De manière quasi incontestable, l’intégration sous-régionale apparaît aujourd’hui comme un instrument de développement, un cadre fertile de promotion de la paix2, une étape d’apprentissage, de préparation, voire une réponse à l’incontournable mondialisation3. Sans doute faut-il constater que c’est à la faveur de ces qualités indélébiles que sa force de pénétration dans les discours politiques est devenue exceptionnelle. Ainsi, s’il est un terme qui, ces dernières décennies, revient fréquemment dans les discours politiques en Afrique et même dans le monde, c’est bien celui d’« intégration », constate Philippe de Seynes4.
Il s’agit d’un processus par lequel deux ou plusieurs États décident par des accords appropriés de constituer un espace homogène en mettant en place des structures et mécanismes supranationaux destinés à éliminer les obstacles aux échanges et les disparités entre leurs économies. Cette conception économique de l’intégration permet que les producteurs des États membres puissent atteindre les acheteurs et consommateurs desdits États et inversement dans les conditions des échanges existants au sein d’un marché national5.
L’un des objectifs essentiels poursuivis par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) est de fusionner les marchés nationaux des six (6) États membres pour les transformer en un marché commun. Pour le Professeur Jean Boulouis, le marché commun ou marché unique est « une aire géographique unique, substituée à la diversité des aires géographiques nationales qu’elle fusionne, soumise à des règles destinées à réaliser une économie de marché »6. Ce marché commun a besoin pour son émergence d’un minimum d’homogénéité nécessaire. Il s’agit de l’une des tâches prioritaires qui avait été inscrite au programme d’action de l’UDEAC et qui est aujourd’hui reprise mutatis mutandis par les fondateurs de la CEMAC. Il est question ici de faire en sorte que le vaste marché sous-régional soit « non pas statique mais dynamique »7. L’objet d’un marché commun doit être de créer une vaste zone de politique économique commune constituant une puissante unité de production et permettant une expansion continue, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et un développement des relations harmonieuses entre les États qu’il réunit8.
Cette entreprise, aux ambitions élevées, nécessite dans sa consolidation l’élimination des droits de douane intérieurs ou toutes autres mesures d’effets équivalents susceptibles d’affecter le marché commun. Elle nécessite aussi, d’une part, l’institution des règles communes de concurrence applicables aux entreprises et aux aides d’États, d’autre part, la consécration des principes de liberté de circulation au sein de la Communauté. Sous ce dernier angle, le droit communautaire conventionnel dispose que l’Union économique entend créer un marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes9. La consolidation de ce marché, qui constitue le défi de l’intégration sous‑régionale, recommande ainsi entre autres la libre circulation des facteurs de production au rang desquels figurent en bonne place les personnes. La libre circulation des personnes en zone CEMAC s’entend comme la faculté qu’ont les citoyens des États membres à aller et venir au sein de la zone, sans contraintes ni restrictions particulières. Elle renvoie ainsi à la faculté reconnue par les textes d’entrer sans visa dans un autre pays, pour une durée limitée (trois mois au maximum) avec pour seul document un livret d’identité nationale ou un passeport biométrique en cours de validité. Ainsi définie, la libre circulation des personnes fait partie des grandes libertés communautaires. En tant que liberté communautaire, elle est avant tout un droit fondamental, car toute liberté publique est au préalable un droit de l’homme.
À terme, personnes, capitaux, marchandises et services doivent en principe circuler en toute liberté au sein du marché commun. Tel est l’un des objectifs principaux que les créateurs de la CEMAC étaient appelés à atteindre au cours des deux premières étapes d’une durée de cinq ans chacune à compter de l’entrée en vigueur de la convention de l’UEAC10. Plus de vingt ans après l’entrée en vigueur de cette convention, aucun succès plausible n’a été enregistré dans ce domaine. C’est pourquoi la convention de l’UEAC, dont la révision a été faite le 30 janvier 2009 à Libreville, devrait reprendre cet objectif au rang de ses priorités.
Ainsi, au cours de la première étape d’une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la convention (révisée) et dans les conditions prévues par celle-ci, l’Union économique entend entre autres établir, entre ses États membres, la liberté de circulation des personnes11. Cette libre circulation des personnes apparaît dès lors sur le plan communautaire comme un droit fondamental. En l’absence d’une définition normativement consacrée de « droit fondamental »12, plusieurs éléments sont avancés pour qualifier cette notion13. La combinaison de ces éléments fait état de ce que la fondamentalité d’un droit découle de deux approches qu’on peut qualifier de consubstantielles :
D’une part, selon une approche jusnaturaliste, les droits fondamentaux sont ceux qui protègent la dignité de la personne humaine. Avec cette approche, le critère d’humanité est un élément de détermination de la fondamentalité. L’approche axiologique s’inscrit dans cette lancée car, pour elle, un droit est fondamental lorsqu’il est inhérent à l’humanité, à « l’homme en tant qu’homme »14. Selon le jusnaturalisme, un droit fondamental est celui qui présente un caractère universel et son existence n’est pas conditionnée à sa consécration dans un système juridique donné. Dans cette perspective, la fondamentalité ne s’épuise dans aucune norme formelle15. Elle repose sur le caractère essentiel du droit, sur son importance au profit de l’homme. Sous cet angle, un droit fondamental est celui qui est capital pour l’homme et sans lequel, il perd immédiatement sa dignité. Dans cette vision, le concept de droit fondamental se confond avec celui de prétention morale. À cet effet, un tri et une hiérarchisation doivent être faits en fonction de l’importance des droits pour l’homme afin d’opérer une distinction entre les droits qui sont fondamentaux au regard de leur caractère indispensable de ceux qui ne le sont pas. La doctrine et le juge pourront aider le législateur à cet effet. La libre circulation des personnes en zone CEMAC répond ainsi aux canons de la fondamentalité dans son approche jusnaturaliste. Le caractère fondamental de ce droit découle de ce qu’il est essentiel pour la réalisation de l’intégration sous-régionale et substantiel pour l’épanouissement du citoyen communautaire. La libre circulation est un droit prééminent puisqu’elle est non seulement au service des autres droits mais, aussi, est directement attachée au principe de la dignité de la personne humaine. En effet, la liberté d’aller et de venir fait partie des droits fondamentaux de toute société démocratique puisqu’elle s’intègre dans la liberté individuelle16.
D’autre part, un droit peut être fondamental dans une approche positiviste. Cette approche conduit à définir un droit fondamental par le fait de « la reconnaissance de son principe par une norme constitutionnelle ou supranationale (…), une mise en œuvre par le législateur et l’administration, des garanties par les instances supranationales (…) ainsi que par les juridictions nationales… »17. Comme on le voit, l’approche positiviste de la fondamentalité ne se contente pas seulement de prôner la reconnaissance par un texte constitutionnel ou conventionnel mais, aussi, il faut que la portée supérieure de ce texte soit garantie par le juge. Dans cette perspective, un droit fondamental est celui consacré au plus haut degré de l’ordre juridique (normes constitutionnelles et internationales) et qui bénéficie de ce fait de mécanismes spéciaux de garantie18. La libre circulation des personnes en zone CEMAC répond à cette exigence de droit fondamental parce qu’elle bénéficie, soit directement, soit indirectement, d’une consécration constitutionnelle et internationale ainsi que des garanties juridictionnelles de protection. Ainsi, élevée au rang de principe de valeur suprême, tant sur le plan national que communautaire, cette liberté présente deux facettes : le principe même du déplacement qui suppose la libre circulation de la personne à l’intérieur d’un État et le moyen choisi pour ce déplacement19. Elle constitue également l’une des exigences de l’ordre international20. Pour la convention européenne de 1950 sur la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le pacte de l’ONU de 1966 sur les droits civils et politiques, « tout individu est libre de quitter son pays d’origine et d’y revenir ». La Déclaration universelle des droits de l’homme consacrait avec clarté ce principe : « toute personne a le droit de circuler librement et choisir sa résidence à l’intérieur d’un État »21.
Dans le cadre de cette étude, un syncrétisme entre les deux approches sera opéré. Ainsi, un droit fondamental est celui qui, de par son caractère essentiel pour l’homme, bénéficie d’une consécration constitutionnelle ou conventionnelle22 ainsi que des mesures spéciales de protection. C’est cette définition qui doit guider la présente réflexion.
Certains auteurs ont écrit sur la libre circulation des personnes en Afrique centrale23. Respectant leur point de vue, la présente étude se propose de sortir des sentiers battus pour mettre en exergue le caractère fondamental de la liberté de circulation des personnes en zone CEMAC et les facilités de sa mise en œuvre avec pour épicentre les instruments juridiques et le rôle du juge communautaire en la matière. Mais, il faudra au cours de cette étude démontrer aussi que la mise en œuvre de cette liberté n’est toujours pas aisée. Elle continue d’être hypothéquée par des difficultés habituelles et nouvelles, à la fois formelles et matérielles. Le sujet tel que formulé est ainsi digne d’intérêt scientifique car, les auteurs s’intéressent très peu à la fondamentalité de la libre circulation des personnes en matière d’intégration économique au sein de la CEMAC. Il s’agit d’une contribution nouvelle de nature à entraîner l’émergence du processus d’intégration économique dans la zone CEMAC.
Quels sont les contours de la libre circulation des personnes en tant que droit fondamental en zone CEMAC ? Au regard de cette interrogation, il est établi que la liberté de circulation des personnes dans cette zone d’intégration est un droit fondamental en quête de son effectivité totale. Sur la base de la méthode dogmatique24 et casuistique25, complétée par le recours au droit comparé26, et à la lumière de la technique documentaire27 et de celle par enquête28, une réponse à la problématique dégagée sera apportée. La combinaison de tous ces éléments dans la présente étude permet de voir un caractère fondamental affirmé de la libre circulation des personnes en zone CEMAC (I) et une effectivité toujours mitigée de cette liberté (II).
I. Un caractère fondamental affirmé
La fondamentalité de la libre circulation des personnes occupe aujourd’hui une place centrale au sein de la construction communautaire en Afrique centrale. Elle participe de ce fait à la consolidation d’une Communauté de droit. Dans cette perspective, à la dimension économique de la Communauté a été associée la dimension juridique. Il s’agit d’un élément commun à de nombreux systèmes de droit. Elle est présente dans les instruments à vocation aussi bien universelle que nationale. Cette fondamentalité de la liberté de circulation se traduit en Afrique centrale par la consécration de cette liberté par les textes capitaux (A) ainsi que l’affirmation de son caractère essentiel (B).
A. La consécration par les textes fondamentaux du principe de la libre circulation des personnes
Au regard de l’approche positiviste, les droits fondamentaux sont ceux exprimés ou garantis par les normes supérieures d’un ordre juridique donné29. C’est cette consécration qui forme entre autres la fondamentalité de la libre circulation des personnes dans la zone CEMAC. À l’analyse du droit en vigueur en Afrique centrale, les textes suprêmes de l’ordre juridique qui ont consacré le principe de la libre circulation des personnes sont de deux ordres : les textes communautaires (1) et certaines constitutions des États membres (2).
1. La consécration communautaire de la libre circulation des personnes
Prévue depuis l’article 27 du traité de l’UDEAC du 8 décembre 1964, renchérie par l’acte n° 01/72-UDEAC du 22 décembre 1972 consacrant la libre circulation des personnes et reprise par les articles 2, 4 et 27 de la convention de l’UEAC du 25 juin 1999 puis les articles 2 (c), 4 (b et c) et 27 (a) de la convention révisée de l’UEAC du 30 janvier 2009, la libre circulation des personnes, au départ, intégrait au sein de la CEMAC uniquement la libre circulation tant des salariés ou des travailleurs30 que la libre circulation des indépendants qui contient le droit d’établissement31. Au fil des ans, cette liberté de circulation des personnes a été élargie à tous les citoyens communautaires sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public32.
Il est important de relever que la consécration de la libre circulation des personnes au sein de la CEMAC a connu plusieurs étapes. À chaque étape, différents textes ont été adoptés. À ce sujet, on peut citer, entre autres, l’accord de coopération en matière de police criminelle entre les États de l’Afrique centrale du 29 avril 1999 ; le règlement n° 1/100 -CEMAC-042-CM-04 du 21 juillet 2000 portant institution et conditions d’attribution du passeport CEMAC ; l’accord de coopération Interpol-CEMAC du 29 mars 2001 ; l’accord de coopération judiciaire entre les États de la CEMAC du 28 janvier 2004 ; l’Acte additionnel n° 08/CEMAC-CEE-SE du 29 juin 2005 relatif à la libre circulation des personnes en zone CEMAC ; la décision n° 02/08-UEAC-CM-17 du 20 juin 2008 portant liste des personnes admises à titre transitoire à circuler sans visa en zone CEMAC ; le règlement n° 01/08-UEAC-042-CM-17 du 16 mars 2010 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC ; la décision n° 2/11 ‑UEAC‑070‑U-CM-22 du 19 décembre 2011 portant extension de l’accès aux services d’Interpol I ‑24/7 ; l’Acte additionnel n° 01/13-CEMAC-070 U-CCE S.E du 25 juin 2013 portant suppression du visa pour tous les ressortissants de la CEMAC circulant dans l’espace communautaire. Cet acte additionnel est annexé au traité de la CEMAC et complète celui-ci sans le modifier. Son respect s’impose aux institutions, organes et institutions spécialisées de la Communauté ainsi qu’aux autorités des États membres33.
À la faveur de cet acte additionnel de 2013, « la circulation des ressortissants des États membres de la CEMAC est libre sur l’ensemble de l’espace communautaire à partir du 1er janvier 2014… »34. Cette libre circulation comporte le droit de se déplacer sans visa et de séjourner dans tout autre État de la Communauté pour une durée de 90 jours au plus35. Dans tous les cas, les ressortissants des États membres de la CEMAC qui voyagent ou séjournent sur le territoire d’un autre État membre jouissent, à l’exception des droits politiques, de tous les droits et libertés reconnus aux nationaux du pays hôte, sous réserve du respect des lois et règlements en vigueur dans ledit État36. Ainsi, l’Acte additionnel n° 01/13 du 25 juin 2013 signé par le Président Ali Bongo Ondimba élargit à l’ensemble des citoyens des six États membres de la CEMAC, grâce au consensus du 14 juin 201337, la libre circulation des personnes.
Comme il est loisible de le constater, la fondamentalité de la libre circulation des personnes au sein de la CEMAC se justifie, entre autres, par sa consécration communautaire. À côté de cette consécration communautaire, cette libre circulation a aussi bénéficié de la consécration constitutionnelle dans certains États membres.
2. La consécration constitutionnelle de la libre circulation des personnes
Le fondement constitutionnel de la libre circulation des personnes dans la zone CEMAC n’est pas très perceptible à la lecture des normes fondamentales des États membres. Certes, de manière interprétative ou indirecte, on décèle des traces relatives à cette liberté fondamentale. En effet, les États membres de la CEMAC sont désormais convaincus que le salut de l’Afrique en général et de l’Afrique centrale en particulier se trouve dans la réalisation d’une solidarité et d’une coopération de plus en plus étroites entre les peuples. Certains l’ont d’ailleurs affirmé dans leur constitution38. Ces dispositions constitutionnelles, qui consacrent la coopération et la solidarité entre les États africains, s’inscrivent dans la logique d’une intégration régionale ou sous-régionale. Or, il n’y a pas d’intégration réussie sans libre circulation effective des personnes. Ces dispositions constitutionnelles sont donc indirectement propices à la libre circulation des personnes. C’est pourquoi les États ont exprimé la volonté d’aménager un statut à leurs ressortissants, lequel garantit une liberté de mouvement à l’intérieur de l’espace communautaire.
Dans les préambules constitutionnels, certains États ont affirmé leur volonté d’œuvrer à la construction d’une Afrique (centrale) unie. Dans cette perspective, les pays membres de la Communauté s’engagent à entretenir avec les autres nations des relations pacifiques et fraternelles conformément aux principes formulés par la Charte des Nations Unies. Dans ses dispositions liées au préambule de la constitution, le Cameroun affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans toutes les conventions internationales dûment ratifiées39. Il en est de même du Gabon40. Le Tchad, quant à lui, proclame son attachement à la cause de l’unité africaine et exprime son engagement à tout mettre en œuvre pour réaliser l’intégration sous-régionale et régionale41. Le Congo, pour sa part, fait partie intégrante de la constitution les principes fondamentaux proclamés et garantis par tous les textes internationaux pertinents dûment ratifiés relatifs aux droits humains42. La Guinée équatoriale, en ce qui la concerne, s’attache aux principes du droit international et réaffirme son adhésion aux droits et obligations qui émanent des chartes des organisations et organismes internationaux auxquels elle adhère43. Convaincue de la nécessité de l’intégration politique, économique et sociale au plan sous-régional et régional, la RCA, pour elle, réitère sa volonté de coopérer dans la paix et l’amitié avec tous les États. Elle réaffirme son adhésion à toutes les conventions internationales dûment ratifiées44.
Comme on peut le constater, la lecture et l’analyse des constitutions de la quasi-totalité des États membres de la CEMAC permettent de retrouver les « indices qui placent l’Homme au centre de la coopération régionale, c’est-à-dire l’élément moteur de l’animation communautaire, et donc largement favorable à la libre circulation des personnes »45. Elles permettent aussi de déceler l’attachement de ces États aux libertés fondamentales inscrites dans les conventions internationales dûment ratifiées. Or, la liberté de circulation figure parmi ces libertés fondamentales inscrites dans la convention UEAC dûment ratifiée par les États membres. La liberté de circulation dans la zone CEMAC a donc une source constitutionnelle.
Au-delà de cela, que la consécration constitutionnelle de la libre circulation des personnes soit directe ou indirecte, expresse ou implicite, elle marque la fondamentalité de ce droit. Cette fondamentalité apparaît aussi à l’examen du caractère essentiel de la libre circulation des personnes.
B. Le caractère essentiel de la libre circulation des personnes
De par l’approche jusnaturaliste, les droits sont dits fondamentaux lorsque, d’une part, ils sont indispensables à l’être humain et, d’autre part, substantiels à l’existence et au contenu d’autres droits de cet ordre. La libre circulation des personnes consacrée dans la zone CEMAC fait partie intégrante de cette catégorie. C’est pourquoi elle est une liberté individuelle inaliénable46. Elle est essentielle dans cette zone en ce que non seulement elle contribue à la consolidation de la citoyenneté communautaire mais aussi s’affirme comme un élément d’affermissement de l’intégration sous-régionale47.
1. La consolidation de la citoyenneté communautaire
La citoyenneté est la qualité de la personne disposant, dans une communauté politique donnée, de l’ensemble des droits civils et politiques. Le sociologue Marshall la définit comme « un statut légué aux membres d’une communauté. Tous ceux qui possèdent ce statut sont égaux devant les droits et devoirs qui sous-tendent le statut48. » La citoyenneté est ainsi une collection de droits et d’obligations qui donne aux individus une identité juridique formelle49. Au sens du droit, elle est un principe qui autorise à doter l’individu d’une légitimité juridique lui permettant de devenir officiellement membre et citoyen d’un pays ou d’une communauté. Il s’agit d’une notion floue qui s’apparente à « un fourre-tout dans lequel on peut ranger un certain nombre d’attributs de nature et de portée très différentes : le droit de la libre circulation et de séjour, le droit de vote et d’éligibilité pour tous les ressortissants, le droit à la protection diplomatique »50.
Au départ, la citoyenneté était attachée à la nation parce qu’elle s’exerce dans le cadre national qui lui a fourni ses bases culturelles et historiques. Au fil des ans, elle a traversé les frontières pour être communautaire.
Au plan communautaire, l’un des droits conférés par la citoyenneté est la libre circulation. Ainsi, citoyenneté et libre circulation des personnes entretiennent des rapports étroits, l’une permettant la consolidation de l’autre. En d’autres termes, « la reconnaissance de la liberté de circulation des personnes est un principe fondateur de la citoyenneté dans un cadre bien défini »51. À la faveur de la libre circulation, il s’agit de favoriser l’éclosion d’une citoyenneté CEMAC qui sera en réalité l’instrument d’une solidarité plus étroite entre les peuples de la sous-région. Dès lors, on peut constater que la citoyenneté s’exerce essentiellement dans le cadre des droits de l’homme52, car le fait d’être un citoyen qui bénéficie de certains droits et libertés renforce la protection de l’individu. Il existe donc pour les citoyens un lien entre l’appartenance à la CEMAC et la protection des droits de l’homme. Sous cet angle, on trouve certaines similitudes car la citoyenneté au sein de la CEMAC ressemble en partie à la citoyenneté de type classique. Dans cette Communauté, la citoyenneté recouvre un ensemble de droits et libertés. Au rang de ces droits et libertés figure en bonne place la liberté de circulation des personnes à l’intérieur de toute la zone. Cette liberté vise un objectif à terme à savoir permettre l’émergence d’une citoyenneté sous‑régionale53.
Dès lors, ce qui caractérise la citoyenneté au sein de la CEMAC c’est le sentiment d’appartenir à une Communauté qui dépasse les frontières nationales et au sein de laquelle se développent des projets communs. Ainsi, est citoyen de la Communauté toute personne ayant la nationalité d’un État membre54. La citoyenneté communautaire complète désormais donc la citoyenneté nationale sans toutefois la remplacer55. Il importe tout de même de relever qu’à côté de la complémentarité entre la citoyenneté nationale et la citoyenneté communautaire, il y a une sorte de dépendance puisqu’avoir la nationalité d’un État membre est une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier des droits et des libertés réservés aux citoyens de la CEMAC. Il s’agit, entre autres, de la libre circulation, du droit d’élire les députés du parlement sous-régional et donc se sentir impliqué à la gestion de la chose communautaire.
Le droit de circuler librement sur le territoire des États membres, même en dehors d’une activité professionnelle, est l’un des droits réservés aux citoyens de la CEMAC. Il est particulièrement significatif dans la Communauté qui est théoriquement un espace ouvert sans frontières intérieures. Sur cette base, tout citoyen de la Communauté a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les textes. Ainsi, le droit communautaire de la libre circulation, une fois intégré dans les systèmes juridiques des États membres, crée des droits qui s’inscrivent dans le patrimoine juridique des particuliers, avec la conséquence que ce droit peut être invoqué par les citoyens communautaires. Par sa force de pénétration, le droit communautaire de la libre circulation s’impose aux pouvoirs publics nationaux ainsi qu’aux juridictions internes qui en assurent la pleine application56.
À la faveur de l’Acte additionnel n° 01/CEMAC-070 du 25 juin 2013, signé par le Président Ali Bongo Ondimba, la libre circulation est élargie à l’ensemble du peuple des six États grâce au consensus du 14 juin 2013. Y faisant suite, les millions de ressortissants des pays de la CEMAC57 peuvent circuler sans visa dans l’ensemble du territoire communautaire. En le faisant, ils sont ainsi devenus les acteurs d’une citoyenneté CEMAC qui, aujourd’hui, est matérialisée entre autres par la libre circulation à travers la simple présentation d’un passeport CEMAC ou d’une carte nationale d’identité en cours de validité. Dans tous les cas, il faut relever que la libre circulation des personnes dont l’une des missions essentielles est de consolider la citoyenneté communautaire est envisagée dans l’optique du renforcement de l’intégration économique.
2. Le renforcement de l’intégration économique
Instrument décisif de la construction communautaire58, la libre circulation des personnes, par le fait qu’elle facilite le brassage des populations, est un élément important d’affermissement de l’intégration sous-régionale. En effet, il n’y a pas d’intégration réussie sans libre circulation effective des personnes et des autres facteurs de production.
La libre circulation des personnes est la clé de l’intégration car, pour réussir l’intégration, il va falloir que les personnes se sentent libres de circuler. Elle a pour finalité la facilitation d’une intégration réelle de la sous-région à travers la mise en place du marché commun. Elle facilite le fonctionnement harmonieux des organes et institutions communautaires puisque les personnes qui les animent en ont besoin pour leur épanouissement. Cette libre circulation des personnes a le mérite d’être au centre de toutes les formes d’intégration : économique, politique, sociale et humaine. Il s’agit d’un facteur essentiel pour le développement de l’Afrique centrale. Loin d’être un enjeu majeur pour l’éclosion du citoyen communautaire, la libre circulation est en effet une condition sine qua non pour réaliser l’objectif d’une Afrique centrale unie et prospère. Il est illusoire de penser arriver à une intégration des peuples sans une libre circulation effective des ressortissants de la zone. Il s’agit d’un élément indicateur de l’intégration sous-régionale puisqu’elle permet de mesurer la maturité politique des États membres et le chemin parcouru en matière de construction communautaire.
C’est peut-être au regard de ces enjeux, et après plusieurs années de tergiversations, que les États membres de la CEMAC ont enfin donné à N’Djamena, lors d’un sommet extraordinaire des Chefs d’État tenu le 31 octobre 2017, la pleine mesure de leur solidarité en rendant définitive la libre circulation des personnes dans l’espace communautaire. Pour accompagner cette mesure, souhaitée irréversible, la Conférence des Chefs d’État de la CEMAC a décidé d’autoriser la BDEAC à prélever sur les ressources du Fonds de développement de la Communauté, le montant de 1,7 milliard de FCFA pour le paiement du reliquat dû à Interpol au titre de la sécurisation des frontières de la Communauté59. Elle a également enjoint à la Commission de la CEMAC de prendre toutes les dispositions pour la création des postes sécurisés aux frontières, afin de réserver le bénéfice exclusif de la libre circulation aux ressortissants de la Communauté60. Enfin, la Conférence a exhorté les États membres qui n’ont pas encore produit leur passeport CEMAC à le faire dans les meilleurs délais61. La notion de « meilleurs délais » employée ici, bien que traduisant l’urgence, est imprécise et peu favorable à une réaction prompte des États membres. La Conférence aurait gagné en fixant clairement ces délais.
Admise au sein de la CEMAC désormais sur simple présentation du passeport ou d’une carte nationale d’identité en cours de validité pour les ressortissants des six États de la CEMAC, la libre circulation permettra de renforcer de façon significative le processus d’intégration. Sa réalisation effective sur le terrain sera un bond qualitatif dans le processus d’intégration et un motif de visibilité et de crédibilité de ce processus. La libre circulation des personnes au sein de la CEMAC, sans visa préalable pour les ressortissants de la zone, constitue inéluctablement le trait d’union, la cohésion entre les peuples, le ciment de l’unité des États membres et le catalyseur du développement économique et social de la zone.
Tout en saluant l’étape fondamentale qu’a traversée théoriquement en 2017 l’Afrique centrale en matière de libre circulation des personnes, on est autorisé à regretter le retard accusé car, en Europe, la libre circulation des personnes a été le moteur du processus d’intégration économique. C’est sans doute cette expérience européenne qui a stimulé le processus d’intégration par la libre circulation en Afrique de l’Ouest62. Cette sous-région, qui a impulsé en Afrique la libre circulation des personnes au moyen d’une carte d’identité, a connu depuis 2009 une étape supplémentaire en cette matière. En effet, il est institué, depuis cette année-là, la reconnaissance mutuelle des visas délivrés par les États membres de l’UEMOA au profit des personnes non ressortissantes de l’Union63. Dans cette perspective, tout visa délivré par un État membre de l’UEMOA à ces personnes est valable dans les autres États membres de l’Union. À cet effet, les bénéficiaires de tels visas sont admis à circuler librement à l’intérieur du territoire de l’Union64. Dans la même lancée d’ouverture, les personnes ressortissantes des États membres de la CEDEAO sont dispensées du visa d’entrée sur le territoire de l’Union mais le passeport leur est exigé65. Cette pratique a conduit à l’institution d’un visa unique UEMOA66. Cette évolutioninscrit par-là cette sous‑région dans la logique de la zone Schengen européenne.
Au regard de ce qui précède, si l’Afrique de l’Ouest brille par un effort de réalisme en matière de libre circulation des personnes, l’Afrique centrale, pour sa part, continue de s’affirmer comme le bastion des paradoxes. En effet, le droit communautaire de la libre circulation au sein de la CEMAC continue de naviguer entre incertitudes juridico-politiques et réalités pratiques de brassages incontrôlés des populations, parfois sources de tensions et de conflits graves67.
Consacrée par des textes fondamentaux, cette libre circulation des personnes en Afrique centrale connaît, à l’épreuve de son effectivité, un destin mitigé.
II. Une effectivité toujours mitigée
Le principe de la libre circulation des personnes au sein de la CEMAC a été affirmé, en termes théoriques, depuis longtemps. Sa mise en œuvre constitue une sorte de talon d’Achille du droit communautaire dans sa globalité et plus précisément du respect des libertés publiques au sein de la Communauté. Mais, à l’épreuve de la pratique, la libre circulation des personnes, dont les facilités de mise en œuvre sont connues (A), continue d’avoir de nombreuses difficultés (B).
A. Les facilités de mise en œuvre de la libre circulation des personnes
La libre circulation des personnes sur le plan communautaire n’est pas appelée à demeurer une simple pensée philosophique ou une vue de l’esprit. Une fois consacrée, cette liberté doit quitter le stade théorique pour bénéficier d’une mise en œuvre. Les instruments juridiques de mise en œuvre de cette libre circulation des personnes dans la zone CEMAC68 existent (1). Ces instruments sont à la fois institutionnels et normatifs, nationaux et communautaires. Dans ce processus, le juge communautaire est appelé à contribuer à l’affermissement de cette liberté (2).
1. Les instruments juridiques de mise en œuvre de la libre circulation
L’un des objectifs majeurs fixés par l’Union Économique de l’Afrique Centrale a été sans cesse la création d’un marché commun fondé sur la libre circulation des personnes. En cette matière, plusieurs textes ont été adoptés par les instances communautaires pour favoriser son effectivité69. À la faveur de ces textes, et à l’origine, le passeport CEMAC était le tout premier document censé faciliter la circulation des personnes au sein de la zone70.
Mais cette initiative au sujet de la libre circulation dans toute la zone CEMAC au moyen d’un passeport communautaire, qui était déjà pourtant louable et dont l’entrée en vigueur dans tous les États était prévue pour le 1er juillet 2007, a été différée au 1er janvier 201071, date butoir. Entre-temps, et plus précisément lors du 9e sommet des Chefs d’État de la CEMAC, tenu les 24 et 25 juin 2008 à Yaoundé, le règlement portant adoption du passeport CEMAC a été amendé. Au bénéfice de cette modification, le passeport CEMAC, désormais reconnu à tous les citoyens communautaires, constituera à la fois un document de voyage et une pièce d’identité conférant à son titulaire le droit de circuler sans visa au sein de l’espace communautaire72. Au moment où l’on attend que ces dispositions révisées produisent leurs effets erga omnes dès le 1er janvier 2010 comme initialement prévu, on sera surpris de voir cette date butoir prolongée à la fin du 1er trimestre 201073. À cette date, l’effectivité de la libre circulation attendue n’a pas été toujours réelle à cause du micronationalisme exacerbé des États. Malgré les cris de détresse des ressortissants de la CEMAC victimes des expulsions çà et là, il a fallu attendre 2013 pour qu’un pas supplémentaire soit fait en matière de libre circulation des personnes dans cette zone. À la faveur de l’Acte additionnel n° 01/13-CEMAC-070 U-CCE-SE du 25 juin 2013, les visas ont été supprimés pour tous les ressortissants de la CEMAC circulant dans l’espace communautaire à compter du 1er janvier 201474. Cette libre circulation, désormais conditionnée à la simple présentation d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport biométrique délivré(e) par un État membre et en cours de validité, comporte le droit de se déplacer et de séjourner dans tout autre État de la Communauté pour une durée ne dépassant pas 90 jours75.
Toutefois, il convient de relever que cette décision de libre circulation à compter du 1er janvier 2014 n’était pas entrée en vigueur à cause des réserves émises par la Guinée Équatoriale. Il a fallu attendre la 12e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État tenue à Libreville le 6 mai 2015 pour que cette réserve soit levée. C’est sur la base de cette levée de réserve que les ressortissants des pays de la CEMAC ont été autorisés depuis le 7 mai de la même année à circuler sans visa à l’intérieur du territoire communautaire munis simplement, soit de la carte d’identité nationale biométrique, soit du passeport biométrique, qu’il soit ordinaire, diplomatique ou de service. Malgré les dispositions communautaires, le Gabon et la Guinée équatoriale avaient refusé de rendre effective la libre circulation des personnes dans leur territoire. On devait attendre le 6 octobre 2017 pour voir le Gabon prendre un arrêté autorisant cette libre circulation des ressortissants des États membres de la CEMAC. Une circulaire y relative a été co-signée le 19 octobre 2017 par deux membres du gouvernement76 pour donner d’autres précisions77. En substance, le gouvernement gabonais lève l’obligation de visa d’entrée ou d’autorisation de sortie aux ressortissants des États membres de la CEMAC. Avant la tenue du sommet extraordinaire des Chefs d’État du 31 octobre 2017 à N’Djamena, La Guinée Équatoriale a suivi aussi le pas en rendant effective, la libre circulation des personnes dans son territoire.
Malgré les mesures prises pour veiller au strict respect du droit communautaire, on remarque dans le champ pratique que certains États continuent d’exprimer leur réticence au processus de libre circulation des personnes. Une simple curiosité permet de constater que cette liberté a été pendant longtemps persécutée. Elle est violée sans état d’âme et de manière répétitive par les États membres de la CEMAC qui restent, à ce sujet, impunis. Pourtant, un juge avait été institué pour veiller à la saine application de ce droit communautaire.
2. Le rôle du juge dans la mise en œuvre de la libre circulation
La libre circulation des personnes est une liberté fondamentale qui s’inscrit au rang des libertés communautaires. En tant que tel, le juge devrait s’affirmer comme le premier garant de son effectivité78. Cela ne devrait pas en être autrement car, « là où il y a une règle de droit, il doit y avoir un juge qui puisse sanctionner la violation de celle-ci »79. Consacrée par le droit communautaire originaire et renforcée par le droit dérivé, la libre circulation des personnes est appelée à bénéficier de la protection du juge au sein de la CEMAC. Il s’agit du juge communautaire et du juge national.
Sur le plan purement communautaire, le traité révisé de la CEMAC du 30 janvier 2009 dispose que « la Cour de justice assure le respect du droit dans l’interprétation et dans l’application du présent traité et des conventions subséquentes »80. Ces dispositions ont été reprises par l’article 2 de la convention révisée régissant la Cour de justice communautaire. Cette institution judiciaire est ainsi compétente pour sanctionner les cas de violation des droits et libertés communautaires au niveau de leur mise en œuvre81. La libre circulation des personnes, étant une liberté consacrée par le droit communautaire originaire et dérivé, son non-respect, soit par un État membre, une institution, une institution spécialisée ou par un organe de la CEMAC, constitue la violation du droit communautaire. À la lecture combinée des articles 48 (premier paragraphe) du traité révisé de la CEMAC, 2, 23 et 26 de la convention révisée régissant la Cour de justice de la CEMAC, cette instance juridictionnelle est compétente pour connaître des recours en manquement des États membres ; des recours en carence des institutions, organes et institutions spécialisées ; des recours en annulation des règlements, directives et décisions des institutions, organes et institutions spécialisées de la CEMAC ; des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions, organes et institutions spécialisées ou par les fonctionnaires ou agents de la Communauté dans l’exercice de leurs fonctions ; des litiges entre la CEMAC et ses fonctionnaires et/ou agents contractuels et des recours contre les sanctions prononcées par des organismes à fonction juridictionnelle de la Communauté. En outre, à titre préjudiciel, la Cour statue sur l’interprétation du traité de la CEMAC et des textes subséquents, sur la légalité et l’interprétation des actes communautaires dérivés quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle est appelé(e) à en connaître à l’occasion d’un litige82.
Aux termes de l’article 24 de la convention du 30 janvier 2009 régissant la Cour de justice communautaire, « la Cour connaît, sur recours de tout État membre, de toute institution, organe ou institution spécialisée de la CEMAC ou de toute personne physique ou morale qui justifie d’un intérêt certain et légitime, de tous les cas de violation des dispositions du traité de la CEMAC et des textes subséquents ». Dès lors qu’elle est saisie, la Cour est tenue de statuer. À cet effet, elle « rend, en premier et dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation du traité de la CEMAC et des textes subséquents dont elle est saisie conformément à ses règles de procédure »83. La Cour de justice, saisie conformément aux dispositions de l’article 24 suscitées, « contrôle la légalité des actes juridiques déférés à sa censure »84. L’article 25 de la même convention de 2009 précise que « statuant en matière de contrôle de la légalité des actes juridiques de la CEMAC et d’actes s’y rapportant, la Cour prononce la nullité totale ou partielle des actes entachés de vice de forme, d’incompétence, de détournement de pouvoir, de violation du traité et des textes subséquents de la CEMAC ou des actes pris en application de ceux-ci. L’État membre, l’institution, l’organe ou l’institution spécialisée dont émane l’acte annulé est tenu de prendre des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour. Celle-ci a la faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérés comme définitifs et de prononcer une astreinte ». Sous cet angle, la Cour de Justice communautaire (CJC) s’affirme comme gardienne des normes communautaires. Elle veille à leur respect et est appelée à sanctionner toute violation85 qu’elle émane de l’État membre, de l’institution ou de l’organe communautaire.
Si l’on s’en tient aux dispositions des articles 48 (premier paragraphe) du traité révisé de la CEMAC du 30 janvier 2009, 2, 23, 24, 25 et 26 de la convention révisée du 30 janvier 2009 susévoquée, on aurait tendance à affirmer qu’en cas de violation du droit communautaire, la Cour de justice de la CEMAC détient toutes les compétences et le juge national n’a rien à faire. Il n’en est pourtant rien et la Cour de justice de la CEMAC l’a réitéré dans les espèces Société Anonyme des Brasseries du Cameroun c/La République du Tchad86, USTC et Syndicat des douaniers centrafricains c/État centrafricain87 et Société Wardi Amdjarass Transit S.A. c/État tchadien (M. Hodjimta Astal)88. Dans ces affaires, la Cour de justice de la CEMAC s’était déclarée systématiquement incompétente en se fondant sur les articles 2, 5 du traité CEMAC de 1994 et 11 de la convention régissant la Cour de justice de la CEMAC de 1996 aujourd’hui repris par les articles 48 du traité révisé de la CEMAC, 2, 23 et 26 de la convention révisée régissant la Cour de justice de la CEMAC. On peut à ce stade regretter le fait pour le juge communautaire d’avoir méconnu ou ignoré dans sa démarche les dispositions pertinentes des articles 14 et 15 de la convention régissant la Cour de justice de la CEMAC de 1996 reprises mutatis mutandis par les articles 24 et 25 de la convention révisée de 2009 régissant la CJC.
À l’examen de ces arrêts, la Cour de justice de la CEMAC, sans évoquer ces dispositions communautaires lui permettant de connaître du contentieux des actes de droit interne pris en violation du droit communautaire tel que relevé aux articles 24 et 25 ci-dessus cités, s’est toujours déclarée incompétente pour statuer sur les actes nationaux pris en violation du droit communautaire. Aux motifs de cette incompétence, la Cour avance que « l’acte contesté est une mesure de droit interne » et que le contrôle de la légalité des actes juridiques pris par les États membres est exclu de sa compétence89. Ce juge est plus explicite lorsqu’il affirme que « le contrôle de la légalité de cet acte juridique de l’État tchadien ne relève donc pas de la compétence de la Cour de justice de la CEMAC qui n’assure que le respect « des dispositions des traités de la CEMAC et des conventions subséquentes par les États membres, les institutions et les organes de la CEMAC », au sens de l’article 2 deuxième tiret de la convention la régissant »90. En plus, selon le juge, « en vertu du principe de la séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour communautaire91, la contestation d’un acte administratif interne relève du juge national »92. La démarche de la Cour visant à se déclarer systématiquement incompétente, tout en ignorant en son temps l’existence des articles 14 et 15, dont le contenu est repris depuis le 30 janvier 2009 par les articles 24 et 25 de la convention révisée de la CJC, est curieuse et suscite quelques interrogations sur la formation des juges communautaires au sein de la CEMAC.
Au sujet du juge national, sa compétence pour sanctionner les actes de violation du droit communautaire n’est pas très perceptible à la lecture de la convention régissant la CJC. Pourtant, le juge national est appelé à assurer le contrôle de « communautariété »93 de l’ordre juridique interne et sanctionner la violation du droit communautaire à l’intérieur du pays. En le faisant, il assure la protection effective des droits des justiciables tirés du droit communautaire. Cela implique l’obligation d’assurer une protection directe, effective et efficace des droits que les textes communautaires confèrent aux particuliers. Au rang de ces droits, figure en place privilégiée la libre circulation des personnes. Certes, les moyens d’y parvenir sont puisés dans l’ordre interne conformément au principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale dont bénéficient les autorités des États membres dans la mise en œuvre du droit communautaire94. Sous cet angle, le juge national devient le juge de droit commun du droit communautaire dans son application aux différents territoires des États95, tout comme il l’est de son propre droit interne96. Cette démarche est bien perceptible au sein de l’OHADA et de l’UEMOA97. La Cour de justice de la CEMAC l’a réitéré dans l’affaire Société Wardi Amdjarass transit S.A. c/État tchadien susévoqué. Sous cet angle, on comprend dès lors que toute violation du droit communautaire par un acte de droit interne relève de la compétence du juge national qu’il soit juge administratif, pénal, civil ou constitutionnel. En effet, en tant que droit fondamental, de par son caractère essentiel et sa consécration constitutionnelle, la libre circulation des personnes devrait aussi bénéficier de la protection du juge constitutionnel à travers le mécanisme du contrôle de la constitutionnalité98. Malheureusement, l’office de ce juge est moins opérant à cause, d’une part, de son accès difficile dans certains pays99, d’autre part, de l’ignorance des citoyens communautaires, en cas de méconnaissance de cette liberté communautaire, à le saisir dans les pays où cette saisine directe du juge constitutionnel par un simple citoyen est possible100.
Quoi qu’il en soit, au sein de la Communauté, et à la lecture des articles 48 (premier paragraphe) du traité révisé de la CEMAC du 30 janvier 2009, 22, et suivants de la convention régissant la Cour de justice de la CEMAC, il se pose un réel problème de répartition des compétences entre le juge communautaire et le juge national101. À la vérité, la Cour de justice de la CEMAC ne saurait prétendre connaître de tous les cas de violation du droit communautaire par les autorités nationales comme le laisse penser la lecture des articles 24 et 25 de la convention régissant la Cour. Il est ainsi souhaitable que le législateur communautaire clarifie cette situation en distinguant sans équivoque en cas de violation du droit communautaire les compétences de la Cour et celles du juge national. En la matière, il est indiqué que la Cour communautaire soit compétente pour statuer sur les recours en interprétation, en manquement d’État, en carence des institutions et organes, en réparation des préjudices causés par les institutions et organes communautaires ainsi que par les fonctionnaires et agents de la Communauté dans l’exercice de leurs fonctions, des litiges entre la CEMAC et ses fonctionnaires ou agents, des recours contre les sanctions prononcées par les organismes à fonction juridictionnelle de la Communauté et de toute violation du droit communautaire par les institutions, institutions spécialisées et organes communautaires. Le juge national, quant à lui, doit connaître de tous les cas de violation du droit communautaire à l’intérieur de l’État membre à l’exception du recours en manquement d’État. Dans cette perspective, il est convenable d’amender les dispositions des articles 24 et 25 de la convention de la Cour de justice qui semblent créer un imbroglio ou une incongruité juridique au sein de la CEMAC. Une révision des textes communautaires et plus précisément de la convention révisée régissant la CJC dans le sens de cette répartition claire des compétences est nécessaire pour dissiper certaines équivoques. Mais, en attentant la révision de ces dispositions, jugées incongrues, elles doivent être appliquées sans état d’âme par le juge car, elles relèvent du droit positif.
À travers ce qui précède, on comprend que la libre circulation des personnes demeure, à l’épreuve de la mise en œuvre, un principe évanescent et pathologique. De nombreuses difficultés expliquent cette situation en Afrique centrale.
B. Les difficultés de mise en œuvre de la libre circulation des personnes
La libre circulation des personnes à l’étape de sa mise en œuvre en Afrique centrale ne bénéficie pas d’un parcours toujours aisé. Elle est affectée par de nombreuses difficultés à la fois formelles (1) et matérielles (2).
1. Les difficultés formelles
En Afrique centrale, la libre circulation des personnes est encore plus une illusion qu’une réalité. Elle reste enfermée dans un mythe en raison des conflits liés aux intérêts nationaux. À la vérité, la libre circulation des personnes est entravée au sein de la CEMAC au même titre que l’intégration économique elle-même. Dans la globalité, le droit communautaire de la libre circulation souffre d’une carence en matière d’individualisation normative, de l’insuffisance des garanties de sa primauté sur les droits nationaux et surtout le droit constitutionnel, de l’évanescence des conditions de l’application, de l’opposabilité et de l’invocabilité en droit interne des règles du droit communautaire en matière de libre circulation ou encore de l’inexistence de mécanisme de sanction des incompatibilités entre le droit de la CEMAC et les droits internes. À côté de ces difficultés, il y en a d’autres liées à l’effectivité du tarif extérieur commun102, au faible office du juge national en général et du juge constitutionnel en particulier dans les États membres de la CEMAC et à la coexistence de deux institutions d’intégration économique, à savoir la CEMAC et la CEEAC, dans la même zone103. Cette superposition institutionnelle en Afrique centrale n’augure pas de lendemains meilleurs pour le droit de la libre circulation. D’ailleurs, face à cette situation, l’Union africaine a tendance à privilégier la CEEAC en lieu et place de la CEMAC. Il s’agit là d’autant d’éléments pathologiques qui, associés à l’extrême timidité de l’engagement des pouvoirs publics nationaux et à l’amaigrissement du pouvoir réglementaire des organes compétents de la CEMAC, expliquent les difficultés formelles de l’intégration par la libre circulation104.
Au sein de la CEMAC, le micronationalisme est encore fortement présent. Sinon comment expliquer l’expulsion massive des Camerounais dans de nombreux pays de la CEMAC ? Sur ce point, on a en triste souvenir ces dix dernières années qu’en septembre 2009 et février 2010, les Camerounais ont été expulsés de la Guinée Équatoriale105 ; en février 2010, certains Camerounais ont été expulsés du Gabon sous prétexte qu’ils étaient en situation irrégulière106 ; en plus, de nombreux Camerounais ont été refoulés en 2011 au niveau des frontières gabonaises107 alors qu’ils étaient détenteurs non seulement du passeport CEMAC mais aussi du visa108 et des reçus de paiement des droits de franchise au niveau des frontières bien que ces deux dernières pièces soient communautairement illégales109. Il en a été de même en 2012, 2013 et 2014. Ce tableau sombre a continué en 2015 car, le 27 juin, alors que tous les espoirs sont fondés sur la libre circulation des personnes comme vecteur de l’intégration, les Camerounais et les Centrafricains ont été expulsés du Tchad, arguments tirés de ce qu’ils étaient en situation irrégulière et auraient contribué aux attentats de N’Djamena110. En réplique, près de 47 Tchadiens ont été expulsés du Cameroun le lendemain c’est-à-dire le 28 juin 2015111. Plus curieuse et regrettable est la fermeture des frontières équato-guinéennes, soi-disant pour des raisons sécuritaires, aux ressortissants de la CEMAC en décembre 2017, c’est-à-dire juste à peine deux mois de la prise de l’engagement solennel par cet État à ouvrir lesdites frontières aux ressortissants de la Communauté et à se lancer dans la facilitation de la libre circulation des personnes.
Voilà quelques éléments accablants qui maintiennent dans le champ pratique le droit communautaire de la libre circulation des personnes dans la torpeur. Ce qui est davantage gênant et inquiétant pour l’intégration sous-régionale, c’est que ces expulsions se font souvent dans des conditions de non-respect des droits de l’homme puisque les expulsés sont régulièrement violentés et dépouillés de leurs biens. En plus, certaines de ces expulsions se passent parfois le lendemain des sommets des Chefs d’État de la CEMAC112. De là à conclure que ce droit n’est pas encore entré dans les mœurs des hommes politiques et des citoyens de l’Afrique centrale qui n’ont de cesse de développer le culte de la xénophobie. À ces difficultés formelles s’ajoutent les difficultés matérielles.
2. Les difficultés matérielles
Il vient d’être démontré précédemment qu’au-delà des déclarations d’intention et des professions de foi faites au cours de fora politiques, les autorités nationales manifestent une réelle réticence au regard de la concrétisation effective des objectifs de la libre circulation des personnes. On constate avec regret que quand bien même les leaders de la sous-région auraient vaincu leur réticence et accepté volontiers de transformer leurs paroles en actes concrets, il leur restera à venir à bout d’importantes difficultés matérielles113. Il est admis avec constance que les projets d’intégration émanent de la volonté politique qui est le propre de la pensée humaine. Mais, une fois le rêve intégrationniste mis en marche, sa réalisation nécessite d’importantes ressources matérielles : c’est l’économie qu’il faut coordonner ; ce sont les routes qu’il faut construire ou raccorder ; ce sont les inégalités de développement qu’il faut éliminer ; ce sont les barrières douanières et tarifaires qu’il faut délester à défaut de les supprimer totalement ; ce sont les caisses désespérément vides qu’il faut renflouer ; bref c’est le sous‑développement qu’il faut effacer. Le constat est là et clair : « la route qui mène à l’intégration est loin d’être plane »114. Au sein de la CEMAC, ce constat amer est vérifiable en ce qui concerne le droit communautaire de la libre circulation des personnes.
À l’instar de la CEEAC115, les obstacles matériels viennent ici renforcer les limites formelles de la libre circulation des personnes contenues dans les textes régissant la CEMAC. Pour que les résultats en matière de libre circulation des personnes soient concluants, il faut que les données sociales, géographiques, culturelles, économiques, financières, politiques et idéologiques de la sous-région s’y prêtent. Malheureusement, ce n’est pas le cas en Afrique où la majorité des ensembles économiques « naissent dans la ferveur des salles de réunions avec… des vœux pour la réussite de projets ambitieux, lesquels sommeillent ensuite faute d’avoir pris suffisamment en compte toutes les données objectives influençant le projet »116. Ce déficit de réalisme fortement condamné117 sera accru dans certaines mesures par un juridisme rigide qui hypothèque foncièrement l’évolution des structures d’intégration par la libre circulation118.
L’intégration dans la sous-région CEMAC via la libre circulation des personnes resterait hypothétique tant que les obstacles matériels qui freinent sa réalisation ne sont pas levés. Comme l’a relevé l’ex-Secrétaire exécutif de la CEMAC, M. Jean Nkuete, « les infrastructures, notamment leur mauvais état, sont…, à plus d’un titre, l’un des freins à l’intégration de la CEMAC »119. Dans cette sous-région, poursuit M. Jean Nkuete, il manque encore des voies de communication reliant les États de la zone entre eux. Or, comme le relève la doctrine, l’insuffisance et/ou la vétusté de ces infrastructures sont des obstacles matériels les plus sérieux à la mise en œuvre de la libre circulation des personnes120.
En effet, l’analyse du problème des infrastructures de communication en Afrique centrale fait constater cette insuffisance et cette vétusté sur plusieurs plans. Que l’on soit dans le domaine des infrastructures ferroviaires121 et aériennes122 ou dans celui des infrastructures fluviales123 et routières124, leur état actuel symbolise le sous-développement de la sous-région et grippe par conséquent l’ambition intégratrice en matière de la libre circulation des personnes ainsi que des règles juridiques y relatives.
En bref, le système de transport, vecteur capital appelé à favoriser la libre circulation des personnes, est le parent pauvre de la CEMAC125. Le réseau de transport dans cette sous-région souffre d’un déficit qualitatif et quantitatif, toute chose ne permettant pas de porter sur des fonts baptismaux les chantiers de l’intégration par la libre circulation. La faiblesse des moyens de communication reliant sur le plan intérieur les pays de la CEMAC, de même que le caractère excentré des infrastructures existantes, contrarient fortement le processus d’intégration économique en cours. Ainsi, la libre circulation des personnes, élément substantiel de l’intégration sous-régionale, se trouve, de par cette situation, vidée d’une grande partie de son effectivité et de son efficacité car, « l’état défectueux des routes peut être, pour le développement des échanges commerciaux, un handicap bien plus lourd que le tarif douanier le plus élevé »126. Poursuivant dans cette même lancée, M. Philippe de Seynes nous enseigne que « dans le continent africain, la création d’un marché unifié est conditionnée moins directement par la solution des problèmes institutionnels, résultant des régimes douaniers ou fiscaux, que par le développement des moyens de transport, l’ouverture de nouvelles voies de communication »127. Cette remarque vaut aussi spécifiquement pour l’Afrique centrale puisque le développement des infrastructures de communication apparaît comme une condition essentielle de la réalisation de l’intégration à court terme128.
Il se trouve hélas que, depuis les indépendances, les pays membres de la CEMAC n’ont pas déployé d’efforts sensibles et louables en matière communicationnelle en vue de faire multiplier ces voies de communication ou de les adapter aux nouvelles exigences129. Il s’en est suivi un délabrement sans précédent. Or, les réseaux de communication mis en place n’étaient déjà pas adaptés aux besoins de développement des pays africains en général et des pays membres de la CEMAC en particulier puisqu’ils étaient conçus dans l’optique de servir d’abord et surtout la métropole. Dans cette logique, leur construction a été faite de manière à ce qu’aucun raccordement ne soit possible entre eux130. On comprend alors pourquoi la libre circulation des personnes en Afrique centrale reste et demeure un idéal à atteindre difficilement.
Ainsi, le manque de réalisme chaque fois décrié, les égoïsmes nationaux chaque fois dénoncés, la non‑effectivité d’un tarif extérieur commun en zone CEMAC, la coexistence de deux institutions d’intégration économique en Afrique centrale, le sous-développement (absence des voies de communication) et les inégalités de développement chaque fois déplorés sont autant de facteurs pathologiques qui rendent problématique le droit communautaire de la libre circulation des personnes dans la zone CEMAC. À toutes ces difficultés, il faut joindre les guerres fratricides et le grand banditisme qui créent l’insécurité de nature à perturber la libre circulation des personnes131.
La libre circulation des personnes en Afrique centrale, droit fondamental au service des autres droits, navigue entre heurs et malheurs et oscille entre ombres et lumières. Pour relever ce défi, il faut accroître la force des impératifs juridiques132, juridictionnels133, socio-économiques134 et s’appuyer sur une volonté et un engagement politiques forts de donner une expression réelle à l’idéal d’une Afrique centrale des droits de l’homme où la libre circulation des personnes sera débarrassée de tous les goulots d’étranglement. C’est cette volonté et cet engagement sans équivoque de tous, en termes de refonte des mentalités et des comportements, qui permettront à ce droit fondamental de se débarrasser de ses malheurs afin de ne plus être un rêve caressé mais une réalité vivante. Dans la même veine, il faut rendre effectif le tarif extérieur commun adopté depuis 2012. Cette effectivité facilitera les échanges entre les États membres. Or, en favorisant ces échanges, on facilite la liberté de circulation des personnes qui les entreprennent. Enfin, il est important de coordonner la politique d’intégration entre la CEEAC et la CEMAC afin d’éviter d’éventuels conflits ou la concurrence entre elles. Pour être réaliste, il est impératif d’envisager les perspectives d’une fusion entre ces deux institutions d’intégration économique.