part pour moi, quasiment aucun intérêt, indiquent déjà cependant une chose fondamentale : la simplicité canonique des bandes rayées verticales, n’est pas apparue, du jour au lendemain, et leur emploi n’a jamais été défini de ma part a priori comme un programme intellectuel et théorique, sorti par miracle de nulle part et qu’il faudrait suivre aveuglément ! Ce fut tout le contraire. À l’exception de toute la production de ces peintures entre début 1967 et mars 1968 faites avec ces textiles tissés blancs et colorés qui étaient volontairement et systématiquement voulues comme répétitives, jamais plus après, un programme quelconque d’un type de fabrication, n’a été envisagé ni conduit.

C’est petit à petit que se sont établies des suites de changements, toutes non programmées jusqu’à aujourd’hui, à la fois logiques (à tout le moins pour moi) voire contradictoires, route zigzagante, d’expositions en interventions.

Cependant, de l’usage particulier que j’ai pu faire avec ces nouveaux supports rayés, sont nées à la fois la production d’un matériau rayé imprimé sur papier/affiche blanc, dupliquant les rayures provenant des tissus sus-décrits (comme modèles) et la définition « outil visuel ». C’est aussi à ce moment que j’ai compris que mon travail n’était plus vraiment de la peinture, mais une chose bien plus large s’occupant non pas d’une surface à couvrir quelle qu’en soit la taille (mais toujours restrictive par rapport à l’angle de vision), mais bien d’un espace entier en trois dimensions et a priori non défini ! Un travail ayant pour ambition d’élargir l’angle de vision. Un travail ayant à la fois des rapports, voire des attaches, avec la peinture, la sculpture, l’architecture, avec l’espace et les personnes qui l’habitent… mais qui n’est plus jamais, exclusivement, le développement de l’une quelconque de ces disciplines.

Je préfère donc m’en exclure volontairement et laisser à ceux qui veulent absolument m’attacher à l’une d’elles, voire à une autre, le loisir de le faire (et si possible bien entendu, d’expliciter leur choix afin que je puisse voir si je suis d’accord avec leurs arguments ou non).

Enfin et nous y reviendrons surement plus tard, si j’ai intitulé ces bandes alternées blanches et colorées, « outil visuel » (le mien en particulier) c’est tout d’abord pour insister sur le fait qu’il s’agit bien d’un outil, un « objet fabriqué, conçu et fait pour agir sur la matière, pour exécuter un travail, produire un objet » en suivant la formule du Dictionnaire Le Robert2.

Outil donc au même titre que tous les outils existants, du chronomètre pour mesurer le temps, au mètre-étalon pour mesurer les espaces, les lieux, les objets… en passant par le piano ou la trompette pour faire de la musique, aux microscopes pour étudier l’infiniment petit, etc. L’autre caractéristique intrinsèque à cet « outil visuel » qu’il ne faut pas oublier, c’est la largeur des bandes égales blanches et colorées qui sont toutes et depuis le tout début de leur utilisation (1965) exactement de la même taille soit 8,7 cm. Je dois ajouter que cette taille (à 2 ou 3 millimètres près) est immuable (depuis bientôt soixante années) que l’utilisation de cet outil s’inscrive, se colle, se suspende, s’imprime quelque part dans un livre, dans un journal ou dans un catalogue ou bien, se trouve sur un mur de 3 mètres par 5 ou bien encore sur une très grande surface de plusieurs centaines de mètres carrés ! Dans tous ces cas et d’autres encore, cet outil visuel n’est jamais agrandi ou rétréci.

Visuel, car, contrairement à la majorité des outils grands ou petits existants, celui-ci n’existe qu’une fois mis en place et vu. L’outil visuel dont je parle, donc, n’a de fait aucune « existence » valable en tant qu’outil en dehors de sa position, de sa couleur, de son volume, de son dessin, une fois qu’il est présenté à d’autres, mis en place (collé, suspendu, libre, sur châssis, peu importe) et seulement à ce moment-là.

Comme sa taille est absolument immuable, l’une de ses autres qualités c’est qu’à partir du moment où on le connaît (donc on peut le reconnaître) et l’on sait sa taille, on peut mesurer de loin sans aucun autre instrument/outil de mesure, la taille de tous les espaces qu’il va recouvrir (dans le sens de la verticalité s’entend). Il suffit de compter simplement toutes les bandes blanches et colorées et vous obtenez immédiatement la dimension quasi précise du mur ou des espaces recouverts avec cet outil visuel, ici « outil visuel de mesure ».

En revanche, en vrac, plié dans une armoire, roulé dans des tuyaux, froissé dans une poubelle, cet outil est tout juste comme un matériau mort sans aucune destination, ni intention, ni fonction, ni pouvoir d’aucune sorte. Au mieux, en tant qu’outil spécialement, on peut tout juste le comparer à un marteau rangé dans son tiroir ayant perdu tout usage. Ce marteau, bien entendu, peut être de nouveau utilisé et disparaître de nouveau après avoir rempli son office. On pourra constater la résultante de son utilisation, mais celui-ci, en tant qu’outil, aura de nouveau disparu de la scène.

Contrairement à « l’outil visuel » dont je me sers et dont je parle qui, s’il est utilisé, va au contraire justement enfin apparaître, exister et proposer un ordre (ou un désordre) voulu, dont il fera également et définitivement (pendant le temps de sa visibilité, de son exposition) partie intégrante quant au résultat visuel en question, le « donné à voir ». Il n’y a jamais mon « outil visuel » tel un objet autonome qui puisse se concevoir ! Il ne peut se voir, se comprendre que placé précisément, de manière particulière, quelque part.

Christian Drevet : N’y a-t-il pas aussi pendant son utilisation une forme de disparition en tant que telle (outils faits de bandes égales et alternées) dans la mesure où il se dissout avec le contexte dans lequel il est utilisé pour former avec lui un nouvel espace ou une nouvelle perception de l’espace ? Du moins pour ceux qui perçoivent ce nouvel espace. Les autres continuant de ne percevoir que des bandes ?

Daniel Buren : Ceci est certainement une impression courante, mais c’est aussi reconnaître le manque d’observation de celui ou celle qui pense que cet outil visuel, dans tel ou tel cas a disparu ! À mes yeux, d’une part il n’a jamais manqué ne serait-ce qu’une seule fois dans plusieurs milliers de travaux depuis 1967 et donc, formellement, jamais il ne se dissout, mais en revanche, toujours il accompagne, il ponctue, il encadre, il relie, il lie des éléments étrangers les uns aux autres, ou bien d’autres choses selon le rôle que lui donne un ensemble que cet outil va donc définir d’une lumière particulière, dans le même moment exactement, ou ce même ensemble, vient le redéfinir à son tour encore et encore, dont le sens qu’il prend à chaque fois alors il peut poser d’autres questions ! Pourquoi pas ?

Christian Drevet : « Dans la logique de fonctionnement d’un outil visuel qui procède d’une masse, s’impose rapidement la notion de fragment. Où est l’ensemble ? Où est la partie ? Dans ces expositions, chaque pièce est pensée avec sa cohérence propre et pour être la mieux visible possible ; mais elle renvoie également à un ensemble qu’on ne peut voir, connaître ou matérialiser d’emblée et dont elle est un fragment. (…) Cette notion de fragment, de fragmentation est essentielle ; elle est peut-être la philosophie de mon travail ». Ce présent propos que tu exprimes dans le catalogue de ton exposition « Mot à Mot » au Centre Pompidou en 2002 révèle à quel point l’outil visuel – les « bandes Buren » comme les nomme le public – permet d’opérer une décomposition/recomposition entre fragments/totalité intégrant ton travail dans la réalité du monde contemporain qui a renoncé aux totalités transcendantes des temps classiques et pris conscience de son immanence.

Peux-tu, dans un premier temps, nous montrer un peu plus, peut-être à l’aide d’exemples, comment ton outil visuel permet cet entre-deux répondant à la question fondamentale et ontologique du lien entre les fragments ?

Daniel Buren : Après mon introduction précédente, et peut-être grâce à elle, je vais tenter d’être beaucoup plus court. C’est justement en rapport avec la précision et la pertinence de ta question que « l’outil visuel » existe et perdure. Son utilisation me semble être une véritable résistance aux critiques que tu sembles porter aux démarches artistiques dominantes aujourd’hui. À ce sujet et avant que je n’aille plus loin, ce ne sont pas les « bandes Buren » comme tu le dis, qui permettent ceci, car cette expression, que tu inventes de toutes pièces, ce n’est certes pas de cela dont je parle. Je me permets de profiter de ce que je considère comme une erreur pour insister sur le sens des mots et je ne pense pas que dans ce refus je fasse de la logomachie ! Si les mots et les définitions ont un sens, les remplacer indûment, c’est en changer le sens volontairement ou non, mais dans tous les cas, ce n’est pas sans conséquence ! Ces petits détours sont là pour envoyer les lecteurs sur une voie de garage ou bien même un cul-de-sac ! On peut certes discuter et n’être pas d’accord avec toutes les appellations et autres dénominations que j’ai pu donner au cours de toutes ces années, mais on ne peut pas les remplacer sans coup férir par d’autres dénominations qui semblent se présenter comme des sortes de synonymes et qui, de fait, sont des antonymes !

J’ai même oublié d’indiquer dans mon précédent chapitre que depuis toujours, avant même que « j’invente » ce terme « outil visuel » pour parler de ce « signe » avec bandes verticales alternées blanches et colorées, j’ai toujours indiqué que je n’avais à ce sujet et en tant qu’objet visuel, rien inventé du tout et que même la taille de ce signe provenait directement de celle sur laquelle je peignais lorsque j’ai remplacé mes draps de lit par ce tissu pour matelas et/ou coussins ! C’est lorsque j’ai fait fabriquer ce « motif » pour l’imprimer (en sérigraphie en impression offset ou autres) que j’ai dû regarder de plus près quelle était la taille exacte de ces objets rayés et que j’ai pris une largeur moyenne en partant de dizaines d’échantillons et je suis tombé sur cette mesure : 8,7 cm. Ceci dit, n’ayant aucune responsabilité inventive quant à cet outil visuel ni à sa taille réelle, je ne vois pas pourquoi on lui ferait endosser mon patronyme ! Je ne fais pas partie de ces artistes qui s’approprient tout et n’importe quoi et même, lorsque cela m’arrive, il ne s’agit au mieux que d’emprunts et je n’en revendique jamais ni la propriété ni la paternité. J’ai indiqué et écrit dès mes tout premiers textes (1967) où je critiquais fortement et disais n’avoir rien de commun avec Duchamp ni encore moins avec la mouvance post-Duchamp, qui justement est tombée dans bien des pièges y compris ceux que tu soulèves dans tes questions actuelles. Le grand succès de Duchamp c’est d’avoir inventé une forme d’art en adéquation parfaite avec le capitalisme et son développement au xxe siècle. D’où pour moi, la présence sous-jacente dans la plupart de tes questions, de l’esprit et de l’influence de Duchamp comme responsable des dérives que tu soulèves. Par la suite, et en toute logique, ses « enfants » sont devenus, les illustrateurs, les commentateurs et zélateurs de la société de consommation, jamais des critiques. Si on se reporte succinctement aux premiers artistes se revendiquant ouvertement de Marcel Duchamp, les artistes pop américains en premier lieu (fin des années cinquante et toutes les années soixante), on voit bien que la plus grande partie de leurs productions fut l’éloge et la glorification des produits de grande consommation américains et de leurs publicités (Coca-Cola, Brillo, le drapeau américain, Campbells, les dollars, Pepsi-Cola, les cartoons, etc.) et la mise en valeur par le truchement des arts visuels, de tous les logos produits par ces publicités ainsi glorifiées devenues marques indélébiles de la domination mondiale des États-Unis sur les affaires du monde jusqu’à il y a peu ! Mais revenons à nos moutons !

Ce que j’entends par « outil visuel », c’est un outil qui permet de fabriquer des œuvres pour qu’elles soient vues, un outil qui signale, qui rend reconnaissable, qui borne, qui encadre, qui limite et délimite à la fois, également qui donne un ou plusieurs indices, des indications, sur ce qui se trouve autour, mais il y a aussi la notion d’un outil visible, qui se montre tout en montrant d’autres choses, qui est visible à l’œil nu, ou parfois même à l’aide d’une longue-vue3 !

Enfin, d’après moi, c’est la « neutralité » même de cet outil visuel qui permet et ce, avec de plus en plus d’évidence d’attirer les regards et la conscience de ceux qui prennent le temps de regarder attentivement. La présence continuelle de cet invariable qui se colore au sens propre et figuré, au milieu des milliers de variables, anciens et nouveaux, qui l’entourent, fait qu’il se pourrait qu’à chaque fois, que l’une de mes propositions serait vraiment nouvelle et sans ce signalement visuel, personne ne pourrait tout bonnement la lire et surtout la comprendre vraiment. Ces « fragments » successifs bien que complets à chaque fois, montrent, de manières discrètes ou parfois même « claironnantes », qu’ils font partie d’un tout, d’une sorte de masse, d’un agglomérat rigoureux aux lignes parallèles parfaitement égales les unes par rapport aux autres et dans lequel je me permets de puiser encore et encore. À la fois déjà assez pléthorique, voire sans fin aujourd’hui et toujours en devenir, cette mine est inépuisable et ne cessera d’être exploitée, en ce qui me concerne, qu’au moment de ma propre fin.

Cette impression de masse illimitée invariable et inépuisable se trouve d’ailleurs visible, esquissée, dans certains de mes travaux, formellement parlant. Je prendrais, parmi des dizaines voire des centaines d’autres, utilisés différemment, mon travail dans la cour d’honneur du Palais-Royal à Paris.

Prenez la surface entière de cette cour et imaginez-la entièrement recouverte par un tapis rayé blanc et noir en marbre partant au pied du Conseil d’État vers les jardins du Palais-Royal proprement dits. Or, ce tapis énorme et imaginaire (plus de 3 000 mètres carrés) a été découpé comme si un énorme emporte-pièce de la taille de cette cour en avait emporté la majorité de la surface en ne laissant qu’une grille carrée dessinée sur l’ensemble de cet espace laissant la possibilité à l’imagination de chacun de comprendre et d’expérimenter ce que j’entends par la masse et le singulier (ou fragment si l’on préfère). Dans un sens donc, toutes les lignes sont rayées blanches et noires (outil visuel) et s’étendent depuis le Conseil constitutionnel et la Comédie-Française, jusqu’au ministère de la Culture, tandis que dans l’autre, ces lignes sont entièrement noires, car elles viennent couper l’outil visuel susnommé, à angles droits, au niveau exact d’une bande noire dans la masse imaginée constituant l’outil visuel ! Cette grille qui stabilise tout l’ensemble est donc bien formée en partant d’une masse entièrement rayée depuis laquelle on a extrait un détail qui se trouve être la grille carrée dont je viens de décrire l’agencement et qui règle et stabilise toute la construction, l’emplacement des troncs de polygones, les tranchées dans lesquelles l’eau s’écoule, etc.

Christian Drevet : Dans un deuxième temps et pour réinvestir la question du rapport entre l’art et les marques, penses-tu que le processus associant la forte visibilité des marques et leurs logos avec la diversité chaotique de chacun des produits qu’elles proposent, relève d’une stratégie similaire, à savoir de constituer, pour les utilisateurs, des liens entre les fragments d’un monde contemporain immanent sans prédéterminations ni modèles ? Au fait et c’est un peu provocant, les marques seraient-elles devenues les nouvelles totalités du monde capitaliste ? Quelle est l’attitude de l’art et surtout la tienne par rapport à ça ?

Daniel Buren : J’ai un peu de mal à répondre à cette question ! Il faudrait ici savoir de quel type d’art tu parles ? La Joconde serait-elle, bien qu’étant une peinture universellement connue, également une marque ? Et par là même, une marque de quoi ? Il faudrait faire absolument attention à ne pas confondre ce que les publicistes font de tout et de son contraire, avec ce dont ils se servent. Les problèmes de fond que tu soulèves entre l’Art et les marques ou les logos des marques doivent être séparés en deux parties irréconciliables.

Les œuvres dans le domaine artistique qui imitent et adaptent à leurs propres fins, les mêmes techniques, les mêmes types de pensées et le même jeu ambigu, avec le marché et la publicité dans le monde d’aujourd’hui (et d’avant-hier également, car cette propension aux imitations mercantiles adoptée dans le monde de l’art visuel ne date pas d’aujourd’hui), ces œuvres sont à n’en pas douter, les plus nombreuses aujourd’hui dans ce milieu. Je parlais plus haut du Pop art en général, mais d’autres démarches peuvent s’y ajouter sans problème comme celles qui consistent à s’approprier les choses voire même les œuvres d’autres artistes, etc.

De l’autre côté, des artistes qui n’ont rien à faire avec cette propension (en augmentation) et dont les œuvres ne jouent absolument pas sur ce type de ressorts, mais qui, dès que leurs travaux ont une quelconque résonnance, se trouvent en face de la majorité mercantile dominante aujourd’hui, qui tente de les assimiler ‒ façon d’ailleurs de les dénigrer – dans leurs jeux malsains dans lesquels leurs travaux ne veulent pas être confondus. Ils affublent alors ces travaux qui échappent aux arcanes marchands, de leurs oripeaux pour tenter de leur faire dire ce que justement ils ne disent pas et ne veulent pas dire.

Quel rapport avec mon outil visuel dont certains éléments sont précisément fondés sur un parti pris répétitif, ce qui est par ailleurs l’essentiel des logos utilisés à travers le monde ? Si nous connaissons tous les logos qui permettent de se référer à une marque à tel point que l’un et l’autre finissent très souvent par se confondre, il s’agit toujours de symboles constituant une marque. On voit des chevrons on pense automatiquement à Citroën, on voit la forme particulière d’une certaine bouteille et on sait tout de suite, même si son nom n’est pas inscrit, qu’il s’agit de Coca-Cola, on voit une étoile à trois branches entourée d’un cercle parfait et on pense immédiatement aux voitures Mercedes-Benz et on peut continuer ainsi, des pages et des pages et je ne vais pas m’étendre plus, mais juste pointer que tous ces logos symbolisant des marques sont là dans le but principal, voire unique, de vendre des produits qui n’ont strictement rien à voir physiquement, matériellement idéologiquement même, avec ces logos ! Les uns ne vendent principalement qu’un seul type de boisson, d’autres vendent des milliers de voitures identiques ou différentes les unes des autres, etc., ce que je veux dire : le logo existe uniquement pour ce but : la vente d’un type particulier de produit ou même de centaines de produits différents sous un même et seul logo (LVMH par exemple). Donc un objet visuel répétitif ad nauseam dans l’unique but de vendre de plus en plus et de vendre encore, ce qu’ils indiquent et cachent en même temps ! Bien sûr, ce n’est pas ce logo qui se vend, au mieux il aide et/ou permet de vendre, de vendre autre chose heureusement, car ce logo, en tant qu’image, de design ou d’objet, ne vaut généralement pas grand-chose ! Or, pour reprendre le même type d’exemple, il ne faut pas oublier que mon « outil visuel » n’est pas du tout fait ni travaillé pour vendre quoi que ce soit d’autre (sauf lui-même éventuellement) et ce, même si c’est relativement assez rare, c’est le meilleur des cas ! Autre non-similitude absolue entre ces logos publicitaires et mon outil visuel, j’ai expliqué plus haut à quel point cet outil fait partie intrinsèque du vocabulaire utilisé dans mon travail et à quel point cet outil particulier qui signale et souligne d’autres choses (une architecture, des couleurs agencées de manière particulière, tel ou tel matériau…), est absolument rigide, toujours le même (même largeur, même verticalité, comme la plupart des mots dans notre vocabulaire). Un fragment avec ses propres particularités extrait directement d’une masse imaginaire. Or, la répétition des logos, bien qu’obsédante, n’est bridée par rien du tout quant aux tailles de ces logos puisqu’ils se déclinent sans aucune restriction, du petit flacon de parfum au mur publicitaire de 5 mètres et plus de haut, par autant de large !

Leur ressemblance éventuelle avec mon outil visuel se trouve, il me semble dans la volonté de répétition que ces deux signes impliquent. Il faut cependant et radicalement, séparer ces deux types de répétition, car elles sont dissemblables et dans les faits et dans leurs conséquences, radicalement !

En effet, le logo X est fait pour vendre, mon outil visuel essentiellement pour montrer, si on s’intéresse à ce qu’il montre et donc au dispositif dans lequel il se trouve, il sera vendu avec. Il n’y a aucun leurre sur la marchandise. Ce qui est vendu est ce qui est vu, se voit et fait voir. Pas le portrait assis d’un Monsieur avec une cravate rayée !

Christian Drevet : Sans disparaître complètement de tes travaux plus récents, les bandes Buren jouent aujourd’hui et de toute évidence un rôle beaucoup moins essentiel que celui dont on vient de parler, peux-tu nous expliquer pourquoi et, du coup, comment as-tu évolué ? Ton rapport à la réalité est-il différent ou la réalité a-t-elle changé ? Ton rapport au public ?

Daniel Buren : Ici, il faudrait continuer pour essayer de te répondre de me lancer comme au début de cet entretien dans une foule de détails, de péripéties, d’accidents, de retours en arrière, etc. qui nous mèneraient dans un labyrinthe où le risque de se perdre (en tout cas de perdre nos lecteurs) serait très élevé. Les raisons de cette utilisation d’apparence systématique depuis si longtemps sont multiples et parfois même contradictoires.

De la même manière que la naissance de l’outil visuel n’a pas surgi soudainement comme une illumination de type magique, son importance dans mon travail n’a pas toujours joué la même musique ou si l’on préfère n’a pas toujours « parlé » de la même manière puisqu’il s’agit d’une partie d’un vocabulaire visuel activé à chaque fois qu’une œuvre se met en place, se construit, naît.

Tout d’abord, je suis en désaccord avec toi sur l’amoindrissement de ma part, dans l’usage des bandes verticales. Pour moi cette utilisation est toujours essentielle. Elle peut être très importante ou très discrète. C’est le type du travail fait qui décide, pas mon intérêt ou désintérêt pour l’usage de cet outil visuel.

Ce que je peux dire c’est que, durant ces cinquante-huit dernières années il ne s’est guère écoulé plus de deux ou trois ans sans que je questionne de nouveau, encore et encore, la possibilité de continuer à faire mon travail sans utiliser mon outil visuel. Si cette utilisation ne serait pas devenue automatique. Sans aucune raison. C’est-à-dire, si on se réfère aux œuvres où, comme tu le dis, les bandes verticales jouent un rôle moins essentiel, pourraient-elles disparaître complètement ou bien être remplacées (complètement également) par autre chose ? Croire que cette idée ne m’aurait jamais effleuré c’est vraiment ne pas trop me connaître ! Mais enfin, j’ai donc fait des essais multiples (pas dans mon atelier, car je n’en possède toujours pas depuis 1967 !), mais lors de la construction et durant la mise en place de diverses expositions pendant toutes ces années. Toutes ces tentatives ont été soldées par des fiascos et donc, en conséquence, jusqu’à aujourd’hui, jamais une quelconque de mes expositions (j’en ai fait plus de trois mille) ne fut présentée sans la présence (en forte quantité ou bien plus réduite au bénéfice d’autres éléments visuels), de l’outil visuel.

Travailler in situ comme j’aime à définir à peu près tout ce que je fais, c’est bien entendu rester attentif aux choses qui nous entourent et plus particulièrement aux lieux dans lesquels je suis invité. Cela veut dire aussi et c’est la raison profonde de mon intérêt pour les lieux, quels qu’ils soient, et l’importance qu’ils revêtent pour moi, qu’un lieu n’est jamais identique à un autre et que c’est principalement pour cette raison toujours renouvelée, que mes travaux sont très souvent si différents les uns des autres. Le lieu, le contexte, fournissent les réflexes et ceux-ci, ne sont pas stéréotypés ! La situation générale change également constamment, et cela, en dehors du quotidien de chacun, on ressent ces changements vis-à-vis des gens avec qui l’on travaille et donc, forcément, ces contacts influencent fortement le travail qui va se faire. J’ai toujours dit d’ailleurs que dans le terme in situ sont inclus tout autant l’histoire du lieu, l’histoire du moment, celle des personnes qui s’en occupent, de l’architecture, du climat météorologique, du climat politique, de l’économie et bien d’autres éléments qui vont permettre de mettre en place un travail de telle ou telle envergure, de telles ou telles formes et qui finalement, en feront, à un degré plus ou moins haut, un travail complètement spécifique. Si évolution il y a dans mon travail, c’est aux lieux – dans toute l’acception que je donne au terme in situ – qu’on la doit tout particulièrement. Leurs différences profondes attisent toujours ma réflexion.

Christian Drevet : Nombre de critiques d’art et d’intellectuels ont tenté de rendre intelligible et de théoriser ton travail créatif et sensible dans d’innombrables textes analytiques, interviews ou monographies, tout cela, la plupart du temps, c’est vrai, d’excellente manière.

Que retires-tu de ces échanges pour toi et pour ton activité artistique ? Que retires-tu du retour analytique sur des œuvres parfois même très anciennes ?

Daniel Buren : Je ne peux pas répondre à une question aussi large et donc non précise.

Tout d’abord il est absolument sûr que je n’ai pas lu la plupart des textes écrits sur mon travail depuis de longues années. Manque de temps et bien souvent, manque d’information au sujet de leur existence (je parle des textes !).

Il est vrai qu’elle est bien loin l’époque où je lisais tout et répondais à qui dépassait les bornes ! Surtout lorsque les textes ressemblaient plus à des attaques en règle, qu’à des études analytiques…

Ces temps sont révolus et ce qui prend tout mon temps aujourd’hui, ce sont les réalisations auxquelles aboutiront les solutions envisagées pour résoudre tel ou tel problème, posés par les projets que l’on me propose. Ce qui m’amuse souvent, c’est de me rendre compte que les critiques les plus aigres et parfois violentes, provoquées par mes travaux, sont souvent proférées par ceux qui, à un moment donné de l’évolution de ceux-ci, ont été absolument conquis et ne comprennent pas du tout, quelques années après, que je n’ai pas pu m’y tenir ? Ils auraient certainement rêvé que ces travaux se répètent continuellement ou soient définitivement figés dans cet instant béni où ils ont admiré un certain type de travail. Il n’y a pas que l’outil visuel qui à leurs yeux aurait dû être maintenu, mais tout le dispositif avec. Cette attitude est courante. Elle indique pour moi un aspect positif de ma démarche, car les moments de rupture de ces quelques affidés ne sont pas du tout les mêmes pour tous. Ce qui est plutôt rassurant ! Cela prouve que je suis encore capable de prendre des risques et de développer certains « fragments » inattendus non seulement pour moi, mais, pour d’autres également. Un changement, qui pour certains, est inacceptable. Ils sont comme ceux qui auraient souhaité que Picasso reste toute sa vie accroché au cubisme et qui en déduisent, qu’André Lhote, c’est quand même plus sérieux !!! C’est ce qu’on appelle généralement, être plus royaliste que le roi.

Entretien terminé le 29 octobre 2023 à Jarcy.

1 Architecte honoraire, chercheur associé à l’UMR Ressources de l’ENSACF et ancien Professeur de Théories et Pratiques de la Conception

2 Le Grand Robert de la langue française, Paris, Le Robert, 2017.

3 Voir Les Couleurs : sculptures, travail in situ, collection MNAM, Paris (1977).

Notes

1 Architecte honoraire, chercheur associé à l’UMR Ressources de l’ENSACF et ancien Professeur de Théories et Pratiques de la Conception Architecturale et Urbaine. Pratique professionnelle en maitrise d’œuvre à Lyon de 1980 à 2020 avec notamment le double réaménagement de la place des Terreaux en association avec Daniel Buren en 1994 et 2019.

2 Le Grand Robert de la langue française, Paris, Le Robert, 2017.

3 Voir Les Couleurs : sculptures, travail in situ, collection MNAM, Paris (1977).

Citer cet article

Référence électronique

Christian DREVET, « Entretien avec Daniel Buren », K@iros [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 30 janvier 2024, consulté le 28 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=873

Auteur

Christian DREVET

UMR Ressources – E.N.S.A.C.F.

Articles du même auteur

Droits d'auteur

Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)