Le contrôle de la Cour de cassation sur la motivation des peines

DOI : 10.52497/revue-cmh.1090

Plan

Texte intégral

Le contrôle de la motivation en général – Exercer un contrôle de la motivation est un exercice classique pour la chambre criminelle depuis que la motivation est apparue comme un moyen de lutter contre l’arbitraire, soit depuis les lendemains de la Révolution française et l’adoption de l'article 7, alinéa 2 de la loi d'organisation judiciaire du 20 avril 1810 qui dispose :

Les arrêts […] qui ne contiennent pas les motifs sont déclarés nuls1.

Aujourd'hui, les fondements textuels de cette exigence se trouvent, en matière pénale, aux articles 485 du Code de procédure pénale s'agissant des délits, 543 du code s'agissant des contraventions et 593 qui élargit la formule en incluant l'insuffisance des motifs. Le principe est également repris par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui affirme que :

Tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision2.

Le contrôle de la motivation pourrait ainsi n’être, en 2022, qu’une question très classique, aisée à étudier. Faut‑il en conclure que nous pourrions nous en tenir là ? Non, car il ne s’agit pas de s’intéresser à la motivation de la décision en général, mais à la seule question de la motivation des peines. Or, bien des choses restent à dire car la Cour de cassation a opéré ces dernières années d’importants changements qui vont nous conduire à nous interroger sur la teneur exacte du contrôle sur la motivation des peines.

La diversification des cas de contrôle de la motivation des peines – S’agissant de la motivation des peines, les changements ont été nombreux ces dernières années. Le changement, et donc la première hypothèse de contrôle, résulte de la loi. Dans un but de pure politique pénale3, le législateur a multiplié les motivations spéciales pour dissuader les juges de prononcer certaines peines. On se souviendra, même si l’exemple a désormais une valeur historique, des dispositions du Code pénal relatives aux peines plancher, pour lesquelles le juge pouvait prononcer moins que le plancher mais à grand renfort de motivation de sa décision4. De façon plus actuelle, l’article emblématique en la matière aujourd’hui est l’article 132‑19 du Code pénal, auquel il faut associer l’article 464‑2 du CPP, relatif au prononcé de la peine d’emprisonnement ferme et non aménagée. Si le juge peut prononcer une telle peine en matière correctionnelle, c’est au prix d’une motivation spéciale de sa décision permettant de comprendre en quoi la mise à exécution d’une telle peine s’impose compte tenu de la gravité de l’infraction et de la personnalité de son auteur, toute autre sanction étant manifestement inadéquate. Or, cette motivation spéciale conduit à un contrôle de la motivation de la Cour de cassation par lequel elle vient sanctionner les éventuelles violations de l’obligation en cassant les décisions des juges du fond qui n’ont pas satisfait à cette obligation.

Le second changement, et donc la deuxième hypothèse de contrôle de la motivation, résulte de la création prétorienne d’une obligation générale de motivation des peines. Lorsque, à compter du 1er février 20175, la Cour de cassation exige des juges du fond qu’ils motivent la peine correctionnelle prononcée en considération de la gravité des faits, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, matérielle ou familiale, c'est‑à‑dire au regard des critères de l'article 132‑1 du Code pénal, elle abandonne sa formule classique, selon laquelle :

La détermination de la peine par les juges, dans les limites prévues par la loi, relève d'une faculté dont ils ne doivent aucun compte6.

Or, cet abandon emporte de grands changements quant au contrôle opéré par la Cour de cassation. En effet, lorsqu’elle estimait que la fixation de la peine relevait du pouvoir discrétionnaire du juge, elle n’opérait aucun contrôle de la motivation. Seul le respect de la légalité par le prononcé d’une peine prévue par la loi était contrôlé, dans le cadre d’un contrôle au fond de la légalité de la décision. Au contraire, aujourd’hui, en exigeant des juges qu’ils motivent leur décision sur la peine, elle crée une nouvelle hypothèse de contrôle. La diffusion de la motivation7 et aujourd’hui sa généralisation8 à toutes les peines – principales comme complémentaires, prononcées à l’endroit de personnes physiques ou de personnes morales – a ainsi conduit à une multiplication des hypothèses de contrôle. En quelque sorte, mathématiquement, le nombre de décisions des juges du fond susceptibles d’être contrôlées a cru. Mais cette augmentation quantitative des occasions de contrôle – qui a placé la Cour de cassation face à un important afflux de pourvois venant contester l’absence voire la mauvaise qualité de la motivation des décisions spécialement entre février 2017 et début 2021 –, n’est pas l’essentiel. Moins que la présence du contrôle, moins que l’abondance des hypothèses de contrôle, c’est la densité du contrôle qui va retenir notre attention, car au gré des décisions on a assisté à une densification du contrôle.

La densification du contrôle de la motivation des peines – Deux questions se posent alors. D’une part, on peut se demander ce qui explique une telle densification. Quelles en sont les raisons ? Une fois cette première question résolue, nous pourrons nous interroger d’autre part, sur les conséquences que l’on peut en tirer sur le rôle de la Cour de cassation. En effet, derrière cette densification du contrôle, on peut se demander si la Cour de cassation n’a pas entendu changer la nature du contrôle qu’elle entend opérer. Cette densification pourrait être en effet le reflet d’un changement de type de contrôle avec un passage d’un contrôle de l’obligation de motivation – lequel consiste seulement à s’assurer que les juges ont bien satisfait à l’exigence légale de motivation en vérifiant qu’elle est existante, qu’elle est suffisante et non contradictoire – à un contrôle du respect d’une règle de fond. Bref, après avoir étudié les raisons de la densification (I), nous aborderons la portée de la densification (II).

I. Les raisons de la densification du contrôle de la Cour de cassation sur la motivation des peines

Deux explications semblent pouvoir être données à cette densification du contrôle. Elle s’est en effet organisée tant au nom de l’effectivité du principe d’individualisation de la peine (A) que dans un but pédagogique (B).

A. Une densification au nom de l’effectivité du principe d’individualisation de la peine

La densification du contrôle opéré par la Cour de cassation pourrait s’expliquer par la volonté de garantir l’effectivité du principe d’individualisation. Il s’agit là d’une raison envisageable (1) mais qu’il conviendra de relativiser (2).

1. Une raison envisageable

Motivation et individualisation sont désormais deux exigences étroitement unies. Pourtant, ce lien n’a pas toujours existé. Individualiser et motiver sont en effet, du point de vue de la notion, deux choses différentes, l’une n’implique pas l’autre. La motivation consiste pour le juge à indiquer les raisons qui l’ont conduit à choisir une peine9. L’individualisation, quant à elle, impose de choisir la peine la plus adaptée au condamné, dans son individualité10. On peut donc très bien individualiser sans motiver. C’est d’ailleurs ce que les juges ont fait tout le temps où la Cour de cassation n’exigeait pas d’eux qu’ils indiquent dans leur décision comment ils étaient parvenus au résultat. Aujourd’hui, ces deux tâches demeurent différentes mais sont étroitement liées. Le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 2 mars 2018, estime que le principe d’individualisation qui découle de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen implique qu’une sanction ne puisse être prononcée que si le juge l’a expressément choisie en tenant compte des circonstances propres à l’espèce11. Il pose donc seulement une exigence de motivation de la peine. Toutefois et afin de donner toute son effectivité à ce principe, la Cour de cassation a amorcé un contrôle de la motivation générale de la peine12.

Cette volonté de la Cour de cassation de garantir au principe sa pleine effectivité transparaît peut‑être même encore plus à l’étude de la jurisprudence de la chambre criminelle en matière de période de sûreté. En effet, la période de sûreté n’est pas une peine mais une modalité d’exécution de la peine13. N’étant pas une peine, elle ne devrait pas avoir à être motivée. Cependant, parce que la période de sûreté « présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce », le Conseil estime que la période de sûreté doit être individualisée14. À partir de là, la chambre criminelle a eu une vision extensive de ce qu'il faut motiver et soumet à cette obligation la période de sûreté. Par un arrêt du 10 avril 2019, elle a affirmé que la période de sûreté, lorsqu'elle est facultative ou lorsqu'elle excède la durée prévue de plein droit, doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée15. Depuis cette décision, on constate que la Cour procède à un contrôle de cette motivation et précise même les critères de la motivation16.

La densification du contrôle est donc bien un moyen pour la Cour de vérifier la correcte motivation, et donc de garantir l’effectivité du principe d’individualisation. Cependant, on peut se demander si cette raison est la plus importante, voire si elle est même la bonne raison.

2. Une raison discutable

Si la volonté de donner au principe d’individualisation de la peine toute son effectivité est assurément présente, on peut se demander si telle en est bien la raison. En effet, il est assez aisé de relever que la Cour de cassation a fait quand même preuve d’une certaine frilosité dans la définition du champ d’application dans le temps de l’exigence. Ainsi, par plusieurs arrêts rendus le 20 juin 2018 à propos des peines criminelles, elle a refusé de contrôler la motivation de la peine au motif que le Conseil constitutionnel avait reporté au 1er mars 2019 les effets de la décision imposant une obligation de motiver le choix de la peine criminelle17. De même à propos de la période de sûreté, dans l’arrêt du 10 avril 2019, elle précise que la nouvelle interprétation ne peut avoir d'effet rétroactif, à l'instar de la motivation des peines criminelles et contraventionnelles18. Ces décisions illustrent une position ambivalente de la chambre criminelle, qui d’un côté étend la portée de l'exigence de motivation tout en posant, de l’autre, des restrictions. Surtout elles ne contribuent pas à donner au principe d’individualisation sa pleine effectivité. Dès lors, une question se pose : n’y a‑t‑il pas une autre raison qui prime sur celle‑ci et qui expliquerait pourquoi tant de décisions ont été rendues ?

B. Une densification à finalité pédagogique

La Cour de cassation ne se borne pas à exiger des juges du fond qu’ils motivent. Elle semble avoir eu la volonté de les aider dans cette voie. Aujourd’hui, avec un peu de recul sur l’abondant contentieux de ces dernières années en matière de motivation de la peine, on peut penser que le contrôle a été l’occasion pour la Cour de cassation de préciser, à destination des juges du fond et donc de la manière la plus pédagogique possible, les critères de la motivation. D’une part, au gré de ses arrêts, elle est venue en définir le sens (1). D’autre part, elle a précisé la manière de les articuler (2).

1. La définition des critères de la motivation

L’article 132‑1 du Code pénal se borne à énoncer trois critères sans les définir. À l’occasion de son contrôle, la Cour de cassation a apporté pour chacun d’eux des précisions concourant à mieux les cerner à partir d’un faisceau d’indices. Ainsi, pour contrôler la bonne motivation des juges eu égard aux circonstances de l'infraction, elle se réfère à la gravité des faits commis, laquelle peut découler de plusieurs facteurs qu’elle a identifiés dans ses arrêts : l’importance du préjudice causé à la victime, la nature de l'infraction19, mais également la qualité de l'auteur et la façon dont il a usé de cette dernière20. Pour s’assurer de la bonne motivation des juges eu égard à la personnalité et la situation personnelle de l’auteur, elle fait état de divers éléments : le comportement passé, présent et futur de l'auteur, ainsi que ses traits de personnalité et tout élément permettant de mieux comprendre la psychologie et les actes de l'intéressé. Pour les personnes morales, elle s’attache à la forme de la société, à son objet mais également à son capital ou sa taille21. La chambre criminelle précise également ce que le juge peut retenir dans sa motivation quant à la situation personnelle de l'individu. Elle se réfère à la situation maritale de la personne, au nombre d'enfants à charge, aux ressources et charges ainsi qu’à la profession22. Autant d’éléments qui ont essentiellement pour but de guider les juges afin qu’ils motivent désormais correctement leur décision23.

2. L’articulation des critères

Toujours dans un but de pédagogie nous semble‑t‑il, la Cour de cassation a, par son contrôle, dégagé deux règles. D’une part, elle exprime le caractère cumulatif des critères24. D’autre part, elle exige une motivation pour chacun d’eux. Néanmoins l’étude des arrêts montre qu’il serait plus correct de dire qu’elle exige des juges qu’ils fassent état des trois critères. Ils doivent en effet apparaître dans la décision, mais elle n’a pas toujours la même exigence d’intensité pour chacun. Elle admet ainsi que l’on puisse parfois en déduire un. Pour n’en prendre qu’un seul exemple, dans un arrêt rendu le 22 mars 201725, elle a approuvé un arrêt comportant une motivation très complète s'agissant des circonstances de l'infraction, alors que le critère tenant à l’auteur est à peine évoqué. Les ressources du prévenu semblent être prises en compte, mais elles ne sont pas détaillées. Surtout aucun détail sur sa personnalité n’est donné. Pourtant, la Cour de cassation juge qu’il ressort de l'argumentation de la cour d'appel que la peine est nécessairement motivée eu égard à la personnalité de l'intéressé, dès lors que les faits sont particulièrement détaillés. Plus globalement, il y a une exigence moindre en matière criminelle. Aujourd’hui, la loi reprend cette exigence allégée26. Néanmoins, avant la réforme, on pouvait observer une certaine frilosité de la Cour de cassation qui s’en était tenue à une lecture stricte de la décision du Conseil constitutionnel27, ce qui l’avait conduite à n’exiger qu’un exposé des « principaux éléments ayant convaincu les juges sur le choix de la peine28 ». Ainsi, le plus souvent, la motivation est jugée satisfaisante alors même qu’elle n’expose que la gravité des faits et la personnalité de l’auteur29. Paradoxalement, pour les peines les plus graves, elle opérait ainsi un contrôle moins poussé.

De l’ensemble de la jurisprudence, il semble bien que la volonté de la Cour ait été de faire œuvre de pédagogie, en définissant des critères et des règles de motivation. La méthode retenue n’emporte toutefois qu’assez peu la conviction, car c’est au gré des décisions qu’il semble possible de dégager des tenants. On peut regretter que la Cour ne se soit pas saisie de l’abondance du contentieux pour écrire une véritable « feuille de route30 » en la matière, comme elle l’a fait plus récemment au sujet de la LPJ et des aménagements de peine ab initio à l’occasion de plusieurs affaires qu’elle a regroupées pour, le même jour, rendre plusieurs arrêts précisant les règles d’une manière générale et au‑delà de la seule question de leur entrée en vigueur et de leur application dans le temps. Le fait de dégager des critères au fil de l’eau comprend nécessairement des aléas et des flottements. Toutefois, malgré les approximations nées de cette manière de faire, il semble bien qu’une grande marge de manœuvre ait été laissée aux juridictions du fond, la Cour de cassation se bornant à effectuer un rappel de temps à autre. Cela explique que moins d’arrêts aient été rendus à propos de la motivation ces derniers mois. La méthode aurait‑elle fonctionnée ? Après avoir ainsi tenté de trouver les raisons de la densification du contrôle, venons‑en maintenant à l’examen de la portée de cette densification.

II. La portée de la densification du contrôle

Que cache cette densification ? Faut‑il y voir une volonté de la Cour de cassation de changer son type de contrôle ? La densification apparente du contrôle n’a‑t‑elle pas pour but d’aller vers un autre type de contrôle qui serait alors un contrôle, non plus disciplinaire venant casser les décisions des juges du fond pour violation de l’obligation de motivation, mais un contrôle sur le fond venant casser les décisions pour violation des règles de droit, telle l’exigence de légalité et de proportionnalité31 ? Nous ne le pensons pas. Ce contrôle semble devoir rester un contrôle simplement disciplinaire (A), mais qui peut servir au contrôle normatif qu’elle opère par ailleurs (B).

A. Un simple contrôle disciplinaire

Dans ses arrêts, la Cour de cassation ne procède pas elle‑même à l'appréciation des différents éléments de la motivation de la peine, mais vérifie que les juridictions du fond ont bien justifié leur choix eu égard aux critères de l'article 132‑1 du Code pénal. Pour le dire autrement, la chambre criminelle réalise donc un contrôle de la motivation de la peine et non une analyse critique des différents éléments appréciés par les juges du fond. Il s'agit pour elle de constater la présence de la motivation, légalement prévue, sans tenir compte des faits spécifiques de l'espèce. Par exemple, si pour un délit qui faisait encourir au prévenu une peine de 15 000 euros d’amende maximum, la juridiction inférieure a choisi de prononcer une peine de 3 000 euros justifiée au regard des articles 132‑1 et 132‑20 du Code pénal, la chambre criminelle ne peut casser l'arrêt pour décider qu'au regard de ces éléments de justification, la peine la plus adaptée serait en réalité une peine de 7 000 euros. Elle ne procède par cassation que s’il n’y a pas de motivation ou si celle‑ci est insuffisante car elle ne lui permet pas de s’assurer que la peine a été motivée au regard des critères légaux. Son contrôle est finalement assez réduit, ce que l’on peut mesurer dans deux séries de situations.

En premier lieu, lorsque des juges ont rencontré des difficultés pour motiver la décision en raison de la faible teneur du dossier, la Cour ne casse que les arrêts qui comporteraient pour seule justification la mention selon laquelle, en l’état du dossier, ils n’ont pas les informations pour motiver. Elle rappelle ainsi qu’il appartient au juge d’interroger la personne présente à l’audience. Mais elle ne va pas au‑delà et retient qu'il :

N'incombe pas aux juges, en possession des seuls éléments mentionnés en procédure sur ces différents points, de rechercher ceux qui ne leur auraient pas été soumis32.

Elle admet donc que les juridictions du fond puissent ne pas réellement justifier la peine au regard des critères légaux. Les décisions les plus récentes rendues sur le fondement de l’article 132‑19 du Code pénal en matière de motivation spéciale se bornent d’ailleurs à inciter les juges à recourir aux enquêtes sociales rapides, voire aux ajournements aux fins d’investigations pour recueillir ce type d’information mais sans y contraindre les juges et sans vérifier qu’ils y ont eu recours33.

En second lieu, la Cour de cassation admet une motivation commune pour l'ensemble des peines prononcées par les juges à l'encontre d'un même individu et n’exige pas une motivation peine par peine34. En conséquence, les éléments pris en compte pour motiver l’une, peuvent servir pour une autre. Or, cette solution vide de sa substance le contrôle, car la motivation adaptée à une peine ne l’est pas nécessairement pour une autre. Ainsi, dans un arrêt du 11 juillet 2017, la Cour de cassation admet que la motivation de la peine d'emprisonnement ferme, suffise à justifier le prononcé d'une peine complémentaire d'interdiction de séjour35. Une telle solution est critiquable. Une peine d'emprisonnement peut être adaptée, alors qu’il n'en va pas forcément de même pour la peine d'interdiction de séjour prononcée en complément. Cette décision n'est pourtant pas restée isolée36. De même, lorsque le juge prononce à la fois une peine soumise à une exigence de motivation spéciale (par exemple, une peine d’emprisonnement ferme) et une peine seulement soumise à l’exigence de motivation générale (par exemple, une peine de privation des droits civils et de famille), elle admet que la motivation spéciale puisse servir de motivation générale37.

En conclusion, si un contrôle existe bien, il n’est guère poussé et demeure un simple contrôle des excès. La Cour de cassation n’entend pas se saisir elle‑même des faits. Quand elle casse la décision, elle laisse libre la juridiction de renvoi de fixer la peine, y compris de prononcer la même peine sous réserve de la motiver de façon satisfaisante. Elle n’entend pas faire de son contrôle, un contrôle des faits. Elle n’entend pas changer de type de contrôle en abandonnant le contrôle disciplinaire pour aller vers un véritable contrôle sur le fond.

B. Un contrôle au fond limité

Cette densification du contrôle est‑elle le reflet d’une volonté de la Cour de cassation de changer de type de contrôle et de passer d’un contrôle disciplinaire à un contrôle au fond ? On rappellera avant toute chose que le contrôle au fond est un contrôle dans le but de s’assurer que les juges ont respecté la règle de droit et les droits fondamentaux de la personne. Il se traduit ainsi par un contrôle de la légalité et un contrôle de proportionnalité. Or, si la Cour de cassation développe depuis quelque temps son contrôle de proportionnalité de la peine en prenant appui sur le droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention EDH38 sur la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention EDH39 ou encore, et de manière plus abondante encore, pour la peine de confiscation, à  ’aune du droit de propriété et de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention40, plusieurs arrêts rendus par la chambre criminelle en mars 2022 à ce sujet sont particulièrement importants pour comprendre comment s’apprécie le caractère proportionné de la confiscation d’un bien commun entre époux, dont un seul fait l’objet d’une condamnation pénale41. La Cour y exerce alors de façon très explicite un contrôle de la légalité42.

Cependant, ce contrôle au fond ne s’effectue pas à l’aune du principe d’individualisation de la peine. On le voit d’ailleurs clairement dans les arrêts qui distinguent le contrôle de la motivation de la peine par référence aux critères de l’article 132‑1 du Code pénal et le contrôle de proportionnalité.

Ainsi, on trouve de façon récurrente dans les arrêts l’indication selon laquelle le juge qui prononce une peine de confiscation, non seulement, doit motiver la peine conformément aux dispositions des articles 132‑1 du Code pénal et 485 du Code de procédure pénale, mais aussi doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé. Ainsi, le juge ne peut plus se contenter de dire que la peine est adaptée à la nature des faits commis et à la personnalité de l’auteur. Il doit aussi démontrer que la peine est justifiée, qu’elle est légitime au regard du droit de propriété. Le contrôle de la motivation est donc double : un contrôle au fond pour la proportionnalité et un contrôle qui demeure disciplinaire s’agissant de la seule question de la motivation.

Néanmoins et comme l’a écrit le Professeur E. Dreyer :

La motivation de la peine peut servir au contrôle de proportionnalité43.

En effet, à partir du moment où l’on exige une motivation de la peine, on permet au juge de procéder à un contrôle de proportionnalité, car on lui fournit les éléments du raisonnement qui vont lui permettre d’apprécier la proportionnalité de l’ingérence portée à un droit fondamental. Le rapprochement des deux contrôles semble devoir s’arrêter là.

La Cour de cassation n’a pas entendu étendre à toutes les peines son contrôle de proportionnalité, ni mettre en place un contrôle au fond de toutes les peines. On ne peut que s’en réjouir car un contrôle au fond d’une telle ampleur obligerait à un nécessaire filtrage des pourvois. La Cour ne pourrait en effet tout contrôler. En outre, un tel contrôle, s'il venait à être exercé par la chambre criminelle elle‑même, perdrait une grande partie de son intérêt puisqu'il serait limité aux faits relevés par les juridictions du fond.

1 Pour un extrait du texte intégral : « La justice est rendue souverainement par les cours impériales ; leurs arrêts, quand ils sont revêtus des

2 Pour quelques arrêts récents rendus au visa de l’article 593 attestant de cette formulation constante dans la jurisprudence de la chambre

3 Répression accrue, lutte contre la surpopulation carcérale, les justifications ont fluctué, mais la méthode est restée la même.

4 C. pén., art. 132‑19‑1 et 132‑19‑2 abrogés par la loi n° 2014‑896 du 15 août 2014, à compter du 1er octobre 2014. À propos de ces peines‑plancher

5 Cass. crim., 1er février 2017 (3 arrêts) : Bull. crim. n° 28, 29 et 30.

6 V. notamment Cass. crim. 3 novembre 1955 : Bull. crim. n° 540 ; 26 décembre 1962 : pourvoi n° 61‑94.529 ; 5 octobre 1977 : pourvoi n° 76‑93.302 ; 9

7 J.‑B. Perrier, « La diffusion de la motivation des peines : de la Constitution aux contraventions », note sous Cass. crim. 30 mai 2018, n° 16‑85.777

8 M. Giacoppeli, « Vers une généralisation de l’exigence de motivation en droit de la peine », D., 2017, p. 931.

9 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll. « Dictionnaires Quadrige », 2022, 1136 p., v. « Motivation ».

10 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll. « Dictionnaires Quadrige », 2022, 1136 p., v. « Individualisation ».

11 Cons. constit., 2 mars 2018, n° 2017‑694 QPC.

12 Au sujet de ce contrôle : E. Dreyer, « La motivation des peines : quoi et comment ? », JCP, n° 330, 2018 ; « Pourquoi motiver les peines ? », D.

13 Sur cette distinction et cette qualification de la période de sûreté : Cass. crim. 16 janvier 1985 : pourvoi n° 84‑93.553 ; 9 mars 1993 : pourvoi

14 Cons. constit., 26 octobre 2018, n° 2018‑742 QPC : Dr. pénal, 2018, n° 219, note V. Peltier.

15 Cass. crim., 10 avril 2019 : pourvoi n° 18‑83.709 (revirement par rapport à Cass. crim. 29 janvier 1998 : pourvoi n° 97‑81.573).

16 V. Cass. crim., 20 octobre 2021, n° 20‑87.088, P : JurisData n° 2021‑016562 : Dr. pénal, 2021, comm. 217. En l’espèce, elle approuve un arrêt de

17 Cass. crim., 20 juin 2018 (4 arrêts) : pourvois n° 17‑82.237 ; 17‑84.895 ; 17‑82.086 ; 17‑83.767. La chambre criminelle reprend cette même formule

18 Cass. crim., 10 avril 2019, op. cit.

19 Ainsi, dans un arrêt du 27 mars 2019, pour condamner l’auteur à une peine de dix‑sept ans de réclusion criminelle, la Cour de cassation approuve

20 Ainsi, dans un arrêt du 15 mars 2017, la chambre criminelle casse un arrêt insuffisamment motivé eu égard à la personnalité de l'auteur et à sa

21 Cass. crim. 15 janvier 2019 : pourvoi n° 17‑87.049 : Bull. n° 12.

22 Cass. crim., 12 juin 2019, pourvoi n° 18‑81.874, Bull. crim. 2019, n° 109 ; Cass. crim., 12 juin 2019, pourvoi n° 17‑81.235, Bull. crim. 2019, n° 

23 Pour un exposé de l’ensemble de ces critères de motivation, v. C. Voiry, Le contrôle de la motivation de la peine par la chambre criminelle de la

24 Cass. crim. 29 novembre 2016 : pourvoi n° 15‑86.116 : Bull. crim. n° 315 ; Dr. pénal, 2017, comm. 15, note É. Bonis ; 2 décembre 2015 : pourvoi n°

25 Cass. crim. 22 mars 2017 : pourvoi n° 16‑80.050, Bull. crim. 2017, n° 81. Pour un autre exemple d’une absence de motivation sur la personnalité et

26 C. pr. pén., art. 365‑1, al. 2.

27 Cons. constit. 2 mars 2018, déc. n° 2017‑694 QPC : Dr. pénal, 2018, étude 9, D. Guérin ; Dr. pénal, 2018, comm. 68, note A. Maron et M. Haas.

28 Cass. crim. 27 mars 2019 : pourvoi n° 18‑82.351 : Bull. crim. n° 64 ; Dr. pénal, 2019, comm. 98, note E. Bonis.

29 Ibid., La peine n'est justifiée qu'au regard de la gravité des faits « liée au jeune âge de la victime et à la nature des actes imposés » et de la

30 Pour l’utilisation de cette expression par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans sa lettre de mai 2021, v. « Peines » : « Peines d’

31 Sur la différence entre ces deux types de contrôle à partir des cas d’ouverture à cassation, v. J. Boré et L. Boré, La cassation en matière pénale

32 Cass. crim., 12 décembre 2017, pourvoi n° 16‑87.230, Bull. n° 286. De façon similaire : Cass. crim., 15 janvier 2019, pourvoi n° 17‑87.049, Bull. 

33 Cass. crim., 11 mai 2021 : pourvoi n° 20‑85.576, spéc. motifs n° 60 et 61.

34 Cass. crim. 27 juin 2018, pourvoi n° 16‑87.009 et le motif selon lequel « lorsque plusieurs peines sont prononcées, les motifs peuvent être

35 Cass. crim., 11 juillet 2017, pourvoi n° 16‑81.797.

36 Dans le même sens : Cass. crim. 21 novembre 2017, pourvoi n° 17‑80.525, au sujet d'une interdiction de gérer et Cass. crim., 15 novembre 2017

37 Cass. crim., 5 décembre 2017, pourvoi n° 16‑87.269.

38 Cass. crim., 31 janvier 2017, n° 16‑82.945 : Dr. pén., 2017, comm. 59, obs. J.‑H. Robert ; 16 février 2016, n° 15‑82.732, : JCP G, 2016, 401, note

39 Par la CEDH, v. CEDH, 12 juillet 2016, n° 50147/11, Reichman c. France. – CEDH, Gde ch., 23 avril 2015, n° 29369/10, Morice c/ France : JurisData

40 CEDH, 4 novembre 2014, n° 28457/10, Abouffada c/ France (lutte contre le blanchiment) ; CEDH, 5 juillet 2001, n° 41087/98, Phillips c/ Royaume‑Uni

41 Cass. crim., 9 mars 2022, pourvoi n° 21‑83.089 ; 22 mars 2022, pourvoi n° 21‑84.056 ; 29 mars 2022, pourvoi n° 20‑85.125.

42 Cass. crim. 9 mars 2022, op. cit. et le motif suivant : « En se bornant à confirmer, sans autre motif, la décision du tribunal correctionnel en ce

43 E. Dreyer, « La motivation de la peine et le contrôle de proportionnalité », in E. Letouzey (dir.), La motivation de la peine, Actes du colloque d

Notes

1 Pour un extrait du texte intégral : « La justice est rendue souverainement par les cours impériales ; leurs arrêts, quand ils sont revêtus des formes prescrites à peine de nullité, ne peuvent être cassés que pour une contravention expresse à la loi. Les arrêts qui ne sont pas rendus par le nombre de juges prescrits, ou qui ont été rendus par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause, ou qui n'ont pas été rendus publiquement, ou qui ne contiennent pas les motifs, sont déclarés nuls. La connaissance du fond est toujours renvoyée à une autre cour impériale ».

2 Pour quelques arrêts récents rendus au visa de l’article 593 attestant de cette formulation constante dans la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation : Cass. crim. 9 juin 2022, n° 21‑85.875 ; 15 juin 2022, n° 21‑82.392 ; 22 juin 2022, n° 21‑80.193.

3 Répression accrue, lutte contre la surpopulation carcérale, les justifications ont fluctué, mais la méthode est restée la même.

4 C. pén., art. 132‑19‑1 et 132‑19‑2 abrogés par la loi n° 2014‑896 du 15 août 2014, à compter du 1er octobre 2014. À propos de ces peines‑plancher, v. E. Bonis et V. Peltier, Droit de la peine, 3e éd., Paris, LexisNexis, 2019, n° 584 ; J.‑H. Robert, « Le plancher et le thérapeute », Dr. pénal, 2007, étude 20.

5 Cass. crim., 1er février 2017 (3 arrêts) : Bull. crim. n° 28, 29 et 30.

6 V. notamment Cass. crim. 3 novembre 1955 : Bull. crim. n° 540 ; 26 décembre 1962 : pourvoi n° 61‑94.529 ; 5 octobre 1977 : pourvoi n° 76‑93.302 ; 9 février 1987 : pourvoi n° 86‑92.864 ; 5 septembre 1989 : pourvoi n° 89‑80.092 ; 7 octobre 1997 : pourvoi n° 96‑81.485 ; 29 novembre 2000 : pourvoi n° 00‑80.451.

7 J.‑B. Perrier, « La diffusion de la motivation des peines : de la Constitution aux contraventions », note sous Cass. crim. 30 mai 2018, n° 16‑85.777, AJ pénal, 2018 p. 407.

8 M. Giacoppeli, « Vers une généralisation de l’exigence de motivation en droit de la peine », D., 2017, p. 931.

9 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll. « Dictionnaires Quadrige », 2022, 1136 p., v. « Motivation ».

10 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll. « Dictionnaires Quadrige », 2022, 1136 p., v. « Individualisation ».

11 Cons. constit., 2 mars 2018, n° 2017‑694 QPC.

12 Au sujet de ce contrôle : E. Dreyer, « La motivation des peines : quoi et comment ? », JCP, n° 330, 2018 ; « Pourquoi motiver les peines ? », D., 2018, p. 576 ; « La Cour de cassation contrôle‑t‑elle la motivation des peines par les juges du fond ? », Dr. Pénal, 2018, étude 8 ; Guérin, « La motivation des peines », Dr. pénal, 2018, étude 9.

13 Sur cette distinction et cette qualification de la période de sûreté : Cass. crim. 16 janvier 1985 : pourvoi n° 84‑93.553 ; 9 mars 1993 : pourvoi n° 92‑84.480 ; 5 juillet 1993 : pourvoi n° 92‑86.681 ; 22 janvier 2020 : pourvoi n° 19‑84.084.

14 Cons. constit., 26 octobre 2018, n° 2018‑742 QPC : Dr. pénal, 2018, n° 219, note V. Peltier.

15 Cass. crim., 10 avril 2019 : pourvoi n° 18‑83.709 (revirement par rapport à Cass. crim. 29 janvier 1998 : pourvoi n° 97‑81.573).

16 V. Cass. crim., 20 octobre 2021, n° 20‑87.088, P : JurisData n° 2021‑016562 : Dr. pénal, 2021, comm. 217. En l’espèce, elle approuve un arrêt de cour d'appel qui avait motivé le prononcé d’une période de sûreté dont la durée avait été rehaussée aux deux‑tiers de la peine en se fondant sur la répétition des agissements de l'intéressé. Cet arrêt montre que les critères de motivation de la période de sûreté ne sont donc pas identiques à ceux de la peine nonobstant le lien étroit existant entre la peine et la modalité d’exécution de celle‑ci. Elle ne reprend pas la trilogie habituelle : les circonstances de l’infraction, la personnalité de l’auteur et sa situation matérielle, familiale et sociale au sens de l’article 132‑1 du Code pénal.

17 Cass. crim., 20 juin 2018 (4 arrêts) : pourvois n° 17‑82.237 ; 17‑84.895 ; 17‑82.086 ; 17‑83.767. La chambre criminelle reprend cette même formule dans un arrêt du 9 janvier 2019 : Cass. crim., 9 janvier 2019 : pourvoi n° 17‑87.070. Elle ajoute par ailleurs, en réponse au requérant invoquant les articles 132‑1 du Code pénal et les articles 1 et 6 de la CEDH qu'il ne « résulte d'aucune disposition de la CEDH que la cour d'assises, après avoir statué sur la culpabilité, soit tenue de motiver la peine qu'elle prononce ». Dans ces hypothèses, et malgré un fondement différent, la solution reste la même, à savoir un rejet pur et simple de l'obligation de motivation de la peine pour les arrêts et jugements rendus avant le 3 mars 2018.

18 Cass. crim., 10 avril 2019, op. cit.

19 Ainsi, dans un arrêt du 27 mars 2019, pour condamner l’auteur à une peine de dix‑sept ans de réclusion criminelle, la Cour de cassation approuve la motivation retenue par la cour d'assises qui, après avoir rappelé les faits de nature criminelle dont elle a déclaré la personne coupable, a retenu, « d'une part, leur particulière gravité, liée au jeune âge de la victime, à la nature des actes imposés pendant une longue période et à leur retentissement important sur l'état psychologique de la victime, d'autre part, la personnalité psychotique de l'accusé, dépourvue de toute empathie ou de simple capacité d'écoute des autres » : Cass. crim., 27 mars 2019 : pourvoi n° 18‑82.351.

20 Ainsi, dans un arrêt du 15 mars 2017, la chambre criminelle casse un arrêt insuffisamment motivé eu égard à la personnalité de l'auteur et à sa situation personnelle. Pour condamner une personne à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, la cour d'appel s’était bornée à énoncer que les agissements dont il s'est rendu coupable ont porté atteinte à la liberté d'accès aux marchés publics et à l'égalité des candidats, et ont entraîné pour la société concurrente un préjudice important. Cette motivation est jugée insuffisante par la Cour de cassation au motif que les juges du fond ne se sont pas expliqué sur la personnalité du prévenu, sur sa situation personnelle et sur le montant de ses ressources comme de ses charges : Cass. crim. 15 mars 2017 : pourvoi n° 16‑83.838.

21 Cass. crim. 15 janvier 2019 : pourvoi n° 17‑87.049 : Bull. n° 12.

22 Cass. crim., 12 juin 2019, pourvoi n° 18‑81.874, Bull. crim. 2019, n° 109 ; Cass. crim., 12 juin 2019, pourvoi n° 17‑81.235, Bull. crim. 2019, n° 107 ; Cass. crim., 24 septembre 2019, pourvoi n° 18‑86.164 ; Cass. crim., 3 décembre 2019, pourvoi n° 18‑86032 ; Cass. crim., 3 décembre 2019, pourvoi n° 19‑82.492.

23 Pour un exposé de l’ensemble de ces critères de motivation, v. C. Voiry, Le contrôle de la motivation de la peine par la chambre criminelle de la Cour de cassation, mémoire de Master, F. Fourment (dir.), Université de Tours, 2019‑2020, spéc. n° 52 et s.

24 Cass. crim. 29 novembre 2016 : pourvoi n° 15‑86.116 : Bull. crim. n° 315 ; Dr. pénal, 2017, comm. 15, note É. Bonis ; 2 décembre 2015 : pourvoi n° 14‑81.866 : Bull. crim. n° 276.

25 Cass. crim. 22 mars 2017 : pourvoi n° 16‑80.050, Bull. crim. 2017, n° 81. Pour un autre exemple d’une absence de motivation sur la personnalité et sur la situation personnelle de la prévenue face à la gravité des faits : v. Cass. crim., 20 juin 2017, pourvoi n° 16‑80.982, Bull. crim. 2017, n° 169. La chambre criminelle approuve l'argumentation de la cour d'appel qui retient pour motiver le choix de la peine que « Mme Y…, de connivence avec son époux, a profité cyniquement des biens de la société homonyme et qu'après la déconfiture de celle‑ci, a procédé de la même manière en qualité de gérante d'une société constituée pour en prendre le relais ; […] que la gravité des faits commis en connaissance de cause par les époux Y..., qui ont utilisé les biens des sociétés qu'ils dirigeaient pour financer leurs besoins personnels, justifie particulièrement le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction de gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, pour la durée fixée par les premiers juges ». Devant cet exposé des circonstances de l'infraction, la chambre criminelle retient qu’« en l'état de ces énonciations, […], la cour d'appel, […] a justifié son choix de confirmer le prononcé d'une telle sanction ». Une motivation très détaillée des circonstances de l'infraction semble donc suffire sans que le juge ait à prendre en compte la personnalité de l'auteur et sa situation personnelle.

26 C. pr. pén., art. 365‑1, al. 2.

27 Cons. constit. 2 mars 2018, déc. n° 2017‑694 QPC : Dr. pénal, 2018, étude 9, D. Guérin ; Dr. pénal, 2018, comm. 68, note A. Maron et M. Haas.

28 Cass. crim. 27 mars 2019 : pourvoi n° 18‑82.351 : Bull. crim. n° 64 ; Dr. pénal, 2019, comm. 98, note E. Bonis.

29 Ibid., La peine n'est justifiée qu'au regard de la gravité des faits « liée au jeune âge de la victime et à la nature des actes imposés » et de la personnalité « psychotique ». V. aussi Cass. crim., 16 octobre 2019, pourvoi n° 18‑84.374.

30 Pour l’utilisation de cette expression par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans sa lettre de mai 2021, v. « Peines » : « Peines d’emprisonnement : feuille de route pour l’application de la loi nouvelle », [En ligne] URL : https://www.courdecassation.fr/publications/lettre-de-la-chambre-criminelle/lettre-de-la-chambre-criminelle-ndeg10-mai-2021-0/.

31 Sur la différence entre ces deux types de contrôle à partir des cas d’ouverture à cassation, v. J. Boré et L. Boré, La cassation en matière pénale 2018‑2019, Paris, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2017, 662 p. : au sujet des vices de motivation et des évolutions d’un pouvoir discrétionnaire vers un pouvoir souverain, n° 81‑41 et 81‑42 ; au sujet de la cassation pour violation des règles de fond et de l’exigence d’individualisation de la peine n° 107.21 et s.

32 Cass. crim., 12 décembre 2017, pourvoi n° 16‑87.230, Bull. n° 286. De façon similaire : Cass. crim., 15 janvier 2019, pourvoi n° 17‑87.049, Bull. n° 12.

33 Cass. crim., 11 mai 2021 : pourvoi n° 20‑85.576, spéc. motifs n° 60 et 61.

34 Cass. crim. 27 juin 2018, pourvoi n° 16‑87.009 et le motif selon lequel « lorsque plusieurs peines sont prononcées, les motifs peuvent être communs à celles‑ci ».

35 Cass. crim., 11 juillet 2017, pourvoi n° 16‑81.797.

36 Dans le même sens : Cass. crim. 21 novembre 2017, pourvoi n° 17‑80.525, au sujet d'une interdiction de gérer et Cass. crim., 15 novembre 2017, pourvoi n° 17‑80.014, au sujet d'une interdiction d'exercer.

37 Cass. crim., 5 décembre 2017, pourvoi n° 16‑87.269.

38 Cass. crim., 31 janvier 2017, n° 16‑82.945 : Dr. pén., 2017, comm. 59, obs. J.‑H. Robert ; 16 février 2016, n° 15‑82.732, : JCP G, 2016, 401, note J.‑H. Robert. Rappr. CEDH, 17 octobre 2013, Winterstein et a. c/ France : JCP G, 2013, act. 1144, obs. C. Picheral ; JCP A, 2013, act. 865 ; D., 2013, p. 2678, note J.‑P. Marguénaud et J. Mouly.

39 Par la CEDH, v. CEDH, 12 juillet 2016, n° 50147/11, Reichman c. France. – CEDH, Gde ch., 23 avril 2015, n° 29369/10, Morice c/ France : JurisData n° 2015‑008747 ; Dr. pén., 2015, étude 14, J.‑H. Maréchal ; JCP G, 2015, 537, obs. K. Blay‑Grabarczyk ; CEDH, 31 janvier 2006, n° 64016/00, Giniewski c/ France : JCP A, 2006, 1129 ; CEDH, 11 avril 2006, n° 71343/01, Brasilier c/ France : JCP A, 2006, 1170 ; CEDH, 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni : JCP G, 1999, 10119, note Moutouh ; D., 1999, p. 223, note Rolland ; CEDH, 23 septembre 1994, n° 15890/89, Jersild c/ Danemark. Par la Cour de cassation, v. Cass. crim., 1er février 2017, n° 15‑84.511.

40 CEDH, 4 novembre 2014, n° 28457/10, Abouffada c/ France (lutte contre le blanchiment) ; CEDH, 5 juillet 2001, n° 41087/98, Phillips c/ Royaume‑Uni ; CEDH, 27 juin 2002, n° 41661/98, Butler c/ Royaume‑Uni. – CEDH, n° 38602/02, Yildirim c/ Italie ; CEDH, 20 janvier 2009, n° 75909/01, Sud Fondi srl et a. c/ Italie ; CEDH, 26 février 2009, n° 28336/02, Grifhorst c/ France ; CEDH, 10 avril 2012, n° 20496/02, Silickien c/ Lituanie ; CEDH, 29 octobre 2013, n° 17475/09, Varvara c/ Italie ; CEDH, 23 septembre 1998, n° 68/1997/852/1059, Malige c/ France, § 49 : JurisData n° 1998‑993469 ; JCP G, 1999, II, 10086, note F. Sudre ; D., 1999, p. 154, obs. B. de Lamy ; Dr. pén., 1999, comm. 87, obs. J.‑H. Robert. La Cour européenne vérifie en effet la proportionnalité de toute atteinte aux biens depuis un arrêt du 23 février 1995 : CEDH, 23 février 1995, n° 15375/89 A, GasusDosier und FördertechnikGmbH c/ Pays‑Bas. Dans le sillage de la CEDH, la Cour de cassation vérifie aussi la proportionnalité de la confiscation : Cass. crim., 24 octobre 2018, n° 18‑80.834 : Dr. pén., 2018, comm. 217, obs. E. Camous ; 27 juin 2018, n° 16‑87.009 : Procédures 2018, n° 10, comm. 309, obs. A.‑S. Chavent‑Leclere ; 10 février 2016, n° 15‑82.324 : Bull. n° 39 : Dr. pén., 2017, chron. 3, n° 6, obs. V. Peltier ; 16 février 2016, n° 15‑82.732 ; 7 décembre 2016, n° 16‑80.879 : Bull. n° 331 ; 7 décembre 2016, n° 15‑85.136 : Bull. n° 330. Sur le sujet : J.‑H. Robert, « Les confiscations et les mesures de leur proportionnalité », JCP G, 2017, 13 ; E. Dreyer, « Confiscation et proportionnalité », Gaz. Pal., 6 novembre 2018, n° 38, p. 73 ; A. Dadoun, « L’intensité variable de la proportionnalité de la peine de confiscation », Dr. pén., 2017, dossier 6.

41 Cass. crim., 9 mars 2022, pourvoi n° 21‑83.089 ; 22 mars 2022, pourvoi n° 21‑84.056 ; 29 mars 2022, pourvoi n° 20‑85.125.

42 Cass. crim. 9 mars 2022, op. cit. et le motif suivant : « En se bornant à confirmer, sans autre motif, la décision du tribunal correctionnel en ce qu'elle a ordonné la confiscation des scellés, sans préciser la nature et l'origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision ».

43 E. Dreyer, « La motivation de la peine et le contrôle de proportionnalité », in E. Letouzey (dir.), La motivation de la peine, Actes du colloque d’Amiens du 14 juin 2018, Amiens, CEPRISCA, coll. « Colloques », 2019, p. 57 et s., spéc. p. 58.

Citer cet article

Référence électronique

Évelyne BONIS, « Le contrôle de la Cour de cassation sur la motivation des peines », La Revue du Centre Michel de L'Hospital [En ligne], 25 | 2022, mis en ligne le 10 janvier 2023, consulté le 19 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=1090

Auteur

Évelyne BONIS

Professeur des universités, Université de Bordeaux, ISCJ, UR 4633, F‑33000 Bordeaux, France

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