Représentations sociales et engagements littéraires : Étude comparée de La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq et Le Septième Jour de Yu Hua

Social Representations and Literary Engagements: A Comparative Study of Michel Houellebecq’s The Map and the Territory and Yu Hua’s The Seventh Day

DOI : 10.52497/sociopoetiques.2029

Résumés

Cet article analyse les représentations sociales et l’engagement littéraire chez Michel Houellebecq et Yu Hua à travers leurs romans respectifs : La Carte et le Territoire et Le Septième Jour. Nous nous intéresserons également aux interactions entre auteur et société. De nos jours, la France et la Chine sont marquées par une « société du spectacle » et un « présent liquide » : une société du spectacle qui étouffe la nature des êtres humains et efface leur individualité et leur créativité, ainsi qu’un présent liquide qui représente l’instabilité perpétuelle de la modernité favorisant une concurrence éternelle et produisant ainsi des individus inquiets et fragmentaires.

This article analyses the social representations and literary engagement of Michel Houellebecq and Yu Hua through their respective novels: The Map and the Territory and The Seventh Day. Interactions between the authors and their societies would also constitute another aspect of our work. Nowadays, France and China are marked by a "society of the spectacle" and a "liquid present": a society of the spectacle that stifles the nature of human beings and erases their individuality and creativity, as well as a liquid present that represents the perpetual instability of modernity favoring eternal competition and thus producing restless and fragmented individuals.

Index

Mots-clés

représentation sociale, engagement littéraire, Houellebecq (Michel), Hua (Yu), société du spectacle, présent liquide, comparaison

Keywords

social representation, literary engagement, Houellebecq (Michel), Hua (Yu), The Society of the Spectacle, Liquid Times, comparison

Plan

Texte

Selon Alain Montandon, « les représentations et l’imaginaire social informent le texte dans son écriture même1 ». Dans leurs œuvres respectives, Michel Houellebecq reproduit les changements historiques dans la France contemporaine après le mouvement de Mai 68 alors que Yu Hua montre la mutation de la société chinoise depuis la Révolution culturelle. L’époque contemporaine, qui est caractérisée par le développement des techniques informatiques et par l’essor de la circulation des marchandises et des capitaux, nous invite à considérer la France et la Chine au regard de la « société du spectacle2 » et du « présent liquide3 ». Cette société du spectacle étouffe la nature des êtres humains et efface leur individualité ainsi que leur créativité. Ainsi, tous les détails de la vie sont aliénés sous la forme d’un spectacle au sein duquel tous les êtres vivants deviennent de simples représentations tandis que le présent liquide, qui représente la modernité d’une instabilité perpétuelle favorisant une concurrence éternelle, produit des individus anxieux et fragmentaires.

Dans cet article, nous nous attachons à exposer les représentations sociales dans les œuvres de Houellebecq et de Yu Hua. Nous étudierons notamment la façon dont les personnages deviennent des parties du produit dans l’usine, des consommateurs perdus dans le marché et enfin des produits de consommation dans ce présent liquide. Ce présent liquide est caractérisé par « une fluidité permanente, une perte de sens et une crise des légitimités traditionnelles4 ». Ces personnages illustrent des manières de vivre dans un monde du spectacle dominé par l’autorité économique, politique et sociale et qui se définit par l’alternance entre la production et la consommation, la quête éternelle de la richesse matérielle et la beauté physique. Esclave du spectacle, l’homme perd son indépendance spirituelle, devenant un élément de la machine sociale.

En même temps, nous cherchons à explorer leurs engagements littéraires. En adoptant une position d’observateurs, Houellebecq et Yu Hua sont aussi des écrivains engagés, dont les personnages observent le monde avec une certaine distance puisqu’ils manifestent un détachement indifférent. L’engagement littéraire des auteurs est ainsi exprimé par un désengagement social, autrement dit une révolution froide, chez Houellebecq et un attachement à la vie accompagné d’un désir primitif de survivre chez Yu Hua. Fondée sur les théories de La Société du spectacle de Guy Debord et sur celles du Présent liquide de Zygmunt Bauman, en comparant l’écriture de la société chez Houellebecq et Yu Hua, cet article consiste à analyser les représentations sociales, les engagements littéraires ainsi que les interactions entre chaque auteur et sa société à partir du corpus suivant : La Carte et le Territoire5 de Houellebecq, et Le Septième Jour6 de Yu Hua.

Les auteurs et leur œuvre

Michel Houellebecq, né en 1956, est un écrivain, poète et essayiste postmoderne français. Yu Hua, né en 1960, est un écrivain avant-gardiste chinois.

Grâce à son œuvre, qui comprend des romans, des poèmes, des essais, des films et des photographies, Houellebecq est parmi les écrivains français les plus connus et les plus traduits. Dans La Carte et le Territoire7, il raconte le parcours artistique de Jed Martin. Ce dernier connaît un grand succès professionnel grâce à des photographies de cartes Michelin, qui sont une véritable révélation esthétique pour l’artiste. Afin de récompenser Houellebecq, un homonyme fictif, pour sa contribution au catalogue de son exposition, Jed fait un portrait pour le personnage écrivain qui coûte neuf cent mille euros. Le personnage Houellebecq dans ce roman est assassiné et son portrait est volé. À travers le récit du suicide du père de Jed et l’abandon de la création « [d’] œuvres d’art destinées à une commercialisation8 » par Jed, l’auteur cherche à exprimer « l’anéantissement généralisé de l’espèce humaine9 » et « une méditation nostalgique sur la fin de l’âge industriel en Europe10 ». D’après l’auteur, « Jed consacra sa vie à l’art, à la production de représentations du monde, dans lesquelles cependant les gens ne devaient nullement vivre11 ».

En France, Yu Hua est considéré comme écrivain représentatif de la Nouvelle Vague chinoise. Dans Le Septième Jour12, le narrateur, qui est mort, raconte des histoires qui se passent dans le monde terrestre en traversant le monde des vivants et celui des morts. Ces histoires portent notamment sur la démolition violente, la vente de leurs reins par des travailleurs-paysans, l’incendie d’un magasin, la rétention par le gouvernement de données sur les décès, la nourriture toxique ou encore le cas d’accusations injustifiées. Avec la vision de celui qui est mort, Yu Hua montre les maux et les inégalités dans le monde des vivants qui est représenté par une harmonie apparente. Cela expose le doute de l’auteur concernant la vérité dans le monde réel. À travers ces représentations sociales, il démontre que toutes les morts accidentelles sont plus ou moins liées au mal inhérent à la nature humaine. De plus, il critique les inconséquences et les absurdités de la réalité telles que la vente de leur rein par des gens pauvres pour acheter un iPhone ou la démolition violente des bâtiments quand les habitants dorment. Dans ce roman, la mort est un moyen d’observation et d’exposition du mal dans le monde réel. L’auteur rêve ainsi d’un monde terrestre baigné d’une paix éternelle, où il n’y aurait aucune confrontation comme dans l’au-delà. « Cette vision de la mort, neutre et objective, traduit la volonté de l’auteur d’exprimer la vérité de la vie et celle de l’esprit13 ».

Houellebecq et Yu Hua représentent tous les deux les phénomènes sociaux et les faits divers dans leur pays. Notre travail consiste alors à illustrer la représentation de la société chez ces deux écrivains en comparant leurs points de convergence et de divergence.

Les théories sociologiques

D’après Debord, « le spectacle existe sous une forme concentrée ou sous une forme diffuse14 ». Dans La Société du spectacle15, il critique une société spectaculaire qui étouffe la nature des êtres humains et efface leur individualité et leur créativité.

Il détermine les caractéristiques de la société du spectacle à partir des dimensions suivantes : les gens perdent leur désir et leurs propres aspirations à cause de leur fascination pour le spectacle, tandis que les capitalistes manipulent l’ensemble de la vie sociale en contrôlant la production et la transformation du spectacle. Sous le charme du « divertissement » généralisé créé par le spectacle, la majorité des êtres sera complètement détournée de sa véritable nature critique et créative et deviendra esclave de l’autorité spectaculaire. Le spectacle fait référence à une performance réalisée par la minorité et regardée en silence par la majorité. La minorité, ce sont les capitalistes qui sont dans les coulisses et qui créent les spectacles scéniques qui remplissent toute la vie d’aujourd’hui ; et la majorité, c’est le public dominé, les gens ordinaires qui nous entourent. Ce spectacle existe aussi et se manifeste par la domination et l’empiètement des régions développées sur les régions moins développées :

La société porteuse du spectacle ne domine pas seulement par son hégémonie économique les régions sous-développées. Elle les domine en tant que société du spectacle16.

Dans son texte, Debord indique que le spectacle est devenu le but du mode de production capitaliste actuel, et qu’il est aussi devenu la manière dominante de vivre d’aujourd’hui :

La société qui repose sur l’industrie moderne n’est pas fortuitement ou superficiellement spectaculaire, elle est fondamentalement spectacliste17.

Le contrôle des êtres humains par le spectacle se réalise notamment par la domination d’une grande partie du temps en dehors de la production liée au travail, notamment la fascination de la consommation et des publicités dans la vie quotidienne des gens. Le contrôle psychoculturel inconscient du spectacle et la fabrication d’une fausse consommation des personnes ont lieu discrètement dans le temps qui est situé en dehors de la production. Par conséquent, la domination du capital sur les personnes est considérablement étendue sur le plan temporel et spatial.

En présentant le concept du spectacle, Debord a remis en question la société de consommation dominée par les autorités économiques représentant le capitalisme mais aussi par les autorités politiques et sociales. Dans une société spectaculaire, l’homme devient subordonné à l’autorité spectaculaire, en perdant sa conscience autonome.

Zygmunt Bauman, sociologue britannique et polonais, a élaboré en 1998 la formule de « société liquide » afin d’illustrer les caractéristiques de la société postmoderne. Selon lui, cette société liquide est caractérisée par la mobilité permanente et le désir illimité.

La société d’aujourd’hui est de plus en plus mondialisée, fondée sur la liberté de la circulation moderne et la disponibilité instantanée de l’information grâce à internet. Tout en favorisant un développement sans précédent, la mondialisation a également produit de nombreux inconvénients. Tout d’abord, la mondialisation a amplifié l’injustice sociale : « Quatre-vingt-dix pour cent de la richesse totale sont concentrés dans les mains de tout juste 1 % des habitants de la planète18. » De plus, la qualité d’ouverture de la mondialisation pourrait être liée à ses effets négatifs :

[U]ne mondialisation sélective des échanges et des capitaux, de la surveillance et de l’information, de la violence et des armes, du crime et du terrorisme, qui bafouent unanimement le principe de souveraineté territoriale et ne respectent aucune frontière nationale19.

La mondialisation entraîne un déplacement plus fréquent de la population, ce qui entraîne une perte de sens de sécurité à travers notamment une augmentation du taux de criminalité. Bauman écrit ainsi :

Les quartiers protégés, les espaces publics à l’accès limité et soigneusement surveillé, les gardiens lourdement armés et les portes électroniques : tous ces dispositifs sont aujourd’hui dirigés contre des citoyens indésirables. […] Ce n’est plus la convivialité, mais l’exclusion et la séparation qui sont devenues les nouvelles stratégies de survie dans la mégalopole contemporaine20.

Tout cela illustre les grands problèmes de cette société mondialisée : l’homogénéité, l’exclusivisme et le racisme. Les individus sont comme les « particules élémentaires », ils se retrouvent sans protection, écrasés, effrayés. L’insécurité entraîne l’angoisse. « Nos villes passent rapidement du statut d’abri contre les dangers à celui de principale source de dangers21 ».

Dans cette société liquide dominée par le capitalisme, la consommation est un comportement général de la vie humaine. La capacité à payer distingue les classes sociales entre elles, ce qui entraîne des confrontations entre les classes urbaines, les résidents ségrégués exprimant parfois leur mécontentement sous la forme d’émeutes urbaines. Bauman écrit : « [l]a vie liquide est une vie de consommation. Elle traite le monde et tous ses fragments animés et inanimés comme autant d’objets de consommation22. » Bauman ajoute que, dans une société de consommation, le système économique est fondé sur le vieillissement rapide des objets, « une obsolescence quasi instantanée, et de la rotation des biens23 » et l’augmentation des déchets, ce qui entraîne la pollution de l’environnement de toute l’humanité. Dans la société liquide, c’est le désir individuel qui prime sur l’intérêt de l’espèce humaine. En effet, la société de consommation moderne liquide rejette les notions de long terme et de totalité. Bauman fait observer :

Il s’agit naturellement de critères du marché de la consommation, de ceux dont la préférence va à la consommation instantanée, à la satisfaction instantanée et au profit instantané. Un marché de la consommation qui pourvoirait aux besoins à long terme, voire éternels, constituerait une contradiction dans les termes. Un marché de la consommation propage la circulation rapide, une distance raccourcie entre l’usage, le déchet et le broiement des déchets, ainsi que le remplacement immédiat des biens qui ne sont plus profitables. Tout ce qui s’oppose radicalement à la nature de la création culturelle24.

Les consommateurs de la société liquide cherchent toujours une satisfaction instantanée, sans délai. Dans une société de consommation, c’est le désir inassouvissable des consommateurs qui est le moteur constant du développement.

C’est la non-satisfaction des désirs, ainsi qu’une croyance ferme et perpétuelle selon laquelle chaque acte destiné à les satisfaire laisse beaucoup à désirer et peut être amélioré, qui sont les volants de l’économie ayant pour cible le consommateur25.

Notre société est une société de consommation, fondée sur une culture de l’oubli de ce que nous avons, et une recherche de nouveaux désirs qui ne connaissent jamais de limite.

En ce qui concerne les futurs consommateurs, les principales vertus qu’il convient de semer et de cultiver sont une réaction rapide et sans réserve aux charmes des marchandises, ainsi qu’un désir compulsif, source de dépendance, d’acheter26.

Afin de l’emporter sur le marché mondial de la concurrence éternelle, les entreprises cherchent toujours à produire de l’attraction pour inciter le désir de consommation du public.

Représentations sociales : l’aliénation de production et de consommation

Sonya Florey estime que « [l]a postmodernité, en se libérant des valeurs collectivement partagées, contribue à l’épanouissement d’un néolibéralisme qui tend à réduire l’humain à un corps travaillant et consommant27 ». Selon Debord, la société contemporaine est avant tout contrôlée par le spectaculaire diffus : le capitalisme moderne. Debord précise : « [l]e spectaculaire diffus accompagne l’abondance des marchandises, le développement non perturbé du capitalisme moderne28. » Houellebecq et Yu Hua essaient tous deux d’exposer le spectaculaire diffus dans leurs romans.

Dans La Carte et le Territoire29, le père de Jed, Jean-Pierre Martin, pour qui « ce qui pousse avec la plus grande violence les gens à se dépasser, c’est encore le pur et simple besoin d’argent30 », ne cesse de construire des stations balnéaires pour les plus aisés au lieu de réaliser son rêve : « bâtir des maisons pour les hirondelles31. » Dans ce roman, Jed propose à son père de mettre fin à sa carrière éprouvante pour profiter de la vie, son père répond : « [m]ais qu’est-ce que je ferais32 ? »  Pour lui, la valeur économique prédomine parmi toutes les valeurs de l’homme occidental et toute action humaine est mesurable en argent. « C’est sa place dans le processus de production, et pas son statut de reproducteur, qui définit avant tout l’homme occidental33 ». Pour Jean-Pierre Martin, qui prend part à cette compétition professionnelle éternelle, c’est le désir et l’espoir de régner dans la classe capitaliste qui l’encouragent à continuer sa carrière. Sa poursuite de l’argent le noie dans la logique capitaliste et le motive à continuer sans arrêt la production industrielle des stations balnéaires. Cette logique capitaliste tue son esprit créateur et lui fait perdre son rêve. Ainsi, Bauman écrit : « […] dans une société de chasseurs, l’idée d’une fin de la chasse n’est pas tentante mais effrayante, puisque cette fin ne peut prendre que la forme d’une défaite personnelle, d’une exclusion34. »

Debord ajoute : « [d]’autant plus sa vie est maintenant son produit, d’autant plus il est séparé de sa vie35 ». Le père de Jed est réduit à un instrument du profit et aliéné par son travail. Il est séparé de sa vie d’autant plus que sa vie est son produit : des stations balnéaires.

Dans une société où la croissance de la richesse est le seul moteur interne du développement personnel, la fragmentation des êtres humains est inévitable : en se concentrant sur l’augmentation matérielle, l’homme devient un élément de la machine sociale qui n’arrête jamais de rouler, « travaillant pour un marché toujours plus étendu36 ».

Bauman constate que « l’utopie des chasseurs est un rêve de labeur sans fin37 ». Le père de Jed, partisan de la concurrence professionnelle, est satisfait de son travail fatigant mais très rentable. Mais ce désir insatiable d’argent est la source de ses souffrances et de ses malheurs. À la fin du livre, le père de Jed souhaite ne plus souffrir de sa fatigue, de sa maladie et du non-sens de la vie. Il décide de se faire euthanasier en Suisse et veut que ses cendres soient dispersées dans le lac de Zurich. Il finit par retourner à la nature pour mener une vie « sans soucis, sans responsabilités, sans désirs ni sans crainte, proche de la vie des plantes, où l’on [peut] jouir de la caresse modérée du soleil et de la bise38 ». À travers cet exemple, l’auteur dénonce l’anéantissement de la création et de l’individualité humaines causé par le capitalisme. L’homme postmoderne devient une machine à produire.

Cet anéantissement des êtres humains se manifeste non seulement dans la production mais aussi dans la consommation. Le moteur le plus puissant de la production, c’est la consommation.

Dans La Carte et le Territoire39, l’auteur montre que les marchands n’arrêtent pas de produire de nouvelles marchandises pour attirer les clients, afin de produire « une attente de nouveauté chez le consommateur, qui ne font en réalité que transformer sa vie en une quête épuisante et désespérée, une errance sans fin entre des linéaires éternellement modifiés40 ». À cela s’ajoute que les publicités provoquent un désir ininterrompu de consommation, en transformant « l’être en fantôme obéissant, sans lieu, sans lien, dans la vanité et la superficialité absolues41 ». Après le grand succès de son exposition, les prix des ouvrages de Jed augmentent beaucoup. Ainsi de nombreuses personnes aisées viennent lui commander leur portrait, ce qui montre que nous nous trouvons dans une époque où le succès de marché justifie et valide tout. L’art, qui devient l’outil de l’extension du capital, perd progressivement sa valeur originelle.

Les consommateurs irrationnels font partie intégrante de la société liquide. En effet, d’après Debord, le spectacle crée le désir, le désir détermine la production et la consommation.

À ce point de la « deuxième révolution industrielle », la consommation aliénée devient pour les masses un devoir supplémentaire à la production aliénée. C’est tout le travail vendu d’une société qui devient globalement la marchandise totale dont le cycle doit se poursuivre. Pour ce faire, il faut que cette marchandise totale revienne fragmentairement à l’individu fragmentaire, absolument séparé des forces productives opérant comme un ensemble42.

Les êtres humains, déjà fragmentés par la production sociale, doivent subir une deuxième fois la fragmentation afin de consommer les marchandises qu’ils ont produites et de créer les bénéfices économiques pour les capitalistes.

De plus, les consommateurs fiévreux sont dominés par le fétichisme de la marchandise.

C’est le principe du fétichisme de la marchandise, la domination de la société par « des choses suprasensibles bien que sensibles », qui s’accomplit absolument dans le spectacle, où le monde sensible se trouve remplacé par une sélection d’images qui existe au-dessus de lui43

L’économie transforme le monde en monde de l’économie : « dans le moment où la masse des marchandises glisse vers l’aberration, l’aberrant lui-même devient une marchandise spéciale. […] L’homme réifié affiche la preuve de son intimité avec la marchandise44 ».

Ces clients aveugles sont à la fois consommateurs et produits de consommation. Ils deviennent alors une marchandise spéciale, aliénée par la société de consommation. Dans cette société de consommation motivée par le désir, « [l]e désir ne désire pas la satisfaction, au contraire, le désir désire le désir. C’est en tout cas vrai du désir du consommateur idéal45 ». Ce désir de consommation, qui est destiné à être insatisfait, est la source de souffrance des consommateurs qui sont épuisés et perdus dans des magasins.

Dans Le Septième Jour46, Yu Hua montre également des phénomènes du spectaculaire diffus dans son pays : la chasse aux nouveaux iPhones. Des hommes pauvres vendent un rein pour « gagner de l’argent le plus vite possible47 » afin d’acheter un iPhone. Une jeune fille, Liu Mei, est très jalouse de son amie qui se prostitue afin de renouveler son iPhone chaque année. Cette poursuite éternelle d’un nouveau produit rejoint les idées de Bauman : « la nécessité de jeter les choses, de les abandonner, de s’en débarrasser […] s’harmonise parfaitement avec la logique de notre économie consumériste48. » Dans un présent liquide, les gens ont toujours besoin d’un nouveau produit. Le marché a besoin des consommateurs qui n’assouvissent jamais leur désir de consommer. Bauman constate que « [l]es êtres humains sont tous, depuis toujours, des consommateurs49 ». Ils ne cessent jamais de consommer, souvent motivés par un désir artificiel créé par la société consumériste, notamment à travers des publicités qui proposent un art de vivre spectaculaire. Bauman poursuit : « [l]’industrie actuelle est de plus en plus orientée vers la production d’objets d’attraction et de tentation50 » afin de séduire des consommateurs et l’emporter sur leurs concurrents.

Liu Mei souhaite faire le même travail que son amie afin de gagner de l’argent plus rapidement mais son compagnon n’est pas d’accord et promet de lui offrir un iPhone 4S. Finalement, Liu Mei se suicide parce que « son petit-ami lui [offre] un cadeau d’anniversaire, un iPhone 4s de contrefaçon et non le vrai51 ».

De nos jours, l’iPhone, fameux modèle de téléphone portable, représente un accessoire très à la mode pour les jeunes. Les hommes qui vendent leur rein pour acheter un iPhone, la fille qui se suicide à cause d’un iPhone 4S de contrefaçon sont deux phénomènes qui montrent l’attraction qu’exerce une marchandise spectaculaire sur les personnages, le contrôle de leur esprit par le fétichisme de la marchandise et la domination de leur désir par les publicités. Pour l’homme réifié, « plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir52 ».

Dans Le Septième Jour53, Yu Hua observe bien la société des vivants, mais aussi le monde des morts. Nous pourrions remarquer qu’une hiérarchisation subsiste dans la société de l’au-delà. Yang Fei, un jeune mort, est allé au funérarium pour se faire incinérer par lui-même. N’ayant pas beaucoup d’argent, il appartient au grand groupe de gens sur les chaises en plastique alors que les morts plus aisés sont assis sur les fauteuils plus confortables dans la zone VIP. L’auteur montre bien les différences entre les morts de différentes classes sociales. Au funérarium, les gens dans la Zone VIP portent des habits mortuaires de soie naturelle, qui dépassent les 20 000 yuans. Leurs urnes sont « en bois de rose et gravées de motifs finement ciselés, et leur prix dépasse les 60 000 yuans54 ». Alors que du côté des chaises en plastique, les gens portent des vêtements en soie synthétique mêlée d’un peu de coton naturel, qui coûtent environ 1 000 yuans. Leurs urnes sont en cyprès ou en contreplaqué, sans aucune gravure dessus, et coûtent entre 200 et 800 yuans.

À partir de ce détail, nous remarquons bien que la hiérarchisation est marquée par la capacité des morts à payer. Dans son essai La Chine en dix mots55, Yu Hua présente également de grandes disparités dans la société chinoise :

La Chine d’aujourd’hui est un pays où règnent d’immenses disparités. C’est comme si nous avancions dans un décor où d’un côté il y aurait le faste, et de l’autre la décrépitude. Ou, si l’on préfère, c’est comme si l’on se trouvait dans un théâtre bizarre où la scène serait coupée en deux : côté jardin on jouerait une comédie, et côté cour une tragédie56.

En effet, la Chine connaît une grande disparité entre les classes sociales. En 2005, « les 8,6 % les plus aisés [possédaient] 60,4 % du capital financier. Les 10 % des Chinois les plus pauvres ne [possédaient] que 1,4 % des richesses totales57 ». Ces inégalités sociales sont causées par le système des chasseurs, c’est-à-dire la mise en œuvre du marché libre en Chine à partir des années 1980 afin de favoriser les concurrences commerciales et de dynamiser l’économie chinoise. Dans un présent liquide, nous sommes tous obligés de devenir chasseurs, « sous peine d’être exclus de la chasse, voire d’être relégués au rang de gibier58 ». Selon le darwinisme social, dans un monde de concurrence libérale où le thème principal est la lutte pour la vie, les gagnants triomphent des perdants à l’image de la domination de certaines espèces sur d’autres : « les forts mangent les faibles59 ». Face au changement éternel, il ne faut jamais cesser d’avancer, aussi vite que possible. À cela s’ajoute que la chasse ne prend jamais fin car elle « ne peut être que la défaite ignominieuse de l’utopie vécue. […] Ce serait aussi une défaite personnelle, une preuve incontestable d’échec personnel60 ». Ce système de chasseurs provoque une concurrence éternelle au sein de la société, qui est l’origine des inégalités sociales et des souffrances des êtres humains les plus faibles.

Comparaison de deux auteurs 

Dans La Carte et le Territoire61 et Le Septième Jour62, Houellebecq et Yu Hua cherchent à exposer leurs propres représentations de la société actuelle. Ils illustrent tous deux l’aliénation de la production et de la consommation dans la société postmoderne, qui est contrôlée par les autorités spectaculaires et le présent liquide.

Dans une société du spectacle, le système façonne les individus par les valeurs communes : la poursuite éternelle de la richesse et de la réputation ; la quête permanente de nouveaux produits. Ces valeurs nous paraissent contradictoires avec l’esprit de la société individualisée qui privilégie les caractéristiques particulières.

Dans un présent liquide, les êtres humains mènent tous une vie de consommateurs qui est toujours motivée par un désir illimité des nouvelles marchandises. Ils exposent « un moi constamment éphémère, complètement incomplet, tout à fait indéfini63 » qui vit dans « la modernité liquide ne se [fixant] aucun objectif, et ne [traçant] aucune ligne d’arrivée64 ». Pourtant, les deux auteurs ont mis en texte les représentations sociales d’une manière différente.

D’une part, on trouve plus d’espoir dans le texte de Yu Hua que dans celui de Houellebecq. Avec un ton radical et déprimant, Houellebecq cherche à montrer la décadence de la société occidentale et la condition de l’homme solitaire. Dans son texte, le suicide et la mort correspondent à un refuge pour éviter le nihilisme et le non-sens de la vie, provoqués par la production industrielle. Contrôlé par les valeurs capitalistes, l’homme aliéné devient une machine à produire et à consommer, tout en perdant sa créativité et son autonomie. Confrontés à la décadence de la société, les êtres humains ne peuvent rien faire. Face à ce monde décadent, Houellebecq propose l’anéantissement des êtres humains. Paul Vacca estime que « le désespoir houellebecquien est plutôt une désespérance en phase terminale : arrivé au bout pour se rendre compte qu’elle est sans objet. Un désespoir conscient qu’il est désespérément vain de désespérer65 ». Dans le texte de Houellebecq, le désespoir est le destin absolu de l’humanité. Houellebecq réalise « une forme de quiétude d’âme, une apathie qui le rend volontairement étranger aux affections sensibles et qui lui permet d’affronter l’adversité sans éprouver le moindre trouble66 ».

Yu Hua démontre la domination de l’esprit humain par le consumérisme. La mort de la jeune fille est provoquée par le produit spectaculaire. De plus, l’acte de son compagnon, qui vend un de ses reins pour acheter une sépulture pour elle, montre la douceur et l’amour entre eux. À la place du scepticisme extrême et de l’esprit de négation profonde que l’on retrouve généralement dans l’œuvre des écrivains occidentaux, cette douceur et cet amour dans le texte de Yu Hua relèvent probablement de la culture chinoise qui prône toujours l’espoir, la tendresse, et l’optimisme même dans une situation désespérante. Outre cet exemple, nous pouvons également mentionner l’amour profond que le personnage principal de ce roman, Yang Fei, éprouve pour son père adoptif, qui l’a recueilli alors qu’il était un bébé abandonné. Il lui témoigne sa reconnaissance et son affection tout au long de sa vie, même après sa mort. À travers ces récits de l’amour, Yu Hua montre l’espoir et le sens de vivre dans la société contemporaine chinoise, généralement frustrante, qui est marquée par l’indifférence et l’égoïsme, négligeant les plus démunis et les plus vulnérables. Yu Hua crée une vision romanesque qui repose sur la mort et raconte toutes ces tragédies de façon violente mais il exprime aussi la pitié, la douceur et le pardon dans son récit. Son style est influencé par la culture traditionnelle chinoise qui prône l’équilibre et l’harmonie.

D’autre part, leur façon de reproduire la réalité est aussi différente. Le style houellebecquien est probablement influencé par son ancien métier dans l’informatique. D’après lui, « [l]a première – et pratiquement la seule – condition d’un bon style, c’est d’avoir quelque chose à dire67 ». Dans son texte, il cherche à exposer la vérité et à produire de l’exactitude par un vocabulaire scientifique, tel que le nombre précis des passants dans son récit. Ce regard scientifique témoigne de sa recherche de vérité et lui sert d’outil pour la quête critique de la vérité. De plus, la platitude de son style témoigne de sa recherche d’une simplicité d’expression afin d’écrire le monde plat de manière plate. Houellebecq s’intéresse « moins au langage qu’au monde 68». Dans ses œuvres, il représente le monde contemporain d’une manière précise tel qu’il est vécu par ses lecteurs dans la vie réelle. Pour lui, « le style n’est que la simple silhouette de la pensée69 ». Et ce style, qui reflète l’état mental d’un écrivain, peut être varié selon son rythme interne.

Chez Yu Hua, la manière de traiter la réalité est plus variée. D’après lui, « la réalité littéraire ne se mesure pas à la vie réelle, mais elle inclut aussi l’imagination, les rêves et le désir70 ». Pour exprimer la vérité dans l’esprit, l’ancienne façon d’écrire ne suffisait plus à le soutenir et il est donc parti à la recherche d’un récit plus riche et plus varié. En effet, dans Le Septième Jour, la représentation de la société réelle à travers une vision objective de ce qui est mort montre que l’auteur recherche la vérité de la vie et la réalité littéraire. Dans ce roman, l’écriture de la hiérarchisation dans le monde des morts reflète le même phénomène dans le monde des vivants. La vision de la mort est une manière de prendre du recul vis-à-vis de la société chinoise, afin de mieux la représenter. Cette façon de représenter le monde des vivants à travers une vision de mort expose la vraie image de la Chine contemporaine. Comme l’écrit Pierre Guenancia :

L’homme que la représentation de moi me donne à regarder m’éloigne de moi, et c’est en ce sens qu’il figure l’autre, mais le moi appréhendé comme représentant l’homme en général (en un autre sens du verbe représenter) me rapproche des autres hommes et par ce biais-là (il est essentiel que ce soit par un biais) de moi-même71.

Confrontés à ce monde créé pour les consommateurs et les autorités, les auteurs proposent-ils des stratégies de survie ? Comment pourrait-on trouver le vrai moi, et le moi originel, « non affecté (non corrompu, non étouffé, non déformé) par les pressions extérieures72 » recherché par Bauman, une identité personnelle « [dégagée] des identités statutaires imposées, reçues73 » proposée par François de Singly ?

Dans la partie suivante, nous analyserons les engagements littéraires de ces deux auteurs afin de mieux répondre à ces questions.

Engagements littéraires

Dans son texte, Houellebecq représente un monde dominé par le libéralisme économique : les défauts et la chute de la société humaine. Il pense que « le matérialisme [est] au fond incompatible avec l’humanisme, et [doit] finir par le détruire74 », malgré son importance historique. Il déteste le libéralisme, qui est « l’idéologie des individus libres luttant tous contre tous75 ». L’idéologie libérale se concentre sur des profits monétaires, la rationalité instrumentale et l’égoïsme.

Comme le dit Jed, le héros de La Carte et le Territoire76 : « [l]a modernité était peut-être une erreur77. » Après la mort du père de Jed, ce dernier s’installe à la campagne, et arrête les productions artistiques commerciales. Dès lors, ses œuvres photographiques représentent « le point de vue végétal sur le monde78 ». Dans son testament, il lègue « sa fortune à différentes associations de protection des animaux79 ».

Face à l’aliénation des êtres humains dans la société postmoderne, Houellebecq prévoit l’anéantissement généralisé de l’espèce humaine et propose la production de la population néo-humaine par le clonage et une utopie néo-humaine fondée sur la production artisanale, l’abandon du système de production industrielle, et la végétalisation de la vie humaine. L’utopie houellebecquienne est caractérisée notamment par la production artisanale de produits de meilleure qualité, « au profit de communautés artisanales et agraires80 » et la production artistique dégagée des valeurs commerciales et nourrie par la création humaine, tout en enrichissant la spiritualité des êtres humains. Cette production artisanale est incarnée dans le roman par une entreprise de décoration et d’ameublement créée par William Moris où « la conception et l’exécution ne devaient jamais être séparées, […] les conditions de travail étaient idylliques : des ateliers lumineux, aérés, au bord d’une rivière. Tous les bénéfices étaient redistribués aux travailleurs, sauf une petite partie, qui servait à financer la propagande socialiste. […] [L]e succès a été immédiat, y compris sur le plan commercial81 ». Houellebecq rêve d’un retour à une époque où les gens ne travaillent pas pour l’appât du gain comme à l’époque libérale mais pour « l’amour de Dieu, dans le cas des moines, ou plus simplement l’honneur de la fonction82 » comme pendant l’Ancien Régime. De plus, le retour des anciens métiers tels que maréchal-ferrant ou vannier à la fin de La Carte et le Territoire83 démontre sa nostalgie d’une France préindustrielle.

Il propose un esprit détaché du désir créé par la société du spectacle pour sauver le monde occidental décadent afin de briser le système social hiérarchique fondé sur la naissance, la richesse, le physique, et l’intelligence. En somme, il souhaite se débarrasser des habits sociaux pour une identité personnelle et originelle « qui ne […] vienne ni de la fortune, ni de la naissance, ni d’une investiture religieuse, mais [du] titre d’homme84 ».

Il nous conseille de vivre comme une plante, de nous délivrer totalement du désir, de toutes les charges du monde sublunaire, pour une vie paisible, dans l’attente de la mort. En adoptant une posture désengagée, il valorise une attitude de dépouillement afin de rester vivant :

Étrangement, pourtant, j’avais plutôt envie de rester dans ma chambre d’hôtel ; de regarder les mouettes survolant en travers les installations portuaires abandonnées des rives de l’Hudson85.

Avec le point de vue végétal de l’artiste Jed et le retour dans la nature des cendres de son père, Houellebecq nous invite à repenser le monde et la vie. À la fin de La Carte et le Territoire86, l’auteur prévoit que « [l]e triomphe de la végétation est total87 » après la décomposition et l’anéantissement de la société humaine et ceux de la production industrielle. Cette opinion végétale reflète un détachement à l’égard des relations humaines sociales, une délivrance complète du désir et une manière de vivre végétale. Cette posture végétale représente le désengagement radical houellebecquien et peut être un outil de déconnexion avec le flux social dominé par les courants spectaculaires et liquides, qui nous permettrait de trouver notre propre valeur hors des valeurs capitalistes. En même temps, il envisage une utopie postmoderne. Dans La Carte et le Territoire88, il propose d’établir une utopie néo-humaine où la vie des êtres humains futurs est soutenue par le soleil et l’eau, comme des plantes. Dans La Possibilité d’une île89, il conçoit une utopie où la production artisanale remplace la production industrielle et où la reproduction de la population néo-humaine s’effectue par le clonage. Les êtres humains accéderont dès lors à une vie éternelle.

Dans Le Septième Jour90, Yu Hua relate des événements absurdes de la société contemporaine chinoise : une quête perpétuelle de produits spectaculaires, une poursuite éternelle de richesse matérielle et un fossé entre les riches et les pauvres.

Dans son récit, Yu Hua exerce une critique de la société chinoise contemporaine fondée sur une mise en fiction de la vie réelle à l’époque de la réforme et de l’ouverture de la Chine91. Dans ce roman, il adopte une position d’opposition à la mondialisation américanisée. D’après lui, une économie mondialisée ne conduit pas à une prospérité globale et égale tandis que la libéralisation du commerce ne mène pas à un accord équitable. Lorsque le capital transnational américain et européen est entré dans les pays en développement, il n’a pas fourni à ces pays leurs technologies de base, mais n’était là que pour piller la force de travail et vendre des produits spectaculaires.

L’histoire de la jeune fille, qui se suicide à cause d’un iPhone 4S de contrefaçon, montre bien les influences négatives des produits spectaculaires venant des pays développés à l’époque de la mondialisation. Avec un regard objectif et froid, Yu Hua dévoile les faiblesses de la nature humaine dans la Chine actuelle. En même temps, influencés par le confucianisme chinois qui prône l’amour et l’engagement dans la société, les textes de Yu Hua estompent le pessimisme qui colore son roman et sont pleins d’optimisme et d’espoir, par rapport aux œuvres houellebecquiennes.

À la fin du Septième Jour92, le compagnon de la fille qui s’est suicidée regrette amèrement son mensonge. Il vend un de ses reins pour acheter une sépulture à sa compagne. L’attachement qu’il manifeste pour elle malgré leur vie médiocre montre que l’amour est supérieur à l’argent.

Dans le récit de Yu Hua, le ton est parfois monotone et le récit n’exclut pas les répétitions. Au fur et à mesure que l’histoire progresse, l’écrivain ne cesse de revenir sur les mêmes sujets, produisant un effet d’accumulation sans autre artifice. En outre, les descriptions et la langue utilisées ont été simplifiées à l’extrême. Au fil des pages, le rythme s’accélère sans que jamais l’auteur ne veuille s’attarder sur les détails ou méditer sur tel ou tel aspect de l’histoire. Yu Hua expose la simplicité des hommes et des faits, et c’est précisément là, sans doute, que réside l’intention première de ses textes. Se départir de la complexité et de la profondeur, tendre vers la simplicité et la superficialité, voilà les principes qu’il a choisis pour ses textes.

Les engagements littéraires de Houellebecq sont des désengagements radicaux de la société humaine représentés par une opinion végétale : vivre sans le désir spectaculaire. Il déteste le monde humain et veut le remplacer par une utopie postmoderne, qui, dépassant le temps et l’espace, apparaît comme un remède aux maladies de la société occidentale. Yu Hua porte un regard plus doux, il adopte une attitude réaliste et pessimiste : sans conviction pour l’avenir, ses personnages mineurs mènent une vie monotone. Leurs révoltes contre leur destin tragique sont négatives et passives. Si l’on dit que Houellebecq est un spectateur très expressif du « théâtre social », Yu Hua est plutôt un spectateur qui regarde le théâtre silencieusement.

Conclusion

Dans leurs textes, Houellebecq et Yu Hua cherchent tous deux à montrer l’état actuel de la vie individuelle et des problèmes sociaux dans leur pays respectif, dans une société du spectacle et dans un présent liquide. À travers la mise en fiction des réalités sociales, ils nous exposent la façon dont les individus sont façonnés par la société et la culture. Maîtrisé par les valeurs spectaculaires, l’homme réifié devient progressivement une machine à produire et à consommer. Vivant dans un présent du changement éternel, l’homme se trouve de plus en plus solitaire, écrasé et fragmentaire. Alors, comment trouver le vrai moi, l’identité personnelle qui se dépouille des contrôles autoritaires, dans la société spectaculaire et liquide ? Houellebecq nous propose un désengagement radical et un changement total de la société humaine, alors que Yu Hua, observateur plus réaliste et calme, n’a pas répondu à cette question dans son ouvrage. Pour lui, nous vivons pour vivre, sans aucun autre but. Son attachement à la vie est exprimé par le désir primitif de survivre. Aucun changement n’est significatif93.

1 Alain Montandon, « Sociopoétique », Sociopoétiques n° 1, Mythes, contes et sociopoétique, 2016 [En ligne] DOI : https://dx.doi.org/10.52497/

2 Guy Debord, La Société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992. L’auteur prolonge dans cet essai la critique du fétichisme de la marchandise que Marx

3 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide. Peurs sociales et obsession sécuritaire, trad. de Laurent Bury, Paris, Seuil, 2007. D’après l’auteur, notre

4 Xavier Philippe, Vincent Meyer, Jean-Denis Culié, « Soumission dans les organisations liquides. Les paradoxes du salarié houellebecquien », Revue

5 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, Paris, Flammarion, 2010.

6 Hua Yu, Le Septième Jour, trad. d’Angel Pino et Isabelle Rabut, Arles, Actes Sud, 2014.

7 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

8 Ibid., p. 410.

9 Ibid., p. 428.

10 Ibid., p. 428.

11 Ibid., p. 39.

12 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

13 Rong Li, « Le Septième Jour, la poétique de la mort », Critique de fiction [En chinois :李蓉.《第七天》:死亡的诗意[J].说评论] n6, 2013, p. 82-87.

14 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 58.

15 Ibid.

16 Ibid., p. 53.

17 Ibid., p. 21.

18 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 14.

19 Ibid., p. 15.

20 Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, trad. d’Alexandre Abensour, Paris, Hachette, 1999. p. 77.

21 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, trad. de Christophe Rosson, Paris, Fayard, « Pluriel », 2013, p. 117.

22 Ibid., p. 19.

23 Ibid., p. 43.

24 Ibid., p. 96.

25 Ibid., p. 127.

26 Ibid., p. 177.

27 Sonya Florey, L’Engagement littéraire à l’ère néolibérale, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 124 [En ligne] DOI :

28 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 60.

29 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

30 Ibid., p. 45.

31 Ibid., p. 406.

32 Ibid., p, 115.

33 Ibid., p, 158.

34 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide…, op. cit., p. 138.

35 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 32.

36 Ibid., p. 28.

37 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide…, op. cit., p. 139.

38 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit., p. 343.

39 Ibid.

40 Ibid., p. 171.

41 Bernard Maris, Houellebecq économiste, Paris, Flammarion, 2016, p. 77.

42 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 40.

43 Ibid., p. 35-36.

44 Ibid., p. 62.

45 Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, op. cit., p. 128.

46 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

47 Ibid., p. 224.

48 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 134.

49 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, op. cit., p.130.

50 Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, op. cit., p. 121.

51 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit., p. 141.

52 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 31.

53 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

54 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit., p. 16-17.

55 Hua Yu, La Chine en dix mots, traduction du chinois d’Angel Pino et Isabelle Rabut, Arles, Actes Sud, 2010.

56 Ibid., p. 174.

57 Alain Roux, La Chine contemporaine, Paris, Armand Colin, 2010, p. 175.

58 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 130.

59 Bernard Maris, Houellebecq économiste, op. cit., p. 119.

60 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 139.

61 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

62 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

63 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, op. cit., p. 57.

64 Ibid., p. 106.

65 Paul Vacca, Michel Houellebecq, phénomène littéraire, Paris, Robert Laffont, 2019, p. 96.

66 Ludivine Fustin, « L’apathie cynique ou le refus des passions chez le héros houellebecquien », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n° 2

67 Dominique Noguez, Houellebecq, en fait, Paris, Fayard, 2003, p. 64.

68 Michel Houellebecq, Interventions, Paris, Flammarion, 1998, p. 111.

69 Arthur Schopenhauer, « Sur les écrivains et le style », Parerga et Paralipomena, trad. de J.-P. Jackson, Paris, Coda, 2005, p. 827.

70 Hua Yu, On ne reprend jamais le même chemin, Pékin, Éditions Zuojia, 2012, p. 106.

71 Pierre Guenancia, Le Regard de la pensée. Philosophie de la représentation, Paris, PUF, « Fondements de la politique », 2009, p. 262.

72 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, op. cit., p. 32.

73 François de Singly, Double Je. Identité personnelle et identité statutaire, Paris, Armand Colin, « Individu et société », 2017, p. 84.

74 Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998, p. 373.

75 Bernard Maris, Houellebecq économiste, op. cit., p. 49.

76 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

77 Ibid., p. 348.

78 Ibid., p. 423.

79 Ibid., p. 425.

80 Ibid., p. 263.

81 Ibid., p. 266.

82 Ibid., p. 222.

83 Ibid.

84 François de Singly, Double Je, op. cit., p. 168.

85 Michel Houellebecq, Rester vivant suivi de La Poursuite du bonheur, Paris, Flammarion, 1997, p. 59.

86 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

87 Ibid., p. 428.

88 Ibid.

89 Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Flammarion, 2016.

90 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

91 L’époque de la réforme et de l’ouverture de la Chine : à partir de 1978, le gouvernement chinois, sous la direction du chef Deng Xiaoping, commence

92 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

93 Cette recherche est financée par le Conseil des bourses du Gouvernement chinois (China Scholarship Council).

Notes

1 Alain Montandon, « Sociopoétique », Sociopoétiques n° 1, Mythes, contes et sociopoétique, 2016 [En ligne] DOI : https://dx.doi.org/10.52497/sociopoetiques.640 [consulté le 30 janvier 2023].

2 Guy Debord, La Société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992. L’auteur prolonge dans cet essai la critique du fétichisme de la marchandise que Marx développe en 1867 dans Le Capital, qui alimente sa réflexion sur la théorie de l’aliénation exposée dans ses Manuscrits de 1844. « La Société du spectacle » est essentiellement une critique radicale de la marchandise et de sa domination sur la vie, que l’auteur voit comme la forme particulière de l’« aliénation » de la société de consommation. Le concept de spectacle se réfère à un mode de reproduction de la société fondé sur la reproduction des marchandises, toujours plus nombreuses et toujours plus semblables dans leur variété. Debord prône une mise en acte de la conscience que l’on a de sa propre vie, envers une illusoire pseudo-vie que nous impose la société capitaliste, particulièrement depuis l’après-guerre.

3 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide. Peurs sociales et obsession sécuritaire, trad. de Laurent Bury, Paris, Seuil, 2007. D’après l’auteur, notre société moderne qui est devenue liquide engendre de nouvelles peurs. Cette modernité liquide a fait triompher l’incertitude perpétuelle : la quête de sens et de repères stables a laissé la place à l’obsession du changement et de la flexibilité. Le culte de l’éphémère et les projets à court terme favorisent le règne de la concurrence au détriment de la solidarité et transforment les citoyens en chasseurs ou, pis, en gibier. Ainsi, le présent liquide favorise l’émergence d’individus peureux, hantés par la crainte de l’insécurité.

4 Xavier Philippe, Vincent Meyer, Jean-Denis Culié, « Soumission dans les organisations liquides. Les paradoxes du salarié houellebecquien », Revue française de gestion, n° 303, 2022, p. 85-103, [En ligne] URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2022-2-page-85.htm [consulté le 3 février 2023].

5 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, Paris, Flammarion, 2010.

6 Hua Yu, Le Septième Jour, trad. d’Angel Pino et Isabelle Rabut, Arles, Actes Sud, 2014.

7 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

8 Ibid., p. 410.

9 Ibid., p. 428.

10 Ibid., p. 428.

11 Ibid., p. 39.

12 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

13 Rong Li, « Le Septième Jour, la poétique de la mort », Critique de fiction [En chinois :李蓉.《第七天》:死亡的诗意[J].说评论] n6, 2013, p. 82-87.

14 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 58.

15 Ibid.

16 Ibid., p. 53.

17 Ibid., p. 21.

18 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 14.

19 Ibid., p. 15.

20 Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, trad. d’Alexandre Abensour, Paris, Hachette, 1999. p. 77.

21 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, trad. de Christophe Rosson, Paris, Fayard, « Pluriel », 2013, p. 117.

22 Ibid., p. 19.

23 Ibid., p. 43.

24 Ibid., p. 96.

25 Ibid., p. 127.

26 Ibid., p. 177.

27 Sonya Florey, L’Engagement littéraire à l’ère néolibérale, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 124 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.septentrion.12531.

28 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 60.

29 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

30 Ibid., p. 45.

31 Ibid., p. 406.

32 Ibid., p, 115.

33 Ibid., p, 158.

34 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide…, op. cit., p. 138.

35 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 32.

36 Ibid., p. 28.

37 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide…, op. cit., p. 139.

38 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit., p. 343.

39 Ibid.

40 Ibid., p. 171.

41 Bernard Maris, Houellebecq économiste, Paris, Flammarion, 2016, p. 77.

42 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 40.

43 Ibid., p. 35-36.

44 Ibid., p. 62.

45 Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, op. cit., p. 128.

46 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

47 Ibid., p. 224.

48 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 134.

49 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, op. cit., p.130.

50 Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, op. cit., p. 121.

51 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit., p. 141.

52 Guy Debord, La Société du spectacle, op. cit., p. 31.

53 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

54 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit., p. 16-17.

55 Hua Yu, La Chine en dix mots, traduction du chinois d’Angel Pino et Isabelle Rabut, Arles, Actes Sud, 2010.

56 Ibid., p. 174.

57 Alain Roux, La Chine contemporaine, Paris, Armand Colin, 2010, p. 175.

58 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 130.

59 Bernard Maris, Houellebecq économiste, op. cit., p. 119.

60 Zygmunt Bauman, Le Présent liquide, op. cit., p. 139.

61 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

62 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

63 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, op. cit., p. 57.

64 Ibid., p. 106.

65 Paul Vacca, Michel Houellebecq, phénomène littéraire, Paris, Robert Laffont, 2019, p. 96.

66 Ludivine Fustin, « L’apathie cynique ou le refus des passions chez le héros houellebecquien », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n° 2, 2013, p. 188-200 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3406/bude.2013.7016 [consulté le 3 février 2023].

67 Dominique Noguez, Houellebecq, en fait, Paris, Fayard, 2003, p. 64.

68 Michel Houellebecq, Interventions, Paris, Flammarion, 1998, p. 111.

69 Arthur Schopenhauer, « Sur les écrivains et le style », Parerga et Paralipomena, trad. de J.-P. Jackson, Paris, Coda, 2005, p. 827.

70 Hua Yu, On ne reprend jamais le même chemin, Pékin, Éditions Zuojia, 2012, p. 106.

71 Pierre Guenancia, Le Regard de la pensée. Philosophie de la représentation, Paris, PUF, « Fondements de la politique », 2009, p. 262.

72 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, op. cit., p. 32.

73 François de Singly, Double Je. Identité personnelle et identité statutaire, Paris, Armand Colin, « Individu et société », 2017, p. 84.

74 Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, Paris, Flammarion, 1998, p. 373.

75 Bernard Maris, Houellebecq économiste, op. cit., p. 49.

76 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

77 Ibid., p. 348.

78 Ibid., p. 423.

79 Ibid., p. 425.

80 Ibid., p. 263.

81 Ibid., p. 266.

82 Ibid., p. 222.

83 Ibid.

84 François de Singly, Double Je, op. cit., p. 168.

85 Michel Houellebecq, Rester vivant suivi de La Poursuite du bonheur, Paris, Flammarion, 1997, p. 59.

86 Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, op. cit.

87 Ibid., p. 428.

88 Ibid.

89 Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Paris, Flammarion, 2016.

90 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

91 L’époque de la réforme et de l’ouverture de la Chine : à partir de 1978, le gouvernement chinois, sous la direction du chef Deng Xiaoping, commence à mettre en œuvre des politiques en Chine afin d’établir l’économie socialiste de marché et de favoriser l’ouverture de ce pays au monde extérieur.

92 Hua Yu, Le Septième Jour, op. cit.

93 Cette recherche est financée par le Conseil des bourses du Gouvernement chinois (China Scholarship Council).

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Référence électronique

Ruike HAN, « Représentations sociales et engagements littéraires : Étude comparée de La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq et Le Septième Jour de Yu Hua », Sociopoétiques [En ligne], 8 | 2023, mis en ligne le 18 octobre 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=2029

Auteur

Ruike HAN

CELIS, Université Clermont Auvergne

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