Les magistrats en Auvergne au milieu du xxe siecle

La fin des notables ?

DOI : 10.52497/revue-cmh.74

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Texte intégral

L’histoire de la magistrature en France, longtemps restée à l’état embryonnaire avec quelques études émanant pour l’essentiel de praticiens, tel Marcel Rousselet, lui-même magistrat1, a connu un regain d’intérêt depuis la fin du xxe siècle2. La plupart des études réalisées se sont concentrées sur le xixe siècle ou sur l’expérience de la Seconde Guerre mondiale, qui a un peu focalisé l’attention au détriment des périodes qui l’encadrent, comme le constate Jean-Claude Farcy, qui déplore en 2001 le manque d’études sur la première moitié et le milieu du xxe siècle3. Cette lacune est partiellement comblée par le travail d’Alain Bancaud sur les magistrats français de 1930 à 19504, qui s’efforce d’inscrire l’attitude de la magistrature entre 1940 et 1944 dans une perspective de moyenne voire de longue durée mais qui néglige, comme l’essentiel des auteurs ayant consacré des études à l’histoire de la justice, les juges de paix, cette institution étant souvent pensée comme très spécifique5. Or, le mitan du xxe siècle constitue une charnière importante : période de profonds bouleversements économiques et sociaux, c’est aussi le théâtre en 1958 de l’une des principales réformes judiciaires qui affectent la France contemporaine avec la suppression de l’échelon de proximité que représente la justice de paix et la mise en place du Centre national d’études judiciaires (puis École nationale de la magistrature) qui induit une nouvelle modalité de recrutement dans une profession où l’hétérogénéité a longtemps primé. Selon Jean-Luc Bodiguel le régime des notables, qui caractérise la magistrature française du xixe siècle6, se termine seulement dans les années 1950-1960, même si les sources de la notabilité ont pu évoluer7. C’est dans le double cadre de cette hypothèse de travail et de recherches personnelles en cours sur les juges de paix en France et singulièrement dans le département de l’Allier ainsi que sur Camille Gagnon que s’inscrit la présente étude sur les magistrats auvergnats au milieu du xxe siècle. Contrairement aux quelques publications existantes, celle-ci ne se limite pas aux membres des Cours d’appel et tribunaux d’instance mais englobe aussi les juges de paix, afin de pouvoir confronter les trois types de juridictions qui s’y trouvent : justices de paix, tribunaux d’instance et Cour d’appel. Elle repose essentiellement sur trois sources, dont la première est propre à la région. Il s’agit des mémoires de Camille Gagnon, témoin privilégié pour deux raisons : il préside le tribunal de première instance de Montluçon durant dix ans (1940-1950) puis est président de chambre à Riom pendant la même durée (1950-1960)8 ; il laisse des souvenirs dans lesquels il campe quelques-uns de ses collègues, sans jamais citer leur nom9. Cette carence est toutefois facile à remédier en recourant à ce formidable instrument qu’est l’annuaire rétrospectif de la magistrature10. Les sources classiques de l’histoire sociale (archives notariales et l’enregistrement, état-civil…) ne sont pas toutes consultables en raison du délai légal mais le fait que la plupart des magistrats concernés soient nés avant 1920 permet toutefois de se référer à leur acte de naissance, qui énonce les professions de leurs parents mais aussi des témoins sollicités, souvent membres de leur famille (avec dans ce cas indication du lien de parenté). À ces trois sources principales (mémoires de Camille Gagnon, actes de naissance, annuaire rétrospectif de la magistrature) s’adjoignent de manière plus ponctuelle quelques dossiers de Légion d’honneur (pour ceux qui sont consultables dans la base Leonore11), les thèses des magistrats qui étaient docteurs en droit (et dont les œuvres sont très majoritairement conservées dans une bibliothèque universitaire et à ce titre repérables dans le Sudoc12) et enfin quelques témoignages complémentaires, tel celui de Jean Chazal, lui aussi passé par plusieurs tribunaux du ressort de la Cour d’appel de Riom13. Il est donc possible de croiser diverses sources et de combiner une approche quantitative des magistrats avec la restitution de portraits brossés par l’un d’entre eux, Camille Gagnon14. Le corpus considéré se compose comme suit : la Cour d’appel de Riom compte 56 magistrats au total entre le 1er janvier 1940 et le 31 décembre 1960, le tribunal de première instance de Montluçon durant la même période 30 magistrats. Quant aux juges de paix de l’Allier, dont la juridiction est supprimée au début de la Ve République, ils sont 28 à exercer leur fonction entre le 1er janvier 1940 et le 22 décembre 1958, date de l’ordonnance qui annonce leur disparition15. Le total est de 113 magistrats, puisqu’il y a un (seul) doublon, celui de Camille Gagnon, qui figure systématiquement dans les statistiques spécifiques de chacune des deux juridictions auxquelles il a appartenu. En effet, la comparaison se fait de juridiction à juridiction, les écarts étant parfois tels que brosser le portrait des magistrats sans les distinguer reviendrait à invisibiliser certains phénomènes. En revanche, le fait de les examiner de manière isolée permet aussi de nuancer quelques représentations sur les différences qui les singulariseraient. L’objet de cette enquête est de vérifier si les origines, le déroulement de carrière et la sociabilité des magistrats auvergnats au milieu du xxe siècle en font toujours des notables ou si un autre modèle se dégage. L’étude porte tout d’abord sur leurs itinéraires professionnels puis examine dans un second temps leur profil social et culturel.

I. Des carrières mouvementées

Selon Jean-Claude Farcy, la magistrature apparaît durant l’entre-deux-guerres comme une « réserve de places pour les avocats » et une « filière de promotion interne aux carrières juridiques »16. L’itinéraire des magistrats auvergnats semble plutôt relever de la seconde voie en dépit de l’hétérogénéité de leur formation. Leurs carrières illustrent le véritable nomadisme judiciaire auquel les entraîne le désir d’avancement et se ressentent de la secousse que représente la Seconde Guerre mondiale dans un « ordre » qui se pense comme stable17.

A. Une formation souvent solide mais encore hétérogène

La détention d’un diplôme est ici mesurée à travers l’annuaire rétrospectif de la magistrature, qu’il convient sur ce point de nuancer, plus que sur les autres données. En effet, le nombre de magistrats pour lesquels aucune mention de diplôme est relevée semble très élevée, trop sans doute par rapport à la réalité. Le tableau ci-dessous reproduit néanmoins l’ensemble des éléments recueillis et permet de formuler – même avec prudence – plusieurs remarques.

Type de diplôme au sein de la magistrature

Diplôme Juges de paix Tribunal de Montluçon Cour d’appel de Riom
Pas de mention dans l’annuaire rétrospectif de la magistrature 5 3 32
Capacité 3 0 0
Licence 17 11 7
DES 2 7 3
Doctorat 0 8 14
Autre diplôme 1 1 0
Total 28 30 56

Plus âgés que les membres du tribunal de Montluçon, ceux de la Cour d’appel sont les plus nombreux à n’avoir aucune mention de diplôme dans l’annuaire rétrospectif de la magistrature. S’il convient de minorer ce chiffre, il traduit néanmoins la survivance d’un modèle ancien, que l’on repère aussi un peu, davantage que parmi les magistrats montluçonnais, chez les juges de paix. Ceux-ci sont majoritairement titulaires d’une licence, ce qui traduit l’obligation qui leur est faite depuis 1926 d’avoir obtenu ce diplôme pour prétendre exercer leur fonction. Trois d’entre eux – seuls dans ce cas parmi les 114 magistrats du corpus considéré dans cet article – sont capacitaires en droit18. Quelques diplômes apparaissent plus originaux. Léon Mestre, natif de l’Hérault, est ainsi titulaire d’un diplôme d’études pénales mais aussi, en lien peut-être avec son terroir d’origine, un diplôme d’études d’économie et de législation viticoles. Aucun des 28 juges de paix en poste dans l’Allier de 1940 à 1958 n’est docteur. Ils se singularisent ici par rapport à l’ensemble du pays. En 1958 en effet, sur 934 juges de paix en fonction à l’échelle nationale, 110 sont docteurs en droit (soit 11,78 %)19. Cela étant, une nette différence existe néanmoins entre juridictions. Les docteurs sont en effet nettement plus présents parmi les magistrats en poste au tribunal de Montluçon (presque un tiers) et à la Cour d’appel de Riom (un quart), le ratio étant nettement plus élevé dans la juridiction pourtant inférieure. La proportion reste globalement stable au cours de la période (trois docteurs en poste à Riom en 1940 et quatre en 1960)20.

Ces thèses portent sur des sujets assez variés. Conformément aux normes de l’époque, leur format est relativement limité, entre 96 et 217 pages. Camille Gagnon présente l’exercice comme plutôt tranquille :

La soutenance de ma thèse suivit de peu son impression. Ce ne fut qu’un simple et agréable échange d’explications entre les trois professeurs qui m’exposaient leurs objections et moi qui leur répondait de mon mieux21.

Elle porte sur le métayage dans l’Allier à l’époque contemporaine22, sujet que l’auteur connaît bien pour y être intéressé au sens financier puisque Camille Gagnon est propriétaire de deux domaines exploités par des métayers. La dimension historique est présente, car l’étude commence en 1789. L’histoire du droit est encore plus présente dans les thèses de Louis Caron, De l’alliance ou affinité : étude d’histoire et de droit comparé23, soutenue à Paris en 1901, Jean Guilmain, sur Le procès civil dans les justices seigneuriales d’après Philippe de Beaumanoir (1283), soutenue à Bordeaux en 193724, et Louis Vialatte qui soutient en 1924 à Poitiers une thèse sur un intendant en poste en Auvergne à l’époque moderne25. Les autres thèses sont consacrées à des sujets plus en prise avec l’actualité ou la pratique juridique. Pierre Maurice Henri Boistard soutient à Poitiers en 1927 une thèse intitulée Inconvénients du testament olographe. Atténuations apportées par la jurisprudence. Bernard Salingardes consacre la sienne, soutenue à Bordeaux en 1931, à L’assurance sociale contre la maladie26. Henri Dupré soutient à Toulouse en 1941 une thèse titrée De la rectification des décisions judiciaires en dehors des voies de recours27. Jean Vernin travaille sur Les tantièmes des administrateurs et directeurs28. Léon Mestre soutient à Montpellier une thèse intitulée Des moyens employés par la pratique pour protéger le vendeur à tempérament de meubles corporels29. Louis Mozer consacre la sienne, soutenue à Aix en 1901, à la question du protêt faute de paiement30. Fernand Lequenne travaille, à Poitiers, sur le contentieux administratif31. André Paire, enfin, soutient à Lyon en 1934 une thèse sur la contrainte par corps32.

Certains d’entre eux ne craignent pas de prendre position, y compris en matière politique. Bernard Salingardes rend hommage à l’idée de l’assurance maladie mais estime qu’il s’agit « d’une loi folle33, et qu’il aurait mieux valu ne rien faire que d’organiser une semblable institution »34. Jean Vernin va plus loin, en se livrant à une diatribe contre les socialistes :

Combien de fois ceux-ci n’ont-ils pas voulu manifester à la Chambre leur antipathie – on pourrait presque dire leur jalousie – à l’égard de l’oligarchie financière, des ventres dorés, des grands magnats de l’industrie, du commerce et de la finance ? Tous les jours, leurs journaux vomissaient des imprécations plus sonores que significatives. Fort bien ! la critique est aisée, mais quand il s’agit d’édifier un système nouveau, que nous proposent ces apôtres des classes populaires ? L’étatisme, l’État industriel, l’État commerçant, l’État banquier. Nous ne savons pas s’il subsiste encore dans l’esprit de quelques Français des doutes sur la valeur de l’État exerçant ces diverses professions, après les cuisants souvenirs que nous ont laissés les tentatives faites dans ce sens pendant et après la guerre35.

Si les études juridiques prolongées conduisent parfois directement à la magistrature, ce n’est pas toujours le cas. De nombreux magistrats exercent d’autres professions, toujours dans la sphère judiciaire, avant d’être juges. C’est le cas aussi bien des juges de paix que des membres de la Cour d’appel même si, dans le cas des premiers, les nominations sont beaucoup plus tardives : les juges de paix de l’Allier occupent leur premier poste à l’âge de 37,5 ans, moyenne qui masque des disparités considérables, de 27 à… 63 ans (!). Si ce cas est exceptionnel, 12 sont nommés à 40 ans et plus. Certains d’entre eux exercent auparavant dans les échelles inférieures du monde du droit, tel Henri Bellinger : il est en effet clerc d’avoué stagiaire à Saint-Flour en 1934 puis commis-greffier de la justice de paix dans cette même petite ville du Cantal en 1935 avant d’être nommé juge de paix dans le Puy-de-Dôme en 1937 puis dans l’Allier en 1944. Parmi les magistrats des autres juridictions, Louis Vialatte, diplômé de l’école de notariat de Clermont-Ferrand, est avocat lors de sa soutenance de thèse en 1924. Le passage par le barreau apparaît alors comme une étape indispensable, à laquelle sacrifient aussi Pierre Maurice Henri Boistard, Léon Mestre ou Camille Gagnon.

La principale fonction préalable à la nomination définitive est toutefois celle de juge suppléant36, du moins pour les magistrats du tribunal d’instance (23 sur 30) ou de la Cour d’appel (37 sur 56 auxquels peut s’ajouter Louis Jean Marie Raymond Espinasse, suppléant rétribué de justice de paix à Akbou en janvier 1924). Il en va différemment pour les juges de paix en poste dans l’Allier. Alors que 28,80 % de l’ensemble des juges de paix en poste en décembre 1958 en France ont été suppléants de justice de paix, c’est le cas d’un seul (sur 28), Charles Bonhomme, suppléant contractuel de la justice de paix à Montpellier en 1947 avant d’être juge de paix dans l’Allier en 1950.

B. Une itinérance géographique généralisée

Le déroulement de carrière des magistrats ayant exercé en Auvergne entre 1940 et 1960 illustre la généralisation de la mobilité dans leurs itinéraires professionnels. L’une des conséquences de cette itinérance est la déconnexion entre lieux de naissance et d’exercice. À l’échelle nationale, les magistrats étudiés par Alain Bancaud, en poste entre 1930 et 1950, sont nés en province pour 93,5 % d’entre eux37. La magistrature auvergnate correspond à ce schéma, puisqu’elle recrute pratiquement exclusivement des provinciaux. Quatre membres seulement de la Cour d’appel de Riom sur 56 sont nés en région parisienne (trois dans la Seine et un en Seine-et-Oise). Un seul magistrat en poste à Montluçon de 1940 à 1960 est né en Seine-et-Oise, aucun dans la Seine. Sur 27 juges de paix de l’Allier dont le département de naissance est connu, deux sont natifs de la Seine. Le phénomène est donc généralisé, quels que soient le grade ou la juridiction. En revanche, les originaires d’Auvergne sont minoritaires. Des différences importantes apparaissent toutefois entre juridictions. Si seuls cinq membres du tribunal de Montluçon sur 30 sont natifs du ressort de la Cour d’appel (dont trois de l’Allier), 20 membres de la Cour d’appel de Riom sur 56 sont nés dans le ressort de celle-ci (10 dans le Puy-de-Dôme, quatre dans l’Allier, quatre dans le Cantal et deux en Haute-Loire) et 12 juges de paix (sur 27 dont le département de naissance est connu) sont dans le même cas (six dans l’Allier, deux dans le Cantal, un en Haute-Loire et trois dans le Puy-de-Dôme). Il est également frappant de constater que, même si plus d’un tiers des membres de la Cour d’appel et presque 45 % des juges de paix de l’Allier sont nés en Auvergne (mais la moitié de ceux-ci seulement dans l’Allier où ils exercent), très peu nombreux sont ceux qui ont pu y effectuer l’ensemble de leur carrière. Sur 113 magistrats recensés, huit seulement sont dans ce cas, dont quatre juges de paix. Cinq autres magistrats toutefois ne se sont guère éloignés : Van Belle a exercé dans le Cher et la Nièvre, deux départements limitrophes de l’Allier. Vialatte est simplement passé à Roanne, trois sont allés en Ardèche (Bonieux, Passenaud et Pomarat). Six ont débuté (ou sont allés assez tôt) en outre-mer et dans l’empire colonial. Pour certains le passage est ultrarapide (Espinasse reste suppléant rétribué de la justice de paix d’Akbou de janvier à octobre 1924) mais d’autres restent plus longtemps. Chardon est juge suppléant à Papeete de 1923 à 1926, Manry juge suppléant à Lomé en 1931 puis juge à Kaolack de 1932 à 1937. Guigues, juge suppléant à Grand-Bassam en 1918, lieutenant de juge à Saint-Louis (Sénégal) en 1919, juge de paix à compétence étendue à Fianarantsoa en 1921, juge à Tiaret en 1923, substitut à Tizi-Ouzou en 1925 puis Oran en 1929, rentre seulement en métropole en 1930, comme substitut à Marseille. Nougaret quitte même Montluçon où il était juge d’instruction depuis 1938 pour devenir juge à Alger en 1942 ; il préside ensuite le tribunal de Tizi-Ouzou de 1951 à 1953 et devient conseiller à la Cour d’appel d’Alger en 1953. Il regagne la métropole en 1961, à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Quant à Perrée, conseiller à la Cour d’appel de Rabat en 1955, nommé à Riom en 1957, il est aussitôt détaché au Maroc, ce qui advient à nouveau après sa nomination comme conseiller à Bourges en 1965. La fin de l’empire colonial sonne donc la fin de ce type d’itinéraires, mais pas de manière complètement nette puisque le dernier cité continue sa carrière en détachement au Maroc.

Autre conséquence de ce nomadisme judiciaire38, les magistrats recensés entre 1940 et 1960 restent parfois très peu de temps en fonction à Riom ou Montluçon. Le tribunal de Montluçon donne même l’impression d’une simple étape dans la carrière, puisque 26 quittent ce lieu et que quatre seulement y terminent leur itinéraire professionnel. En vingt ans, le tribunal de Montluçon connaît six présidents ; Camille Gagnon reste dix ans mais les six autres passent seulement (cinq ans au plus pour André Guy). Leur départ est motivé par une nomination en Cour d’appel, comme conseillers pour Guy et Boursigot, président de chambre pour Gagnon, mais aussi pour une mutation vers la présidence d’un autre tribunal (Malo à Béziers) voire pour devenir vice-présidents d’un tribunal plus important que celui de Montluçon qu’ils présidaient (Texier à Limoges et Amade à Marseille). En regard, le tribunal compte deux procureurs seulement dans le même temps : Louis Paul Augier (1938-1954) qui part comme juge dans la Seine et Pierre Marie Henri Malingre (1954-1961) qui devient conseiller à la Cour d’appel de Riom. Le nombre de substituts, fonction pourtant davantage associée au début de carrière, est moins élevé que celui des présidents durant la même période ; il est vrai que l’un d’eux, Dupré, demeure neuf ans (1943-1952). Logiquement, la Cour d’appel de Riom est en revanche majoritairement une position de fin de carrière, même s’il faut largement nuancer ce constat, car 26 magistrats sur 56 la quittent. Si le départ des substituts du procureur général39 voire des avocats généraux40 semble logique, celui des premiers présidents révèle que Riom est simplement un marchepied pour eux aussi. Comme le note Camille Gagnon, « nous reçûmes tour à tour trois premiers présidents qui ne firent que passer avant d’opter, eux aussi, en raison de motifs familiaux ou intérêts particuliers, pour la Cour de cassation ou d’autres premières présidences leur convenant mieux41 ». Avant eux, c’est le cas de Louis Jean Marie Raymond Espinasse, natif de Toulouse qui, premier président de la Cour d’appel de Riom depuis 1950, part dans sa ville natale occuper la même fonction en 1952. Le résultat de ces choix est le fréquent turn-over observé. En vingt ans, sept premiers présidents se succèdent à la Cour d’appel de Riom ; si Caron reste treize ans (de 1930 à 1943), les autres ne font que passer (cinq ans au plus pour Passenaud), avant de partir pour la Cour de cassation ou les Cours d’appel de Toulouse et Montpellier. Un seul a été premier président ailleurs avant de l’être à Riom, l’Auvergnat Charles Calemard, premier président de la Cour d’appel de Nîmes, qui a effectué tout le reste de sa carrière en Auvergne. Cette exception confirme que la présidence de la Cour d’appel de Riom ne constitue pas forcément le couronnement d’une carrière… La stabilité des quatre procureurs généraux est plus grande, avec quatre titulaires seulement en vingt ans, et encore convient-il de noter que deux s’en vont de manière forcée, l’un placé en retraite en 1945 et l’autre déplacé d’office en 1952… Au tribunal de Montluçon comme à la Cour d’appel de Riom, le parquet apparaît donc plus stable que le siège, en dépit de l’instabilité gouvernementale de la IVe République et des changements de régime dont seul finalement l’épuration constitue une perturbation.

L’examen du dernier poste occupé illustre de belles promotions, mais en nombre finalement réduit. Chez les juges de paix, 14, soit la moitié, terminent précisément dans cette fonction. Avant la suppression de leur juridiction en 1959, suite à l’ordonnance du 22 décembre 1958, seuls deux juges de paix en poste dans l’Allier franchissent la frontière qui semble étanche avec les autres fonctions42. Daniel Pierre Marie Gilbert Aucopt, qui est juge de paix de 1936 à 1944 puis juge d’instance à Mauriac en 1944 termine, après plusieurs étapes, sa carrière comme conseiller à la Cour d’appel de Caen. Eugène Joseph Julien Constant Van Belle, juge de paix à Nérondes puis en divers lieux à partir de 1942, juge à Moulins puis à Cusset en 1946 (avec l’exercice des justices de paix de Cusset et Le Mayet‑de‑Montagne), puis à nouveau juge de paix à Vichy (avec le canton d’Escurolles en sus) en 1949, redevient juge d’instance à Vichy après la suppression des justices de paix. C’est seulement la suppression de leur juridiction au début de la Ve République qui permet aux autres une voie de sortie dans un autre poste : trois terminent leur carrière conseillers de Cours d’appel, trois présidents de tribunaux d’instance, trois vice-présidents de tribunaux d’instance, deux juges directeurs, deux juges, un premier juge. Sur 30 magistrats du tribunal de Montluçon, deux deviennent conseillers à la Cour de cassation, trois premiers présidents d’une Cour d’appel (dont Gérard Bach à Riom de 1984 à 1987), six présidents de chambre, six conseillers de Cours d’appel, un avocat général, un substitut du procureur général, deux présidents de tribunaux, deux procureurs, un premier juge, deux juges d’instruction et quatre juges. Parmi les membres de la Cour d’appel de Riom, quatre accèdent à la Cour de cassation comme conseillers, neuf terminent premiers présidents d’une Cour d’appel, 13 présidents de chambre, six procureurs généraux ; les autres se contentent d’être conseillers de Cours d’appel (16), présidents de tribunal (deux), avocats généraux (cinq) voire simple substitut du procureur général (un). Pour les membres de cette dernière juridiction, la Seconde Guerre mondiale intervient comme un élément perturbateur qui infléchit quelques carrières.

C. La Seconde Guerre mondiale

La Seconde Guerre mondiale provoque deux vagues d’épuration, qui frappent tour à tour les réprouvés du régime qui se met en place en 1940 et les magistrats ayant collaboré à l’État français. À l’échelle nationale, 294 magistrats sont victimes des discriminations et répressions mises en place après la défaite et l’installation de Pétain au pouvoir : 97 après le 17 juillet 1940, 41, car membres des sociétés secrètes (francs-maçons) et 89 juifs43. Plusieurs magistrats auvergnats sont frappés par le régime. Auguste Victor Malo, président du tribunal de Montluçon depuis 1937, est relevé de ses fonctions le 19 novembre 1940 en raison de sa proximité supposée avec l’ancien maire socialiste Marx Dormoy44. L’arrêt est toutefois rapporté le 19 mai 1941 et il redevient président, mais à Béziers. Léon Edgard Messiah, juge d’instruction à Nîmes depuis 1930, est « admis à cesser ses fonctions » en décembre 1940 en raison de la loi du 3 octobre 1940, mis à la retraite en 1941 mais à compter du 10 décembre 1940 ; il est nommé conseiller à la Cour d’appel de Riom le 25 novembre 1944 puis à Nîmes le 20 décembre suivant, avant de revenir à Riom le 23 avril 1945. Armand Jean Émile Thau, alors procureur à Montauban, refuse son déplacement d’office à Lille en 1943, est relevé de ses fonctions le 15 février 1944 (au nom de la loi du 17 juillet 1940). Il devient lui aussi conseiller à Riom le 10 février 1945 mais part très vite pour la Cour d’appel d’Agen (le 10 avril 1945). André Louis Roux, procureur à Clermont-Ferrand depuis 1941, est muté à Angoulême en 1943 (toujours sous le coup de la loi du 17 juillet 1940) ; il est nommé procureur général à Bordeaux le 15 octobre 1944. Albert‑Georges‑Amiaud-Bellavaud, président de chambre à Riom depuis 1936, est relevé de ses fonctions le 9 octobre 1943 et admis à la retraite le 9 janvier 1944. Ces deux arrêtés sont rapportés le 25 janvier 1945 mais le magistrat demande sa retraite plutôt que de réintégrer ses fonctions.

Après la Libération, l’épuration atteint un dixième de la magistrature judiciaire45. Benoît Garnot livre le chiffre de 265 révoqués (dont 54 sont réintégrés plus tard)46. Les chefs de cour, « pivots du système »47, sont largement visés : 15 premiers présidents de Cours d’appel sont suspendus et 10 d’entre eux doivent abandonner définitivement leur poste (révocation ou mise à la retraite d’office)48. En retour, quelques ascensions se trouvent facilitées : « Des juges de paix ou des juges suppléants passèrent aussi rapidement juges dans un tribunal de troisième classe, puis juges dans un tribunal de deuxième classe. »49 L’épuration, dans sa globalité, mobilise aussi les magistrats dont 713 (soit un tiers environ) « furent distraits de leurs juridictions » pour participer aux cours de justice et chambres civiques50. C’est le cas de Camille Gagnon, qui consacre d’ailleurs un chapitre de ses souvenirs à cet épisode durant lequel il préside la Cour de justice de l’Allier. Le commissaire du gouvernement est le procureur de la République de Cusset, ancien résistant51 et que l’on retrouve ensuite à la Cour d’appel de Riom52.

Quant à l’épuration postérieure à la Libération, elle frappe assez largement les magistrats auvergnats, et plus spécifiquement ceux de la Cour d’appel. Le premier président lui-même, Charles Jules Sébastien Calemard, né à Clermont-Ferrand le 26 août 1880, dont la carrière s’est essentiellement déroulée en Auvergne, comme juge suppléant à Mauriac (1905-1908) puis comme juge (et ensuite juge d’instruction) à Riom de 1908 à 1914, procureur à Cusset (1914-1918) puis à Riom (1918-1921), président du tribunal de première instance de Riom (1921-1923), conseiller à la Cour d’appel de Riom à partir de 1923, président de chambre en 1927, avant une promotion comme premier président de la Cour d’appel de Nîmes en 1935, mais qui est revenu à Riom comme premier président le 6 septembre 1943, est révoqué avec pension le 18 janvier 1945. Le procureur général en poste depuis 1943, Jean Armand Henri Zollinger, est mis à la retraite le 26 février 1945. Jules Léon Gabriel Chazal de Mauriac, président du tribunal de première instance de Clermont-Ferrand depuis le 8 septembre 1941, est suspendu le 23 janvier 1945. L’arrêté est rapporté le 11 juin 1954, mais il est alors en retraite sur sa demande depuis le 6 juillet 1947. Maurice Antoine Jean Firmin Guigues, substitut du procureur général à Riom en 1935, nommé avocat général le 31 décembre 1940, muté à Montpellier en 1942, est suspendu de ses fonctions le 23 janvier 1945 et placé en position de non-activité le 7 mai 1945. Antoine Milhés, procureur à Tarbes depuis 1938, est déplacé d’office le 3 mai 1945 comme substitut du procureur général à Riom mais mis en disponibilité le 27 juin 1945. Antonin Léon Martin, président de chambre à Riom depuis 1943, est suspendu de ses fonctions le 30 octobre 1944. Gaston Pierre Paul Vigier, conseiller à la Cour d’appel de Riom de 1929 à 1941, fait carrière pendant l’Occupation, comme président de chambre à Lyon en 1941 puis comme premier président à Chambéry où il est nommé le… 17 juillet 1944, mauvais timing qui lui vaut d’être suspendu de ses fonctions le 1er octobre 1944 ; il est révoqué avec pension le 10 mai 1945. Pierre de Geouffre de la Pradelle, nommé juge à Nîmes par le régime autoritaire le 31 décembre 1940, conseiller à la Cour d’appel de Riom depuis le 2 novembre 1943, est suspendu de ses fonctions le 30 octobre 1944. Le 29 janvier 1945, tous ses arrêtés de nomination depuis 1940 sont annulés53.

Le destin des épurés de 1944-1945 est loin d’être toujours aussi radical. Le procureur général écarté en 1945, Jean Armand Henri Zollinger, est nommé procureur général à Nancy le 24 septembre 1948 à la suite de l’annulation de son arrêté de mise à la retraite ; il est même promu officier de la Légion d’honneur le 12 février 1949. Antonin Léon Martin, président de chambre suspendu en 1944, est réintégré dès le 7 mai 1945, il est vrai avec une nomination le même jour comme président du tribunal de première instance de Nice, mais il reprend ensuite son ascension professionnelle en devenant premier président de la Cour d’appel d’Agen en 1952. Maurice Antoine Jean Firmin Guigues est nommé conseiller à la Cour d’appel de Bastia en 1946 et même promu en 1952 à Montpellier, où il avait été avocat général pendant la Seconde Guerre mondiale. Antoine Milhés est renommé substitut du procureur général à Pau le 14 novembre 1946, puis conseiller dans la même Cour d’appel en 1952 et promu à Toulouse en 1954. Sauf le premier président révoqué (avec pension) en 1945, à l’âge déjà avancé de 65 ans, seul Pierre de Geouffre de la Pradelle a donc été définitivement écarté à la Libération. Tous les autres magistrats sanctionnés parmi ce corpus ont été réintégrés, réalisant parfois de superbes fins de carrière, premier président ou procureur général, décorés de la Légion d’honneur ou promus dans celle-ci s’ils étaient déjà chevaliers. L’institution a donc fait corps, les réprouvés de 1944 ont eu la patience d’attendre et la force de reprendre leur carrière. Sans être aussi radical qu’Annie Lacroix-Riz, qui considère qu’il y eut en France une « non-épuration »54, force est de constater que celle-ci n’a pas été sans limites… Même dans le cas du premier président Calemard, révoqué en 1945 et que son âge tient éloigné d’une tentation de retour dans la carrière, la mise à l’écart est toute relative. Camille Gagnon note en effet qu’« après sa destitution lors de la libération » il « disparut discrètement dans l’ombre » mais de manière provisoire seulement, car, « invité à une messe du Saint-Esprit, par le barreau, il y reprit place parmi nous, en constatant qu’il conservait l’estime générale de tout le monde judiciaire55 ». Son éloge funèbre est prononcé en 1975 par le procureur général alors en poste, Bernard Salingardes. Ce dernier révèle combien l’ancien magistrat avait conservé sa position lors des événements les plus officiels :

Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous n’avions pas vu, à l’audience de rentrée de 1973, sa mince silhouette au fauteuil que lui réservait son titre de Premier Président honoraire de notre Cour. Sa fidélité à cette cérémonie n’avait jamais connu de défaillance, tant était profond son attachement aux fonctions qu’il avait exercées pendant quarante ans presque dans ce ressort, à l’exception des quelques années où, de 1935 à 1940, il dirigea la Cour d’appel de Nîmes56.

L’épuration, malgré ses limites, libère toutefois des places et constitue un accélérateur de carrière pour plusieurs magistrats. Joseph Gabriel Passenaud, président de chambre à Riom depuis le 11 mai 1940, doit à la révocation de Charles Calemard son accession au rang de premier président le 9 avril 1945. Pierre Maurice Henri Boistard, arrivé dans la région comme substitut à Clermont-Ferrand en 1935, substitut du procureur général de Riom depuis le 31 décembre 1940, devient quant à lui procureur général le 9 avril 1945. Les deux nouveaux chefs de cour connaissent ainsi une promotion imprévue, sinon inespérée. Jean Marie Georges Poulet qui, substitut à Clermont-Ferrand depuis 1940, devient substitut du procureur général de Riom à titre provisoire le 15 décembre 1944, est confirmé le 12 mai 1945 et devient ensuite conseiller à la Cour d’appel. Celle-ci accueille également après la Libération un président de chambre en poste à Bourges depuis 1941, Louis Auguste Joseph Chevalier, mis en disponibilité le 13 décembre 1943, et réintégré le 2 février 1945, avant d’être nommé président de chambre à Riom le 30 avril 1945.

La Cour d’appel de Riom accueille aussi des magistrats sanctionnés ailleurs. Il en va ainsi de Robert‑Henri‑Tison, substitut du procureur général à Douai depuis 1942, suspendu de ses fonctions le 13 janvier 1945, déplacé d’office à titre provisoire à Riom le 10 avril 1945, où il est confirmé le 8 mai 1945. Jean-Pierre Julian, président du tribunal d’Avignon depuis 1940, suspendu de ses fonctions le 20 novembre 1944, est réintégré le 10 avril 1945 mais déplacé à Riom où il devient conseiller à la Cour d’appel à titre provisoire, confirmé le 7 mai 1945. Camille Alphonse Roux, conseiller à la Cour d’appel de Grenoble depuis 1938, suspendu de ses fonctions le 1er décembre 1944, est nommé conseiller à Riom le 10 avril 1945 ; il part peu après pour Lyon le 21 juillet 1945.

II. Assise sociale et représentations culturelles

Un premier constat peut être formulé concernant le profil social des magistrats considérés : leur écrasante masculinité. Sur 113 personnes recensées, il y a une seule femme, passée au tribunal de Montluçon pendant trois ans, Josette Marie Madeleine Gasquet épouse Mercier de Lacombe. Née en Corrèze le 4 juillet 1920, elle est tout d’abord attachée stagiaire à Limoges en 1946 puis juge suppléante dans la même ville en 1949, juge à Bellac puis à Montluçon en 1953 (elle occupe la fonction de juge d’instruction de 1954 à 1956). Elle est détachée au service de documentation et d’études de la Cour de cassation en 1959, avant de reprendre une carrière de juge dans la Seine en 1965, et termine son itinéraire professionnel comme conseillère à la Cour d’appel de Paris, où elle est nommée en 1977. Cette quasi-absence n’est pas surprenante dans un corps où les femmes sont admises seulement à partir de la loi "Teitgen" qui stipule le 11 avril 1946 que « tout Français, de l’un ou l’autre sexe, répondant aux conditions légales, peut accéder aux fonctions de la magistrature ». La magistrate montluçonnaise appartient à la minorité de femmes mariées parmi elles, puisque Benoît Garnot souligne que la majeure partie d’entre elles (79 sur 139 en 1956) sont célibataires57. L’Auvergne apparaît toutefois en retrait puisque l’on dénombre tout de même à l’échelle nationale 43 femmes sur 934 juges de paix (soit 4,59 %) en 1958 alors que le corpus examiné ici n’en compte aucune. Cette situation est déjà ancienne. En 1928-1929, le ressort de la Cour d’appel de Riom était l’un des cinq en France (dont ses deux voisins de Bourges et Limoges) à ne compter aucune avocate58. Ces hommes qui composent la magistrature auvergnate sont plutôt âgés : en 1940, la moyenne d’âge des juges de paix de l’Allier comme celle des membres de la Cour d’appel de Riom s’élève à 56 ans. Si dans le second cas, leur position est souvent le couronnement d’une carrière, la similitude des deux chiffres révèle néanmoins l’image de stabilité voire de gravité que peuvent donner ces magistrats. Ceux du tribunal de Montluçon sont nettement plus jeunes mais demeurent néanmoins des hommes d’âge déjà mûr (46 ans). Ces constats formulés, il reste à dégager les grands traits qui composent le profil social des magistrats auvergnats de 1940 à 1960. Ils se caractérisent par l’importance de la terre comme revenu autant que comme point de référence et l’existence d’une sociabilité très spécifique, combinant entre-soi et investissement fréquent dans les sociétés savantes.

A. Des notables terriens

Les mémoires de Camille Gagnon contiennent plusieurs portraits de magistrats et leur auteur s’attache presque systématiquement à les caractériser socialement, ce qui révèle combien ce fait de mentalité constitue un réflexe pour le monde judiciaire. Les hommes de loi évoqués apparaissent avant tout comme des propriétaires, nobles ou bourgeois de la terre. Le mémorialiste campe ainsi le juge en poste au tribunal de première instance de Gannat, qui assure dans les années 1930 et 1940 « le service des justices de paix de Gannat ou des cantons voisins supprimées en conservant toutefois leur greffier » :

Ce juge résidant fort distingué appartenait à l’ancienne et authentique noblesse d’Auvergne. Époux d’une femme originaire du même milieu social, ils avaient une fille unique qu’ils mariaient bientôt à un officier. D’abord avocat à Riom pendant un certain nombre d’années sans faire grand effort pour parvenir à se constituer un cabinet sérieux, il obtint le temps nécessaire écoulé cette nomination de juge résidant à Gannat et s’en montrait satisfait, cette modeste situation lui permettant, toutes ses obligations professionnelles dument assurées, de jouir de loisirs suffisants pour s’abandonner à sa passion des collections59.

Origine familiale, endogamie, conception de la magistrature comme un état plus encore que comme une profession : autant de traits que l’on retrouvera maintes fois et qui composent une sorte d’idéal type du magistrat du xixe siècle tel qu’il peut se perpétuer jusqu’aux années 1950. Le juge en question est Louis Joseph Bravy Jean de Chamerlat des Guérins. Sa formation même se distingue de celle de ses successeurs formés en droit puisqu’il est licencié ès lettres. Après deux ans comme juge suppléant rétribué à Riom de 1930 à 1932, il est nommé juge au tribunal de première instance de Gannat le 20 avril 1932, en 3e classe, puis passe en 2e classe le 8 avril 1935. Il rejoint le Puy-de-Dôme le 8 septembre 1941 comme juge au tribunal de première instance de Clermont-Ferrand et prend sa retraite le 13 septembre 1957 (il meurt le 5 décembre 1967 à Clermont-Ferrand). Son acte de naissance – il est né le 13 septembre 1886 à Pionsat – illustre les propos de Camille Gagnon. Son père, domicilié à Riom au moment de sa naissance, survenue au château de Montroig, est déclaré « sans profession », mention également inscrite pour les deux témoins, qui sont l’oncle maternel, demeurant à Pionsat (Maxime Mangerel) et l’oncle paternel (Raymond de Chamerlat des Guérins), demeurant à Riom. Aucun de ces hommes n’a donc besoin de travailler, tous vivant du revenu de leurs terres. La famille Mangerel domine la vie sociale et politique de la commune, et même du canton. Maxime Mangerel, l’oncle maternel, devient en 1898 le quatrième membre de la famille à être conseiller général ; il est également maire de Pionsat, comme l’ont été avant lui son père Achille et son grand-père Gilbert (dès la monarchie de Juillet). Parmi ses prédécesseurs au Conseil général, figure Aimé Mangerel, notaire à Pionsat : la famille associe donc la terre et les professions juridiques de longue date60. Comme indiqué par Camille Gagnon, Louis Joseph Bravy Jean de Chamerlat des Guérins épouse le 28 septembre 1920 une conjointe de même origine, également dotée d’une particule, ce que précise la mention marginale à côté de son acte de naissance.

Un autre cas bien documenté par les souvenirs de Camille Gagnon est naturellement le sien. Depuis le xvie siècle, de nombreux membres de sa famille maternelle « se sont haussés à des offices de justice : notaire royal, sergent royal, huissier, procureur, substitut en la châtellenie de Hérisson61. » Du côté paternel, il évoque son grand-oncle Louis Edme Langellé qui « s’est astreint à remplir les modestes emplois de saute-ruisseau, petit clerc ou clerc dans quelques études notariales » puis « est parvenu à passer les examens de principal clerc et de notaire ». Enfin, « tous stages nécessaires accomplis, son mariage avec une fille richement dotée lui a permis d’acquérir l’importante étude notariale de Pouilly‑sur‑Loire dans la Nièvre ». Il devient alors maire de la commune, conseiller général pendant le Second Empire, « il fait dans son canton la pluie et le beau temps, mène gros train de maison et roule en voiture à deux chevaux ». C’est lui qui, lorsque son neveu, le père de Camille Gagnon, nouveau bachelier encouragé par ses enseignants à préparer le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure, « soulève dédaigneusement les épaules en disant : ‘Un notaire de campagne gagne plus qu’un professeur de Sorbonne’ et décrète, sans la moindre opposition qu’il accueillera le jeune homme à Pouilly, dans sa propre étude, afin de l’initier aux rudiments de sa profession62. » Le jeune homme, ayant suivi ces directives, acquiert l’étude d’Ygrande (Allier) et sa nomination est effective par décret du 19 avril 187863. Il se marie en 1880 et Camille Gagnon est son second enfant, né en 1893. Après le décès de sa mère, l’adolescent hérite de sa famille maternelle deux domaines, placés en métayage. Il exerce temporairement la fonction de notaire suppléant après la mort de son père puis, souhaitant faire carrière dans la magistrature, vend l’étude et s’installe à Paris. Il expose alors ses démarches :

Avant de quitter Ygrande, il me fallait établir de façon certaine l’ensemble des revenus qui constitueraient pendant plusieurs années les seules ressources sur lesquelles je devrais compter. Je me hâtais donc de récupérer les fonds restants dus sur ma gérance de l’étude et les joignant au prix de cette dernière, j’employais le tout en achat de titres de bourse que je déposais dans les banques moulinoises où mon père avait déjà porté les fonds d’État et les obligations des Chemins de fer ou du Crédit foncier dont son excessive prudence avait constitué son propre portefeuille.
D’autre part, aux premières atteintes de son déclin, mon oncle Jules, fermier général de nos domaines de Viplaix, avait passé la direction de ses affaires à son fils Albert. Le bail nous liant se trouvait échu. Il convenait de le renouveler sur des bases en rapport avec l’augmentation des produits de la terre et les cours du bétail qui ne cessaient de s’amplifier depuis la fin des hostilités. Je me rendis à Reugny afin de passer un bail au nom de mon cousin qui ne fit aucune difficulté pour m’accorder un fermage beaucoup plus élevé que le précédent. Je mis un certain temps pour réunir tous les éléments et m’entendre avec les banques. Je les chargeais d’encaisser tous mes revenus et de m’adresser chaque mois, à Paris, les chèques me permettant de payer mes dépenses64.

Ce long extrait permet de détailler les revenus d’un notable terrien autant qu’il éclaire les conditions d’existence d’un jeune magistrat dans la première moitié du xxe siècle. La précarité des émoluments dévolus aux débutants dans la profession prolonge l’identification entre juge et notable, seuls des revenus du capital permettant de franchir sans entraves les premières années d’une carrière parisienne.

Au fil de ses mémoires, Camille Gagnon mentionne d’autres magistrats dont l’assise terrienne semble importante, au point qu’elle détermine parfois leur itinéraire professionnel en les cantonnant dans un rayon suffisamment proche de leurs biens pour les gérer en toute facilité. Il évoque ainsi le président du tribunal de Moulins en 1945, qui « régentait aisément de là les domaines importants qu’il possédait en Nivernais et aussi ceux de même contenance appartenant à son épouse bourbonnaise, dans la région du Donjon ». De plus, ajoute-t-il, « ils trouvaient sur place toutes les institutions souhaitables pour les études et l’éducation de leurs nombreux enfants65. » À la dimension économique et sociale s’ajoute ici la touche culturelle : l’ampleur de la descendance et la mention des « institutions » fleurent bon le catholicisme traditionnel et son lien avec l’école privée… Le magistrat ici concerné, Auguste Louis Martin, né dans la Nièvre (à Sermages) le 14 avril 1897, après avoir présidé les tribunaux de Belley (1933) puis Yssingeaux (1935), semble en effet trouver son équilibre à Moulins dont il préside le tribunal de 1941 à sa mort le 19 octobre 1962. Autre magistrat rencontré par Camille Gagnon à la Libération, dans le cadre de la Cour de justice qu’il préside, Lionel Queylard, né à Chamalières le 30 mai 1896, qui effectue toute sa carrière dans le ressort de la Cour d’appel, commençant et terminant à Riom, comme juge suppléant en 1930 puis comme conseiller à la Cour d’appel de 1961 à sa retraite en 1964, après être passé par Cusset, Issoire et Clermont-Ferrand. Camille Gagnon le décrit ainsi :

C’était le type même de ces magistrats provinciaux si attachés à leur terre natale qui, nantis d’une présidence leur permettant de surveiller les terres familiales qu’ils conservent dans leur pays, renoncent à tout avancement et s’estiment heureux de se maintenir à ce poste modeste, jusqu’à ce que la limite d’âge les contraigne à la retraite. Excellents juristes, connaissant de plus de manière intime les usages locaux et le caractère de la population au milieu de laquelle ils sont nés et ont été éduqués, ils jouissent d’une considération unanime que leur valent tant la dignité de leur existence que la haute qualité de leurs décisions judiciaires66.

Camille Gagnon lui-même explique ainsi sa fin de carrière alors que, président de chambre, il songe à demander une première présidence : « j’étais déterminé à ne poser ma candidature que pour celles qui me permettraient de revenir à Ygrande en fin de semaine et deux seulement se prêtaient à pareille possibilité : Riom ou Bourges. »67 Le mémorialiste signale aussi, à propos d’un procureur général de la Cour d’appel de Riom, qu’il était « d’origine auvergnate » et conservait « dans le Cantal des propriétés familiales »68, l’emploi du pluriel indiquant l’ampleur de l’assise foncière. La terre va de pair avec la pierre, et notamment celle des vieux hôtels riomois où résident les membres de la Cour d’appel encore après‑guerre, lorsque Camille Gagnon y devient président de chambre en 1950 :

Plusieurs habitaient en ces hôtels particuliers, à balcons ou heurtoirs si remarquables, dont me fut révélée la curieuse distribution intérieure. Au rez-de-chaussée, un grand vestibule sur lequel ouvraient des pièces de dépendances accessoires et d’où partait un large escalier en pierre de Volvic ordinairement agrémenté d’une belle rampe en fer forgé. Au premier étage : un immense salon, une salle à manger spacieuse quoique de dimension plus réduite, cuisine, desserte et, selon l’espace resté disponible, de petites chambres dont le nombre se multipliait au second étage. Enfin, s’étendant sur le tout, de vastes combles en partie aménagés en chambres étroites pour le personnel nombreux que nécessitait l’entretien d’un intérieur aussi important. La plupart des pièces étaient munies d’une cheminée en pierre de Volvic ou de teinte plus claire sculptée dans le style en usage à l’époque de la construction, et l’on ne pouvait s’empêcher de songer au problème combien pénible et difficile à résoudre que posait le chauffage d’un immeuble de ce genre par un hiver un peu rude. Mais quel cadre merveilleux pour mettre en valeur mobiliers, tapisseries, peintures ou bibelots anciens ou donner des réceptions mondaines69 !

Majesté du bâti et mention de la domesticité composent le portrait d’une bourgeoisie de robe bien installée, fût-ce dans des immeubles dont le confort n’est pas sans nuances et encore dénué d’une certaine modernité technologique (l’électroménager n’étant pas mentionné : il est vrai que ce sont les employés de maison qui exécutent les tâches ménagères…). Ces immeubles contiennent en revanche des trésors mobiliers, comme celui de la mère du juge de Chamerlat des Guérins, Camille Gagnon qualifiant même de « remarquable musée » sa demeure, « entièrement garnie pièce par pièce de très beaux meubles anciens obéissant aux styles observés en France depuis la Renaissance jusqu’à la Restauration »70.

Cette appartenance sociale aux milieux aisés, noblesse et bourgeoisie mêlée71, pose le problème de la compréhension des justiciables et de possibles conflits d’intérêts. Camille Gagnon exprime son inquiétude lorsqu’il s’apprête en 1940 à prendre la présidence du tribunal de Montluçon : « j’éprouvais quelque appréhension à me trouver bientôt en présence pour la première fois d’une activité industrielle aussi forte et d’une population ouvrière aussi puissante72 ». Quelques années après, un gouvernement issu de la Libération met en place un statut du fermage et du métayage (voté en 1946) destiné à mettre fin aux abus de pouvoir et à rééquilibrer les rapports entre bailleurs et preneurs ; il institue notamment des tribunaux paritaires des baux ruraux, à l’échelle cantonale mais avec appel au niveau de l’arrondissement73. Dans ce cas, le président du tribunal est sollicité mais Camille Gagnon s’y refuse, par déontologie :

En ce qui concerne les affaires dudit statut, comme j’étais moi-même propriétaire de deux domaines exploités en métayage dans l’arrondissement, il m’apparut bienséant d’en abandonner la présidence au juge-doyen, craignant que si je l’exerçais moi-même, j’eusse inconsciemment tendance à me ranger aux arguments des propriétaires74.

Les exemples choisis par le mémorialiste sont suffisamment nombreux et la généralisation qu’il fait à propos des résidences des membres de la Cour d’appel assez assurée pour que la sociologie de celle-ci semble bien restituée. Il convient néanmoins de les confronter avec les données de l’état-civil, consultable pour la plupart des magistrats nés avant 1920. Cette date de délai légal empêche de cerner avec autant de précision les plus jeunes membres du corpus.

B. Des origines sociales assez diversifiées

Parmi les membres de la Cour d’appel de Riom, 38 professions de père (sur 56) sont connues, soit les deux tiers. Parmi eux, sans surprise au regard des autres études disponibles sur la magistrature, mentionnées en introduction, les professions juridiques sont bien représentées, avec 12 pères sur 38, qui se répartissent comme suit : trois notaires, deux avoués, un avocat, un agrégé à la faculté de droit de Grenoble, un procureur, un juge de paix, un greffier de paix, un « légiste » sans autre précision et un « principal clerc d’avoué et propriétaire »75. Dans ce dernier cas, le fait que la mention « propriétaire » accompagne la profession exercée sur le moment atteste l’importance du capital foncier ; c’est parce qu’il appartient socialement au monde des propriétaires qu’il a semblé nécessaire d’ajouter à l’état présent cette indication. Deux sous-groupes et une absence se dégagent de cette énumération. Professions libérales en voie de marginalisation (avoués) ou de fort amenuisement numérique (notaires)76 et magistrats de rang modeste se partagent l’essentiel de ces géniteurs, pointant par-là même, en creux, l’absence de magistrats de haut rang77. Quatre propriétaires illustrent l’importance de cet ancrage terrien, surtout si l’on garde à l’esprit le fait que certains hommes de loi le sont également. Il en va peut‑être de même du père qualifié dans l’état-civil de « rentier ». Il arrive parfois qu’un héritier désargenté compense par un mariage judicieux son absence de fortune : c’est le cas de l’universitaire en droit à la faculté de Grenoble, Albert de Geouffre de Lapradelle (qui devient de La Pradelle après la naissance de son fils) : il descend de « la vieille noblesse limousine d’épée et de robe d’Ancien Régime » qui compte un membre du grand Conseil à partir de 1787 ; son épouse est une Toinet, famille dont les membres « ont fait fortune et possédaient près de la moitié de la manufacture de Tulle » : comme le dit son petit-fils, « Albert a donc épousé quelqu’un d’argenté, ma grand-mère78 ». La Cour d’appel de Riom puise donc aux deux mêmes sources sociales principales que les magistrats français étudiés par ailleurs à la même époque79. Les autres mentions de profession révèlent des origines assez diverses. Les professions libérales médicales sont présentes avec un médecin et un pharmacien. Assez aisés peut‑être sont également les quatre négociants et le banquier (un « sujet anglais » dont l’épouse est née en Italie). Le monde des employés – souvent subalternes ici – de la fonction publique est assez fourni, avec un sous-inspecteur des Eaux et forêts, un officier d’administration de 2e classe à l’état-major, un lieutenant d’infanterie, un maréchal des logis-chef, un gendarme à cheval, un enseignant, un sergent, un sous-bibliothécaire de l’Université, un commis des postes, un maître répétiteur. Les quatre derniers pères dont la profession est connue sont respectivement commis, publiciste, employé de houillère et cultivateur. Peu de travailleurs manuels donc dans cette liste de 38 personnes. Si la modestie des origines est parfois patente, elle ne va pas jusqu’à contraindre la mère au travail, du moins déclaré, puisque seules trois femmes ne sont pas indiquées comme « sans profession » : l’épouse du cultivateur est cultivatrice, deux femmes d’employées sont elles-mêmes employées des postes.

Les origines sociales des magistrats en poste au tribunal de Montluçon entre 1940 et 1960 sont moins bien connues, en raison de leur âge qui rend la consultation des registres d’état-civil encore impossible pour nombre d’entre eux. Néanmoins la profession de huit pères peut être indiquée grâce aux actes de naissance, soit presque un tiers du corpus. La part des professions juridiques y est aussi évidente, avec trois notaires, un avoué, un substitut du procureur ; les autres sont respectivement archiviste paléographe, cultivateur et bijoutier. La morphologie sociale des magistrats en poste au tribunal de Montluçon n’apparaît donc pas plus modeste que celle de leurs confrères de la Cour d’appel, et semble même plus homogène même si le faible nombre d’exemples doit rendre prudent à l’égard de toute généralisation.

Si les deux juridictions puisent dans le même vivier, il pourrait en aller autrement des juges de paix, dont la singularité est souvent signalée. L’acte de naissance de 20 d’entre eux (sur 28), soit plus des deux tiers, a pu être consulté. Des différences significatives apparaissent en effet. La première est la faiblesse des milieux juridiques, avec seulement un notaire et un clerc de notaire80, et celle des propriétaires (trois représentants), ces deux catégories réunies étant majoritaires dans les deux autres corpus, alors qu’elles représentent ici le quart de l’effectif considéré (à peine plus si l’on y joint un père rentier)81. Le monde agricole est bien présent, avec un régisseur et deux cultivateurs mais aussi un journalier. La sphère des employés se déploie avec son habituelle hétérogénéité, quelques cadres apparaissant : un employé des postes, un directeur de la voie au chemin de fer, un lieutenant au 1er régiment de tirailleurs algériens, un dessinateur, un agent comptable au Journal de l’Oise. Un pharmacien représente, seul, les professions libérales non juridiques. Un ébéniste incarne celui des artisans, peut-être rehaussé au rang des petits industriels pour un fabricant de chandelles. Charles Jacquin enfin, est né en 1877 à Paris de père « non dénommé » et d’une mère domestique, dont les deux témoins sont employés dans la même grande maison qu’elle. Cet exemple extrême est bien isolé dans une cohorte de juges de paix aux origines certes plus modestes que leurs confrères des autres juridictions mais où les milieux les plus populaires, ceux des travailleurs manuels notamment (à l’exception des paysans) demeurent très marginaux.

Au-delà de la comparaison entre juridictions, une évolution temporelle peut être recherchée, avec ce biais que les professions des pères des magistrats en poste en 1940 sont mieux connues que celles de leurs successeurs en 1960 (ou 1958 pour les juges de paix)82. La profession du père de 12 juges de paix est connue en 1940 (sur 13 alors en poste) : deux sont propriétaires, deux « propriétaires cultivateurs », un rentier, un notaire, un clerc de notaire, un fabricant de chandelles, un pharmacien, un ébéniste, un régisseur, Jacquin – déjà mentionné – est né de père inconnu. En 1958, année qui voit l’annonce de la suppression de cette juridiction, la profession du père de trois juges de paix (sur huit) est connue : tous trois sont employés, illustration de la tertiarisation des sociétés contemporaines et de la montée du salariat autant que de l’épuisement du modèle ancien de fils de petits notables locaux devenant magistrats cantonaux. Ce phénomène est également observable à la Cour d’appel de Riom dont les huit pères dont la profession est connue (sur 14 magistrats en poste le 1er janvier 1960) ne comptent plus qu’un seul propriétaire (et encore s’agit du « principal clerc d’avoué et propriétaire ») et deux notaires, qui voisinent avec deux négociants et trois employés (un maréchal des logis-chef, un sergent et un sous‑inspecteur des Eaux et forêts). Vingt ans plus tôt, sur 11 magistrats riomois dont la profession du père est connue (sur un total de 12), il y avait quatre hommes de loi (un avoué, un avocat, un juge de paix, un procureur de la République) et deux propriétaires, auxquels se joignaient un médecin, un négociant, un enseignant, un employé de houillère et un cultivateur.

C. Une sociabilité partagée entre érudition et mondanités

Issus du même milieu social, à défaut d’avoir suivi les mêmes études, les magistrats auvergnats, notamment ceux de la Cour d’appel, qui en occupent le haut de la hiérarchie, partagent loisirs intellectuels et mondains. Camille Gagnon estime en effet que « les magistrats de la Cour d’appel et du tribunal se trouvaient assez nombreux pour trouver en leur sein tous les moyens d’entretenir des relations amicales ». Il opère une distinction genrée, notant que les maris, « retenus au Palais où ils se rencontraient quotidiennement », « ne fréquentaient guère les réunions que les épouses organisaient entre elles tour à tour dans les salons, les agrémentant de captivantes causeries, du talent musical de quelques-unes et toujours d’un succulent goûter que plusieurs pâtissiers-confiseurs dispersés en cette ville de moyenne importance permettent de garnir en friandises recherchées ». L’ancien président de chambre mentionne également « des invitations à dîner ou à souper ». Cette familiarité va plus loin : « Quand l’un de nous doit prendre ses repas au restaurant parce que son épouse est momentanément partie, rappelée dans sa famille pour assister à une cérémonie, il sera invité à s’asseoir à la table de ses collègues jusqu’au retour de sa maîtresse de maison. » En poste à Riom à partir de 1950, il note toutefois que « les réceptions annuelles qu’observaient jadis le premier président et le procureur général, en invitant à souper en grand apparat tous les magistrats de la Cour d’appel, ont été supprimées durant la guerre de 1914 et n’ont pas été reprises après la signature de l’armistice »83. D’autres pratiques, tout aussi formelles, perdurent en revanche, ce dont témoignent les souvenirs de Jean Chazal qui, après une carrière commencée comme juge suppléant à Riom de 1931 à 1933 et terminée comme conseiller à la Cour de cassation entre 1966 et 1977, publie en 1978 un ouvrage sur Les magistrats84. Il fait revivre le mois de janvier de la magistrature auvergnate dans les années 1930 :

Dans la matinée du 1er janvier, les conseillers, à tour de rôle, allaient présenter leurs vœux au premier président, qui l’après-midi rendait à chacun, et à son domicile – on n’osait plus dire ‘en son hôtel’ –, sa visite matinale. Le premier président parcourait la ville en fiacre, son huissier, en chaîne, en sautoir et bicorne en tête, assis à côté du cocher. Pendant tout le mois, chaque samedi, les rues de Riom étaient arpentées par d’étranges personnages, coiffés d’un melon, le cou serré dans un col dur, vêtus de jaquettes noires, complétées de pantalons rayés. C’étaient les magistrats des tribunaux du ressort de la cour d’appel, descendus de leurs montagnes du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Haute-Loire, pour présenter leurs vœux au premier président et au procureur général85.

L’usage veut même que tous ces magistrats « allassent en janvier, et à son jour, présenter leurs hommages à Mme V…, épouse du procureur général » (!). Le narrateur ayant cherché à s’y soustraire, se voit sévèrement admonesté. Cette hiérarchie interne très forte commande donc la sociabilité de ce corps en réalité très codé selon une « complexité savante » : « Rares étaient ceux qui ne marquaient pas les distances devant leurs collègues moins élevés en grade, qui eux-mêmes jouaient les jeux nuancés de la déférence. L’armée française ne faisait pas mieux ! » Le mémorialiste achève d’évoquer ces relations acidulées par une scène presque picturale :

Dans le parc de la charmante petite ville d’eaux de Châtelguyon, où, par les soirs d’été, se retrouvaient les magistrats riomois, des groupes distincts et quasiment imperméables se formaient : celui du premier président et du procureur général, celui des présidents de chambre, celui des conseillers, celui des juges du tribunal. Saluts réciproques, qui protecteurs, qui révérencieux. C’était tout86.

Les loisirs des magistrats auvergnats ne se limitent pas aux promenades et nombreux sont ceux qui semblent consacrer une large partie de leur temps libre (celui-ci fut-il pris sur leur semaine de travail…) à des activités culturelles diverses. Camille Gagnon en est lui-même un exemple abouti. Intéressé très jeune par le folklore, collaborant à la presse bourbonnaise dès l’entre-deux-guerres, notamment pour y publier des entretiens avec des célébrités littéraires du département, il s’investit dans de multiples sociétés savantes. Membre de la Société d’émulation du Bourbonnais depuis 1921, il en devient le vice‑président et prononce régulièrement une conférence devant ses membres. Il est également conservateur du musée de folklore du Vieux Bourbon (aujourd’hui musée Augustin Bernard)87. En poste à Montluçon, il est en 1944 le président fondateur d’une société savante, les Amis de Montluçon. Sa curiosité intellectuelle et, semble-t-il, sa disponibilité, le conduisent aussi ultérieurement à présider deux autres sociétés, l’Association internationale des Amis de Charles-Louis Philippe (où il succède à Émile Guillaumin après le décès de ce dernier en 1951)88 et les Amis de la forêt de Tronçais à partir de 1953 ; pour cette dernière fonction, Camille Gagnon déclare avoir tenté de la décliner : « j’objectais aussi que je me trouvais déjà surchargé par ma présidence de chambre à la Cour d’appel de Riom, ma vice‑présidence à la Société d’émulation du Bourbonnais, ma présidence de l’Association internationale des Amis de Charles-Louis Philippe à Cérilly et ma conservation du musée du vieux Bourbon89 ». Lors de sa nomination dans les deux juridictions auvergnates où il est successivement président de tribunal et président de chambre, Camille Gagnon s’enquiert aussitôt des ressources archivistiques et livresques locales. À Montluçon, il se rend immédiatement à la bibliothèque municipale « pour me rendre des ressources dont elle disposait »90. À Riom le nouveau venu doit prononcer le discours de rentrée de la Cour d’appel. Il part à l’assaut des archives conservées dans les combles et découvre deux dossiers « très épais » sur des événements survenus dans l’Allier en 1849, le premier sur l’insurrection de la Brande des Mottes (qui mobilise en juin des militants républicains contre l’intervention française à Rome) et le second sur un attentat perpétré contre Ledru-Rollin ; il tire du premier « un discours assez coloré pour mériter quelque attention »91 mais exploite ensuite suffisamment les deux pour réaliser des publications92. Outre l’organisation d’excursions lors desquelles il se fait le guide de ses compagnons du jour, la tenue de conférences dans diverses villes et l’écriture de multiples articles, Camille Gagnon trouve le temps de publier entre 1940 et 1960, lors de ses vingt ans d’exercice auvergnat de la magistrature (dans deux fonctions de président de tribunal et président de chambre, faut-il à nouveau le préciser…), six ouvrages et quatre préfaces93. Il en publie encore une demi-douzaine après sa retraite.

Le cas de Camille Gagnon, s’il peut sembler extrême et par là peu exemplaire, n’est pourtant pas isolé94. Il présente ainsi un ancien conseiller de la Cour d’appel de Riom qui, « très cultivé, doté d’une prodigieuse érudition, féru de belles lettres classiques ou d’histoire », se montrait « capable de donner, au pied levé, une captivante conférence sur Sidoine Apollinaire à moins que l’on en préfère une sur la Cour de Justice des Grands Jurys [sic] de 1665, ou sur la fameuse famille des Arnaud, jansénistes, d’origine auvergnate ». Le même magistrat « ne manquait pas de prendre d’impeccables gants beurre frais lorsqu’il se rendait à une cérémonie ou à quelque réunion mondaine »95. Un autre conseiller de la Cour d’appel de Riom apparaît comme un « spécialiste du félibrige », appréciation corroborée par sa situation de conservateur du Museon Arlaten96, fondé par Frédéric Mistral en 1896. Quant au juge de Gannat déjà mentionné, il possède et enrichit « une volumineuse et très remarquable collection d’insectes coléoptères et plus spécialement de longicornes » ainsi qu’une « belle collection de monnaies grecques anciennes en argent »97. André Guy, président du tribunal de Montluçon à partir de 1959, bibliothécaire de la Société d’émulation du Bourbonnais de 1948 à 1951, succède à Camille Gagnon comme président des Amis de Montluçon en 1950 ; il préside aussi les Amis des Arts de Montluçon de 1954 à 1964 et la Fédération des sociétés savantes du Centre de la France de 1960 à 196498. Le premier président de la Cour d’appel épuré à la Libération, Charles Calemard, est lui aussi un érudit, ce dont témoignent tout à la fois Camille Gagnon dans ses souvenirs et Bernard Salingardes dans son éloge funèbre. Le premier indique que, « membre d’une société de Clermont analogue à notre Société d’Émulation du Bourbonnais, il se livrait à des recherches historiques concernant l’ancienne Auvergne »99. Le second souligne que « le Magistrat100, d’une grande conscience juridique et d’une profonde bonté, se doublait d’un Riomois indéfectiblement attaché à sa ville » :

Plus encore que le Magistrat, c’est l’archéologue et le Président de l’Association des Amis du Vieux Riom que la plupart d’entre nous ont connu au cours des longues années d’honorariat qu’il a consacrées à des études historiques et artistiques sur l’ancienne capitale qui n’est pas prêt de s’effacer101.

Le vieux notable est fait officier de la Légion d’honneur en 1968, signe que les temps de la Libération et de l’épuration ont passé. Les membres de la Cour d’appel ont seulement été sevrés de décorations jusqu’aux années 1950, comme en témoigne Camille Gagnon, qui se montre d’ailleurs dédaigneux de cette course aux honneurs102. La Légion d’honneur introduit une forte distinction entre juridictions. En dépit de leurs désagréments lors de la Libération, les membres de la Cour d’appel en sont tous presque tous titulaires (48 sur 56), une grosse moitié (25) comme chevaliers, 21 comme officiers et deux au titre de commandeurs. La proportion est déjà nettement moins élevée au tribunal de Montluçon, dont 18 membres sur 30 reçoivent la Légion d’honneur, mais très majoritairement comme chevaliers (13) et cinq comme officiers. Quatre juges de paix seulement sur 28 reçoivent quant à eux la Légion d’honneur, dont trois après avoir été juges de paix et non pendant l’exercice de cette fonction.

Conclusion

L’étude des magistrats auvergnats de 1940 à 1960 confirme tout d’abord la relative étanchéité entre les justices de paix et les autres juridictions qui laisse subsister jusqu’à la fin des années 1950 deux ordres qui coexistent plus qu’ils ne se fréquentent. Avant la suppression de leur fonction en 1959, suite à l’ordonnance du 22 décembre 1958, seuls deux juges de paix franchissent la barrière qui semble insurmontable avec les tribunaux d’instance sans même évoquer les Cours d’appel. Ce constat souligne la forte différenciation interne au monde judiciaire, qui interdit de l’interpréter tout uniment103. Camille Gagnon, témoin essentiel de cette enquête, présente les conseillers de la Cour d’appel de Riom dans les années 1950 comme des « gens de bonne compagnie dont la conversation témoignait d’une solide culture générale et dont les services précédemment exercés en qualité de présidents de tribunaux attestaient la valeur professionnelle »104. Cette formulation témoigne de « la représentation rémanente que se font les juristes contemporains de cet idéal révolu – autrefois réalité sociale – de la bourgeoisie de robe du xixe siècle et du premier xxe siècle105 ». L’observation des magistrats auvergnats de 1940 à 1960 illustre la survivance d’un modèle séculaire106, encore largement ancré dans les mentalités de ses personnels mais qui survit aussi grâce à une assise économique. Si les origines des juges de paix sont assez populaires, sans être prolétaires, celles des magistrats de la Cour d’appel et des tribunaux d’instance de la région sont certes mêlées mais s’inscrivent néanmoins toujours pour certaines dans le cadre de dynasties terriennes solidement établies. Ce sont elles qui donnent le ton et permettent la résistance de représentations sociales et culturelles de ce que doit être un magistrat, notamment en matière comportementale. La secousse de la Seconde Guerre mondiale elle-même, pourtant non négligeable, s’émousse devant cet esprit de corps largement partagé, au-delà semble-t-il des élites locales. L’âge moyen des magistrats dont le rang est le plus élevé contribue à cette persistance (la moyenne d’âge des membres de la Cour d’appel de Riom s’élève à 57 ans en 1960, soit un peu plus qu’en 1940 où elle s’établissait à 56 ans107)108. Le milieu du xxe siècle figure toujours en apparence comme le temps des notables, mais quelques fissures sont repérables. La majeure partie des magistrats (quel que soit leur grade cette fois) ne sont pas originaires de la région et ce fait, qui va s’accentuant avec les années (un tiers de natifs du ressort à la Cour d’appel de Riom en 1960 contre les deux tiers en 1940), limite l’ancrage notabiliaire à défaut de l’empêcher tout à fait. De plus, l’épuisement du modèle propriétaire, s’il s’opère lentement, est néanmoins réel : pour terminer de manière symbolique avec lui, Camille Gagnon vend ses domaines de famille dans les années 1950 et l’explique par la conjugaison des réformes de structure (« la législation nouvelle sur le statut du fermage et du métayage nous retirait nos servines109, aggravait nos charges de propriétaires »)110 et de sa mutation de Montluçon à Riom (qui lui « retirait toute facilité de liaison commode » avec ses terres)111. Le milieu du xxe siècle constitue donc le crépuscule des notables dans la magistrature auvergnate, masqué sur le moment par les lueurs d’un soleil couchant mais dont les données statistiques permettent de radiographier la fragilité.

1 Marcel ROUSSELET, La magistrature sous la monarchie de Juillet, Paris, Sirey, 1937, Histoire de la justice, Paris, Puf, 1943 et Histoire de la

2 Christophe CHARLE, « Pour une histoire sociale des professions juridiques à l’époque contemporaine. Note pour une recherche », Actes de la

3 Jean-Claude FARCY, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours, Paris, Puf, 2001, p. 229.

4 Alain BANCAUD, Une exception ordinaire. La magistrature en France 1930-1950, Paris, Gallimard, 2002.

5 Jacques-Guy PETIT (dir.), Une justice de proximité : la justice de paix 1790-1958, Paris, Puf, 2003. Parmi les exceptions, figure l’étude de 

6 Jean-Pierre ROYER, Pierre LECOCQ, Renée MARTINAGE, Juges et notables au xixe siècle, Paris, Puf, 1982 et Christophe CHARLE, « La bourgeoisie de

7 Jean-Luc BODIGUEL, Les magistrats, un corps sans âme ?, Paris, Puf, 1991, notamment pp. 126-127.

8 La carrière de Camille GAGNON dans la magistrature est la suivante : juge suppléant d’instruction à Fontainebleau (1926-1929), puis substitut à

9 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, trois volumes, parus respectivement en 1978

10 [ https://annuaire-magistrature.fr ]. C’est de cette base de données que sont extraits dans la suite de cet article les éléments concernant le

11 [ http://www2.culture.gouv.fr/documentation/leonore/recherche.htm ].

12 [ http://www.sudoc.abes.fr ].

13 Jean CHAZAL, Les magistrats, Paris, Grasset, 1978.

14 Dans le cadre limité de cet article, je n’ai pas exploité les dossiers personnels des magistrats (pour ceux qui pouvaient être consultables), car 

15 Sont pris en compte les seuls juges de paix, et non les membres d’un tribunal exerçant de surcroît la justice de paix d’un canton, car ils ne

16 Jean-Claude FARCY, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours, op. cit., p. 228.

17 Christophe CHARLE intitule le chapitre qui concerne les facultés de droit sous la IIIe République « L’ordre des juristes » et il y a dans ce titre

18 Cette singularité confirme la vocation de la capacité en droit à permettre à des jeunes gens de milieu modeste une ascension professionnelle

19 Calculs réalisés à partir de l’annuaire rétrospectif de la magistrature dans le cadre de mes travaux en cours sur les juges de paix.

20 Le doctorat ne constitue d’ailleurs pas une garantie de réussite à l’examen d’entrée dans la magistrature puisque sur 11 candidats docteurs en

21 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale*, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, 1978, p. 215.

22 Camille GAGNON, Histoire du métayage en Bourbonnais depuis 1789, Paris, Picart, 1920.

23 Louis CARON, De l’alliance ou affinité : étude d’histoire et de droit comparé, Paris, Pedone, 1901.

24 Jean GUILMAIN, Le procès civil dans les justices seigneuriales d’après Philippe de Beaumanoir (1283), Bordeaux, Imprimerie de Bière, 1937.

25 Louis VIALATTE, Rossignol : intendant de la généralité de Riom et province d’Auvergne, 1734-1750, Aurillac, Imprimerie J. Brousse, 1924.

26 Bernard SALINGARDES, L’assurance sociale contre la maladie, Bordeaux, Imprimerie Y. Cadoret, 1931.

27 Henri DUPRE, De la rectification des décisions judiciaires en dehors des voies de recours, Guéret, imprimerie Fouriaud, 1941.

28 Jean VERNIN, Les tantièmes des administrateurs et directeurs, Paris, Les Presses modernes, 1926.

29 Léon MESTRE, Des moyens employés par la pratique pour protéger le vendeur à tempérament de meubles corporels, Montpellier, Imprimerie de la Presse

30 Louis MOZER, Du protêt faute de paiement, Aix-en-Provence, Paul Pourcel imprimeur, 1901.

31 Fernand LEQUENNE, Contribution à l’étude du contentieux administratif d’interprétation, Poitiers, Librairie de l’Université H. Mansuy, 1931.

32 André PAIRE, De la contrainte par corps, Lyon, Imprimerie de P. Ferréol, 1934.

33 En italique dans le texte.

34 Bernard SALINGARDES, L’assurance sociale contre la maladie, Bordeaux, Imprimerie Y. Cadoret, 1931, p. 205.

35 Jean VERNIN, Les tantièmes des administrateurs et directeurs, Paris, Les Presses modernes, 1926, p. 115.

36 Pierre BOUCHARDON voit dans le juge suppléant un « véritable maître Jacques de la magistrature » (Pierre BOUCHARDON, Le magistrat, Paris, Hachette

37 Alain BANCAUD, Une exception ordinaire. La magistrature en France 1930-1950, op. cit., p. 311.

38 Assez largement conforme à la pratique nationale : 95 % des magistrats de 1960 (hors juges de paix) ont connu cinq tribunaux dans leur carrière (

39 Seul MANRY termine ainsi sa carrière, les dix autres sont en début ou milieu de carrière et deviennent ensuite procureurs, avocats généraux

40 La Cour d’appel de Riom compte sept avocats généraux entre 1940 et 1960 : quatre deviennent ensuite procureurs dans un tribunal, deux partent

41 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, 1980, p. 145.

42 Parmi les magistrats en poste dans les deux autres juridictions entre 1940 et 1960, seul Marcel Joseph Philippe JACQUEMET a été auparavant juge de

43 Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, op. cit., p. 206.

44 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 10.

45 Jean FOYER, Histoire de la justice, Paris, Puf, 1996, p. 99.

46 Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, op. cit., p. 209.

47 Virginie SANSICO, La justice déshonorée, 1940-1944, Paris, Tallandier, 2015, p. 118.

48 Gérard MASSON, Les juges et le pouvoir, Paris, Syros, 1977, p. 196.

49 Ibid., p. 213.

50 Ibid., p. 220.

51 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., pp. 83-84.

52 Joseph Jules Marius GRANIER, attaché titulaire au ministère en 1934, substitut à Nevers en 1936, procureur à Cusset en 1940, membre de la Cour de

53 Son neveu Géraud évoque cet épisode lors d’un entretien avec deux universitaires : « Le frère aîné de mon père, Pierre, a été conseiller municipal

54 Annie LACROIX-RIZ, La non-épuration en France : de 1943 aux années 1950, Paris, Armand Colin, 2019. Elle consacre plusieurs pages au tribunal de

55 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 144.

56 Bernard SALINGARDES dans Audience solennelle du 3 janvier 1975. Allocutions prononcées par M. le Premier président Caratini et M. le Procureur

57 Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, op. cit., p. 205.

58 Edmée CHARRIER, L’évolution intellectuelle féminine, préface de William Oualid, Paris, éditions Albert Mechelink, 1931, p. 352.

59 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 14.

60 Les traits repérables pour ce magistrat correspondent toujours au notable du XIXe siècle tel que le définissait André-Jean TUDESQ à partir de l’

61 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale*, op.cit., p. 10.

62 Ibid., pp. 18-19.

63 Ibid., p. 22.

64 Ibid., p 213.

65 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 83.

66 Ibid., p. 83.

67 Ibid., p. 150.

68 Ibid., p. 8.

69 Ibid., p. 96.

70 Ibid., p. 96.

71 Parmi le corpus étudié, quatre magistrats (un au tribunal de Montluçon et trois à la Cour d’appel de Riom) affichent une particule, signe de

72 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 8.

73 Les décisions du tribunal paritaire cantonal sont sans appel jusqu’à 10 000 francs, et font l’objet au-delà de cette somme d’une procédure d’appel

74 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 54.

75 Les enfants de juristes représentent 31,58 % de l’effectif ainsi repéré à Riom, proportion semblable à l’échelle nationale où Alain BANCAUD l’

76 Camille GAGNON renonce à demeurer notaire à Ygrande par choix d’une autre voie mais aussi parce qu’il se montre lucide sur l’avenir de cette

77 La seule exception est celle de Louis CARON, dont le père, procureur à Cusset au moment de sa naissance, achève sa carrière un quart de siècle

78 Dzovinar KEVONIAN, Philippe RYGIEL, « Entretien avec Géraud de Geouffre de La Pradelle », Monde(s), 2015/1, n° 7, pp. 155-172, consultable en

79 Alain BANCAUD conclut de ses investigations que « la haute magistrature apparaît alors, avec évidence, le résultat de l’alliance du corps

80 Une fratrie est repérable : Auguste Aimé Antoine VIEILLARD, fils de propriétaire, devient juge de paix dans l’Allier en 1939, alors que son frère

81 L’oncle de Luminet, fils de propriétaire, est greffier de la justice de paix, ce qui place l’enfant au contact d’une fonction judiciaire.

82 Aucun acte de naissance de magistrat en poste à Montluçon en 1960 n’a pu être consulté.

83 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 114.

84 L’auteur passe une décennie dans le ressort de la Cour d’appel de Riom, d’abord comme juge suppléant dans la petite capitale judiciaire puis comme

85 L’auteur omet ici de citer les magistrats de l’Allier, département de plaine dans sa majeure partie il est vrai, à l’exception de la Combrailles

86 Jean CHAZAL, Les magistrats, op. cit., pp. 20-23. Le nom complet de l’auteur, tel qu’il apparaît dans l’annuaire rétrospectif de la magistrature

87 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 68.

88 Ibid., p. 131.

89 Ibid., p. 158.

90 Ibid., p. 60.

91 Ibid., pp. 103-104.

92 Camille GAGNON, En Bourbonnais sous la Seconde République, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, 1970.

93 Camille GAGNON trouve encore le temps de constituer dans sa résidence d’Ygrande un jardin dans lequel ce passionné de botanique s’ingénie à faire

94 Cet investissement de nombreux magistrats dans les sociétés savantes est peu souligné par les travaux portant sur celles-ci (Jean‑Pierre CHALINE

95 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 97.

96 Ibid., p. 98.

97 Ibid., p. 14.

98 Maurice SARAZIN, Les Bourbonnais célèbres et remarquables des origines à la fin du XXe siècle, tome III : Arrondissement de Montluçon, Charroux-en

99 Ibid., p. 144.

100 Il est loisible de relever l’usage de la majuscule…

101 Bernard SALINGARDES dans Audience solennelle du 3 janvier 1975…, op. cit., p. 18.

102 « Je m’étonnais en constatant l’âpre et violent désir que tant d’hommes manifestaient au déclin de leur vie à l’attribution de semblables hochets

103 Aucune différence notable en revanche n’est repérable entre le siège et le parquet. La majeure partie des magistrats en poste en tribunal ou en

104 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 98. Jean CHAZAL emploie pratiquement la même expression : « Les bonnes

105 Christophe CHARLE, « La bourgeoisie de robe en France au xix siècle », Le Mouvement social, article cité, p. 72.

106 Qui participe peut-être de l’image négative affectant la magistrature, dont la faible attractivité, déjà ancienne, inquiète fortement les

107 Un rajeunissement est observable dans les juridictions inférieures (le tribunal de Montluçon passe de 46 à 42 ans de moyenne d’âge entre 1940 et 

108 Les âges moyens calculés en 1940 et 1960 pour ce corpus correspondent globalement aux moyennes nationales (Jean-Claude FARCY, Les carrières des

109 En italique dans le texte.

110 La fin des notables dans la magistrature coïncide avec les dernières années du « règne des propriétaires », pour reprendre le titre d’un chapitre

111 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale. Mémoires***, op. cit., p. 122.

Notes

1 Marcel ROUSSELET, La magistrature sous la monarchie de Juillet, Paris, Sirey, 1937, Histoire de la justice, Paris, Puf, 1943 et Histoire de la magistrature française des origines à nos jours, Paris, Plon, 1957. L’auteur, entré dans la magistrature en 1920, termine sa carrière comme premier président de la Cour d’appel de Paris de 1950 à 1962.

2 Christophe CHARLE, « Pour une histoire sociale des professions juridiques à l’époque contemporaine. Note pour une recherche », Actes de la recherche en sciences sociales, volume 76-77, mars 1989, pp. 117-119.

3 Jean-Claude FARCY, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours, Paris, Puf, 2001, p. 229.

4 Alain BANCAUD, Une exception ordinaire. La magistrature en France 1930-1950, Paris, Gallimard, 2002.

5 Jacques-Guy PETIT (dir.), Une justice de proximité : la justice de paix 1790-1958, Paris, Puf, 2003. Parmi les exceptions, figure l’étude de Vincent BERNAUDEAU sur le Maine-et-Loire qui confronte les juges de paix aux autres magistrats (La justice en question. Histoire de la magistrature angevine au xixe siècle, préface de Jacques-Guy PETIT, Rennes, PUR, 2007), mais elle concerne le xixe siècle.

6 Jean-Pierre ROYER, Pierre LECOCQ, Renée MARTINAGE, Juges et notables au xixe siècle, Paris, Puf, 1982 et Christophe CHARLE, « La bourgeoisie de robe en France au xixe siècle », Le Mouvement social, n° 181, octobre-décembre 1997, pp. 53-72.

7 Jean-Luc BODIGUEL, Les magistrats, un corps sans âme ?, Paris, Puf, 1991, notamment pp. 126-127.

8 La carrière de Camille GAGNON dans la magistrature est la suivante : juge suppléant d’instruction à Fontainebleau (1926-1929), puis substitut à Pontoise (1929-1930), à Chartres de septembre à décembre 1930, à Meaux (1930-1933), à Lille en 1933, une maladie le contraint à solliciter un congé puis à souhaiter se rapprocher de son domicile familial d’Ygrande (Allier) ; il est nommé président du tribunal de première instance de Saint-Amand-Montrond (Cher) en 1936 et le quitte pour celui de Montluçon où il est nommé dans les mêmes fonctions le 28 décembre 1940. Il devient président de chambre à la Cour d’appel de Riom le 7 juin 1950. Il achève enfin sa carrière comme premier président de la Cour d’appel de Bourges du 21 juin 1960 à sa retraite, atteint par la limite d’âge le 15 septembre 1962.

9 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, trois volumes, parus respectivement en 1978, 1979 et 1980. Ces trois volumes de souvenirs sont absents des ouvrages d’histoire de la magistrature française, y compris ceux qui traitent de son devenir pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’ils restituent pourtant les souvenirs d’un juge confronté à l’Occupation et contiennent un chapitre entier sur la Cour de justice de l’Allier, dont Camille GAGNON fut président à la Libération.

10 [ https://annuaire-magistrature.fr ]. C’est de cette base de données que sont extraits dans la suite de cet article les éléments concernant le déroulement de carrière des magistrats mentionnés.

11 [ http://www2.culture.gouv.fr/documentation/leonore/recherche.htm ].

12 [ http://www.sudoc.abes.fr ].

13 Jean CHAZAL, Les magistrats, Paris, Grasset, 1978.

14 Dans le cadre limité de cet article, je n’ai pas exploité les dossiers personnels des magistrats (pour ceux qui pouvaient être consultables), car mon objectif est davantage de confronter les représentations sociales – via notamment les mémoires de Camille GAGNON – et les données quantitatives que d’analyser le regard porté par la hiérarchie sur le personnel judiciaire (même si les souvenirs de ce magistrat contiennent sur ce point d’intéressantes notations).

15 Sont pris en compte les seuls juges de paix, et non les membres d’un tribunal exerçant de surcroît la justice de paix d’un canton, car ils ne relèvent pas du même corps.

16 Jean-Claude FARCY, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours, op. cit., p. 228.

17 Christophe CHARLE intitule le chapitre qui concerne les facultés de droit sous la IIIe République « L’ordre des juristes » et il y a dans ce titre une forte charge symbolique qui dépasse le monde universitaire pour irriguer la plupart des professions juridiques (La République des universitaires 1870-1940, Paris, Seuil, 1994).

18 Cette singularité confirme la vocation de la capacité en droit à permettre à des jeunes gens de milieu modeste une ascension professionnelle autant qu’elle indique les limites de celle-ci (sur l’histoire de ce diplôme, Norbert OLSZAK, « La capacité en droit : deux siècles de promotion sociale », dans Hommage à Romuald Szramkiewicz, Paris, Éditions Litec, 1998, pp. 355-365).

19 Calculs réalisés à partir de l’annuaire rétrospectif de la magistrature dans le cadre de mes travaux en cours sur les juges de paix.

20 Le doctorat ne constitue d’ailleurs pas une garantie de réussite à l’examen d’entrée dans la magistrature puisque sur 11 candidats docteurs en 1956 un seul est reçu ; le ratio est plus élevé en règle générale semble-t-il néanmoins, avec neuf sur 20 en 1952 par exemple (Catherine FILLON, Marc BONINCHU, Arnaud LECOMPTE, Devenir juge. Mode de recrutement et crise des vocations de 1830 à nos jours, Paris, Puf, 2008, p. 99).

21 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale*, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, 1978, p. 215.

22 Camille GAGNON, Histoire du métayage en Bourbonnais depuis 1789, Paris, Picart, 1920.

23 Louis CARON, De l’alliance ou affinité : étude d’histoire et de droit comparé, Paris, Pedone, 1901.

24 Jean GUILMAIN, Le procès civil dans les justices seigneuriales d’après Philippe de Beaumanoir (1283), Bordeaux, Imprimerie de Bière, 1937.

25 Louis VIALATTE, Rossignol : intendant de la généralité de Riom et province d’Auvergne, 1734-1750, Aurillac, Imprimerie J. Brousse, 1924.

26 Bernard SALINGARDES, L’assurance sociale contre la maladie, Bordeaux, Imprimerie Y. Cadoret, 1931.

27 Henri DUPRE, De la rectification des décisions judiciaires en dehors des voies de recours, Guéret, imprimerie Fouriaud, 1941.

28 Jean VERNIN, Les tantièmes des administrateurs et directeurs, Paris, Les Presses modernes, 1926.

29 Léon MESTRE, Des moyens employés par la pratique pour protéger le vendeur à tempérament de meubles corporels, Montpellier, Imprimerie de la Presse, 1936.

30 Louis MOZER, Du protêt faute de paiement, Aix-en-Provence, Paul Pourcel imprimeur, 1901.

31 Fernand LEQUENNE, Contribution à l’étude du contentieux administratif d’interprétation, Poitiers, Librairie de l’Université H. Mansuy, 1931.

32 André PAIRE, De la contrainte par corps, Lyon, Imprimerie de P. Ferréol, 1934.

33 En italique dans le texte.

34 Bernard SALINGARDES, L’assurance sociale contre la maladie, Bordeaux, Imprimerie Y. Cadoret, 1931, p. 205.

35 Jean VERNIN, Les tantièmes des administrateurs et directeurs, Paris, Les Presses modernes, 1926, p. 115.

36 Pierre BOUCHARDON voit dans le juge suppléant un « véritable maître Jacques de la magistrature » (Pierre BOUCHARDON, Le magistrat, Paris, Hachette, 1926, p. 63).

37 Alain BANCAUD, Une exception ordinaire. La magistrature en France 1930-1950, op. cit., p. 311.

38 Assez largement conforme à la pratique nationale : 95 % des magistrats de 1960 (hors juges de paix) ont connu cinq tribunaux dans leur carrière (Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, Paris, Nouveau Monde éditions, 2014, p. 201).

39 Seul MANRY termine ainsi sa carrière, les dix autres sont en début ou milieu de carrière et deviennent ensuite procureurs, avocats généraux, conseillers de Cours d’appel…

40 La Cour d’appel de Riom compte sept avocats généraux entre 1940 et 1960 : quatre deviennent ensuite procureurs dans un tribunal, deux partent comme avocats généraux ailleurs et GRANIER meurt en fonction.

41 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, 1980, p. 145.

42 Parmi les magistrats en poste dans les deux autres juridictions entre 1940 et 1960, seul Marcel Joseph Philippe JACQUEMET a été auparavant juge de paix (à Brénod en 1918), avant de faire carrière comme juge (à Briey en 1920) puis procureur, substitut, juge à nouveau, président de tribunal à Villefranche-sur-Saône en 1934 et enfin président de chambre à Riom de 1943 à sa mort en 1949.

43 Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, op. cit., p. 206.

44 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 10.

45 Jean FOYER, Histoire de la justice, Paris, Puf, 1996, p. 99.

46 Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, op. cit., p. 209.

47 Virginie SANSICO, La justice déshonorée, 1940-1944, Paris, Tallandier, 2015, p. 118.

48 Gérard MASSON, Les juges et le pouvoir, Paris, Syros, 1977, p. 196.

49 Ibid., p. 213.

50 Ibid., p. 220.

51 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., pp. 83-84.

52 Joseph Jules Marius GRANIER, attaché titulaire au ministère en 1934, substitut à Nevers en 1936, procureur à Cusset en 1940, membre de la Cour de justice de l’Allier, est ensuite détaché en Allemagne en 1946 (dans le cadre du commissariat aux affaires allemandes et autrichiennes), puis reprend un poste de procureur (Fort-de-France 1948 puis Laon 1949) et devient avocat général (Amiens 1952 et Riom 1955).

53 Son neveu Géraud évoque cet épisode lors d’un entretien avec deux universitaires : « Le frère aîné de mon père, Pierre, a été conseiller municipal à un moment. Il était très brillant. Il a été avocat et puis ensuite magistrat. Il a été poursuivi à la Libération pour avoir été juge d’instruction sous Vichy. La famille a décidé que c’était son frère, mon père, qui le défendrait. Il a été en fait tiré d’affaire par des résistants qu’il était censé avoir persécutés qui sont venus témoigner en Cour de Justice qu’il les avait sauvés. Il en est resté amer. » (Dzovinar KEVONIAN, Philippe RYGIEL, « Entretien avec Géraud de Geouffre de La Pradelle », Monde(s), 2015/1, n° 7, pp. 155-172, consultable en ligne : [ https://www.cairn.info/revue-mondes-2015-1-page-155.htm#no9 ].

54 Annie LACROIX-RIZ, La non-épuration en France : de 1943 aux années 1950, Paris, Armand Colin, 2019. Elle consacre plusieurs pages au tribunal de Nîmes et cite Pierre DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE dans celles-ci (p. 94 et pp. 322-323).

55 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 144.

56 Bernard SALINGARDES dans Audience solennelle du 3 janvier 1975. Allocutions prononcées par M. le Premier président Caratini et M. le Procureur général Salingardes, Riom, Cour d’appel de Riom, 1975, p. 18.

57 Benoît GARNOT, Histoire des juges en France de l’Ancien régime à nos jours, op. cit., p. 205.

58 Edmée CHARRIER, L’évolution intellectuelle féminine, préface de William Oualid, Paris, éditions Albert Mechelink, 1931, p. 352.

59 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 14.

60 Les traits repérables pour ce magistrat correspondent toujours au notable du XIXe siècle tel que le définissait André-Jean TUDESQ à partir de l’association de trois critères : enracinement familial, dimension foncière de la fortune, exercice de responsabilités variées, Les grands notables en France (1840-1849), Paris, Puf, 1964, tome 1, pp. 9-10 et « Le concept de ‘notable’ et les différentes dimensions de l’étude des notables », Cahiers de la Méditerranée, n° 46-47, 1, 1993, pp. 1-12).

61 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale*, op.cit., p. 10.

62 Ibid., pp. 18-19.

63 Ibid., p. 22.

64 Ibid., p 213.

65 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 83.

66 Ibid., p. 83.

67 Ibid., p. 150.

68 Ibid., p. 8.

69 Ibid., p. 96.

70 Ibid., p. 96.

71 Parmi le corpus étudié, quatre magistrats (un au tribunal de Montluçon et trois à la Cour d’appel de Riom) affichent une particule, signe de distinction à défaut d’être toujours un marqueur de noblesse ; cette proportion est conforme à la moyenne nationale, tombée à 5 % en 1889 et qui demeure stable au xxe siècle (Baptiste COULMONT, « Dupont n’est pas Du Pont. Sociographie de la noblesse d’apparence », Histoire & mesure, 2019/2, volume XXXIV, pp 53-192, pp. 164-165 pour la magistrature).

72 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 8.

73 Les décisions du tribunal paritaire cantonal sont sans appel jusqu’à 10 000 francs, et font l’objet au-delà de cette somme d’une procédure d’appel devant le tribunal paritaire d’arrondissement (Fabien CONORD, La terre des autres. Le métayage en France depuis 1889, Montrouge, Éditions du Bourg, 2018, pp. 191-212).

74 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 54.

75 Les enfants de juristes représentent 31,58 % de l’effectif ainsi repéré à Riom, proportion semblable à l’échelle nationale où Alain BANCAUD l’établit à 36,4 % (Alain BANCAUD, Une exception ordinaire. La magistrature en France 1930-1950, op. cit., p. 311).

76 Camille GAGNON renonce à demeurer notaire à Ygrande par choix d’une autre voie mais aussi parce qu’il se montre lucide sur l’avenir de cette profession dont la concentration des études s’opère alors (« les « études villageoises susceptibles autrefois d’assurer à leurs titulaires d’enviables situations risquaient fort d’ici peu de ne plus garantir un revenu suffisant ») : celle d’Ygrande disparaît avec lui, absorbée par celle du chef-lieu de canton (Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale*, op. cit., pp. 204-205).

77 La seule exception est celle de Louis CARON, dont le père, procureur à Cusset au moment de sa naissance, achève sa carrière un quart de siècle plus tard comme procureur général de la Cour d’appel de Riom (1898-1913), dont son fils devient premier président (1930-1943).

78 Dzovinar KEVONIAN, Philippe RYGIEL, « Entretien avec Géraud de Geouffre de La Pradelle », Monde(s), 2015/1, n° 7, pp. 155-172, consultable en ligne [ https://www.cairn.info/revue-mondes-2015-1-page-155.htm#no9 ]. Par la suite, Albert DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE dispose de revenus de plus en plus élevés en raison de sa notoriété en matière de droit international, qui lui vaut d’être – liste non exhaustive – jurisconsulte du gouvernement français, conseiller du prince de Monaco, président de l’Institut de droit international ; son petit-fils reconnaît qu’il « a gagné beaucoup d’argent en consultation pour des entreprises privées » (Dzovinar KEVONIAN, Philippe RYGIEL, « Entretien avec Géraud de Geouffre de La Pradelle », Monde(s), 2015/1, n° 7, pp. 155-172, consultable en ligne [ https://www.cairn.info/revue-mondes-2015-1-page-155.htm#no9 ].

79 Alain BANCAUD conclut de ses investigations que « la haute magistrature apparaît alors, avec évidence, le résultat de l’alliance du corps judiciaire et de la fonction publique avec les fractions, traditionnelles et privées, de la moyenne bourgeoisie provinciale » et estime que « ces dernières catégories permettent ainsi à la magistrature de supporter la faiblesse de sa rémunération, en même temps qu’elles apportent des patrimoines familiaux archaïques et en voie de dévalorisation » (Alain BANCAUD, Une exception ordinaire. La magistrature en France 1930 ‑1950, op. cit., pp. 311-312).

80 Une fratrie est repérable : Auguste Aimé Antoine VIEILLARD, fils de propriétaire, devient juge de paix dans l’Allier en 1939, alors que son frère cadet est devenu lui aussi juge de paix, dans le Cantal et le Puy-de-Dôme notamment, avant son aîné.

81 L’oncle de Luminet, fils de propriétaire, est greffier de la justice de paix, ce qui place l’enfant au contact d’une fonction judiciaire.

82 Aucun acte de naissance de magistrat en poste à Montluçon en 1960 n’a pu être consulté.

83 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 114.

84 L’auteur passe une décennie dans le ressort de la Cour d’appel de Riom, d’abord comme juge suppléant dans la petite capitale judiciaire puis comme juge à Montluçon (1933-1935), substitut à Thiers (1935-1937), procureur à Riom pendant deux mois puis à Thiers de 1937 à 1941.

85 L’auteur omet ici de citer les magistrats de l’Allier, département de plaine dans sa majeure partie il est vrai, à l’exception de la Combrailles et de la Montagne bourbonnaise.

86 Jean CHAZAL, Les magistrats, op. cit., pp. 20-23. Le nom complet de l’auteur, tel qu’il apparaît dans l’annuaire rétrospectif de la magistrature, est CHAZAL DE MAURIAC [ https://annuaire-magistrature.fr/index.php?dossier=fiche&personne=98669 ]. Il est le fils de Jules Léon Gabriel CHAZAL DE MAURIAC, présent dans le corpus en tant que conseiller à la Cour d’appel de Riom de 1930 à 1941 ; l’auteur précise d’ailleurs que son père « avait déjà été précédé d’un nombre respectable de juges, de baillis, de notaires royaux depuis le XVIIe siècle » (Jean CHAZAL, Les magistrats, op. cit., p. 80).

87 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 68.

88 Ibid., p. 131.

89 Ibid., p. 158.

90 Ibid., p. 60.

91 Ibid., pp. 103-104.

92 Camille GAGNON, En Bourbonnais sous la Seconde République, Moulins, Éditions des Cahiers bourbonnais, 1970.

93 Camille GAGNON trouve encore le temps de constituer dans sa résidence d’Ygrande un jardin dans lequel ce passionné de botanique s’ingénie à faire venir des plantes d’origine fort variée, ce dont témoignent à plusieurs reprises ses mémoires.

94 Cet investissement de nombreux magistrats dans les sociétés savantes est peu souligné par les travaux portant sur celles-ci (Jean‑Pierre CHALINE, Sociabilité et érudition : les sociétés savantes en France, xixe-xxe siècles, Paris, Éditions du CTHS, 1998, et François PLOUX, Une mémoire de papier : les historiens de village et le culte des petites patries rurales à l’époque contemporaine, 1830-1930, Rennes, PUR, 2011).

95 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 97.

96 Ibid., p. 98.

97 Ibid., p. 14.

98 Maurice SARAZIN, Les Bourbonnais célèbres et remarquables des origines à la fin du XXe siècle, tome III : Arrondissement de Montluçon, Charroux-en-Bourbonnais, Éditions des Cahiers bourbonnais, 2014, p. 173.

99 Ibid., p. 144.

100 Il est loisible de relever l’usage de la majuscule…

101 Bernard SALINGARDES dans Audience solennelle du 3 janvier 1975…, op. cit., p. 18.

102 « Je m’étonnais en constatant l’âpre et violent désir que tant d’hommes manifestaient au déclin de leur vie à l’attribution de semblables hochets » (Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 114).

103 Aucune différence notable en revanche n’est repérable entre le siège et le parquet. La majeure partie des magistrats en poste en tribunal ou en Cour d’appel entre 1940 et 1960 passent d’ailleurs de l’un à l’autre (33 sur 56 pour la Cour d’appel de Riom et 15 sur 30 pour le tribunal de Montluçon), avec parfois des allers et retours.

104 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale***, op. cit., p. 98. Jean CHAZAL emploie pratiquement la même expression : « Les bonnes manières les liaient aussi. Ils étaient bien élevés et entre parfaitement courtois. » (Jean CHAZAL, Les magistrats, op. cit., p. 27).

105 Christophe CHARLE, « La bourgeoisie de robe en France au xix siècle », Le Mouvement social, article cité, p. 72.

106 Qui participe peut-être de l’image négative affectant la magistrature, dont la faible attractivité, déjà ancienne, inquiète fortement les autorités à la fin de la période considérée (Catherine FILLON, Marc BONINCHU, Arnaud LECOMPTE, Devenir juge…, op. cit., pp. 148-155).

107 Un rajeunissement est observable dans les juridictions inférieures (le tribunal de Montluçon passe de 46 à 42 ans de moyenne d’âge entre 1940 et 1960, les juges de paix de l’Allier de 56 en 1940 à 50 en 1958).

108 Les âges moyens calculés en 1940 et 1960 pour ce corpus correspondent globalement aux moyennes nationales (Jean-Claude FARCY, Les carrières des magistrats (xixe-xxe siècles), rapport scientifique, GIP Mission de recherche Droit et Justice, 2009 : il calcule des moyennes par fonction plus que par juridiction et la comparaison stricte n’est donc toujours évidente mais les moyennes des magistrats auvergnats s’inscrivent dans les fourchettes établies par Jean-Claude FARCY).

109 En italique dans le texte.

110 La fin des notables dans la magistrature coïncide avec les dernières années du « règne des propriétaires », pour reprendre le titre d’un chapitre de Jean-Louis HALPERIN consacré au xixe siècle, qui survit ici jusqu’au milieu du xxe (Jean-Louis HALPERIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, Puf, [1996] 2001, pp. 119-143).

111 Camille GAGNON, De l’étoile matutine à l’étoile vespérale. Mémoires***, op. cit., p. 122.

Citer cet article

Référence électronique

Fabien CONORD, « Les magistrats en Auvergne au milieu du xxe siecle », La Revue du Centre Michel de L'Hospital [En ligne], 21 | 2020, mis en ligne le 20 septembre 2021, consulté le 25 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=74

Auteur

Fabien CONORD

Professeur d’histoire contemporaine, CHEC, Université Clermont Auvergne

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