Abeilles en série, crime au rucher…

Serial Bees, Crime in the Apiary…

DOI : 10.52497/sociopoetiques.1858

Résumés

À travers les aventures sentimentalo-criminelles d’Audrey Astier l’apicultrice, l’héroïne de Valérie Valeix, on découvre comment une « FSP » (fiction à support professionnel) parvient à prendre en compte le peuple du miel. Pourtant les abeilles, ou leurs cousines plus agressives les guêpes, peuvent être les vectrices de véritables scènes d’horreur lorsqu’elles sont utilisées en masse comme prédatrices ou comme armes de destruction massive ; c’est leur versant sombre, qui en fait à la fois des amies personnelles et des victimes impuissantes de la folie mercantile des Hommes. Reste le constant parallèle entre le destin du rucher, menacé, indispensable et vaillant, et notre propre monde, vulnérable, en proie à nos pulsions autodestructrices, même si précieux et essentiel : apis servat homines !

Through the sentimental-criminal adventures of Audrey Astier the beekeeper, Valérie Valeix’s heroine, we discover how an ‘FSP’ (fiction with professional support) manages to take into account the honey people. However, bees, or their more aggressive cousins, wasps, can be the vectors of real horror scenes when they are used as predators or as weapons of mass destruction; it is their dark side, which makes them both personal friends and helpless victims of the mercantile madness of Men. There remains the constant parallel between the destiny of the apiary, threatened, indispensable and valiant, and our own world, vulnerable, prey to our self-destructive impulses, even if precious and essential: apis servat homines!

Index

Mots-clés

rucher, crime, poison, apicultrice, roman policier, extinction des abeilles

Keywords

apiary, crime, poison, beekeeper, detective novel, extinction of bees

Plan

Texte

Des abeilles se seraient posées, au berceau, sur la bouche de Platon, pour y faire, dira Pline, « la douceur de son éloquence enchanteresse ». L’anecdote est rapportée à propos de Plutarque aussi1.

À travers les aventures sentimentalo-policières d’Audrey Astier l’apicultrice, l’héroïne de Valérie Valeix2, on découvre comment une « FSP » (fiction à support professionnel) parvient à ordonner des symboles parfois complexes avec de l’anecdotique ultra-fantaisiste, à la façon d’une « Tintin(e) » au pays des abeilles. On pense beaucoup aux séries régionales de la télévision de flux, pour le meilleur, et cette prise en compte du peuple du miel permet aux lecteurs de naviguer entre abeilles impériales et sagesse d’Aristote et de Platon, dans une fantasmagorie policière pleine de moments savoureux ou plus insolites.

Les abeilles, ou leurs cousines plus agressives les guêpes, peuvent on le sait être les vectrices de véritables scènes d’horreur3 lorsqu’elles sont utilisées en masse comme prédatrices ou comme armes de destruction massive ; on rappellera pour mémoire la scène d’ouverture de la saison 3 de Messiah, où une femme périt enfermée dans une voiture avec des milliers d’abeilles… Dans Un(e)secte de Maxim Chattam, ce sont les insectes en général qui tuent d’innocentes victimes dans un biodôme infernal, tandis que dans la série Fortitude des guêpes préhistoriques, soudain arrachées à leur sommeil millénaire, se mettent à infecter la population d’une petite ville de l’Arctique. On se souvient aussi d’un épisode particulièrement glaçant de Black Mirror où des abeilles bioniques sont chargées de dénoncer, puis d’anéantir, les citoyens désignés par des haters sur les réseaux sociaux.

C’est le versant sombre des abeilles toutes bonnes et lumineuses de l’apicultrice, ce qui en fait à la fois des amies personnelles et des victimes impuissantes de la folie mercantile des Hommes. C’est pourquoi on ne peut qu’éprouver une sympathie parfois attendrie, parfois amusée, pour les aventures rocambolesques de cette véritable « bergère des abeilles » que représente Audrey, même si ses histoires d’amour l’apparentent, parfois, à une série Harlequin gentiment épicée, ce qui crée sans doute un véritable effet de littérature populaire. À la réception, le ressenti de lecture est celui d’un puzzle, rassemblant des préoccupations écologiques réelles et contemporaines et des énigmes policières souvent sophistiquées, unies par la présence constante, même si de plus en plus discrète, d’un métier séduisant mais mal connu – cette apiculture qui donne à la fois sa raison d’être, son charme et ses contraintes à l’heptalogie centrée sur Audrey.

Réunis sous l’hypertitre des « Enquêtes de l’apicultrice, les sept romans parus de 2017 à 20224 se fédèrent, pour l’éditeur, en ces quelques mots :

Cette série d’un nouveau genre mêle habilement intrigue (tous les ingrédients d’un excellent roman policier sont réunis : enquête, suspense, action…), écologie (en rappelant l’importance de la protection des abeilles et de l’apithérapie), Histoire (de nombreux faits marquants locaux ou nationaux sont abordés) et patrimoine (on découvre avec plaisir les richesses et traditions des régions) (prière d’insérer).

De fait, les détails folklorisants vont parfois se multiplier, surtout lorsqu’entre en jeu le gendarme « beau gosse » du récit, l’Alsacien Antoine Steinberger, à qui sont prêtés maints tournures linguistiques et idiotismes « du cru5 » (on l’appelle Himmel, par exemple, parce qu’il a les yeux bleus comme le… Himmel – le ciel). Mieux vaut se le tenir pour dit : il s’agit ici d’inclure, dans une histoire haletante, toutes les circonstances de l’apiculture, soin et prédation, loque, souci écologique et retombées économiques, produits dérivés, propolis et médecine douce… le maillage dense des interactions entre la production du miel et l’émergence de la vérité gaine et capillarise l’ensemble des aventures, prêtant à l’enquêtrice les vertus de l’apicultrice, et vice-versa.

Trois étapes permettront d’entrer dans l’univers de l’héroïne, et c’est bien le moindre que de commencer par discerner le motif premier, ces « miels » métaphoriques ou plus littéraux qui trament les récits, avant de considérer les stratégies de protection/prédation qui forment le schéma organisationnel de l’ensemble, puis de nous pencher plus spécifiquement sur l’assombrissement général du propos, souvent cru et cruel, avant la grande parousie temporairement finale.

On codera : Échec à la reine en ER ; La Fumée du Diable en FD ; Confession d’un pot de miel en CPM ; Abeilles, crime et champagne en ACC ; Dix Petits Frelons en DF ; Mort d’une bougie en MB ; Une coccinelle sur la lande en CL.

Du miel et des abeilles6

Comme il arrive souvent aux FASP lorsqu’elles s’associent au genre policier, on assiste à une minoration progressive de l’aspect purement professionnel – ici l’apiculture – et à un renforcement contraire de l’intrigue criminelle qui, tout en jouxtant toujours l’univers des ruches, s’en éloigne quantitativement de plus en plus pour réserver la plus grande part de l’intrigue aux enquêtes d’Audrey et de ses collaborateurs ou collaboratrices, dont Mort d’une bougie et Une coccinelle sur la lande présentent, et de loin, le cas le plus intéressant. Nous y reviendrons.

Il faut cependant reconnaître que la matière première n’est jamais oubliée, et demeure dispensatrice des harmoniques profondes de l’histoire :

La salle des fêtes de Cernay-lès-Reims était pleine à craquer. Le docteur Becker, président de l’association francophone Apithérapie fit quelques essais de micro. […] Peut-être serait-il bon de rappeler ce qu’est le pollen exactement ? – La semence végétale de la fleur qui est hermaphrodite. Du moins en théorie, répondit la jeune apicultrice (ACC, 35-36).

Le souci didactique et la volonté de solidariser le public avec les voies empruntées par l’apiculture amènent à des développements factuels, assez semblables aux précisions médico-légales dans les romans de P. Cornwell ou K. Reich, mais que l’on découvre avec plaisir pour l’amour des abeilles :

Les enzymes et les colonies spécifiques et de treize variétés lactobacilles sont la vraie richesse de santé des pelotes de pollen. Pour l’anecdote, à équivalence humaine, ces pelotes représentent deux valises de vingt-cinq kilos (ACC, 37).

C’est sans doute pour cela que l’examen des titres, hypertitres et sous-titres amène à une constatation de précision extrême du créneau envisagé. Est-ce une précaution éditoriale, ou un souhait auctorial ? En tous cas, on rejoint, par ce resserrement quasi maniaque du paratexte, ce que Jacques Migozzi désigne comme une « glocalisation de l’euro noir », spécifiant jusqu’à la région, voire la ville… où se déroule l’intrigue. En effet, chaque volume porte déjà un titre particulier (Échec à la reine, La Fumée du Diable, etc.), mais encore une sorte de bandeau précisant Les enquêtes de l’apicultrice, illustré d’une accorte silhouette féminine, debout près d’une ruche. Échec à la reine s’orne de plus d’un fac-similé de cachet précisant « Crimes et abeilles », illustré par la représentation de l’abeille en question. Ce cachet se retrouve tel quel dans les autres volumes de l’heptalogie, à l’exception de Mort d’une bougie.

Dans les quatre derniers volumes 4, 5, 6 et 7, des indications de lieu sont mentionnées à la suite du sous-titre rappelant la collection. Pour Abeilles, crimes, et champagne, il est précisé que l’enquête de l’apicultrice se déroule à Reims, et le « champagne » du titre est de toute façon repris par l’illustration de la couverture, qui rassemble si l’on peut dire les trois sèmes contenus dans l’œuvre… autrement dit : un vitrail de cathédrale, une abeille en gros plan, et des coiffes dorées de bouteilles de champagne.

Le dernier volume, Une coccinelle sur la lande, se déroule, lui, en « Bretagne/Cap Sizun ». On y trouve les « abeilles noires », déjà annoncées dans Échec à la reine, et tant aimées du puriste hystérique Frère Ambroise, car symbole du souvenir de la race première, sans l’« abâtardissement » né de l’effondrement post-1819 ! Le même voit dans l’enfant que porte Audrey un signe d’une autre prolifération, celles des humains « dégénérés », et envisage de la supprimer. L’assimilation d’Audrey à une abeille hybridée revient d’ailleurs constamment dans l’esprit malade de frère Ambroise : la sachant enceinte, il n’hésite pas à invoquer la loi de la ruche pour programmer son élimination pure et simple, comme si faire du miel et faire un enfant était une seule et même chose :

[…] Ce putain de super gendarme […] Idem pour cette garce d’apicultrice… – Elle attend un enfant de lui… – Je sais et nous appliquerons le code en vigueur dans la ruche : destruction du couvain si celui-ci menace la colonie. Or si je laisse vivre cet avorton, il risque tôt ou tard de mettre l’Ordre en péril. Les gendarmes sont comme les frelons asiatiques, ils ont une tendance à la multiplication ! (CPM, 260-261.)

Les métaphores et les comparaisons abondent d’ailleurs entre l’apicultrice et ses abeilles (« Audrey savait qu’elle n’obtiendrait rien d’un choc frontal. Elle mit du miel dans sa voix pour dire : – Si tu veux je reviens en fin d’après-midi avec trois ruches neuves pour les transvasements et je te donne la main. » (ER, 60), comme dans Mort d’une bougie, où elle est assimilée à l’insecte industrieux et fidèle : « Et puis la petite abeille sera là pour vous seconder. – Ah ça oui ! Elle et son mari sont les enfants que je n’ai pas eus » (MB, 308). On saisit mieux pourquoi l’assimilation des extrémistes du « miel pur » et des fascistes court comme un fil rouge tout au long des romans, et plaide bien sûr pour un « métissage » des ruches et des hommes, afin que les qualités thérapeutiques d’un tel mélange puissent rayonner :

Les abeilles aussi s’en servent comme pharmacopée dans la ruche, sourit Audrey. […] Le chardon-Marie et le plus connu avec ses grosses fleurs rose foncé. Il existe un miel de chardon dans le sud de la France, dans le département de l’Hérault pour être précise. […] L’abeille va s’arrêter sur ce qu’elle trouve selon les saisons : pissenlits, arbres fruitiers, etc. Pour obtenir du 100 %, il faudrait placer la ruche dans un hectare confiné. Des amandiers par exemple, comme en Amérique… (MB, 278).

En général, la multiplication des signes visuels et sémantiques signale l’appartenance de l’œuvre à la littérature de « genre », voire de « niche » ; la critique contemporaine s’intéresse d’ailleurs de plus en plus à ce « country noir », ou rural noir, qui ici joue sur les doubles stratégies de collection (le terme « enquête ») et de singularisation : le rucher. La connotation positive associée au monde de représentation de l’abeille et du miel l’emporte ainsi subtilement sur la noirceur des récits, et l’adossement aux thèmes du crime se conjugue aux valeurs résistantes de l’essaim : solidarité, responsabilité, souci de l’autre, communauté de destin et de labeur. Les histoires ambulent, au gré des implantations particulières de tel ou tel « hétérocosme7 » de la production de miel ; ainsi l’enquête de Dix Petits Frelons se déroule-t-elle à Giverny, berceau de l’impressionnisme par synesthésie : peu à peu, se substitue donc au récit entomique des tout débuts, une forme de tour de France des régions et des terroirs qui évoque quelque peu les romans policiers de Bernard Baritaud, dont les titres8 indiquaient toujours la région concernée – si possible avec un petit jeu de mots plus ou moins inspiré de la « Série noire ». Seul le sixième volume, tout en précisant bien qu’il s’agit d’une enquête parisienne, présente une couverture plus sobre, assortie d’un titre relativement mystérieux, Mort d’une bougie, même si l’illustration (une bougie, effectivement !) fait sinon pléonasme, du moins redondance.

Pourtant, sous l’érudition professionnelle, il est aisé de discerner une volonté obstinée de redimensionner le monde des abeilles vers le monde des humains, en jetant, entre maturations des unes et des autres, des ponts symboliques et porteurs d’enseignement…

Ils devaient probablement passer par différentes métamorphoses : œuf, larve, ver blanc uniquement pourvu d’un tube digestif, puis nymphe avec la formation des antennes, des yeux et du thorax, et enfin imago, c’est-à-dire adulte, ouvrière sortant de son alvéole. Elle battait des ailes qu’elle laissait sécher une douzaine d’heures mais attendrait encore un peu avant de s’en servir : il y avait tant à faire à la ruche […]. Quant aux jeunes, par combien de mues devraient-ils passer pour s’intégrer dans la société ? (DPF, 54).

On le perçoit : la grande affaire de l’auteur, c’est de modéliser la relation aux abeilles en relation au vivant, à la communauté même des vivants. Notre folie productiviste les tue, et leur mort nous fait mourir à notre tour, dans une rétroaction destructrice dont rien ne semble devoir arrêter le processus funèbre.

Protection versus prédation

Nous avons vu que la pragmatique des titres rassemble la plupart du temps, dans une forme d’antiphrase ou parfois même d’oxymore, des éléments disparates de l’énigme à venir, dont la lecture doit non seulement amener la compréhension mais encore l’éclaircissement. Une constante : il y a toujours une référence, claire ou plus cryptée, au métier d’Audrey. Quelquefois, l’écart sémantique peut interpeller : comment une bougie peut-elle mourir ? De la même façon, et même si la couverture illustre bien ce qu’est un enfumoir, le titre La Fumée du Diable n’est pas immédiatement compréhensible pour un non-initié.

On peut bien entendu s’interroger aussi sur le titre Confession d’un pot de miel qui procède d’une forme de synecdoque, attribuant une action proprement humaine, la confession, à un objet par essence inanimé, le pot de miel. Il figure également sur la gravure de couverture, accompagné d’un crâne, d’une montre à gousset et d’une tasse remplie d’un breuvage que l’on va deviner empoisonné – le tout composant une forme de « vanité » qui, une fois de plus, juxtapose la symbolique de l’assassinat (la tête de mort) et les outils concrets pour y parvenir : le miel vraisemblablement empoisonné, et le breuvage qui a servi à son ingestion.

Mais c’est sans doute Dix Petits Frelons qui présente le cas d’intertextualité policière le plus flagrant – il faudrait même parler d’intertitularité – puisque ce cinquième volume fait bien entendu allusion aux Dix Petits Nègres d’Agatha Christie, aujourd’hui retraduit en Ils étaient dix. Les deux sensationnalismes, celui de la narration comme celui du thème, s’épousent en une assez savoureuse nouveauté, qui fait oublier partiellement les facilités du style, et ce qu’il faut bien appeler un recours massif aux stéréotypes « middlebrow9 ». On ne saurait les éviter, mais peut-être les descriptions appliquées du milieu spécifique à l’apiculture ont-elles au moins le charme candide d’un « noviciat » en régime criminel, ce qui permet d’aborder des sujets sociologiques et environnementaux, comme l’invasion du frelon asiatique, la pollinisation rendue difficile par la bétonisation des espaces, ou encore la tragique disparition des espèces, due à l’utilisation sans frein des pesticides divers et variés :

Elle avait déjà récolté ses premiers miels de cette variété tardive appelée barbeau par les anciens. Un miel jaune, léger, aromatique et épicé avec une étonnante note de barbe à papa ! Il faisait fureur sur les marchés locaux, tout comme celui blanc et odorant, de lavande, produit par son ami et collègue Béziat. – Ah, si seulement ces saletés de frelons asiatiques n’existaient pas ! soupira-t-elle en s’approchant de ses ruches assaillies (DF, 22).

Ce véritable catalogue des nuisances écologiques et des difficultés rencontrées par les métiers du miel se double d’intrigues parfois acrobatiques, qui font d’Audrey une forme de nouvelle « Dora l’exploratrice », plongée dans des milieux complotistes ou néonazis – souvent plus proches des aventures de Blake et Mortimer que d’une pragmatique pseudo-réaliste à la Bernard Minier ou à la Jean-Christophe Grangé, ses grands modèles. Mais l’optimisme, l’amitié, la solidarité fournissent l’antidote ensoleillé des menées tortueuses et des maltraitances écocides :

Je suis venue pour tes ruches. – Alors c’est par là, dit Héloïse en contournant la demeure à l’arrière de laquelle s’étalait un terrain tout en longueur où se déployaient en quinconce une soixantaine de ruches à toits plats. […] Le miel alimentaire deviendra très secondaire, je produirais juste ce qu’il faudra pour servir les tables des petits déjeuners » (CPM, 122-123).

La lutte contre les frelons (lutte regrettable mais nécessaire) est décrite avec le souci du détail qui caractérise la plupart des « moments » professionnels, comme s’il fallait compenser par le sérieux du métier le sensationnalisme des scénarios :

« Larcher alla récupérer le coupe-branches du propriétaire et scia le rameau auquel était accroché le nid. Puis il s’écarta vivement. Le nid s’écrasa au sol, ses strates de cellulose explosèrent avant de retomber sur l’herbe, révélant un habitat complexe et méthodique » (DF, 150).

Cette première riposte s’accompagne aussi de constats plutôt pessimistes sur la nature des sols et la conscience des cultivateurs :

L’actuel propriétaire, âgé, n’est pas plus engagé que ça dans la protection de l’environnement. Après nous le déluge ! Il eut un petit éclat de rire ne montant pas jusqu’à ses yeux gris, lesquels restèrent froids comme l’acier à scruter Audrey. – Donc, vous admettez qu’il y a un problème dans la pommeraie ? – J’admets seulement que hors de la pommeraie je ne peux garantir aucun domaine, il y a trop de cultures céréalières dans la région qui, vous le savez, sont un gouffre à pesticides, fongicide, insecticide et autres herbicides regroupés sous la jolie bannière de produits phytosanitaires (FD, 107).

Ailleurs, le surgissement du monde gay permet également quelques échappées récréatives, et en tout cas inattendues. L’un des enquêteurs se souvient de Je suis un homo, la chanson d’Aznavour, et fredonne : « J’habite seul avec maman, dans un très vieil appartement, rue Driand… » (MB, 226) à la place du mieux euphonique « J’habite seul avec maman/Dans un très vieil appartement/Rue Sarasate », mais on s’explique moins l’allusion de la page 227, où le Capitaine Danrit est bizarrement appelé « Darit », dans une explication anagrammatique pourtant consacrée au réel colonel Driant (MB, 227).

Parfois, la volonté de l’auteur de sonder un passé épouvantable amène à des sautes de tons et de thèmes qui, au sein d’aventures policières qui se veulent résolument tout public, ont de quoi étonner :

Ils en trouveront des cadavres, comme celui des Juives que vous achetiez pour tester des soporifiques, même que vous vous plaigniez à l’époque que c’était trop cher payé parce qu’elles crevaient à vitesse grand V… (FD, 336).

L’arrière-monde d’Audrey, son « équipement zoèmique » pour parler comme Claude Lévi-Strauss, semble d’ailleurs s’ombrer du souvenir plusieurs fois évoqué d’un possible viol (« Audrey, j’ai bien compris qu’il t’était arrivé quelque chose de grave dans ta jeunesse, tu aurais pu m’en parler, je sais écouter », MB, 300). Puis elle connaitra également le traumatisme lié à la disparition de son époux, qui ressuscite quasi miraculeusement à la fin de Mort d’une bougie.

Ce tour de passe-passe scénaristique rappelle cependant celui que Patricia Cornwell a joué à son héroïne Kay Scarpetta, lorsqu’elle fait assassiner son époux Benton Wesley – lequel revient en grande forme un volume plus tard, après avoir été de surcroît autopsié ! Si Cornwell le fait, Valérie Valeix peut bien s’y risquer aussi.

Soleil de nuit : les ruches sombres

À Bucarest, la police avait fait une découverte apocalyptique chez un webmaster spécialisé dans le porno juvénile, des snuff-movie’s : des vidéos sataniques de viol avec mise à mort. Rocher qui en avait visionné des extraits, lui avait confié qu’il n’en avait pas dormi pendant trois jours. (FD, 382)

Nous évoquions plus haut la mini-dramaturgie issue des détails de la couverture, qui préludent à des fictions parfois baroques, puisque nous allons croiser bisexuels, asexuels et travestis, scènes d’orgies libertines et sectes d’adorateurs de la reine abeille, et même des néonazis inspirés par la mémoire d’Himmler.

Il n’en demeure pas moins que chaque enquête sert à pointer les dangers de l’effondrement du vivant, qui frappe les ruches de plusieurs façons (pesticides, acariens et prolifération des frelons prédateurs), comme les sentinelles impuissantes et vulnérables de notre propre future extinction. Le message écologique est sans cesse réaffirmé, en même temps que se déploient des intrigues à rebondissements, semées de scènes plutôt familières des romans d’espionnage, comme celle qui voit le beau, grand et blond Antoine, mari d’Audrey, affronter deux terroristes arabes cruels, fourbes et stupides : « Elle […] se trouva nez à nez avec deux barbus, la petite trentaine et des mines patibulaires » (MB, 322) ; « À la vue de ce militaire immense et blond, Audrey faillit tomber à la renverse […] – Steinberger, par Allah ! Je savais que t’étais pas crevé dans le désert syrien ! » (MB, 325) ; « Alors je mourrai en martyre ! Poignard en avant le Syrien fonça sur Antoine » (MB, 326). La collection des éventuels ennemis, individuels ou collectifs, rappelle davantage, il est vrai, OSS 117 que John le Carré, mais la fonction même de ce super gendarme/agent secret l’expose à de multiples embûches ; dans un autre épisode, il en découd avec « Tarik » et « Faouzy », et ça ne se passe pas bien non plus :

Antoine lut la haine dans les yeux du Noir, assortie d’une volonté farouche de tirer. Il s’agenouilla sur l’herbe humide (ACC, 243).

Dans une ambiance paroxystique de brimades sexuelles (qui n’est pas sans rappeler un certain Gérard de Villiers), La Fumée du Diable nous confronte à des instantanés d’agressions assez explicites, comme en témoigne ce court extrait :

Il s’approcha, Audrey se tortilla pour échapper à ce contact en vain. […] L’autre put tirer à l’aide du pommeau de sa canne sur son shorty noir ; à la vue de sa courte toison blonde, il confirma : vraiment pas mal ! (FD, 335).

Passer de l’exercice des gestes de l’apiculture à l’exhibition forcée de sa toison pubienne contribue à créer pour le personnage d’« Audrey » une forme de dissensus romanesque parfois égarant10 ; heureusement, comme pour Angélique Marquise des Anges, il ne se passe jamais rien d’irréversible, mais l’effet rendu reste ce que les Anglais appelleraient weird : bizarre. Nous allons d’ailleurs de secte satanique en secte diabolique, puisque tout le second volume, La Fumée du Diable, est consacré aux crimes pédophiles d’un groupe nommé Empis Livida11, dont les horreurs sont dûment rapportées dans des passages tels que « Empis Livida était aussi une organisation satanique, huit enfants roumains, six petites filles et deux garçons, âgés environ de six à sept ans, ont été retrouvés nus dans une salle souterraine du Lip-Stick » (FD, 347). On s’éloigne alors de la vie des abeilles, même si de nombreuses remarques sociohistoriques maintiennent toujours un lien, ténu mais solide, avec l’univers du rucher : « Dès 1945, il a fallu polliniser toute l’Allemagne à la main faute d’insectes pollinisateurs survivants » (FD, 108).

Mais c’est sans doute dans Mort d’une bougie, que des formules étonnement crues sont le plus communément utilisées ; l’un des protagonistes décrit ainsi son amant :

— Je n’ai pas tué Nino, croyez-le ou non, je l’aimais bien […] C’est lui qui aurait mérité le surnom de Fanfan la Turlute (MB, 264).

Sans doute l’auteur manifeste-t-elle ainsi sa volonté de ne pas se cantonner dans des récits trop mièvres ou édulcorés, même si, en même temps, elle revendique une filiation amicale avec la série portée par le comédien Pierre Arditi, Le Sang de la vigne12, dont elle reprend en effet, sur le mode apicole, les intrigues et les résolutions rapides – mais après tout n’était-ce pas déjà le cas pour les Harry Dickson de Jean Ray, ou les fantaisies contemporaines de François Ruaud ?

Elle s’autorise également de l’appui et de l’appoint d’une authentique femme flic, caution évidement irrécusable de véracité – ou en tout cas de plausibilité. Nous avions déjà évoqué l’étrange binôme, mi-réel mi-fictionnel, qui préside ici aux destinées du récit : en effet, l’auteur a demandé à une ancienne commissaire de police, Danielle Thiéry13, d’être non seulement la préfacière de l’ouvrage, mais aussi l’accompagnatrice fictive de son héroïne Audrey… C’est un cas de figure romanesque assez rare que de voir une personnalité réelle14 enjamber ainsi les frontières de la fiction pour devenir l’héroïne d’une quête policière, dans le milieu des transformistes parisiens. Ce n’est plus « une » compétence professionnelle qui est mise en avant, mais deux : l’OPJ apporte son expertise spécifique, là où Audrey, malgré toute sa science de la ruche, échoue à « lire » le modus operandi de crimes si éloignés de son propre usus. La synergie des parcours et des habiletés débouchera, on s’en doute, sur une résolution longtemps espérée.

Dans Une coccinelle dans la lande, le Breton Jean Failler15 rejoint Audrey/Valérie, pour une investigation motivée par un squelette trouvé dans la « Coccinelle » du titre, qui n’a rien d’un insecte porte-bonheur, mais tout d’une vieille voiture abandonnée. Là encore, la brutalité des évocations du passé donne au miel d’aujourd’hui l’amertume d’une coupe de poison :

Le souvenir du couple torturé hantait ses nuits […]. Madame Dupron dont le corps nu, exposé aux regards de tous les miliciens, affichait plusieurs traces de fer à repasser (CL, 145).

Quant aux abeilles bretonnes, elles sont sévèrement challengées, dans la réactivité agressive, par leurs cousines corses :

 - les abeilles corses, c’est bien autre chose : lors d’un reportage chez un apiculteur de Calvi, elles m’ont non seulement assailli, mais aussi mon appareil photo ! […] J’ai retrouvé des dards plein la bandoulière (…) et même un coincé dans le déclencheur ! (CL, 60).

Pour en revenir à Danielle Thiéry, elle confesse spirituellement sa propre surprise, devant l’agencement équivoque du roman :

Faire d’une apicultrice une enquêtrice judiciaire, il fallait oser ! Quoique, au milieu des ruches, encapuchonnée, gantée et protégée comme pour entrer dans le réacteur d’une centrale nucléaire, on pourrait facilement prendre cet ovni pour un agent de la police technique et scientifique, en route pour une scène de crime (MB, 9).

Pour dynamiser le rythme, chaque volume contient son – ou ses – « big bad16 », parfois récurrents (Ambroise), qui par leurs crimes, prédations de toute sorte et délire psychopathologique, apportent toute la noirceur du monde au sein de la douceur dorée des abeilles et des ruches ; dans Échec à la reine, on fait d’ailleurs immédiatement connaissance de l’ordre semi-religieux Apis, ce qui permet de mieux comprendre l’amphibologie du titre, puisque la reine en question n’est pas seulement celle de la ruche, mais aussi une jeune femme nommée Elizabeth Neyrat, cheffe d’une organisation criminelle pseudo mystique, et qui finit « poignardée au cours d’une rixe entre détenues » (ER, 379). Le fameux frère Ambroise réussit, lui, à s’échapper, pour revenir dans Confession d’un pot de miel, mais il a le temps auparavant de prêter allégeance à la future reine selon un rite plus ou moins assimilable à celui de l’adoubement d’un paladin :

Toujours agenouillé, il baisa avec dévotion l’anneau Apis, une imposante chevalière en or facetté d’une abeille en diamants que la reine portait à son annulaire droit. — Dei servat apes, dit celle-ci. — Apes servat homines17, répondit frère Ambroise. (ER, 265).

Peu aimé, il a l’étrange privilège de se faire traiter de « hémoroïdeweckser » (« branleur d’hémorroïde ») par Antoine (FD, 27) – ce qui encore une fois induit une appartenance plus « Fleuve noir » que « Maya l’abeille ».

Des intermèdes quasi sadiens pimentent, on le voit, des récits de pollinisation et de recueil de miel, dans une sorte de grand écart thématologique dont le surgissement d’un groupe de nazis figure sans doute l’acmé. En effet, dans Dix Petits Frelons, le désastre écologique qui frappe des abeilles est peu à peu symétrisé avec la spoliation des biens juifs qui s’effectua pendant l’Occupation. C’est pourquoi tout se passe à Giverny, strate mémorielle éblouissante s’il en est, afin de servir de décor contrastif au resurgissement d’un passé nauséabond, actualisé par une invraisemblable bande de bras cassés, dont la description dit assez l’appartenance idéologique :

Deux individus d’à peine trente ans, aux crânes rasés et tatoués à peu près partout, même sur la tête, de croix gammées, de croix de fer, poings fermés, insignes SS… […] L’un des deux nazis eut un sourire mauvais avant de cracher aux pieds de Ney (DF, 349).

Les malheureuses abeilles deviennent peu à peu l’emblème de toutes les victimes des tyrannies et des exterminations, comme le suggère enfin cette phrase :

Les ailes rongées par les acariens, elles se contentaient de marcher sur les bords des cadres. La situation était critique (DF, 292).

Certes ici, les scénarios vont parfois très loin dans l’inconfortable, le baroque et le kitsch, mais comme le dit l’un de ses préfaciers, Michel de Decker (décédé depuis) : « Je me suis follement amusé en me voyant apparaitre […] dans quelques pages du livre ! Amusé certes, mais je n’en ai pas pour autant perdu le fil de l’étonnante intrigue du bouquin » (DF, 9).

Toutes les ruches, sans exception, flambaient […] Avant de brûler les ruches malades de loque, il convenait d’euthanasier la colonie au plus tard de la journée quand toutes les butineuses étaient rentrées. Sans quoi, les ouvrières retardataires tacheraient de se faire adopter par une ruche du voisinage et propagerait la maladie dans le canton (ER, 62).

En conclusion, on peut saluer dans cette heptalogie une fantaisie et une liberté qui n’étaient pas acquises dès le départ, car souvent les FASP souffrent d’un trop grand tiraillement entre l’aspect documentaire de leurs apports, et la nécessité romanesque d’une œuvre populaire. En quittant l’univers d’Audrey, le lecteur en sait beaucoup plus qu’avant sur les abeilles nettoyeuses, les nourrices, le couvain, les maçonnes ou les gardiennes… toutes connaissances infusées en un cocktail parfois détonnant d’érotisme « soft » et d’énigmes historico-criminelles.

Néanmoins, la grande qualité reste le constant parallèle entre le destin du rucher, menacé, indispensable et vaillant, et notre propre monde, vulnérable, en proie à nos pulsions autodestructrices, et pourtant précieux et essentiel. Cette métaphorisation de l’un par l’autre, avec comme point nodal la figure attachante d’Audrey, témoigne d’une double qualification : le soin porté aux abeilles fait d’elle une femme-insecte, rayonnante et douce, comme ce miel qu’elle conseille et promeut, prenant exemplairement modèle sur la société de la ruche pour essayer d’éclairer, d’amender et de purifier les rouages de la nôtre.

On peut donc y lire une forme de variation humaniste de cet « insecte au miroir » dont Christiane Pintado a fait le beau titre de son nouvel ouvrage18. Alors, que Dieu sauve la Reine (des abeilles), ses magasinières, ses ventileuses et ses butineuses : apis servat homines.

1 Stéphane Legrand, « L’éloquence est du miel », Labyrinthe, n° 40, 2013, p. 87-89 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/labyrinthe.4318.

2 Née dans les Yvelines en 1971, passionnée d’Histoire, Valérie Valeix a été membre de la Fondation Napoléon. À la suite d’un déménagement en

3 On ne peut que songer au thriller entomique La Nuée de Just Philippot (2020), mais ce sont là des criquets et non des abeilles.

4 Les références complètes des sept volumes se trouvent en fin d’article, suivies des arguments rédigés par l’éditeur.

5 Ce ne sont que « Hopla », « schissdrake » et autres « Jo ».

6 On aura reconnu le rappel, à peine modifié, d’une série française célèbre en son temps : Le Miel et les Abeilles, créée par Jean-François Porry

7 Nous désignons ainsi le monde fictionnel, au sens que lui donne Jean Bessière dans « Le lieu de l’œuvre », in Principes de la théorie littéraire

8 Bernard Baritaud, La Mort en charentaises, Voir Angoulême et mourir, Le Pineau du pendu, etc., Plouédern, Éditions du 28 août-Gisserot, 2008, 2010

9 Littéralement : « au front moyen » ; ainsi désigne-t-on les productions « grand public », de bonne qualité mais dépourvues des signes de

10 La critique anglo-saxonne nomme ces apports diégétiques inattendus « OOC », autrement dit « out of character », loin des traits de personnalité

11 L’Empis livida est une espèce d’insecte de l’ordre des diptères, butineur et prédateur, aux gros yeux et à la tête ronde, dont les mâles font don

12 Le Sang de la vigne, série télévisée policière franco-belge diffusée à partir de 2011, est l’adaptation de romans policiers de Jean-Pierre Alaux

13 Danielle Thiéry a elle-même publié de nombreux romans policiers ainsi que des scénarios pour la télévision. Depuis 2015, elle préside le jury

14 Michel de Decker fera pareillement une apparition in vivo dans Dix Petits Frelons.

15 En 1992, Jean Failler a inauguré une série de romans policiers ayant pour héroïne une certaine Mary Lester (62 volumes à ce jour). Une série

16 Popularisée par le monde vidéoludique, l’expression renvoie aux « grands méchants » qui mènent la vie dure aux héros et commettent toutes sortes

17 « Dieu sauve les abeilles, les abeilles sauvent les hommes ».

18 Christiane Connan-Pintado (dir.), L’Insecte au miroir des livres pour la jeunesse. Présence, représentations, discours, Clermont-Ferrand, Presses

Bibliographie

Valérie Valeix, Les Enquêtes de l’apicultrice, Quimper, Éditions du Palémon, 7 volumes (arguments rédigés par l’éditeur).

Échec à la reine (Les Enquêtes de l’apicultrice), n° 1, mars 2017.
On découvre, Audrey, le personnage principal, apicultrice dans un petit village de la vallée de la Dordogne ; éminente apicultrice consultante dans le Quercy, la jeune Audrey Astier parcourt le monde à la recherche de méthodes de travail différentes dans le but d’assurer la sauvegarde des abeilles. Alors qu’elle a rendez-vous avec son vieux maître de stage, Janissou Laborde, dit la Papé, celui-ci disparaît mystérieusement… Aux côtés du troublant lieutenant Steinberger, fraîchement affecté à la gendarmerie de Rocamadour après son retour d’Afghanistan, Audrey va courir le causse pour tenter de déjouer les pièges d’une effroyable société secrète prête à tout pour arriver à ses fins.

La Fumée du Diable (Les Enquêtes de l’apicultrice), n° 2, octobre 2017.
Éminente apicultrice consultante dans le Quercy, la jeune Audrey Astier parcourt le monde à la recherche de méthodes de travail différentes dans le but d’assurer la sauvegarde des abeilles. Audrey quitte son Quercy pour la Normandie, appelée au secours par Laure, une apicultrice dont les ruches ont été brutalement décimées au beau milieu d’un conservatoire de pommes biologiques. Trois jours après l’arrivée d’Audrey, Laure est retrouvée asphyxiée près de son enfumoir allumé… Audrey va retrouver le lieutenant Steinberger qui lui fera découvrir les charmes de l’Alsace et de la langue alsacienne.

Confession d’un pot de miel (Les Enquêtes de l’apicultrice), n° 3, mars 2018.
Audrey se rend dans le prestigieux terroir de Monbazillac résoudre une affaire de miel empoisonné responsable du décès d’Edmond Robart, propriétaire du domaine viticole Château Haut-Briac qu’Héloïse, ancienne élève d’Audrey et nouvelle jeune épouse de Robart, souhaite transformer en spa apicole de luxe. Enceinte de cinq mois, Audrey, qui s’apprête à épouser Antoine, se porte au secours de son amie sur laquelle pèsent de lourds soupçons, relayés par Alexia, la fille de Robart.

Abeilles, crimes et champagne (Les Enquêtes de l’apicultrice à Reims), n° 4, décembre 2018.
Audrey l’apicultrice va découvrir le milieu de la production de champagne en enquêtant dans la région de Reims. Vignerons et apiculteurs ne font pas toujours bon ménage… haine, jalousie et règlement de compte.

Dix Petits Frelons (Les Enquêtes de l’apicultrice à Giverny), préface de l’historien Michel de Decker, n° 5, 2019.
Après la disparition de son mari, gendarme d’élite et membre des forces spéciales, survenue lors d’une mission en Syrie, Audrey se rend chez Grégory Larcher, prêtre éducateur de rue et apiculteur spécialiste en gelée royale, afin d’y suivre une formation approfondie sur la précieuse substance. Cet homme habite le célèbre village normand de Giverny où il a créé la « Ferme aux Enfants », un lieu d’accueil pour jeunes en difficulté qu’il initie à l’apiculture et à la peinture, étant voisin de la propriété où vécut le peintre Claude Monet. À peine arrivés sur place, Audrey et son fidèle ami, Lebel, se rendent au vernissage de l’exposition « Magie d’un peintre » qui révèle au public un dessin inédit de Monet, « Collier aux Nymphéas », de 1909, et la réalisation contemporaine de ce projet de bijou par le prestigieux joaillier Chaumet. La nuit suivante, la Fondation est cambriolée. Seuls le dessin et le collier ont disparu et, à leur place, ont été déposés deux frelons secs.

Mort d’une bougie (Les Enquêtes de l’apicultrice à Paris), préface de Danielle Thiéry, n° 6, 2020.
En collaboration avec une ancienne grande flic et pas n’importe laquelle, une des premières femmes commissaires de France : Danielle Thiéry. Et dans Mort d’une bougie, Danielle ne se contente pas de la préface, elle enquête au côté de l’héroïne dans le milieu transgenre de la capitale. Suivie du fidèle Lebel, Audrey se rend à Paris, missionnée par le magazine L’Abeille de France pour un reportage sur la prestigieuse institution Cire Marie. Ils posent leurs bagages dans une chambre d’hôtes du quartier de Saint-Germain-des-Prés, où est installée la célèbre boutique de bougies parfumées.

Une coccinelle sur la lande, avec Jean Failler (Les Enquêtes de l’apicultrice, Bretagne/Cap Sizun), n° 7, 2022.
Cap Sizun, été 1974 : Rozen Le Bihan quitte la ferme familiale au volant de sa coccinelle bleue et disparaît. Printemps 2017 : Audrey et Antoine sont en vacances à La Quincaillerie d’Audierne. Ils se rendent chez Gabriel Le Bihan, apiculteur et photographe renommé, connu sous le pseudonyme de Gargamiel, qui souhaite vendre la ferme parentale et propose à Audrey ses colonies « Noires du Cap Sizun ». Tandis que celle-ci visite le rucher, un mur de bois s’effondre dans la grande étable, révélant une Coccinelle bleue, dont le coffre recèle un squelette de femme. Serait-ce celui de Rozen Le Bihan ? Alors qu’Antoine est nommé directeur d’enquête de ce cold case, Audrey se lance dans des investigations psychogénéalogiques au côté de Jean Failler, célèbre auteur breton de romans policiers et ami du fidèle Lebel. À eux trois, ils feront ressortir bien des fantômes transgénérationnels.

Notes

1 Stéphane Legrand, « L’éloquence est du miel », Labyrinthe, n° 40, 2013, p. 87-89 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/labyrinthe.4318.

2 Née dans les Yvelines en 1971, passionnée d’Histoire, Valérie Valeix a été membre de la Fondation Napoléon. À la suite d’un déménagement en Normandie, intéressée depuis toujours par l’apiculture (son arrière-grand-père était apiculteur en Auvergne), elle fonde les ruchers d’Audrey. Elle s’engage alors dans le combat contre l’effondrement des colonies, la « malbouffe », et dans l’apithérapie (soins grâce aux produits de la ruche). Elle eut l’honneur d’être amie – et le fournisseur de miel – de Juliette Benzoni, décédée en 2016 (source : Wikipedia).

3 On ne peut que songer au thriller entomique La Nuée de Just Philippot (2020), mais ce sont là des criquets et non des abeilles.

4 Les références complètes des sept volumes se trouvent en fin d’article, suivies des arguments rédigés par l’éditeur.

5 Ce ne sont que « Hopla », « schissdrake » et autres « Jo ».

6 On aura reconnu le rappel, à peine modifié, d’une série française célèbre en son temps : Le Miel et les Abeilles, créée par Jean-François Porry, produite par AB Productions et diffusée entre 1992 et 1997 sur TF1.

7 Nous désignons ainsi le monde fictionnel, au sens que lui donne Jean Bessière dans « Le lieu de l’œuvre », in Principes de la théorie littéraire, Paris, PUF, 2005, p. 13-57.

8 Bernard Baritaud, La Mort en charentaises, Voir Angoulême et mourir, Le Pineau du pendu, etc., Plouédern, Éditions du 28 août-Gisserot, 2008, 2010, 2012.

9 Littéralement : « au front moyen » ; ainsi désigne-t-on les productions « grand public », de bonne qualité mais dépourvues des signes de littérarité d’une « grande » œuvre.

10 La critique anglo-saxonne nomme ces apports diégétiques inattendus « OOC », autrement dit « out of character », loin des traits de personnalité installés jusque-là.

11 L’Empis livida est une espèce d’insecte de l’ordre des diptères, butineur et prédateur, aux gros yeux et à la tête ronde, dont les mâles font don d’une proie à la femelle pour qu’elle leur permette de s’accoupler.

12 Le Sang de la vigne, série télévisée policière franco-belge diffusée à partir de 2011, est l’adaptation de romans policiers de Jean-Pierre Alaux et Noël Balen réunis dans la collection du même nom, Fayard, 2004-2017.

13 Danielle Thiéry a elle-même publié de nombreux romans policiers ainsi que des scénarios pour la télévision. Depuis 2015, elle préside le jury spécial police du Festival du film policier de Beaune.

14 Michel de Decker fera pareillement une apparition in vivo dans Dix Petits Frelons.

15 En 1992, Jean Failler a inauguré une série de romans policiers ayant pour héroïne une certaine Mary Lester (62 volumes à ce jour). Une série télévisée l’a prise également comme héroïne récurrente, mais seul le « pilote » est réellement écrit par Jean Failler.

16 Popularisée par le monde vidéoludique, l’expression renvoie aux « grands méchants » qui mènent la vie dure aux héros et commettent toutes sortes de violents forfaits.

17 « Dieu sauve les abeilles, les abeilles sauvent les hommes ».

18 Christiane Connan-Pintado (dir.), L’Insecte au miroir des livres pour la jeunesse. Présence, représentations, discours, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2022.

Citer cet article

Référence électronique

Isabelle-Rachel CASTA, « Abeilles en série, crime au rucher… », Sociopoétiques [En ligne], 8 | 2023, mis en ligne le 18 octobre 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=1858

Auteur

Isabelle-Rachel CASTA

Centre de recherche Textes et Cultures, Université d’Artois

Droits d'auteur

Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)