Quand le vêtement fait signe

Le Roman de la Rose et l’écriture allégorique des parures

DOI : 10.52497/sociopoetiques.496

Index

Mots-clés

vêtement, Moyen Âge, allégorie, rhétorique, identité

Keywords

clothes, Middle Ages, allegory, rhetorics, identity

Plan

Texte

Le vêtement, en tant qu’objet1, fonctionne en système, non pas isolément mais dans des séries paradigmatiques avec d’autres vêtements ou d’autres objets. Par son rapport au corps, il est un lieu privilégié de projection d’une subjectivité et de valeurs, ce qui en fait un signe identitaire puissant en même temps qu’un outil taxinomique. Comme d’autres objets, il est aussi un support d’interactions engageant le sujet par l’acquisition (achat, don, vol), le revêtement ou inversement le dépouillement (perte subie ou volontaire). Dès lors, étudier les vêtements dans un corpus de textes littéraires amène à travers l’examen des descriptions de vêtements et des fonctions narratives et symboliques dont ils sont investis, à historiciser la représentation sociale du vêtement et à caractériser des relations sociales dans une culture donnée. Il ne s’agit donc pas de subordonner la littérature à une archéologie du vêtement en traquant des realia, quoique certains textes puissent être intéressants sur l’évolution de la mode vestimentaire, mais de repérer des modes de pensée à travers le fonctionnement même du vêtement comme signe social et symbolique dans un genre littéraire donné.

La littérature allégorique médiévale offre un poste d’observation d’autant plus intéressant que le vêtement y est toujours à la fois littéral et figuré, support privilégié du jeu allégorique – notamment celui des attributs emblématiques –, mais aussi métaphore de l’esthétique allégorique elle-même : l’allégorie depuis l’Antiquité est en effet présentée comme vêtement, ornement ou parure et le processus herméneutique comme dévoilement : « la métaphore de la couverture, employée d’abord par les Prophètes, exprimée par “involucrum”, servira de concept générique pour désigner le sens caché, d’abord religieux, puis profane », observe ainsi A. Strubel2. Le vêtement offre alors un paradigme métaphorique pour définir un mode d’écriture (voilé) et de lecture (herméneutique). On se limitera ici au Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meun3 pour voir en quoi la caractérisation et la métaphorisation du vêtement dans ce roman contribuent, par la mise en tension entre différents systèmes de valeurs (esthétiques, sociales, morales), à définir mais aussi à mettre en question des valeurs courtoises et une poétique allégorique. L’écriture allégorique de la parure met en effet en relief l’ornementation rhétorique en privilégiant la métaphore et la personnification4, et présente la réception sous l’angle du plaisir herméneutique. Pourtant, la valorisation du travail d’écriture par la métaphore vestimentaire est simultanément frappée du soupçon moral de vanité, de tromperie et d’illusion : la poétique allégorique est ainsi renvoyée à un statut de divertissement séduisant mais oiseux et à un art de la duplicité dont le vêtement, comme signe du paraître et non de l’être, offre un emblème possible5.

Le vêtement comme objet : valeurs et transactions vestimentaires

Le Roman de la Rose, texte bicéphale, est souvent présenté à travers l’opposition de ses deux parties, l’une jugée courtoise, et l’autre satirique et encyclopédiste. La manière dont est traité le vêtement par chacun des auteurs confirme la coexistence de plusieurs systèmes de valeurs, courtois et noble d’une part, bourgeois et clérical de l’autre, le second plus marqué par la représentation chrétienne du vêtement. Pourtant, cette opposition est à relativiser par l’ambivalence symbolique fondamentale du vêtement dès la première partie, ce que confirment les actions et transactions autour des vêtements, oscillant entre initiation, séduction et tromperie.

Le vêtement entre valeur marchande, esthétique, sociale et morale

La première occurrence dans le roman du mot robe, qui désigne en ancien français aussi bien un vêtement long masculin ou féminin que l’ensemble d’une tenue6, est d’emblée associée au verbe priser7 en emploi réfléchi. C’est que le vêtement contribue d’abord à caractériser le personnage qui le revêt ou l’évoque, en déclinant différentes valeurs dont il est investi.

Le vêtement incarne dans l’univers courtois une valeur esthétique que soulignent les parures des personnifications qui peuplent le jardin de Deduit (Plaisir) et les conseils d’Amour qui fait l’éloge de la coquetterie. Cette valeur esthétique est incarnée par Oiseuse, la portière du jardin, dont l’occupation principale consiste précisément à se parer : cette figure emblématique de la beauté et de la séduction féminine arbore comme attributs le miroir et le peigne, mais aussi sa couronne, sa guirlande de roses, ses gants blancs et sa riche tenue. Le dieu Amour use significativement des verbes valoir et amander (améliorer, valoriser) lorsqu’il conseille à l’amant de soigner sa tenue en recourant à un bon tailleur, de renouveler fréquemment ses chaussures et de veiller à tous les accessoires tels gants, aumônières, ceintures ou guirlandes de fleurs8 :

Hons qui pourchace druerie
Ne vaut nient sanz cointerie ;
Cointerie n’est pas orguiaus.
Qui est cointes, il en vaut miaus. (v. 2133-2136)
Bel robe et bel garnement
Amandent home durement, (v. 2141-2142)

À l’inverse, le mari jaloux mis en scène dans le discours d’Ami, lorsqu’il énumère les parures de son épouse, leur dénie toute valeur esthétique, voire fonctionnelle :

Que me revalent ces gallendes,
Que me valent tels fanfelues ? (v. 9275 et 9292)

Dans un esprit pragmatique et calculateur, il n’y voit qu’une gêne pour embrasser sa femme et une valeur marchande qui cause des dépenses excessives sans profit aucun :

Que me vaut ceste cointerie
Cele robe cousteuse et chiere […]
Qui tant me greve et ataÿnne,
Tant est longue et tant vous traÿnne […] ?
Que me fait ele de proufit ? […]
Car quant me vueil o vous deduire,
Je la trouve si encombreuse
Si tres grevaine et si ennuieuse
Que je n’en puis a chief venir : (v. 8848-8861)
Que me puet lors tout ce valoir,
Fors a vendre ou a engagier ? (v. 8880-8881)

Pour ce mari bourgeois, le vêtement est d’abord un avoir (ce que souligne aussi sa présence dans une énumération de biens terrestres par Raison9) et une nécessité fonctionnelle de protection contre les aléas climatiques :

Je vueill souffisant vesteüre
Qui de froit et de chaut me gard. (v. 9076-9077)

C’est pourquoi il affirme préférer une toile de bure fourrée d’agneau à un drap bleu fourré d’écureuil et refuse de gaspiller ses deniers en tenues féminines jugées luxes superflus10. Ce faisant, le mari ne saisit pas la valeur de distinction sociale portée par le vêtement, en un temps qui n’est plus l’âge d’or évoqué par Ami, où régnait l’égalité et où le vêtement n’était que fonctionnel11. À l’inverse, Oiseuse, occupée exclusivement à se parer, affiche la logique courtoise de distinction sociale caractéristique de la classe noble par l’absence de travail et la consécration au jeu, à l’amour et à la parure12. L’adjectif desguisé, c’est-à-dire extraordinaire, inédit, employé pour caractériser les tenues d’Oiseuse et de Deduit13, souligne cette fonction du vêtement comme marque de distinction sociale. O. Blanc dans son étude des vêtements médiévaux, observe que dans la civilisation médiévale, l’accumulation, l’éclat des matières et la préciosité des coloris sont d’abord une marque élitaire et ostentatoire du paraître noble. Quant aux vêtements dysphoriques des figures représentées à l’extérieur du mur du jardin, ils soulignent leur disqualification sociale : Avarice, Tristesse, Papelardie et Povreté notamment, affichent des tenues sans valeur marchande, et Povreté cumule disqualification fonctionnelle, sociale et esthétique par son vêtement.

Mais le vêtement a aussi une valeur morale : le voile et la guimpe portés par Honte sont relevés comme signe d’humilité et de modestie, et la comparaison « ainssi con none d’abaie » (v. 3563) renvoie au modèle chrétien qui tend à condamner le vêtement ostentatoire et privilégier, comme le mari bourgeois, le « degré zéro du vêtement14 » contre la valorisation courtoise du paraître et de l’ornementation.

Ces valeurs esthétiques, sociales et morales du vêtement15 se manifestent et se combinent donc de manière variable selon les deux parties mais aussi selon les personnages mis en scène, dans un jeu de tensions signifiantes, d’autant que le vêtement revêt également une valeur symbolique par son traitement figuré ou son intégration à l’action : il s’inscrit en effet non seulement dans des descriptions mais dans des actions et transactions.

S’habiller, se déguiser : scansion narrative et identité entre initiation et tromperie

S’habiller ou se déshabiller sont des actions qui marquent souvent un moment initiatique16. Si cette dimension de changement identitaire positif est manifeste chez Guillaume de Lorris, quoique ponctuelle, en revanche le vêtement est associé au déguisement et à la mise en question de l’identité chez Jean de Meun.

L’un des premiers gestes du héros de Guillaume de Lorris dans son rêve est de se lever, s’habiller et faire sa toilette. Après s’être chaussé, à la manière médiévale, il coud ses manches pour les ajuster au reste de sa tenue. Bon nombre de miniatures de frontispices, notamment ceux du milieu du XIVe siècle qui adoptent le quadriptyque et figurent les actions successives du réveil, représentent ce moment vestimentaire17. Le vêtement par la préciosité de l’aiguille d’argent utilisée valorise socialement le personnage principal tout en s’inscrivant dans le schéma de l’initiation amoureuse annoncé par la reverdie printanière et l’âge de vingt ans, « ou point qu’Amors prent le peage Des joenes gens » (v. 21-23). Mais dans la suite du récit, ce sont d’autres éléments que le vêtement qui marqueront l’initiation amoureuse.

Deux autres épisodes chez Jean de Meun mettent en scène des changements vestimentaires. Faux Semblant et Abstinence Contrainte se déguisent en pèlerin au moment décisif de l’action où il s’agit de pénétrer dans le château de Jalousie par traîtrise pour mieux le prendre. Abstinence Contrainte « vest une robe cameline Et s’atorne comme beguine » (12049-12050) avec les signes attendus (couvre-chef, voile blanc, livre de psaumes et chapelet) tandis que Faux Semblant « ot […] vestuz les dras frere Soier18 » (12088), et s’est équipé d’une béquille et d’une Bible. Le vêtement usurpé est l’accessoire de la ruse : couplé avec un rasoir, que Faux Semblant utilise pour couper la langue de Malebouche après l’avoir étranglé, il autorise l’accès des troupes d’Amour au château de Jalousie. Le vêtement permet donc une usurpation d’identité qui amène, non sans ambiguïté morale, l’issue favorable de l’expérience amoureuse de l’amant, sous la forme finale du pèlerinage et de la cueillette de la rose.

Génius, le prêtre de Nature, lui aussi change d’habit après son adresse à Nature et avant son intervention au secours de l’amant. Il abandonne alors les signes vestimentaires des dignitaires ecclésiastiques qu’il portait pendant la confession de Nature pour adopter des vêtements prétendument plus fonctionnels19. Il sera ensuite revêtu par le dieu Amour d’une chasuble, associée à un anneau et une mitre, en guise d’investiture, tandis que Vénus lui remet un cierge… Si on peut voir une dimension initiatique à ce changement de tenue, le contexte équivoque, les rires suscités, et le burlesque du rôle joué par Génius apparentent l’épisode à une mascarade. Les mentions de parure soulignent par conséquent chez le continuateur surtout l’instabilité identitaire, la duplicité ou l’ambiguïté des personnages.

Art courtois de la séduction vestimentaire et art allégorique de la parure rhétorique

Le geste vestimentaire est associé aussi chez le premier auteur comme chez son continuateur à une dimension érotique, guère surprenante dans un texte consacré à l’expérience amoureuse. Cet aspect est mis en place dès la mention de la robe nouvelle de la terre (v. 65), aux fleurs multicolores et à la vitalité propice à l’amour. De même, le col ouvert de Largesse qui laisse entrevoir la peau blanche de sa gorge20 tout comme la tenue d’Oiseuse soulignent la séduction par le vêtement. À plusieurs reprises sont évoqués ce que R. Barthes21 appelle les « interstices de la jouissance ». La Vieille conseille ainsi de relever sa robe et de découvrir son pied, ce que le mari jaloux reproche justement à sa femme22. De même, elle compare la dame avec le paon qui fait la roue, lorsqu’elle détaille longuement le geste préconisé d’entrouvrir son manteau pour montrer la riche doublure et laisser admirer son corps23.

Le vêtement entre aussi dans le jeu de la séduction en tant que cadeau : la robe offerte par un amant à la dame suscite l’inquisition suspicieuse du mari24. La Vieille dans son discours à Bel Accueil conseille de demander des tenues en cadeau25 et le dieu Amour invite l’amant à offrir des vêtements ou une simple couronne de roses26. Ces dons entrent plus discrètement que dans l’autre Roman de la Rose (ou Guillaume de Dole) de Jean Renart dans une logique du don et du contre-don : par sa largesse ostentatoire, Guillaume de Dole manifeste une identité sociale noble tout en enclenchant une série d’échanges et d’interactions avec le roi dont il devient l’intime. M. Mauss et d’autres ethnologues et sociologues comme M. Godelier27 ont analysé ce type d’échanges qui contribuent à lier les partenaires, à affirmer une identité ou instaurer des rapports de domination. Malgré l’opposition entre une écriture allégorique de la description et une écriture romanesque de l’action, dans les deux romans, l’univers courtois conçoit le vêtement comme un medium dont l’échange permet la mise en place de relations sociales ou amoureuses.

Le mythe de Pygmalion est aussi l’occasion pour Jean de Meun d’exploiter le vêtement comme expression de l’érotisme. Les dévotions de Pygmalion au service de sa statue comprennent une longue description d’activités d’habillage et de déshabillage28 et d’abondantes notations sur les matériaux, les couleurs et les accessoires qui prennent valeur d’offrandes. Le dispositif dévotionnel, qui mobilise aussi chant, musique instrumentale et danse, est placé sous le signe du foisonnement pour exprimer le désir érotique d’échange. Pygmalion se livre à un habillage-déshabillage enthousiaste souligné par les verbes et les notations itératives :

Puis li revest en maintes guises
Robes faites par granz devises
De biaus dras, de soëve laine […]
Puis li roste et puis ressaie
Com li siet bien robe de saie […]
Autrefoiz li met une guimple […]
Autrefoiz li reprent corage
D’oster tout et de mettre guindes […] (v. 20941-20967)

Cette fureur peut se lire au figuré sous le double plan de la création et de l’interprétation : le plaisir de Pygmalion est aussi celui de l’écrivain qui revêt les concepts d’une ornementation rhétorique et du lecteur qui s’applique à décrypter les doubles sens. Jean de Meun prolonge ainsi la corrélation entre plaisir érotique et plaisir littéraire, mise en place dans le discours de Génius où forger, écrire et labourer métaphorisent l’acte sexuel. Le jeu du nu et du vêtu auquel s’adonne Pygmalion29 peut donc renvoyer au jeu de l’écriture allégorique entre sens littéral et second, alliant idéalement plaisir et profit30 dans la dramatisation et la réception active du sens.

Vêtement et crise du signe

Le vêtement, par les différentes valeurs dont il est le support et par son rapport avec l’avoir et le faire assume volontiers une fonction de signe identitaire, dans une perspective taxinomique et paradigmatique que les logiques sociale et allégorique exploitent. Pourtant, cette fonction de signe est mise en crise dans le roman : étant par principe du côté du paraître plus que de l’être, le vêtement peut être subverti et entrer dans une éthique et une esthétique du trompe-l’œil.

Le vêtement comme signe identitaire : identité sociale, modèle courtois et système allégorique

Les stéréotypes vestimentaires offrent des attributs métonymiques emblématiques : « li rois en sa robe vaire » (v. 5280) s’oppose au « ribaut de greve » (v. 5276). Les buriaus, draps épais de laine grossière et brunetes, étoffes de couleurs foncées, légères et fines, opposant rusticité et préciosité, sont pris par Raison pour évoquer les différents états sociaux que cible Amour31. Le modèle courtois proposé au seuil du roman par le jeu des personnifications allégoriques tend ainsi à confondre valeur esthétique et sociale, paraître et être : le vêtement d’Amour incarne tout particulièrement cette logique. Non seulement il fait écho à la nature végétale et animale épanouie de la reverdie par ses motifs, mais il intègre de véritables fleurs et végétaux au vêtement tandis que des oiseaux voletant au-dessus de lui contribuent à sa parure : sorte d’adynaton à la manière d’Arcimboldo, ce vêtement suggère une adéquation entre être et paraître, intérieur et extérieur, littéral et figuré, nature et art :

(Qu’il n’avoit pas robe de soie)
Ainz avoit robe de floretes
Faites de finez amoretes ;
A losenges et a escusiaus,
A oissiaus et a lionciaus,
A bestes et a lieparz,
Fu la robe de toutes parz
Portraite et ovree de flors ; (v. 876-893)

Plus généralement, les signes vestimentaires de richesse sont des marques de distinction dans une représentation élitiste et dichotomique de la société courtoise, pensée sur un principe d’exclusion et d’inclusion par la clôture du mur : sur l’extérieur figurent les exclus du jardin de Deduit aux vêtements disqualifiés et disqualifiants et figés dans la pierre, tandis qu’à l’intérieur, les valeurs courtoises personnifiées et bien parées sont dotées d’une vie sociale de divertissement qui autorise et favorise l’expérience amoureuse. L’opposition des séries, à la fois esthétique, sociale et morale, a d’ailleurs amené les critiques à les comparer aux vices et vertus. Le vêtement est ainsi exploité au début du roman sur un principe paradigmatique d’oppositions entre vieux et neuf, pauvreté et richesse des matériaux. Avarice se voit dotée d’une « cote viez et derumpue » (v. 212), « povre », « rese » (v. 214), et de « viez paletiaus » ou encore d’un « mantiaus de povre afaire D’aigniaus noirs, veluz et pesanz » (v. 220-21) auquel Jean de Meun fait écho en évoquant l’« hideux mantel ennuble » de Povreté (v. 4792). Inversement, Largesse dispose d’une « robe tote fresche » d’une « porpre sarazinesche » (v. 1160-61), Richesse arbore tautologiquement une riche tenue incrustée de pierreries, et Deduit une robe de « samit » « a or batu » (v. 819-20).

Le fonctionnement paradigmatique du vêtement se retrouve également dans la récurrence de la rose dans les parures : ce « fil rose » vient fédérer des personnages et entités romanesques et corréler la rose végétale et la rose métaphorique : on la trouve en effet dans le « chapel de rouse touz froiz » d’Oiseuse (v. 555) et le « chapel De roses » de Deduit (v. 828-829), mais aussi dans le « chapelet De roses » (v. 892-893) du dieu Amour dont la robe est entremêlée de « Feuilles de rosiers granz et lees » (v. 891) : la rose est donc à la fois végétale, ornementale et métonymique avant même qu’apparaissent les « rosiers chargez de roses » (v. 1613) aperçus dans les cristaux au fond de la fontaine et le bouton élu. On retrouve encore la couronne de roses parmi les cadeaux préconisés par le dieu Amour (v. 2159-2160). Mais le titre – « Ce est li romanz de la rose ; Ou l’art d’amours est toute enclose » (v. 37-38) – et la dédicace à « cele qui tant a de pris Et tant digne d’estre amee Qu’ele doit estre rose clamee » (v. 42-44) mettent d’emblée en place le sens figuré de la rose comme métaphore de la dame dans un jeu entre nom commun et nom propre. La rose comme parure s’inscrit donc dans un réseau de métonymies et de métaphores polysémiques.

Paraître, être et faire : satire et dualité des signes vestimentaires et linguistiques

L’assimilation des valeurs esthétique, sociale et morale opérée dans le modèle courtois et le jeu allégorique repose sur une logique du paraître confondu avec l’être. Pourtant, Guillaume de Lorris lui-même suggère la distinction entre semblance et être par une utilisation récurrente du verbe sembler32 de sens ambigu entre signe extérieur et simulation trompeuse, qui laisse deviner une perspective ironique et distanciée envers le modèle courtois. Ainsi à propos du dieu Amour : « Il sembloit que ce fust uns anges » (v. 899) ou du verger qui a toutes les apparences de paradis mais se révèle une expérience de l’enfer pour l’amant privé de l’accès à la rose. C’est aussi chez Guillaume que la rime robe/lobe33 (lobe signifie tromperie en ancien français) apparaît à propos de Richesse (v. 1050). Le continuateur ne manquera pas de relayer cette rime significative à plusieurs reprises dans la bouche de Faux Semblant ou dans les conseils de la Vieille qui fait elle-même parler l’amant :

Ja ne les connistrez as robes
Les faus traÿstres plains de lobes (v. 11791-92)
Cuidiez que je ne triche et lobe
Por ce que je vest simpe robe
Souz cui k’ai maint grant mal ouvré ? (v. 12003-12005)
Au ganz, dame, ainsi vous di sanz lobe
Que vous avroiz mantel et robe
Et chaperon a penne grise
Et botes a vostre devise […] (v. 14701-14704)
Li tierz reserve d’autel lobe ;
Ou ceinture d’argent ou robe
Ou guimple lo quel li demande […] (v. 13781-13783)

Faux Semblant en offre une variante paronymique, tout en réactivant le sens étymologique de robe dérivé de rober, voler, sous la forme d’une périphrase d’auto-présentation :

Mais je qui vest simple robe,
Lobanz lobez et lobeours
Robe robez et robeours (v. 11554-11556)

Jean de Meun s’emploie à expliciter l’ambiguïté maintenue par le premier auteur en dénonçant explicitement le paraître vestimentaire comme trompe l’œil sur un mode satirique. Il est ainsi parfaitement illustré dans le déguisement de Faux Semblant en pèlerin et frère prêcheur face à Malebouche qui n’a pas « soutillité D’entendre la duplicité » (v. 12149-12150) et le paiera de sa vie. Male Bouche n’a ni la compétence de discrimination visuelle – « faus ne l’avoit conneü » (12124) – ni la compétence rhétorique pour déjouer son raisonnement par la négative34.

C’est surtout Faux Semblant et le mari jaloux qui s’emploient à contester le système vestimentaire courtois : le premier, en tant que frère mendiant, évoque un système de valeur concurrent, le modèle chrétien du dépouillement, mais pour en souligner et dénoncer la tromperie ou l’excès35. Comme l’a noté Armand Strubel, « la métaphore de l’habit constitue le leitmotiv du discours36 ». Faux Semblant « qui traÿst mainte region Par habit de religion » (v. 10477-10478) illustre parfaitement le proverbe : « li habit ne fait pas le moine » (v. 11062)37. Il incarne la disjonction entre être et paraître (cuer, pensee et robe v. 11121-11123), faire et paraître, et affirme inversement que « Bien puet en robes de coleurs Sainte religion florrir » (v. 11100-11101). Dès lors, « dras communs » (v. 110105), « robes de siecles » (v. 11112) ou « dras dou siecle » (v. 1108) peuvent aussi bien incarner la religion que l’habit de moine. Faux Semblant proclame ainsi l’arbitraire et l’équivoque du signe vestimentaire, tout en exploitant les croyances essentialistes de ses interlocuteurs dans son jeu du déguisement et de métamorphose38 qui consiste à « affubler [sa] renardie Du mantel de papelardie » (v. 11527-11528) ou du « mantel d’hypocrisie » (v. 15944). La référence renardienne à Isengrin usurpant la peau de Belin39 a valeur paradigmatique de cette crise organisée du signe vestimentaire. La Vieille préconise le même art du vêtement trompeur que Faux Semblant en conseillant « l’atour Des robes et des garnemenz Pour sambler as gens mieus valoir » (13084-13087)40.

Le discours du mari jaloux, dans un registre outrancièrement misogyne, va paradoxalement dans le même sens : en dénonçant la fonction de séduction du vêtement, l’orgueil ostentatoire, le refus de se satisfaire de la nature et de s’en tenir à un vêtement fonctionnel41, il relaie les sermons des chrétiens les plus hostiles à la parure pour mieux cautionner sa furie jalouse. Dans cette logique, la parure est associée à Vénus et à la fornication et toute coquetterie opposée à Chasteté42. Le trompe-l’œil vestimentaire que Faux Semblant revendique, le mari le dénonce : le surcot et la guimpe de son épouse lui donnent l’air d’une tourterelle ou colombe (v. 8518-8519) auquel il refuse de se fier. Le mari offre dans l’image du fumier recouvert d’un drap de soie, une déclinaison de l’image renardienne de la dualité vestimentaire, appliquée aux dames qui masquent leur laideur :

Qui voudroit un fumier couvrir
De dras de soie et de floretes
Bien colorees et bien netes,
Si seroit certes li fumiers,
Qui de puir est coustumiers,
Tels com avant estre souloit. (v. 8912-8917)

Opposant intérieur et extérieur, il attribue la tromperie vestimentaire à la « fole vision Des eulz ». Face à la « plaisant impression De [l’]ymaginacion » qui est dupe des apparences, il revendique l’œil aiguisé et transperçant du lynx (v. 8935 et v. 8957).

Le vêtement apparaît donc comme signe fondamentalement duel, trompeur et ambigu, analogue en ce sens au signe linguistique. Jean de Meun s’emploie à plusieurs reprises à souligner cette analogie entre signes vestimentaires et signes linguistiques et rhétoriques, dans la bouche de Faux Semblant :

Cist a robe religieuse.
Donques est il religieus.
Cist argumenz est touz fieus. (v. 11058-11060)
Mais ja ne verrez d’aparance
Conclure bonne consequance […]
Se default existance efface. (v. 12143-12146)

La représentation du vêtement dans ce roman oppose donc une conception chrétienne, cléricale et bourgeoise d’une part, et une conception courtoise de l’autre, mais aussi deux conceptions du signe, qu’on pourrait dire schématiquement essentialiste et nominaliste. Le vêtement, dans sa fonction de signe, devient ainsi le lieu privilégié d’une réflexivité de l’écriture allégorique sur elle-même et indice d’une difficile reconnaissance des arts vestimentaires et poétiques dans une société chrétienne qui se méfie du paraître et du divertissement.

Réflexivité poétique : métaphores vestimentaires et esthétique allégorique

Le vêtement métaphorique : double sens allégorique et ornement rhétorique

L’allégorie se définit par le jeu du double sens, le littéral recouvrant un sens second caché ou inversement le sens second enveloppant et habillant le littéral43. Il est notable que le roman introduise d’abord le vêtement sur un mode figuré avec la robe de Nature dans la reverdie topique de l’incipit pour évoquer la parure végétale printanière :

Lors devient la terre si goube (fière)
Qu’el viaut avoir novele robe
Si fet si cointe robe faire
Que de colours i a .c. paire (v. 59-62)

La figure de la personnification coïncide alors avec la métaphore vestimentaire comme pour renforcer la corrélation entre parure végétale et figures, couleurs florales et couleurs de rhétorique. Significativement, la métaphore vestimentaire est reprise par le continuateur dans le discours de Nature en deux temps, et avec le même jeu de personnification, à propos des vents qui font pleurer l’air et se dévêtir les nuées, avant qu’elles ne se revêtent de parures colorées et arborent des arcs-en-ciel :

S’en ont si grant pitié les nues
Qu’el sen despueillent toutes nues
Ne ne prisent lors .i. festu
Le noir mantel qu’el ont vestu (v. 17925-17928)
Et pour estre avenanz et beles
Font robes empres leur doleurs,
De toutes diverses coleurs (17994-17995).

Ce déshabillage et renouvellement vestimentaire et météorologique, ces préparatifs festifs où l’air « prent […] son mantel inde » (18017), offrent une variante de l’incipit : le déplacement du renouveau du plan terrestre au plan céleste, et du végétal à l’aérien, s’inscrit peut-être dans la rivalité ou l’émulation du continuateur par rapport à son prédécesseur, à la manière de l’opposition du parc céleste de l’agneau avec le jardin terrestre de Deduit. Quant au cadre météorologique, il souligne la prétention encyclopédique au-delà du seul jeu de la métaphore et de la personnification à connotation mythologique. Dans les deux cas pourtant, le vêtement métaphorique met l’ornement rhétorique à l’honneur sous la forme privilégiée de la métaphore et de la personnification, chères à l’écriture allégorique sous son versant descriptif.

Savoir-faire vestimentaire et écriture poétique : des arts de la couture

C’est plus précisément la couture comme art vestimentaire qui apparaît dans le roman comme métaphore récurrente de l’ornementation allégorique : Roger Dragonetti44 avait déjà relevé le geste initial de coudre ses deux manches45 comme évocation possible de l’art allégorique de joindre sens littéral et figuré et peut-être de conjoindre les deux parties, si on suit son hypothèse d’un seul auteur sous deux noms. Quatre occurrences de couture des manches parsèment le roman comme une sorte de paradigme réflexif : outre le héros principal, Oiseuse, les nuées et Pygmalion accomplissent ce geste :

Lor trai une aguille d’argent
D’un aguiler mingnot et gent,
Et pris l’aguille a anfiler.
[…] cousant mes manches a videle (v. 91-99)
Bien et bel et estroitement
Ot andeus cosues ses manches (v. 560-561)
Puis filent, et quant ont filé,
Si font voler de leur filé
Granz aguilliees de fil blanches
Aussi com pour queudre lor manches. (v. 18001-18004)
D’une aguille bien affilee
D’or fin, de fil d’or enfilee,
Li a, pour mieus estre vestues,
Ses .ij. manches estroit cousues. (v. 21003-21006)

On est tenté de voir au passage une nouvelle surenchère du continuateur, avec l’or au lieu de l’argent. Dans toutes ces occurrences, c’est la qualité esthétique qui est soulignée, l’élégance et la beauté, mais aussi la perfection de la conjointure, tout comme dans la souquenille de Franchise « qui fu si coillie et jointe Qu’el n’i ot une seule pointe Qui a son droit ne fust assise » (v. 1210-1212) : A. Strubel décrit en note la soquenie comme une « cotte lacée au buste, aux intervalles larges qui laissent voir la chemise » (p. 107) et le TLFi comme « une robe longue, ajustée à la poitrine et très élégante. On aurait alors l’image d’un ajustement séduisant de deux strates vestimentaires, du corps et du vêtement. Le vêtement tend donc à se faire métaphore du texte46 et la couture celle de l’art poétique. Les descriptions vestimentaires des personnifications par Guillaume de Lorris présentent d’ailleurs les vêtements comme produit d’un savoir-faire (savoir coudre ou savoir (d)écrire), les deux verbes faire et deviser étant co-occurrents dans l’évocation de la robe de la terre (v. 61 et 65). Mais comment allier ce double éloge de l’écriture et du vêtement avec la crise du signe et la dépréciation morale associée à la duplicité et la tromperie ?

Art vestimentaire et art poétique : arts de Faux Semblant et d’Oiseuse ?

Lorsqu’elle défend l’allégorie à travers « les integumenz as poetes », les fables et les paraboles au nom de l’alliance du plaisir et du profit, Raison fait rimer couvrirent et vestirent, dans une rime47 qui n’est pas sans ambiguïté quand on songe que l’art de la couverture est celui que met en œuvre la nature dans sa parure végétale48 ou Oiseuse dans sa parure vestimentaire, mais aussi celui de la tromperie où s’illustre Faux Semblant. La fiction allégorique serait-elle aussi art du trompe-l’œil, accusée de mensonge et de duplicité49 ? La rime topique entre songe et mensonge le laisse entendre, tout en refusant cette assimilation.

La métaphore vestimentaire permet indéniablement une valorisation esthétique et sociale de l’écriture, mais qui entre en tension avec les valeurs morales : elle l’inscrit en effet simultanément dans le soupçon de tromperie et dans le registre du divertissement et de la vanité, tout comme l’amour courtois placé sous le signe de Narcisse et d’Oiseuse, figures séduisantes mais dont les miroirs peuvent se révéler périlleux50. Ce qui semble moralement périlleux dans l’art vestimentaire comme dans le divertissement poétique, c’est le plaisir esthétique, qui risque de s’autonomiser et d’oublier le fameux profit qui récupère le poétique en le subordonnant au didactique. Cette ambiguïté morale des arts vestimentaires et poétiques culmine dans le plaisir trouble de Pygmalion – à la fois double anaphorique et inversé de Narcisse et double proleptique de l’amant du dénouement –, à déshabiller et habiller sa statue. Le continuateur propose un ultime trompe l’œil en prétendant au dénouement révéler le sens second alors qu’il ne fait que détourner les métaphores du pèlerinage et de la cueillette en les ramenant à un sens trivialement grivois. Les ambiguïtés des arts vestimentaires et poétiques sont ainsi synthétisées dans le personnage de Pygmalion, figure du créateur concurrent de Dieu, au comportement quasi pathologique51 et à la descendance déviante bien que son vœu insensé d’animer la statue soit exaucé par Vénus.

 

Ce parcours des occurrences vestimentaires dans le Roman de la Rose permet d’esquisser une sociopoétique du vêtement au sens où les valeurs et les « usages » pragmatiques et poétiques du vêtement, tels que le roman les met en scène et en jeu, révèlent des représentations sociales (esthétiques, sociales, morales) concurrentes au sein de la société médiévale du XIIIe siècle : le modèle profane courtois inverse le discrédit chrétien et bourgeois du vêtement en valorisation de l’art du paraître. La littérature allégorique de son côté valorise par cette métaphore l’ornementation et le travail rhétorique. Pourtant, dans une pensée chrétienne prégnante, ni l’art vestimentaire courtois ni la fiction allégorique n’échappent au soupçon moral. La représentation des vêtements dans ce roman médiéval souligne donc une conception inconfortable de la littérature qui cherche une reconnaissance sociale et morale difficile à conquérir. La métaphore vestimentaire, en oscillant constamment entre masquage et affichage d’une identité, entre ingéniosité valorisée et engin artificieux, apparaît aussi comme symptôme d’une réflexion menée sur le signe, en écho lointain aux débats universitaires et théologiques sur l’arbitraire du signe52. Le vêtement est un signe dont l’identification problématique et incertaine remet en cause la possibilité de connaître et d’identifier avec certitude à partir d’une semblance. Loin d’être seulement frivole, le vêtement et ses représentations engagent une réflexion sur les processus cognitifs et interprétatifs dont débattent les philosophes avec passion au XIIIe et qu’exploite l’écriture allégorique du double sens.

1 Voir Fabienne Pomel, « Ce que (nous) disent les objets médiévaux. Pour une approche poétique, herméneutique et anthropologique de l’objet au Moyen

2 Semblance et senefiance. Étude sur le vocabulaire et les conceptions de l’allégorie au XIIe et au XIIIsiècles et sur sa présentation dans la

3 Éd. et trad. Armand Strubel, Paris, Lettres gothiques, 1992. Édition citée ici.

4 Sur le montage rhétorique des textes allégoriques, voir Armand Strubel, « Grant senefiance a », Littérature et allégorie au Moyen Âge, op. cit., p.

5 Cet article prolonge sous un angle plus large englobant la totalité du roman les questions abordées sous l’aspect lexical et stylistique pour un

6 Voir Odile Blanc, Parades et parures. L’Invention du corps de mode à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1977.

7 « C’est la robe que je devisse (décris), Pour quoi la terre mieus se prise » (v. 65-66).

8 Voir les v. 2133-2172.

9 Le vêtement figure à côté des champs, maisons, terrains et meubles (v. 5222-5225).

10 Voir v. 9078-9088.

11 « […] vestoient les cuirs veluz Et faisoient robes de lainnes Sanz taindre en herbes ne en graines, Si com il venoit des bestes » (v. 8390-8393).

12 « Il paroit bien a son ator Qu’ele ere pou embesoingnié : Quant ele s’estoit bien pignié Et bien paree et bien atornee, Ele avoit faite sa jornee.

13 Desguisé signifie à la fois « qui diffère », déguisé, chargé d’ornements, bigarré et extraordinaire. Pour Oiseuse, c’est la couronne qui est ainsi

14 La tenue des frères mendiants ou celle du pasteur du parc de l’agneau revêtu de la laine de ses brebis qu’évoque Génius (v. 19998-20004)

15 Voir aussi Didier Lechat, « Ce que se vêtir veut dire dans Le Livre du duc des vrais amants », in Voir l’habit, Discours et images du vêtement du

16 Ibid., p. 155-167.

17 C’est souvent le geste de se chausser qui apparaît. Voir par exemple sur romandelarose.org les frontispices de Arsenal 5209, Bodleian Lib. MS

18 Faut-il interpréter ce nom propre dans l’un des sens du verbe soier (<secare) « Couper à la faucille ou à la faux », ce qui serait une sorte de re

19 « Desaffublez […] de ceste chasuble de soie, De ceste aube et de cest rochet […] Lors va tout pendre a .i. crochet et vest sa robe seculiere Qui

20 V. 1163-71.

21 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973.

22 Voir v. 13349-13548 et v. 9293-95.

23 V. 13559-13578.

24 V. 9317-9340.

25 V. 13729-13738 et 13781-13784.

26 V. 2555-2559 et 2159-2162.

27 Marcel Mauss, Essai sur le don, 1924 et Maurice Godelier, L’Énigme du don, 1996.

28 V. 20919-21076, particulièrement v. 20941-21015. Un seul vers suffisait à Ovide : « il la pare aussi de beaux vêtements », Métamorphoses X

29 Voir pour une étude plus détaillée : Fabienne Pomel, « Revêtir la lettre nue : l’allégorie sous le signe du désir et du manque », in Le Nu et le

30 Voir le discours de Raison, v. 7771-7782.

31 « car aussi bien sont amoretes Souz buriaus comme souz brunetes » (v. 4330-4331).

32 Pour une étude plus détaillée des occurrences de ressembler et semblance, voir Fabienne Pomel, « Quand ‘robe’ rime avec ‘lobe’ et ‘gobe’… », art. 

33 « Quand ‘robe’ rime avec ‘lobe’ et ‘gobe’… », art. cit.

34 12281-12339. « Faus samblant ainsi li prueve. Cil ne set respondre la prueve Et voit toutevois aparance. » (v. 12331-12333).

35 Voir la tenue superlativement disqualifiante des Béguins : « larges robes grises Toutes de crotes Housiaus fronciez et larges bottes Qui

36 Armand Strubel, op. cit., p. 651.

37 « habit de saintee » rime avec « faintee » (v.11719-20).

38 « Trop sai bien mes habiz changier Prendre l’un et l’autre estranger » (v. 11191-92). Faux Semblant adopte « desguiseüre mainte » (v. 11208), y

39 Voir v. 11127-36 « Qui de la toison dant Belin En lieu de mantiau sebelin Sire Ysangrin affuberoit, Le leu, qui mouton sambleroit, Pour c’o les

40 Avec l’expression « joer de l’image Pygmalion » v. 13092, s’agit-il d’évoquer l’art de la parure ?

41 Voir les v. 9042-9082.

42 Voir les v. 8961 et suiv.

43 E. Hicks : « Est allégorique par l’étymologie toute parole renvoyant à un “dire autrement”, à un énoncé dont le sens serait comme d’emblée dérobé

44 Roger Dragonetti, Le Mirage des sources. L’Art du faux dans le roman médiéval, Paris, Seuil, 1987.

45 Ce geste est représenté par l’enlumineur du MS Douce 195 (1v) de la Bodleian Lib. où l’on voit le héros tenir l’aiguille et coudre tout en

46 Voir Romaine Wolf-Bonvin, Textus. De la tradition latine à l’esthétique du roman médiéval, Paris, Honoré Champion, coll. « Nouvelle Bibliothèque

47 « Car en leur geus et en lor fables Gisent deliz mout profitables, Souz cui leir pensees couvrirent Quant le voir des fables vestirent. » (v. 7177

48 Covrir et recovrir apparaissent par exemple aux v. 52 et 53 en co-occurrence avec parer, v. 51.

49 Sur la falsitas et les métaphores vestimentaires, voir Romaine Wolf-Bonvin, Textus, op. cit., p. 86-92.

50 « C’est li miroers perilleus » v. 1568. Le continuateur rebaptise le roman par la voix du dieu Amour en « miroer aus amoureus » (v. 10655).

51 Son comportement est mélancolique au sens aristotélicien. Voir mon article à paraître, « Expériences visuelles et fiction allégorique : lexique et

52 Pour un aperçu, voir Alain de Libéra, La Querelle des Universaux : de Platon à la fin du Moyen Âge, Paris, Seuil, 1996.

Notes

1 Voir Fabienne Pomel, « Ce que (nous) disent les objets médiévaux. Pour une approche poétique, herméneutique et anthropologique de l’objet au Moyen Âge », in Lire les objets médiévaux. Quand les choses font signe et sens, à paraître aux PUR.

2 Semblance et senefiance. Étude sur le vocabulaire et les conceptions de l’allégorie au XIIe et au XIIIsiècles et sur sa présentation dans la critique moderne, Thèse de 3e cycle sous la direction de D. Poirion, Université Paris IV, 1980, p. 106. Voir aussi Armand Strubel, « Grant senefiance a », Littérature et allégorie au Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 2002 ; Jean Pépin, La Tradition de l’allégorie de Philon d’Alexandrie à Dante, Paris, Études augustiniennes, 1987 ; Renate Blumenfeld-Kosinski, « Overt and covert : Amorous and Interpretative Strategies in the Roman de la Rose », Romania, n° 111, 1990, p. 443-444.

3 Éd. et trad. Armand Strubel, Paris, Lettres gothiques, 1992. Édition citée ici.

4 Sur le montage rhétorique des textes allégoriques, voir Armand Strubel, « Grant senefiance a », Littérature et allégorie au Moyen Âge, op. cit., p. 42-52.

5 Cet article prolonge sous un angle plus large englobant la totalité du roman les questions abordées sous l’aspect lexical et stylistique pour un extrait de Guillaume de Lorris au programme d’agrégation : Fabienne Pomel, « Quand “robe” rime avec “lobe” et “gobe” : enjeux du lexique des parures et semblances chez Guillaume de Lorris », in Guillaume de Lorris, Scève, Mme de Sévigné, Rousseau, Musset, Gide, Antoine Gautier & Sandrine Hériché-Pradeau (dir.), Styles, genres, auteurs, n° 12, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 15-37.

6 Voir Odile Blanc, Parades et parures. L’Invention du corps de mode à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1977.

7 « C’est la robe que je devisse (décris), Pour quoi la terre mieus se prise » (v. 65-66).

8 Voir les v. 2133-2172.

9 Le vêtement figure à côté des champs, maisons, terrains et meubles (v. 5222-5225).

10 Voir v. 9078-9088.

11 « […] vestoient les cuirs veluz Et faisoient robes de lainnes Sanz taindre en herbes ne en graines, Si com il venoit des bestes » (v. 8390-8393).

12 « Il paroit bien a son ator Qu’ele ere pou embesoingnié : Quant ele s’estoit bien pignié Et bien paree et bien atornee, Ele avoit faite sa jornee. » (v. 566-570).

13 Desguisé signifie à la fois « qui diffère », déguisé, chargé d’ornements, bigarré et extraordinaire. Pour Oiseuse, c’est la couronne qui est ainsi qualifiée (v. 552-554) et pour Deduit (v. 822), sa robe, ajourée et découpée, où sont représentés des animaux.

14 La tenue des frères mendiants ou celle du pasteur du parc de l’agneau revêtu de la laine de ses brebis qu’évoque Génius (v. 19998-20004) illustrent ce modèle du vêtement minimal.

15 Voir aussi Didier Lechat, « Ce que se vêtir veut dire dans Le Livre du duc des vrais amants », in Voir l’habit, Discours et images du vêtement du Moyen Âge au XVIIe siècle, Danièle Duport et Pascale Mounier (dir.), Berne, Peter Lang, 2015, p. 155-167.

16 Ibid., p. 155-167.

17 C’est souvent le geste de se chausser qui apparaît. Voir par exemple sur romandelarose.org les frontispices de Arsenal 5209, Bodleian Lib. MS Selden Supra 57, BNF Rotschild 2801, fr 1560, fr 1565, fr 24388, fr 24392.

18 Faut-il interpréter ce nom propre dans l’un des sens du verbe soier (<secare) « Couper à la faucille ou à la faux », ce qui serait une sorte de redoublement du rasoir ?

19 « Desaffublez […] de ceste chasuble de soie, De ceste aube et de cest rochet […] Lors va tout pendre a .i. crochet et vest sa robe seculiere Qui mains encombreuse li ere, Si com s’il alast queroler […] » (v. 19435-19441).

20 V. 1163-71.

21 Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973.

22 Voir v. 13349-13548 et v. 9293-95.

23 V. 13559-13578.

24 V. 9317-9340.

25 V. 13729-13738 et 13781-13784.

26 V. 2555-2559 et 2159-2162.

27 Marcel Mauss, Essai sur le don, 1924 et Maurice Godelier, L’Énigme du don, 1996.

28 V. 20919-21076, particulièrement v. 20941-21015. Un seul vers suffisait à Ovide : « il la pare aussi de beaux vêtements », Métamorphoses X, 242-297, trad. Georges Lafaye, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 1992, p. 329.

29 Voir pour une étude plus détaillée : Fabienne Pomel, « Revêtir la lettre nue : l’allégorie sous le signe du désir et du manque », in Le Nu et le vêtu au Moyen Âge, Francisca Aramburu Riera (dir.), Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, coll. « Senefiance », n° 47, 2001, p. 299-311.

30 Voir le discours de Raison, v. 7771-7782.

31 « car aussi bien sont amoretes Souz buriaus comme souz brunetes » (v. 4330-4331).

32 Pour une étude plus détaillée des occurrences de ressembler et semblance, voir Fabienne Pomel, « Quand ‘robe’ rime avec ‘lobe’ et ‘gobe’… », art. cit.

33 « Quand ‘robe’ rime avec ‘lobe’ et ‘gobe’… », art. cit.

34 12281-12339. « Faus samblant ainsi li prueve. Cil ne set respondre la prueve Et voit toutevois aparance. » (v. 12331-12333).

35 Voir la tenue superlativement disqualifiante des Béguins : « larges robes grises Toutes de crotes Housiaus fronciez et larges bottes Qui ressemblent bourse a caillier » (v. 11944-11947).

36 Armand Strubel, op. cit., p. 651.

37 « habit de saintee » rime avec « faintee » (v.11719-20).

38 « Trop sai bien mes habiz changier Prendre l’un et l’autre estranger » (v. 11191-92). Faux Semblant adopte « desguiseüre mainte » (v. 11208), y compris en femme (v. 11211). Les anaphores « or sui » manifestent l’instabilité de l’être, insaisissable.

39 Voir v. 11127-36 « Qui de la toison dant Belin En lieu de mantiau sebelin Sire Ysangrin affuberoit, Le leu, qui mouton sambleroit, Pour c’o les berbiz demorast, Cuidiez vous qu’il nes devorast ? » (v. 11721-22).

40 Avec l’expression « joer de l’image Pygmalion » v. 13092, s’agit-il d’évoquer l’art de la parure ?

41 Voir les v. 9042-9082.

42 Voir les v. 8961 et suiv.

43 E. Hicks : « Est allégorique par l’étymologie toute parole renvoyant à un “dire autrement”, à un énoncé dont le sens serait comme d’emblée dérobé, et dont le mécanisme figuratif consisterait précisément en cet agencement d’une faille entre sens et référence, entre le vocabulaire explicite et son objet occulté », « La mise en roman des formes allégoriques : hypostase et récit chez Guillaume de Lorris », in Guillaume de Lorris. Études sur le Roman de la Rose, Jean Dufournet (dir.), Paris, Honoré Champion, coll. « Unichamp », 1984.

44 Roger Dragonetti, Le Mirage des sources. L’Art du faux dans le roman médiéval, Paris, Seuil, 1987.

45 Ce geste est représenté par l’enlumineur du MS Douce 195 (1v) de la Bodleian Lib. où l’on voit le héros tenir l’aiguille et coudre tout en marchant.

46 Voir Romaine Wolf-Bonvin, Textus. De la tradition latine à l’esthétique du roman médiéval, Paris, Honoré Champion, coll. « Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge », 1997.

47 « Car en leur geus et en lor fables Gisent deliz mout profitables, Souz cui leir pensees couvrirent Quant le voir des fables vestirent. » (v. 7177-7179).

48 Covrir et recovrir apparaissent par exemple aux v. 52 et 53 en co-occurrence avec parer, v. 51.

49 Sur la falsitas et les métaphores vestimentaires, voir Romaine Wolf-Bonvin, Textus, op. cit., p. 86-92.

50 « C’est li miroers perilleus » v. 1568. Le continuateur rebaptise le roman par la voix du dieu Amour en « miroer aus amoureus » (v. 10655).

51 Son comportement est mélancolique au sens aristotélicien. Voir mon article à paraître, « Expériences visuelles et fiction allégorique : lexique et paradigme de la fantasie chez Jean de Meun », in Le Roman de la Rose et la philosophie parisienne au XIIIe siècle (colloque du 20-21 juin 2016, Institut d’études avancées de Paris, organisé par Marco Nievergelt et Jonathan Morton).

52 Pour un aperçu, voir Alain de Libéra, La Querelle des Universaux : de Platon à la fin du Moyen Âge, Paris, Seuil, 1996.

Citer cet article

Référence électronique

Fabienne POMEL, « Quand le vêtement fait signe », Sociopoétiques [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 06 novembre 2017, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=496

Auteur

Fabienne POMEL

Université Rennes 2 – CETM-CELLAM

Droits d'auteur

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