Les bacchanales d’aujourd’hui

Les raves-parties

DOI : 10.52497/revue-cmh.361

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Texte intégral

« Un bien triste bilan désormais, puisque le Teknival de Marigny-le-Grand dans la Marne se déroulant sur le site de l’ancien aéroport est ce soir endeuillé, deux personnes ont en effet perdu la vie lors de cette manifestation. »

Ainsi titraient la plupart des médias le 2 mai 2005 au soir, il y a presque onze ans. La réputation des raves‑parties laisse souvent l’opinion publique croire deux ou trois overdoses ont lieu chaque jour durant ce type de rassemblement, mais en vérité les morts y sont plutôt rares, voire assez exceptionnelles. Si le Teknival de 2005 a vraisemblablement causé la mort d’un individu du fait d’un dangereux cocktail de drogues, d’alcool et de médicaments ; il semble que la deuxième victime de ces fêtes ait succombé des suites d’une allergie causée par des chenilles urticantes.

Comme il nous serait sans doute très difficile de vous décrire ci-après le cycle de vie de la chenille processionnaire (euproctis chrysorrhoea de son nom latin), il semble plus opportun d’aborder avec vous les risques, dangers et complexités que fait naître en droit français la pratique de ces raves-parties, teknival et autres rassemblements festifs musicaux.

Tout d’abord, il convient de définir ce qui est entendu par le terme rave-party utilisé dans le sujet. Sur ce point, nous nous en remettrons aux intentions du législateur, qui dans sa loi du 21 janvier 1995 définissait les raves-parties de la manière suivante :

Ces rassemblements […] exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées dans des espaces qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin, […] répondent à l’ensemble des caractéristiques suivantes :
a) Ils donnent lieu à diffusion de musique amplifiée ;
b) L’effectif prévisible des personnes présentes sur le lieu du rassemblement dépasse 500 ;
c) L’annonce du rassemblement est prévue par voie de presse, affichage, diffusion de tracts ou par tout moyen de communication ou de télécommunication ;
d) Le rassemblement est susceptible de présenter des risques pour la sécurité des participants, en raison de l’absence d’aménagement ou de la configuration des lieux1.

Vous le voyez donc, la notion de rave-party a été très précisément encadrée par le législateur, qui a déterminé de manière nette ce qui relève de la rave-party ou non. Les deux éléments capitaux de cette définition sont sans doute le caractère uniquement et exclusivement festif de la manifestation, ainsi que la présence de musique amplifiée.

Sans cette dernière le gouvernement estime qu’il n’y a pas de rave-party. À ce titre « les fêtes qui ne donnent pas lieu à diffusion de musique amplifiée ou celles dont la musique ne constitue qu’un accessoire telles les fêtes de village, n’entrent pas dans le champ d’application de ce dispositif »2.

Outre ces éléments de définition, il convient d’opérer une importante distinction, qui avait fait l’objet des débats de l’Assemblée nationale lors des discussions du projet de loi relative à la sécurité quotidienne3. Selon le député Marcel Rogemont, il importait de distinguer deux types de rassemblements festifs :

Le terme de rave-party doit être réservé aux fêtes technos organisées dans le cadre de la loi régissant les spectacles payants, culturels, sportifs, artistiques. Quant aux free-parties, organisations spontanées et gratuites, en marge de la loi, elles posent effectivement problème4.

Apparaît alors une première forme de distinction : il existerait des évènements festifs musicaux légaux et d’autres qui ne le sont pas. La distinction est en fait légèrement moins nette, un certain nombre de fêtes techno n’étant pas affilié à la loi régissant les spectacles et se basant sur un ambitieux principe de gratuité. Cependant, la rave-party est le plus souvent légale, car soumise à un contrôle préalable de la part de l’autorité.

Dans ce cas, puisque nous sommes face à un cadre légal clairement établi, pourquoi lier les raves-parties aux bacchanales ?

Les bacchanales, pour mémoire, sont des fêtes religieuses données en l’honneur de Bacchus, que vous connaissez désormais fort bien depuis que le professeur Raffray vous en a dressé un brillant et éthylique portrait.

Ces fêtes bachiques, de prime abord destinées à l’élévation spirituelle, semblent avoir été détournées de leur but premier basé sur l’idée d’un culte religieux. L’auteur Tite-Live décrit les bacchanales comme d’immenses messes noires vouées à la débauche et à l’immoralité, se déroulant aux alentours de 200 av. J.-C. À cette période, du fait d’une réforme religieuse, la cérémonie des bacchanales passe d’une célébration triannuelle, de jour et organisée par des matrones chargées d’un sacerdoce à des fêtes bien plus fréquentes (quasi hebdomadaire), ouvertes aux hommes et se déroulant la nuit5.

L’imaginaire collectif perçoit alors ces bacchanales comme des fêtes décadentes et que la morale publique réprouve. Ainsi, à titre d’exemple dans l’ouvrage de Ponsoy, lorsque Rutilus demande à son esclave s’il connaît les bacchanales, celui-ci lui répond :

Hélas ! Seigneur, répliqua l’esclave avec une espèce de tremblement nerveux, ce sont d’horribles fêtes en l’honneur de Bacchus où vient se mêler en foule tout ce que Rome a d’illustre et de bas […] Pendant les nuits, on entend sur le Tibre des clameurs effroyables, des bandes effrénées s’agitent sur les bords du fleuve […] au-dessus des bois s’élèvent de pâles rougeurs au chant sinistre des initiés, au bruit retentissant des cymbales6.

Une foule diverse, de l’alcool, de l’agitation et du bruit, le parallèle avec les raves-parties semblait relativement évident, en remplaçant simplement les cymbales pas un genre musical plus actuel.

Pour autant, et si les raves-parties ne sont pas toujours pleinement acceptées et admises par l’opinion publique, elles sont une manifestation importante de la liberté du spectacle, découlant de la liberté de réunion.

La liberté de réunion, — hors cas spécifique, provisoire et ponctuel des législations d’exemption telles que l’état d’urgence — est traditionnellement considérée comme une liberté fondamentale, que seul peut limiter l’ordre public.

Faut-il considérer que la partition des raves-parties comporte, par nature des dérogations à l’ordre public ? Cela ne nous semble pas vraiment être le cas.

En revanche, le caractère très spécifique de ces manifestations pousse l’autorité administrative à donner le la, et à encadrer au moyen d’une procédure de déclaration préalable le phénomène. Nous nous mettrons en lumière ce phénomène dans un premier temps (I).

Malgré cet encadrement, le point d’orgue de toute rave-party apparaît souvent très similaire aux bacchanales d’antan : l’alcool, le grand nombre de participants et une volonté poussée d’amusement conduisent les protagonistes à omettre certaines règles de prudence, de sécurité, de salubrité ou de tranquillité. Dès lors, la fête comporte certaines conséquences qu’il conviendra d’étudier (II).

I. Prélude : l’encadrement préalable des raves-parties

Deux autorités disposant de pouvoirs de police administrative sont concurrentes en matière d’encadrement des raves-parties : le maire en premier lieu, qui possède un pouvoir de police administrative générale ainsi qu’un pouvoir de police administrative des spectacles (A). Le préfet ensuite qui possède également un pouvoir de police administrative spéciale (B). Ces différents dispositifs sont tous susceptibles de s’appliquer en fonction de critères précis.

A. Les premières gammes : les pouvoirs de police administrative du maire à l’égard des raves-parties

Longtemps considéré comme l’autorité de police administrative de référence, le maire possède deux types de pouvoirs à l’égard des raves-parties. En effet, le maire peut théoriquement agir au titre de son pouvoir de police administrative générale, ou bien de sa police administrative spéciale.

Concernant tout d’abord son pouvoir de police administrative générale, conformément à l’article L. 2212— 2 du Code général des collectivités territoriales, le maire a pour mission d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques dans le ressort de sa commune. Ceci est tout particulièrement le cas lorsque, comme le mentionne le 3° de l’article L. 2212-2 a lieu « un grand rassemblement d’hommes »7. Il s’agit là d’une mission de police administrative générale, puisqu’elle vise la protection de l’ordre public.

Or, l’ordre public est précisément le motif principal permettant de limiter la liberté de réunion, depuis la jurisprudence Benjamin8. La circulaire Paganon de 19359 instituait au profit du maire la possibilité d’interdire toute manifestation « susceptible de provoquer une effervescence de nature à compromettre l’ordre public ».

Si aujourd’hui le régime général de la liberté de réunion veut que la liberté soit le principe et la restriction son exception10, il est cependant loisible à l’autorité de police générale de limiter la liberté de réunion si le trouble menace l’ordre public. Trois conditions seront nécessaires à la limitation de la liberté de réunion :

  • la mesure doit être justifiée par rapport aux circonstances : c’est-à-dire que l’atteinte à l’ordre public doit être liée de manière directe à l’évènement, le déséquilibre causé est la conséquence de l’exercice de la liberté de réunion ;
  • la mesure doit également être adaptée : il faut que la limitation ait un intérêt par rapport à la situation que l’autorité se propose de faire cesser ;
  • la mesure doit enfin être proportionnée : ainsi l’interdiction ne doit-elle être utilisée que quand aucun autre moyen n’était apte à faire cesser l’atteinte à l’ordre public. Si des mesures moindres suffisent (comme la mise en place d’un contrôle de la voie publique), elles devront avoir la préférence de l’autorité.

Ce premier régime, s’il peut conduire le préfet à se substituer au maire conformément à l’article L. 2215— 1 du CGCT, appartient à titre principal à l’autorité municipale. Ainsi la cour administrative d’appel de Nantes a-t-elle confirmé, dans sa décision Société l’Othala Productions11 que le maire pouvait prendre un arrêté municipal à l’encontre d’un évènement susceptible de contrevenir à l’ordre public. En l’espèce, un festival autorisé par la précédente municipalité et supposé être simplement composé de « son et lumière » semblait finalement avoir une toute autre ampleur, et avait motivé le maire à prendre un arrêté. Cette initiative avait été approuvée par le juge, dès lors qu’elle permettait d’éviter les troubles à l’ordre public.

Concernant les raves-parties, tout le dispositif de limitation de la liberté de réunion ne semble utile qu’à la dernière minute, juste avant qu’ait lieu un débordement de l’évènement ou après. Le pouvoir de police administrative générale, en ce qu’il agit a posteriori du trouble ou très peu de temps avant, n’est pas toujours des plus satisfaisants. C’est la raison pour laquelle il convient de se tourner vers d’autres moyens d’action, si possible préalables au déroulement de la manifestation.

Ce pouvoir préalable, un pouvoir de police administrative spécial du maire, a longtemps découlé de la loi de 1995 dite loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, la loi LOPS12. En son article 23, la LOPS faisait obligation aux organisateurs de rassemblements de se signaler au moins un mois avant le déroulement de l’évènement au maire de la commune sur le ressort de laquelle était projeté l’évènement. Un décret d’application de la LOPS13 prévoyait ensuite que les organisateurs devaient mettre en place un service d’ordre, qui pouvait être renforcé par l’autorité municipale si celle-ci l’estimait nécessaire.

Ainsi, l’article 3 du décret de 1997 dispose que :

L’autorité de police peut, si elle estime insuffisantes les mesures envisagées par les organisateurs pour assurer la sécurité, compte tenu de l’importance du public attendu, de la configuration des lieux et des circonstances propres à la manifestation […] imposer à ceux-ci la mise en place d’un service d’ordre ou le renforcement du service d’ordre prévu.

Les mesures qui apparaissent nécessaires à l’autorité de police au regard de l’évènement devaient être prescrites quinze jours au moins avant le début de la manifestation, ce qui permettait la mise en place d’un dialogue entre les organisateurs de l’évènement et les pouvoirs publics.

La problématique soulevée par ce dispositif normatif a été sa définition assez restrictive : seuls les rassemblements dépassant les 1 500 individus et organisés à des fins lucratives étaient concernés par le régime de la loi LOPS, ce qui laissait passer un certain nombre de raves-parties à travers les mailles du filet.

La loi relative à la sécurité intérieure de 2001, prise notamment suite à la vague des attentats de New York, permit par le biais de son article 53 d’appréhender le phénomène des raves-parties de manière plus directe14. Mais celle-ci ne confie plus au maire le pouvoir de gérer les raves-parties, puisque cette mission appartient désormais au préfet. Seul un devoir d’information du maire pèse désormais sur les organisateurs de raves-parties.

Ceci nous conduit à analyser le rôle du second protagoniste de la partition des raves-parties : l’autorité préfectorale.

B. Un soliste à part entière : le préfet, autorité de régulation des raves-parties

Le préfet, autorité de police administrative au niveau départemental, possède un recul dont le maire ne peut pas toujours disposer. À ce titre, les différentes législations relatives à la règlementation des raves‑parties et évènements festifs musicaux lui ont souvent confié des pouvoirs plus importants qu’à l’autorité municipale.

Ainsi, dès 1945, l’ordonnance relative au spectacle vivant15 s’applique à toute personne participant à la conception, la mise en scène ou l’interprétation d’une œuvre16. Lorsque celle-ci s’adjoint les services d’un entrepreneur de spectacle exerçant seul ou accompagné, que son activité soit lucrative ou pas, cet entrepreneur doit disposer d’une licence délivrée par la préfecture. Dès le commencement de la règlementation des évènements festifs musicaux, une nette volonté de confier au préfet d’importantes prérogatives se fait sentir. Même la modification législative de ce dispositif en 1999 renouvellera cette position de « tour de contrôle/chef d’orchestre » tenue par le préfet17.

Mais ce n’est que par la suite, et notamment du fait de la LSQ, donc la loi relative à la sécurité quotidienne, évoquée auparavant18 que le cadre législatif se resserre autour du préfet, excluant presque le maire du contrôle des raves-parties. La LSQ, et plus particulièrement son décret d’application de mai 200219 met en place des obligations de la part des organisateurs de raves-parties à l’égard de l’autorité préfectorale. L’article 23 de la LOPS est modifié, et son nouvel article 23-1 confie au préfet la police spéciale chargée de veiller au bon déroulement des raves-parties.

Depuis la LSQ, les organisateurs de raves-parties sont contraints de déposer un dossier de déclaration préalable à la préfecture, dossier contenant :

  • la date et la durée du rassemblement  ;
  • le nombre prévisible de participants  ;
  • l’autorisation d’occupation du lieu accordée par le propriétaire de celui-ci  ;
  • des indications relatives à l’information du maire de la commune sur le territoire de laquelle le rassemblement est prévu  ;
  • des éléments de garanties suffisants prouvant qu’ils pourront satisfaire tout au long de la manifestation les obligations de sécurité et de santé des participants ainsi que la salubrité, la tranquillité et l’hygiène publiques. Le cas échéant, et pour les rassemblements de grande ampleur, le dispositif devra comprendre une antenne médicale à temps plein.

Afin d’appuyer ce dossier et de favoriser les démarches administratives requises, les organisateurs peuvent signer un « engagement de bonnes pratiques », sorte de charte complémentaire au dossier. Lors de sa mise en place, le gouvernement avait insisté sur le fait que « cet engagement de bonnes pratiques ne saurait être regardé comme une contractualisation des relations entre les pouvoirs publics et les organisateurs. C’est la raison pour laquelle il n’est signé que des organisateurs »20. La signature de cet engagement n’est pas obligatoire et ne conditionne pas l’examen du dossier par le préfet.

Au regard des éléments présents dans le dossier de déclaration, le préfet devra apprécier si les moyens envisagés sont suffisants pour assurer le bon déroulement de l’évènement. En cas de réponse favorable, il remettra aux organisateurs un récépissé21. En cas de réponse négative, une concertation avec les organisateurs sera réalisée afin de déterminer quelles mesures supplémentaires sont nécessaires22. Tout service de l’État compétent pourra être mobilisé afin de s’ajouter au dispositif déjà prévu par les organisateurs : la police et la gendarmerie nationales, mais aussi la DDASS, le SAMU, les services d’incendie et de secours ainsi que l’équipement. Des associations de secouristes, des associations sanitaires et humanitaires pourront aussi être invitées à participer au dispositif mis en œuvre par le préfet.

Que l’issue de l’examen du dossier soit favorable ou non, le préfet devra informer le procureur de la République des lieux et dates de rassemblement décidés, incluant toutes les informations utiles pour permettre une bonne coordination entre la police administrative et la police judiciaire.

Si le cadre légal semble très nettement établi, il n’en demeure pas moins que quelques débordements sont à noter. Étrangement, ces débordements ne proviennent pas nécessairement des participants aux raves-parties, mais des préfets eux-mêmes. Disposant d’un pouvoir de réquisition de terrain, certains préfets se sont illustrés par leur indiscipline au regard de la décision judiciaire interdisant le déroulement d’une rave-party. L’exemple le plus flagrant est la décision de la commune de Vannes23. L’arrêté préfectoral de réquisition d’un aérodrome, suspendu par le juge des référés du fait d’un doute sérieux quant à sa légalité, avait malgré tout été maintenu par l’autorité préfectorale. Le commissaire au gouvernement Terry Olson, dans ses conclusions sous l’arrêt Aéroclub de France24 énonçait :

L’un des aspects les plus surréalistes de ce dossier est qu’il apparaît aussi que les autorités de l’État, non seulement n’ont pas exigé l’application de la loi, mais ont plus ou moins ouvertement piloté l’organisation du Teknival. Le préfet du Morbihan est publiquement intervenu deux fois, en septembre 2005 devant le conseil général puis en octobre devant l’association départementale des maires pour annoncer la tenue du Teknival l’été suivant dans le Morbihan, la tenue de ce Teknival dans le Morbihan étant présentée comme un choix des pouvoirs publics. Le préfet a même écrit au maire de Vannes le 8 juin 2006 que l’État avait décidé que le rassemblement aurait lieu sur l’aérodrome de Vannes-Meucon et que, cet aérodrome étant géré par la commune, ses terrains seraient réquisitionnés par arrêté préfectoral du 26 juin au 7 juillet25.

Quelques mois plus tard, en juin 2007, le juge des référés avait également eu l’occasion de souligner le doute sérieux quant à la légalité d’un autre arrêté préfectoral de réquisition, portant une atteinte grave à la liberté fondamentale du droit de propriété et mise en œuvre dans le but de satisfaire un intérêt privé26.

Même si ces situations ne sont que très exceptionnelles, le préfet ne semble pas toujours être le meilleur protecteur des libertés fondamentales face aux raves-parties. Le maire, pour sa part, ne possède qu’un mince pouvoir de contestation à l’encontre des arrêtés préfectoraux — qu’il soit de réquisition ou autre —, et voit son propre champ d’action fortement limité à la traditionnelle jurisprudence Benjamin.

Dès lors qu’une rave-party a été autorisée par l’autorité de police administrative, son déroulement emportera certaines conséquences, que nous nous proposons d’étudier dans le second temps de ce propos.

II. Coda : les conséquences du déroulement des raves-parties

Que la rave-party soit pleinement légale ou non, son déroulement portera toujours des conséquences importantes sur lesquelles il convient de s’attarder. Sur le plan purement judiciaire tout d’abord, les raves‑parties sont attractives d’une certaine forme de délinquance, portant souvent atteinte à la sécurité (A). D’un point de vue plus global ensuite, ces évènements ont également un fort impact environnemental, que le droit tend de plus en plus à prendre en compte (B).

A. L’ostinato des troubles sécuritaires fréquents

Ensuite, malgré l’encadrement juridique important dont elles font l’objet, les raves-parties sont connues pour leurs importants débordements, qui peuvent mettre en péril la sécurité des participants comme celle des tiers. Des comportements générateurs de dommages et d’infractions restent à déplorer, allant de la dégradation de terres agricoles au risque d’incendie, en passant par le maintien continu d’un volume sonore trop élevé, le trafic et l’usage de stupéfiants dont des produits vétérinaires, le délit d’ouverture de débits de boisson sans déclaration, l’exposition directe d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Autant d’infractions ou d’actes supposant a minima un encadrement sécuritaire important afin d’en limiter le nombre, voire une réponse pénale adaptée une fois l’infraction commise.

Fort terrain délictuel : trafic de stup, problème d’alcool, qui engendrent eux-mêmes une « commorbidité » avec d’autres délits.

B. Le crescendo du droit de l’environnement

Le référé France Nature environnement a été admis à l’encontre d’une rave-party au profit de la protection d’un site Natura 2000. C’est la première fois que ce type de référé est admis pour protéger l’environnement. C’est ce qui a donné de la valeur au constat relatif au droit de l’environnement, désormais considéré comme une liberté fondamentale. Le préfet n’a pas respecté l’injonction d’annuler l’évènement.

Sont aussi des sites intégrés au sein de réseau Natura 2000 les gîtes à chauve-souris du Pays des Couzes27, les vallées et coteaux thermophiles au nord de Clermont-Ferrand 28 ou plus sobrement la chaîne des Puys29.

1 Décret n° 2002-887 du 3 mai 2002 pris pour l’application de l’article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et relatif à certains

2 Circulaire du ministère de l’Intérieur, LIB 11 — n° 2545, 24 juillet 2002.

3 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre relative à la sécurité quotidienne, article 23-1.

4 J.O.A.N. 3e séance du 26 juin 2001, p. 4927.

5 N. Mahe, Le mythe de Bacchus, Paris, éd. Fayard, 1992, 372 pages.

6 A. Ponsoy, Le monde romain : Les bacchanales, tome I, Paris, éd. Lévy Frères, 1854, p. 63.

7 Art. L. 2212-2 CGCT, 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés

8 CE, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413, Lebon 541.

9 Circulaire du ministère de l’Intérieur du 27 novembre 1935 dite Paganon « ces instructions permettront aux maires et aux préfets d’interdire toute

10 Commentaire du commissaire au gouvernement Corneille dans ses conclusions sous l’arrêt CE, 10 août 1917, Baldy « La liberté est la règle, la 

11 CAA Nantes, Société l’Ottawa Productions, n° 97NT0084.

12 Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

13 Décret n° 97-646 du 31 mai d’application de la loi n° 95-73 relatif à la mise en place de services d’ordre par les organisateurs de manifestations

14 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

15 Ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (classement des entreprises, règlementation des salles, statut des directeurs

16 Selon la définition « d’artiste rémunéré » au sens de l’article L. 212-1 du Code de la propriété intellectuelle.

17 Loi n° 99-198 du 18 mars 1999 portant modification de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles.

18 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

19 Décret n° 2002-887 du 3 mai 2002 du 3 mai 2002 pris pour l’application de l’article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et relatif à

20 Circulaire du ministère de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 24 juillet 2002 relative aux raves-parties, NOR INT

21 Article 4 du décret du 3 mai 2002 précité.

22 Article 5 du décret du 3 mai 2002 précité.

23 CE, 17 janvier 2007, ministre de l’Intérieur contre la commune de Vannes, n° 294789, AJDA, 2007, 484.

24 CE, 5e et 4e SSR, 17 janvier 2007, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire contre l’aéroclub de France, n° 294789.

25 T. Olson, « L’administration ne peut pas passer outre une décision de suspension et la contester », AJDA, 2007, p. 484.

26 TA Rennes, 29 juin 2007, n° 702619 et 702621.

27 Code du site : FR 8302012, référencé par l’arrêté du 8 mars 2012 DEVL 1123124A.

28 Code du site FR 8301036, référencé par l’arrêté du 1er septembre 2015 DEVL 1518112A dont l’article 1er dispose : « Est désigné sous l’appellation

29 Code du site : FR 8301052, référencé par l’arrêté du 26 décembre 2013 DEVL 1323883A.

Notes

1 Décret n° 2002-887 du 3 mai 2002 pris pour l’application de l’article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et relatif à certains rassemblements festifs à caractère musical, article 1er, J.O. 7 mai 2002, p. 9027.

2 Circulaire du ministère de l’Intérieur, LIB 11 — n° 2545, 24 juillet 2002.

3 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre relative à la sécurité quotidienne, article 23-1.

4 J.O.A.N. 3e séance du 26 juin 2001, p. 4927.

5 N. Mahe, Le mythe de Bacchus, Paris, éd. Fayard, 1992, 372 pages.

6 A. Ponsoy, Le monde romain : Les bacchanales, tome I, Paris, éd. Lévy Frères, 1854, p. 63.

7 Art. L. 2212-2 CGCT, 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics.

8 CE, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413, Lebon 541.

9 Circulaire du ministère de l’Intérieur du 27 novembre 1935 dite Paganon « ces instructions permettront aux maires et aux préfets d’interdire toute manifestation, quelle qu’elle soit, susceptible de provoquer une effervescence de nature à compromettre l’ordre public. ».

10 Commentaire du commissaire au gouvernement Corneille dans ses conclusions sous l’arrêt CE, 10 août 1917, Baldy « La liberté est la règle, la restriction de police, l’exception. ».

11 CAA Nantes, Société l’Ottawa Productions, n° 97NT0084.

12 Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

13 Décret n° 97-646 du 31 mai d’application de la loi n° 95-73 relatif à la mise en place de services d’ordre par les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles.

14 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

15 Ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (classement des entreprises, règlementation des salles, statut des directeurs, artistes et personnels de police), J.O., 14 octobre 1945.

16 Selon la définition « d’artiste rémunéré » au sens de l’article L. 212-1 du Code de la propriété intellectuelle.

17 Loi n° 99-198 du 18 mars 1999 portant modification de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles.

18 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

19 Décret n° 2002-887 du 3 mai 2002 du 3 mai 2002 pris pour l’application de l’article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et relatif à certains rassemblements festifs à caractère musical.

20 Circulaire du ministère de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 24 juillet 2002 relative aux raves-parties, NOR INT DO200158C.

21 Article 4 du décret du 3 mai 2002 précité.

22 Article 5 du décret du 3 mai 2002 précité.

23 CE, 17 janvier 2007, ministre de l’Intérieur contre la commune de Vannes, n° 294789, AJDA, 2007, 484.

24 CE, 5e et 4e SSR, 17 janvier 2007, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire contre l’aéroclub de France, n° 294789.

25 T. Olson, « L’administration ne peut pas passer outre une décision de suspension et la contester », AJDA, 2007, p. 484.

26 TA Rennes, 29 juin 2007, n° 702619 et 702621.

27 Code du site : FR 8302012, référencé par l’arrêté du 8 mars 2012 DEVL 1123124A.

28 Code du site FR 8301036, référencé par l’arrêté du 1er septembre 2015 DEVL 1518112A dont l’article 1er dispose : « Est désigné sous l’appellation “site Natura 2000 vallées et coteaux thermophiles au nord de Clermont-Ferrand” (zone spéciale de conservation) l’espace délimité sur la carte […] dans le département du Puy-de-Dôme, sur une partie du territoire des communes suivantes : Artonne, Beauregard-Vendon, Châteaugay, Châtel‑Guyon, Clermont-Ferrand, Combronde, Gimeaux, Ménétrol, Prompsat, Riom, Saint-Myon, Teilhède. »

29 Code du site : FR 8301052, référencé par l’arrêté du 26 décembre 2013 DEVL 1323883A.

Citer cet article

Référence électronique

Lucile GELY, « Les bacchanales d’aujourd’hui », La Revue du Centre Michel de L'Hospital [En ligne], 16 | 2018, mis en ligne le 25 novembre 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=361

Auteur

Lucile GELY

Doctorante en droit public ED 245, Université d'Auvergne Clermont 1

Droits d'auteur

Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)