Introduction

Texte

La sociopoétique s’attache à examiner comment l’écriture travaille, consciemment ou moins consciemment, les représentations sociales et permet d’appréhender ces dernières « comme éléments dynamiques de la création littéraire » (A. Montandon, (dir.), Sociopoétique de la danse, Paris, Anthropos, 1998, p. 1) :

Il s’agit d’analyser la manière dont les représentations et l’imaginaire social informent le texte dans son écriture même (Ibid.).

Or, en tant que phénomènes, les représentations sociales se présentent sous des formes variées, plus ou moins complexes. Elles sont liées à la réception, à l’intégration et à l’interprétation consciente ou non des faits de société par l’écrivain. Elles peuvent se traduire en images qui condensent un ensemble de significations, en systèmes de référence qui permettent de mieux cerner un ensemble de données et de leur conférer un sens, ou encore en catégories qui servent à classer les circonstances, par exemple. On voit quelle peut être l’importance de l’interface du psychologique et du social dans le contexte concret où sont situés individus et groupes, associés à différents systèmes de valeurs culturelles et à différents codes et idéologies en fonction de leur appartenance sociale spécifique.

Miroir, mon amour

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Le domaine des mythes et celui des contes permettent idéalement de cristalliser et de traduire la réception subjective de faits de société saillants, dans une culture donnée et à un moment donné. L’écriture mythographique croise les champs du singulier et du collectif. Dans ce contexte, contes et mythes, qui sont le miroir de concentration des fluctuations historiques, culturelles, et des codes et pratiques en cours, constituent un matériau privilégié pour mesurer l’évolution des représentations sociales. Peu importe dès lors la nature ou l’origine de la figure mythique élue, redécouverte et susceptible d’apparaître sous un nouveau jour, dotée d’attributs parfois inédits, qui sont fonction des représentations sociales dont elle est porteuse.

On voit ainsi que Cassandre aussi bien que la femme de Loth sont désormais des témoins requis par les cataclysmes de l’Histoire, quand les refigurations contemporaines d’Hamlet font de lui un représentant inattendu de la raison et de « l’individualisme moderne ». Blanche-Neige brandit l’étendard d’un Féminin qui reprend voix pour lutter contre l’oppression intergénérationnelle et le poids des représentations genrées. Prométhée se féminise lorsqu’il est au service d’une idéologie socialiste dans la France des années 1840 qui réprime toute velléité de revendication jugée révolutionnaire. La vision des Enfers et de leur Passeur, ou la figure du Monstre se métamorphosent quant à elles en fonction des époques et des destinataires de textes centrés sur des réflexions historiques et politiques sur le Rwanda ou l’Albanie du xxe siècle. La plasticité, la polysémie, la capacité palingénésique des mythes et des contes ne sont pas choses nouvelles. La perspective sociopoétique, en revanche, met en évidence de façon très éclairante le processus d’interprétation des faits de société que ces récits révèlent.

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Miroir, mon amour

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Référence électronique

Pascale AURAIX-JONCHIERE et Véronique LÉONARD-ROQUES, « Introduction », Sociopoétiques [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 09 novembre 2016, consulté le 20 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=508

Auteurs

Pascale AURAIX-JONCHIERE

CELIS, Université Clermont Auvergne

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Véronique LÉONARD-ROQUES

CECJI, Université de Bretagne occidentale

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