De la conscience de soi au Moi comme fin

Hamlet, figure ambiguë de l’individualisme moderne

DOI : 10.52497/sociopoetiques.537

Index

Mots-clés

Hamlet, individualisme, conscience, réécriture, mythe, introspection, épanouissement, corps social

Keywords

Hamlet, individualism, self-consciousness, rewriting process

Plan

Texte

[…] les Hamlet ne sont jamais intéressés que par eux-mêmes ; solitaires, ils sont par là même stériles1.
Ivan Tourgueniev

Dans Will in the World: How Shakespeare Became Shakespeare, ouvrage publié en 2004 et devenu best-seller international, l’universitaire américain Stephen Greenblatt consacre plusieurs pages à la façon dont le dramaturge élisabéthain, de plus en plus intéressé par les « ressorts cachés de l’intériorité2 » d’un sujet, est passé d’un monologue « schématique » et « mécanique3 » dans Richard II, à un monologue, celui de Brutus dans Jules Caesar, qui « mime exactement la démarche de quelqu’un qui réfléchit4 », avant d’inventer, avec Hamlet, un monologue dramatique apte à épouser les mouvements de pensée, les états de conscience successifs d’un personnage « suspendu », pendant presque toute la pièce, entre « le “premier mouvement” et “l’accomplissement”5 » d’une action terrible, en l’occurrence le meurtre de son oncle exigé par le Spectre. Shakespeare aurait trouvé le moyen de rendre compte de « la réalité psychologique d’une telle situation6 » et de lui donner une forme, non seulement acceptable, mais plus encore fascinante, car le développement de ces monologues se produit dans le contexte d’une pièce qui ne cherche plus à justifier le choix annoncé par Hamlet à Horatio et aux gardes de « faire le fol » : « Shakespeare a en effet détruit la logique implacable de l’intrigue transmise par ses sources [Saxo Grammaticus, François de Belleforest]. Sur les ruines de ces récits », poursuit Greenblatt, « il rebâtit ce que les spectateurs d’aujourd’hui considèrent comme sa plus grande œuvre7 » et, pourrait-on ajouter, invente un personnage qui va devenir au fil des siècles, pour le meilleur et pour le pire, un personnage-palimpseste incarnant dans l’imaginaire collectif l’individu moderne, ou plus précisément les manifestations modernes et contemporaines de la « sensibilité individualiste8 ».

Nous nous proposons, dans le cadre de cette réflexion collective sur la sociopoétique des mythes, de convoquer quelques textes critiques et fictionnels illustrant le double mouvement de réception/création9 à travers lequel un mythe littéraire comme le mythe de Hamlet se perpétue en se transformant. Ainsi nous mettrons en lumière comment la figure de Hamlet, mais aussi celles de Gertrude et Ophélie, et leurs actualisations dans différentes réécritures, sont travaillées par les représentations sociales de l’individu, défini comme « être humain considéré isolément dans la collectivité, la communauté dont il fait partie10 » et caractérisé par l’intérêt autoréflexif qu’il se porte : ces textes, écrits entre le début du xixe siècle et les premières années du xxie siècle11, font apparaître un certain nombre d’évolutions des modalités d’interaction entre imaginaire social et fabrique du mythe littéraire, du point de vue de la figuration et de l’évaluation (psychologique, morale, politique) de l’individu « hamlétien », dont les avatars successifs – avatars concurrencés par les figures autonomisées de Gertrude et d’Ophélie – dessineraient un cheminement collectif de la conscience de soi au Moi comme fin, un Moi aspirant au plein épanouissement de ses possibilités par le travail sur soi, la libération et la satisfaction des désirs.

« Il est devenu fou à force d’étudier, » dit le vulgaire (Prosper de Barante)

Dès 1821, dans la « Notice sur Hamlet » qu’il rédige à l’occasion de la publication, chez Ladvocat, des Œuvres complètes de Shakespeare, nouvelle édition, largement revue et corrigée de la traduction de Letourneur, Prosper de Barante évoque la façon dont très rapidement « les personnages de ce drame semblent déjà avoir pris cette sorte d’existence réelle qui les livre aux discours du public, comme gens de sa connaissance ». Scènes inscrites dans l’imagination de tout le monde, « vogue proverbiale12 » de certains passages, sentiment de familiarité13, voire d’identification avec les hésitations d’un héros qui ne parvient pas à échapper à l’enfermement dans ses propres méditations, qui tendent à devenir, par projection, celles du lecteur/spectateur grâce au déploiement du soliloque, ont favorisé la mythification de cette intrigue danoise et l’installation, puis les transformations de la figure hamlétienne dans le champ des représentations sociales de l’individu, saisi dans sa relation à lui-même, aux autres et à la société où il vit.

Le début du plus célèbre monologue de Hamlet, « To be or not to be… », est devenu très tôt emblématique d’une pensée qui se paralyse elle-même en contemplant son propre fonctionnement et en constatant son incapacité à produire une décision qui permettrait au sujet pensant d’échapper aux méandres d’une indécision produits par l’activité même de l’esprit. Étudiant en philosophie à Wittenberg, « où déjà l’on creusait métaphysiquement les principes des choses, […] où déjà la rêverie réduisait l’homme à la vie intérieure14 », Hamlet serait représentatif, toujours selon Prosper de Barante, de ces « temps naïfs15 » où les lettrés subissaient tous les « effets de cette sorte de surprise et d’enivrement où l’érudition et la philosophie jetèrent les premières générations qui s’y livrèrent avec tout l’attrait de la nouveauté16 ». Le personnage est en quelque sorte séduit par la « prodigalité des réflexions17 » qui se présentent à lui, et ne parvient pas, médusé par sa propre pensée, à s’orienter et à agir. Il est, si nous nous autorisons à l’appréhender du point de vue ultérieur de la philosophie moderne, celle de Descartes au xviie siècle, comme un « voyageu[r] qui, se trouvant égar[é] en quelque forêt, […] err[e] en tournoyant », le voyageur que précisément il ne faut pas être. Descartes, dans son Discours de la Méthode, préconise en effet aux voyageurs de la pensée de se soustraire aux risques d’une divagation stérile et de :

marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n’ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s’ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part, où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d’une forêt18.

Là où Hamlet se perd dans l’exploration de ses propres réflexions, Descartes invite à la ligne droite, à la décision rapide et suivie d’effet. Pour Prosper de Barante, l’apparition d’un tel personnage à cette époque-là – dont on doit rappeler qu’il est fort éloigné de celui de Belleforest, loué par le narrateur pour sa persévérance et sa détermination – devrait beaucoup à des représentations sociales négatives des effets de l’étude sur l’individu – représentations qui seraient « populaires » :

À force d’apprendre et de méditer, en exerçant toujours la réflexion plutôt que la volonté et l’action, il ne savait plus se résoudre ni se conduire. […] On entrevoit dans ce rôle quelque chose de ces idées populaires encore répandues dans les classes inférieures, sur les effets d’une trop grande application à l’étude, d’une méditation habituelle, et d’un examen trop curieux des choses. « Il est devenu fou à force d’étudier, » dit le vulgaire qui se prend à la fois d’une sorte d’admiration et de pitié pour ces hommes qui vivent dans une autre région que lui, dont il voit l’incapacité pour toutes les choses positives de la vie, et qui en même temps le surprennent en lui révèle ce qu’il ne conçoit pas qu’on sache19.

Le jugement de Barante sur la réélaboration du personnage de Hamlet met en avant l’hypothèse que Shakespeare aurait réinvesti dans le personnage certaines des représentations fréquentes du lettré coupé des réalités parce qu’il a le loisir d’étudier et qu’il se met à l’écart de la communauté pour réfléchir. Barante prend par ailleurs soin d’historiciser cette représentation et d’en suggérer les limites (c’est la représentation du vulgaire) : la relation de Hamlet, individu concentré sur sa propre pensée, avec la communauté ne retient pas son intérêt plus avant, alors que cette relation – ou absence de relation – sera au cœur de l’étude publiée en Russie, quarante ans plus tard, par Ivan Tourgueniev.

L’enjeu critique et politique du parallèle Hamlet/Don Quichotte (Ivan Tourguéniev)

« Hamlet et Don Quichotte » est un essai-manifeste, opposant deux types d’hommes – plus encore que de personnages – qui a d’abord été le texte d’une conférence prononcée, en 1860, par Tourgueniev à Saint-Pétersbourg devant un auditoire dont faisait partie Dostoïevski, et qui a eu une grande influence sur la littérature russe de la seconde moitié du siècle. Cette étude comparative va bien au-delà d’une étude esthétique et littéraire, et c’est en cela qu’elle nous intéresse, la réflexion de Tourgueniev, « politique et historique », ayant pour objectif d’interroger « le rôle des Hamlets et des Don Quichottes dans la vie des sociétés20 », comme l’écrit Michael Paraire qui vient de republier ce texte à la suite de Terres vierges, roman plus tardif sur le mouvement révolutionnaire russe, aux Éditions de l’Épervier, dans une collection intitulée « les écrivains engagés ». L’essai avait été traduit en français par Louis Léger dès 1879 pour La Bibliothèque russe et slave21. Si Tourgueniev évoque une « coïncidence remarquable » à propos de la publication, la même année, de la première édition de Hamlet et de la première partie du Don Quichotte, il ne cherche pas à produire une analyse des conditions historiques de cette « parution simultanée » de deux types humains universels dont il va montrer l’opposition tout en la nuançant – chaque homme aurait en lui une part plus ou moins grande de l’un ou l’autre type. Mais, se référant à la société russe contemporaine, il note dès la première partie de l’essai :

De nos jours les Hamlet sont, il est vrai, bien plus nombreux que les Don Quichotte ; mais la race des Don Quichotte n’en est pas éteinte pour autant22.

Il perçoit donc dans son propre siècle une tendance sociale hamlétienne, tandis que, observe-t-il à propos de la Russie qui ne possèderait pas de bonne traduction de Don Quichotte, le nom du héros du Cervantès n’y éveille que l’idée d’un bouffon et le don-quichottisme y est synonyme d’extravagance. Pour Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte incarnent deux rapports différents entre l’homme et l’idéal. Don Quichotte serait l’homme tourné vers les autres :

Vivre pour soi, s’occuper de soi, serait une honte aux yeux de Don Quichotte. Il vit tout entier, pour ainsi dire, hors de lui-même, pour les autres, ses frères, pour l’extermination du mal, pour lutter contre les forces hostiles à l’humanité, les enchanteurs, les géants, autrement dit les oppresseurs. Pas trace d’égoïsme en lui : il ne se préoccupe pas de lui-même, il est tout abnégation23 (pesez bien ce mot !), il croit, fermement et sans arrière-pensée24.

Le parallèle de ces deux illustres figures tourne rapidement en défaveur de Hamlet, dont Tourgueniev souligne les contradictions ainsi que les séductions sur le siècle présent. Pourtant Hamlet, au siècle précédent, a pu incarner sinon une figure sacrificielle, du moins une figure du devoir, dans la tragédie que Jean-François Ducis créa à la Comédie-Française en 1769, puis retoucha pour Talma – une pièce que Prosper Barante juge plutôt sévèrement : « la pièce et les personnages sont venus se renfermer dans une sorte de moule uniforme et convenu », la « succession de scènes qui embrassent la vie humaine » chez Shakespeare « ayant été remplacée par un tyran, une conspiration, des confidents, et une princesse qu’il semble qu’on ait vus partout, et qu’on ait tirés des magasins du théâtre25 ». C’est à la fois vrai et réducteur. Vrai parce que l’intertextualité cornélienne et racinienne est si prégnante que le lecteur ne peut qu’éprouver, au contact de cette tragédie néo-classique, une impression de déjà vu. Réducteur, si l’on s’intéresse à l’histoire de la réception française de la pièce de Shakespeare et à la façon dont Ducis a arraché son Hamlet aux tentations suicidaires et à l’autocomplaisance du prince endeuillé. Deux personnages, celui de l’amante « cornélienne », Ophélie, et celui de l’ami loyal, Norceste, vont œuvrer à ramener Hamlet à lui-même et à son devoir – un devoir qu’il acceptera jusqu’au sacrifice de son amour (Ophélie est ici fille de Claudius) et de son désir de mourir – un sacrifice il est vrai éclatant, à la différence de celui de Don Quichotte. Le Hamlet de Ducis est encore capable de s’oublier absolument pour régner, et c’est bien ce qu’il déclare au dénouement, lorsqu’il choisit de vivre et de régner. Il répond ici à Ophélie qui lui demande – il vient de poignarder Claudius :

« Qu’as-tu fait, barbare ? » :
Mon devoir.
Privé de tous les miens dans ce Palais funeste,
Je t’adore & te perds. Ce poignard seul me reste.
Mais je suis homme & Roi. Réservé pour souffrir,
Je saurai vivre encor ; je fais plus que mourir26.

Cette interprétation dynamique du personnage tient à la fois à la méconnaissance par Ducis de la pièce de Shakespeare (qu’il ne connaît qu’à travers la version d’Antoine de La Place27), aux figures princières de la dramaturgie du premier Corneille et à l’horizon d’attente de l’époque en ce qui concerne les représentations du prince dans le genre tragique, mais aussi dans le champ des représentations politiques. Prince malheureux, hanté par le spectre de son père, Hamlet se montre in fine capable d’oublier sa situation personnelle et ses obsessions mortifères car il peut encore se projeter dans la figure d’un prince porté par le sens de l’État et animé du désir de servir ses sujets. 1769 : vingt ans avant la Révolution française.

Tourgueniev développe son parallèle dans le cadre d’une société russe dominée par une aristocratie incapable de mettre la société en mouvement et uniquement préoccupée d’elle-même. Le sens du devoir n’est, dans cet essai, jamais du côté de Hamlet, mais du côté de Don Quichotte :

Que représente le personnage d’Hamlet ? Avant tout l’analyse et l’égoïsme, d’où l’incrédulité. Son moi est le point de départ auquel il revient sans cesse, parce qu’il ne trouve rien dans le monde entier à quoi son âme puisse adhérer ; Hamlet est un sceptique voué à errer, à zigzaguer perpétuellement seul avec lui-même ; ce qui le préoccupe constamment, ce ne sont pas ses obligations, mais ses états28. […] Il est excellent critique ; ses conseils aux acteurs sont frappants de justesse et d’intelligence ; le sens aigu du beau est presque aussi développé chez lui que le sens du devoir chez Don Quichotte29.

Hamlet est pour Tourgueniev essentiellement un « aristocrate » et, en 1860, en Russie plus encore qu’ailleurs, l’aristocratie – les Hamlets ? – lui apparaît comme un corps social inutile au peuple, à cause des préjugés et du mépris qu’elle nourrit à son endroit :

Étonnants sont les rapports de la foule, de ce qu’on appelle la masse avec Hamlet et avec Don Quichotte30. […] Les Hamlet sont en effet inutiles à la masse ; ils ne lui donnent rien, ils sont incapables de la mener où que ce soit, puisqu’ils ne vont eux-mêmes nulle part. […] De plus les Hamlet méprisent la masse. Peut-il respecter quelqu’un ou quelque chose celui qui n’a pas de respect pour lui-même ? Et puis, est-ce bien la peine de s’en occuper, de cette masse ? Elle est si grossière, si sale ! Tandis que Hamlet, lui, est un aristocrate, de naissance certes, mais aussi dans tous les sens du terme31.

Tourgueniev, comme Barante, revient sur l’intelligence aiguë de Hamlet, sur ses qualités intellectuelles, sur son don « de l’expression originale et frappante, qualité inhérente à tous les caractères portés à l’introspection32 », sur sa capacité à s’évaluer et à se percevoir au plus juste, et à être ainsi pleinement et sans cesse conscient de lui-même. Mais toutes ces qualités, parce qu’elles ne servent qu’un être occupé de lui-même, qui se méprise mais qui dans le même temps, ajoute Tourgueniev, se nourrit de ce mépris, font de lui un esthète au « goût infaillible33 » tout entier tourné vers l’autoanalyse ou vers l’analyse de ce qui peut déclencher en lui des émotions le ramenant encore à lui-même (par exemple, le théâtre).

Hamlet n’est donc en rien, malgré son statut de prince, un animal politique, impliqué dans la vie du monde qui l’entoure et soucieux d’y agir – on se souvient que Wilhelm Meister, le personnage de Goethe, doit aller jusqu’au bout de ce qu’on pourrait appeler sa tentation hamlétienne – sa vocation théâtrale – avant de devenir un bourgeois actif et impliqué dans le mouvement social de son temps. Hamlet n’a même aucune idée sur le gouvernement et c’est encore ce qui l’oppose à Don Quichotte. Alors que le héros espagnol respecte l’ordre établi tout en étant un homme libre et qui respecte la liberté d’autrui, Hamlet, « qui insulte les rois et les courtisans est, en dernier ressort, tyrannique et intolérant » et si Don Quichotte a « une idée bien précise de ce que sont le gouvernement et l’administration, Hamlet n’a ni le loisir ni la moindre raison de s’intéresser à ces choses34 ».

Personnage autocentré (Tourguéniev l’imagine même rédigeant un journal intime35 !), Hamlet fascine les élites sociales et intellectuelles du xixsiècle, en France comme en Russie : « qui ne serait flatté de passer pour un Hamlet ? alors que personne n’ira se vanter d’être surnommé Don Quichotte36 », observe Tourgueniev qui voit en Hamlet une sorte de miroir de l’individu moderne, un type dans lequel chacun peut discerner « des traits qui sont les siens37 ». Si on peut se reconnaître en Hamlet, c’est sans doute par l’attention qu’il s’accorde à lui-même ; si on s’identifie à lui, c’est qu’il incarne un raffinement intellectuel et sensible auquel chacun voudrait pouvoir prétendre dans une société qui valorise de plus en plus l’individualisme. Mais, écrit aussi Tourgueniev, on ne peut aimer Hamlet, parce que lui-même n’aime personne. Hamlet, en dépit des séductions de sa pensée ironique, est pour Tourguéniev l’incarnation du type de l’aristocrate inutile socialement.

Plus largement, il concentre en lui les traits de la sensibilité individualiste décrite en 1908 par le sociologue et philosophe Georges Palante comme le « contraire de la sensibilité sociable. Elle est une volonté d’isolement et presque de misanthropie38. » Dans cet essai, qui emprunte plusieurs exemples à la littérature (Stendhal, Constant, Vigny, etc.), Palante se réfère par trois fois au personnage de Hamlet39, ce qui suggère qu’il rapporte bien cette figure (son état au début du XXe siècle) à sa réflexion sur la sensibilité individualiste qui suppose un vif besoin d’indépendance, de sincérité avec soi et avec autrui qui n’est qu’une forme de l’indépendance d’esprit ; un besoin de discrétion et de délicatesse qui procède d’un vif sentiment de la barrière qui sépare les moi, qui les rend incommunicables et intangibles40.

[…] La sensibilité individualiste entre inévitablement en conflit avec la société où elle évolue. La tendance de cette dernière est en effet de réduire autant que possible le sentiment de l’individualité : l’unicité par le conformisme, la spontanéité par la discipline, l’instantanéité du moi par l’esprit de suite, la sincérité du sentiment par l’insincérité inhérente à toute fonction socialement définie, la confiance en soi et l’orgueil de soi par l’humiliation inséparable de tout dressage social. C’est pourquoi l’individualiste a le sentiment d’une lutte sourde entre son moi et la société41.

La sensibilité individualiste s’accompagne d’une intellectualité hostile à toutes les doctrines d’empiètement social ; elle est antisolidariste, antidogmatique, anti-éducationniste. L’individualisme est un pessimisme social, une défiance raisonnée vis-à-vis de toute organisation sociale42.

Ces extraits peuvent constituer une sorte de commentaire d’un certain état de la réception de la figure hamlétienne, dans sa relation au corps social. Prenons le cas, dans la mesure où le personnage de Shakespeare refuse le jeu social et ses apparences, de la « sincérité individualiste » : elle « ne procède pas d’un scrupule moral, mais d’une fierté personnelle, d’un sentiment de force et d’indépendance43 », qui s’accompagne d’indifférence et de mépris – deux postures également examinées par Balante. Hostile aux « choses sociales44 », l’individualisme hamlétien n’aurait-il alors d’autre voie d’expression qu’un dandysme histrionique, narcissique et mortifère à la Laforgue – voie dans laquelle un certain nombre d’auteurs du XXe siècle l’ont suivi pour en faire la critique acerbe (Heiner Müller, Koltès) ? La conscience de soi conduit leurs personnages au ressassement et les enferme dans une autodérision cruelle : elle est une fin, au double sens de limite et de mort. Faute d’espace, nous ne développerons pas ce point pour envisager quelques propositions récentes émanant de romanciers anglo-saxons qui, d’une part, ont reversé sur les personnages féminins du mythe certaines aspirations hamlétiennes et qui, d’autre part, ont opéré une sorte de mutation des représentations de la conscience de soi, de son expérimentation et de ses usages, au profit d’une valorisation d’un moi en devenir et ouvert au changement.

Hamlet, Gertrude et Ophélie revus et corrigés par Jasper Fforde et John Updike : épanouissement personnel et travail sur soi

Dernière étape de notre parcours : deux romans publiés au début du xxie siècle par John Updike45 (USA) et Jasper Fforde46 (GB). Si ces romans, où Hamlet intervient à titre de personnage secondaire et non plus de héros, retiennent l’attention, c’est qu’ils mettent l’accent sur le désir des hyperpersonnages shakespeariens, féminins notamment (Gertrude et Ophélie). Ce choix est neuf et peut être mis en relation avec les transformations sociales : d’une part, volonté d’échapper au programme mythique qui les prédétermine en inversant le cours d’un destin fictionnel qui les condamne à mort, d’autre part de revendiquer pour eux-mêmes un droit à l’épanouissement et au changement et, pour les femmes, à la satisfaction de la libido sentiendi et de la libido dominandi.

Gertude et Claudius, le roman de John Updike paru en 2000, se présente comme l’inverse d’une continuation de Hamlet. Updike y raconte la vie romancée de Gertrude depuis le moment où son père lui demande d’épouser Hordenwille/Hamlet père, jusqu’à la réunion du Conseil où Fengon/Claudius demande au prince Hamlet de rester à Elseneur au lieu de retourner à Wittenberg. Updike développe et amplifie des éléments trouvés dans les textes narratifs antérieurs à Shakespeare – Saxo Grammaticus, François de Belleforest –, tout en récupérant des éléments narratifs ou dramatiques relevés chez Shakespeare. Le récit du Spectre lui fournit ainsi l’idée de développements romanesques sur la façon dont le séducteur a agi pour entraîner la reine dans l’adultère (cadeaux précieux et beaux discours), mais aussi sur le déroulement du meurtre. Carolyn Heilbrun, universitaire américaine féministe et romancière (sous le pseudonyme d’Amanda Cross), a souligné dès 1957, que le discours critique sur Gertrude tendait à en faire un personnage faible pour ne pas avoir à affronter la question de la sexualité d’une femme mûre47. Le romancier John Updike procède à l’inverse et montre comment Gertrude n’est satisfaite, ni sexuellement ni intellectuellement, par son mari : la relation qui se tisse entre elle et Fengon, qui court le monde et lui offre ce monde à travers des cadeaux somptueux, séduit en elle tout ce qui veut s’épanouir avant la vieillesse – la relation ne devenant charnelle que tard dans la vie des deux protagonistes. Ignorée par un fils, dont elle dira à Claudius qui souhaiterait les rapprocher après la mort du roi qu’il « est trop charmé de sa propre personne », qu’« il est le seul homme de son univers48 », peu valorisée par son époux, Gertrude se confie à Corambis/Polonius, qui la connaît depuis l’enfance, dans l’espoir d’obtenir de lui le prêt de sa maison de campagne où elle pourrait donner rendez-vous à Fengon. Le discours qu’elle tient et sa demande – avoir accès à un lieu privé, un espace propre, une « chambre à soi » – porte les aspirations d’une femme moderne avant l’heure. Le Hamlet de Shakespeare se disait prisonnier à Elseneur ; c’est un personnage de femme qui peut, au début du xxie siècle, reprendre ce motif de l’enfermement et parler de sa personne :

Elseneur a été un cachot pour moi depuis que j’ai vu mon père y mourir. […] Ma vieillesse approche. Ma beauté – qui reflétait plus la bonne santé qu’une grâce particulière – s’est fanée et je n’ai jamais vécu pour moi-même.
− Pour vous-même ? insista Corambis en faisant rouler ses lèvres humides comme pour mieux goûter la saveur de ce concept insaisissable (elusive concept).
− J’ai été la fille de mon père et suis devenue la femme d’un époux occupé et d’un fils distant. Quand est-ce, dites-moi, que je prends soin de la personne que je porte en moi, cet esprit que je ne peux m’empêcher d’entendre, qui a cherché à s’exprimer avec mon premier cri dans le sang, expulsée comme je fus des reins déchirés de ma mère ?
[…] Mais très chère Geruthe, comment nous définissons-nous, sinon par rapport aux autres ? Il n’existe pas d’être flottant librement sans attaches. En vertu d’une litanie parallèle, je suis le parent d’un fils, qui se trouve loin de moi à Paris où il œuvre à son épanouissement personnel (self-improvement) […]
J’ai besoin d’un endroit à moi (I need a place of my own), lui confia-t-elle. Un endroit pour être, quelle que soit votre interprétation de ma formule « toute » seule » (“by myself”) […]49

Sa liaison amoureuse avec Fengon et leur intimité charnelle lui apportent la « révélation de ce qu’elle était », la découverte d’« un moi enfoui dans le tréfonds de ses fentes secrètes et simplement en latence depuis quarante-sept ans, endormi50. » Le déplacement de certaines aspirations du héros masculin sur le personnage de la mère, la formulation d’une espérance de réalisation de soi, comme personne et comme femme, sont parmi les points les plus intéressants de cette réécriture par “transmodalisation intermodale”, qui donne voix à un personnage féminin des temps anciens pour lui faire formuler ce que Corambis, qui est de son temps, perçoit comme un « concept insaisissable » tout en employant, à propos de son fils, l’expression très anachronique d’« épanouissement personnel ». Parmi les « huit mutations de l’individu hypermoderne » relevées par Olivier Bobineau dans son article intitulé « La troisième modernité, ou “l’individualisme confinitaire” », on trouve le rapport à soi, au corps et aux autres :

Aujourd’hui, le rapport aux autres est devenu prioritairement individualiste et pragmatique. Quand nous disons « individualiste », il n’y a pas de jugement de valeur. Il s’agit, à la suite de l’anthropologue Louis Dumont51, de signifier que notre modernité consacre un état d’esprit d’individus égaux et libres, contrairement à l’esprit des sociétés anciennes où régnait une compréhension foncièrement inégalitaire et hiérarchique du lien entre les hommes, avec la subordination à la société des éléments et parties la composant (Dumont, 1966, 1977 et 1991)52.

C’est précisément cette hiérarchie que met en question Ophélie, lorsque Hamlet, inquiet de son image dans le public, quitte Elseneur et la tragédie dont il est le héros pour rejoindre le monde « réel » (pour le lecteur : une uchronie métalittéraire assez fantaisiste) où évolue Thursday Next, l’héroïne de plusieurs romans de Jasper Fforde. Dans Something Rotten (traduit par Sauvez Hamlet !), roman publié en 2004, la frêle Ophélie entend bien profiter de l’absence de son omniprésent protagoniste pour assouvir sa libido dominandi, longtemps contenue par son statut de fille dominée et manipulée tour à tour par son frère, son père, le roi et Hamlet. Elle tente donc un coup d’État en important un B-6 – selon les catégories de la Jurifiction, un personnage de dernière catégorie, très peu caractérisé –, qu’elle « a convaincu de rejouer les scènes-clés dans une optique » qui lui était favorable ; sa famille s’en est mêlée (Laërte, puis Polonius), et la pièce a fini par s’intituler : La tragédie du très spirituel et pas du tout rasoir Polonius, père du noble Laërte, qui venge sa sœur, la belle Ophélie, rendue folle par ce cruel et totalement irrespectueux meurtrier d’Hamlet, prince de Danemark53. Pour calmer les choses et rétablir le bon ordre tragique dans le chef-d’œuvre de Shakespeare, la Jurifiction finit par proposer à Ophélie son propre livre pour satisfaire son narcissisme en lui laissant enfin prendre sa pleine mesure : figure de victime passive, Ophélie, transformée par les revendications féministes de l’époque contemporaine, pourrait donc donner naissance à un personnage actif et autoritaire. Si, pour Horace, Médée doit rester Médée, pour Jasper Fforde, Ophélie peut s’actualiser sans nécessairement respecter la fable et le caractère conçus par Shakespeare. Les jeunes filles modernes n’acceptent plus sans révolte les sermons d’un Laërte, les exigences intrusives d’un Polonius ou les insultes d’un Hamlet…

Mais Jasper Fforde ne réserve pas de telles métamorphoses au personnage de la jeune Ophélie : son Hamlet, confronté aux milliers d’interprétations (critiques et ludiques) dont il fait l’objet dans le monde réel, las d’« être la plus grande énigme dramatique du monde (the world’s leading dramatic enigma) », fatigué des « calomnies » répandues sur lui, dont la plus insultante est selon lui cette « histoire d’œdipe » imaginée par un Freud auquel il mettrait bien son « poing dans la figure54 », envisage très sérieusement de se réformer pour devenir un homme d’action. Fini le procrastinateur mélancolique, le lettré philosophant… Confronté, lors d’un tournoi improvisé, à douze comédiens interprétant le monologue « To be or not to be », il finit bon dernier en présentant un Hamlet contaminé par la figure de Mad Max : « Son monologue n’était pas tant une interrogation existentielle sur la vie, la mort et la possibilité d’une après-vie qu’une contre-utopie apocalyptique55 » avec motards et arbalètes, note la narratrice et héroïne. Hamlet ne se contente pas de s’identifier à Mel Gibson et d’imiter son jeu ; il décide d’aller voir un coach relationnel spécialiste de la résolution des conflits et, de cet entretien, Hamlet revient « différent ». Pour une simple affaire de gâteau, le voilà prêt à pourfendre Bismarck, l’un des personnages historiques hébergés par la mère de Thursday. L’héroïne tente de lui expliquer que réagir à chaud n’est pas la meilleure des solutions (même si c’est le comportement attendu du héros de la revenge tragedy). Hamlet n’est plus lui-même, ce qui risque d’affecter l’œuvre du dramaturge élisabéthain : « L’heure n’est plus à la parole. […] Oui, ça va déménager dans ma pièce56. » Une telle décision, du point de vue de la stabilité de la tragédie de Shakespeare dont elle est garante pour la Jurifiction, est très inquiétante. Mais dans le cadre de l’intrigue romanesque, le travail effectué par Hamlet sur lui-même le ramène dans le cercle des relations humaines et d’une action politique commune : il contribuera ainsi activement à la défaite du tyran, combattant aux côtés de Thursday Next.

Peut-on au terme de ce parcours dégager une sociopoétique propre au mythe hamlétien à partir du questionnement particulier et des quelques textes, critiques et romanesques, que nous avions choisi de mettre en avant ? Il semble que les représentations et l’imaginaire social de l’individualisme moderne ont pu se cristalliser, à partir du xixe siècle, sur la figure d’Hamlet, plus d’ailleurs que sur le mythe qui s’est développé à partir de l’intrigue shakespearienne. Cette figure s’est élaborée autour d’un certain nombre d’éléments mis en scène et verbalisés par le dramaturge élisabéthain : la fréquence des soliloques autoréflexifs, le goût de Hamlet pour le théâtre et la philosophie, son intelligence aristocratique et sa mélancolie, mais aussi son insolence, sa morgue, ses provocations, son mépris de l’état actuel de la société et son refus d’y participer. Faut-il lire dans la fascination des modernes pour cette figure, qu’ils ont façonnée et fait évoluer à leur image, le secret désir d’échapper à la tradition, à la loi des pères, aux responsabilités de tous ordres, à l’engagement dans l’action politique, pour se consacrer à l’exercice stérile mais jouissif, d’une pensée se contemplant elle-même ? C’est alors que le mythe littéraire a produit des Hamlet esthètes et histrions, des Hamlet romantiques et dandys malheureux. Tourguéniev supposait en 1860 que la projection des individus sur Hamlet était gratifiante, puisqu’on ne pouvait qu’être flatté d’être compris dans la « race des Hamlet » (formule que j’emprunte à Jules Laforgue). Qu’en est-il à une époque où l’action individuelle, le travail sur soi et l’épanouissement personnel sont valorisés pour les hommes, comme pour les femmes ? Hamlet, mais aussi Gertrude, Ophélie, suivent l’air du temps et se réinventent selon ces nouvelles normes sociales, la méditation autoréflexive se réconciliant avec l’action, mais une action destinée à infléchir leur propre trajectoire dans le monde, plutôt qu’à corriger le monde.

1 Ivan Tourguéniev, Hamlet et Don Quichotte, conférence prononcée en séance publique de la société d’entraide aux gens de lettres et aux savants

2 Stephen Greenblatt [Will in the World: How Shakespeare Became Shakespeare, New York/Londres, Norton & Company, 2004] Will le Magnifique, trad. Mar

3 Ibid., p. 326.

4 Ibid., p. 328

5 Ibid., p. 331 : S. Greenblatt se réfère aux termes mêmes de Brutus dans Jules César (II, 1) : « Tout le temps qui sépare son premier mouvement/ De

6 Ibid., p. 330.

7 Ibid., p. 332.

8 Nous empruntons l’expression au sociologue Georges Palante, auteur d’un essai intitulé La Sensibilité individualiste, publié en 1909 chez Félix 

9 Daniel Mortier, « Mythe littéraire et réécriture dans la double perspective de la création et de la réception », dans L’Autre et le Même. Pratiques

10 Définition B2 reprise au TLFI [site consulté le 09 10 2015] [En ligne] URL : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.

11 La réception de la pièce de Shakespeare a suscité de nombreux ouvrages, parmi lesquels : Helen Phelps Bailey, Hamlet in France, from Voltaire to

12 Cette citation et la précédente sont extraites de : Prosper de Barante [signature P. B.], « Notice sur Hamlet », Œuvres complètes de Shakespeare

13 Voir Véronique Gély, « Le "devenir-mythes" des œuvres de fiction », Mythe et littérature, éd. par S. Parizet, SFLGC, « Poétiques comparatistes »

14 Prosper de Barante, « Notice sur Hamlet », Œuvres complètes de Shakespeare, op. cit., p. 166.

15 Ibidem, p. 165.

16 Ibidem p. 164.

17 Ibidem, p. 165.

18 René Descartes, Discours de la méthode, [1637] IIIe partie.

19 Prosper de Barante, « Notice… », op. cit., p. 165-166. Nous soulignons.

20 Michael Paraire, Présentation de Hamlet et Don Quichotte, dans Ivan Tourgueniev, Terres vierges, suivi de Hamlet et Don Quichotte, Les Éditions de

21 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, La Bibliothèque russe et slave ; Bibliothèque universelle et revue suisse, 84e année, t. 3, 1879 [En

22 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 948. La défense de Don Quichotte correspondrait à la confiance

23 Louis Léger préfère ici le mot « sacrifice » et Françoise Flamant emploie à plusieurs reprises ce même terme.

24 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 946-950.

25 Prosper de Barante, « Notice… », op. cit., p. 176-177.

26 Jean-François Ducis, Hamlet, tragédie imitée de l’Anglois, Paris, chez Gogué, Libraire, 1770.

27 Voir Christian Biet, « Le Théâtre Anglois d’Antoine de La Place (1746-1749), ou la difficile émergence du théâtre de Shakespeare en France »

28 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 950-951.

29 Ibidem, p. 961. Nous soulignons.

30 Ibidem, p. 952.

31 Ibidem, p. 954.

32 Ibidem, p. 961.

33 Idem.

34 Idem. Jules Laforgue semble partager cette lecture du personnage puisque son Hamlet, contemplant le Sund et songeant à celui qui est de l’autre

35 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 961.

36 Ibidem, p. 952.

37 Idem.

38 Georges Palante, chap. 1, « La Sensibilité individualiste », dans La Sensibilité individualiste, Paris, 1909, p. 2.

39 Ibidem: p. 52, p. 62, p. 71: « L’ironie est essentiellement une attitude contemplative, elle recouvre un fond philosophique, le pessimisme. Hamlet

40 Ibidem,p. 2.

41 Ibidem, p. 9-10.

42 Ibidem, p. 11.

43 Ibidem, op. cit., p. 12.

44 Alfred de Vigny, cité par Georges Palante, op. cit., p. 5. 

45 JohnUpdike, Gertrude and Claudius, New York, [Alfred A. Knopf, 2000], Random House Trade Paperbacks, 2012; Gertrude et Claudius, traduit de l’

46 Jasper Fforde, Something Rotten [2004]; Sauvez Hamlet !, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Roxane Azimi, Fleuve Noir, 2007.

47 Carolyn Heilbrun, « The Character of Hamlet’s Mother », Shakespeare Quarterly, vol. 8, n° 2 (Spring, 1957), p. 201-206: “Bradley, Granville-Barker

48 JohnUpdike, Gertrude et Claudius, op. cit., p. 195 pour les deux citations.

49 Ibidem, p. 105-106.

50 Ibidem, p. 141-142.

51 Louis Dumont est notamment l’auteur d’Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, Le Seuil (1983)

52  Olivier Bobineau, « La troisième modernité, ou "l’individualisme confinitaire" », SociologieS [En ligne] URL: http://sociologies.revues.org/3536 [

53  Jasper Fforde, Sauvez Hamlet!, op. cit., chap. x, p. 151.

54  Citations dans Jasper Fforde, op. cit., chap. xxvi, p. 289.

55  Ibidem, chap. xvi, p. 200.

56  Ibidem, chap. xxxv, p. 400.

Notes

1 Ivan Tourguéniev, Hamlet et Don Quichotte, conférence prononcée en séance publique de la société d’entraide aux gens de lettres et aux savants nécessiteux le 10 janvier 1860, traduction de Françoise Flamant, dans Tourguéniev, Romans et nouvelles complets, t. 3, textes traduits par F. Flamant, H. Mongault et é. Scherrer, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1986, p. 946-965 ; p. 955. Ce sera notre traduction de référence ici. Cette conférence a ensuite été publiée trois fois du vivant de l’auteur (1868 ; 1874 ; 1880). À propos des circonstances de la conception et de la réception de ce texte, voir la « Notice » de l’édition de La Pléiade à partir de la page 1268.

2 Stephen Greenblatt [Will in the World: How Shakespeare Became Shakespeare, New York/Londres, Norton & Company, 2004] Will le Magnifique, trad. Marie-Anne de Béru, Paris, Flammarion, 2014, p. 327.

3 Ibid., p. 326.

4 Ibid., p. 328

5 Ibid., p. 331 : S. Greenblatt se réfère aux termes mêmes de Brutus dans Jules César (II, 1) : « Tout le temps qui sépare son premier mouvement/ De l’accomplissement d’une action terrible/ Ressemble à un cauchemar, ou à un songe affreux. L’esprit de l’homme, avec ses instruments mortels,/ Tient alors conseil, et tout l’être, pareil/ à un petit royaume, éprouve des tourments/ Qui sont de la nature d’une insurrection. », cit., p. 329.

6 Ibid., p. 330.

7 Ibid., p. 332.

8 Nous empruntons l’expression au sociologue Georges Palante, auteur d’un essai intitulé La Sensibilité individualiste, publié en 1909 chez Félix Alcan (Bibliothèque numérique Gallica).

9 Daniel Mortier, « Mythe littéraire et réécriture dans la double perspective de la création et de la réception », dans L’Autre et le Même. Pratiques de réécritures, textes réunis et présentés par Chantal Foucrier et Daniel Mortier, Publications de l’université de Rouen, 2001, p. 105-115.

10 Définition B2 reprise au TLFI [site consulté le 09 10 2015] [En ligne] URL : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.

11 La réception de la pièce de Shakespeare a suscité de nombreux ouvrages, parmi lesquels : Helen Phelps Bailey, Hamlet in France, from Voltaire to Laforgue (with an epilogue), Droz, 1964; Alexander Welsh, Hamlet in His modern guises, Princeton, Princeton University Press, 2001.

12 Cette citation et la précédente sont extraites de : Prosper de Barante [signature P. B.], « Notice sur Hamlet », Œuvres complètes de Shakespeare, traduites de l’anglais par Letourneur, Nouvelle édition, revue et corrigée par F. Guizot et A. P. traducteur de Lord Byron, avec une « Notice biographique et littéraire sur Shakespeare », t. 1, 1821, p. 162.

13 Voir Véronique Gély, « Le "devenir-mythes" des œuvres de fiction », Mythe et littérature, éd. par S. Parizet, SFLGC, « Poétiques comparatistes », Lucie éditions, 2008, p. 69-98.

14 Prosper de Barante, « Notice sur Hamlet », Œuvres complètes de Shakespeare, op. cit., p. 166.

15 Ibidem, p. 165.

16 Ibidem p. 164.

17 Ibidem, p. 165.

18 René Descartes, Discours de la méthode, [1637] IIIe partie.

19 Prosper de Barante, « Notice… », op. cit., p. 165-166. Nous soulignons.

20 Michael Paraire, Présentation de Hamlet et Don Quichotte, dans Ivan Tourgueniev, Terres vierges, suivi de Hamlet et Don Quichotte, Les Éditions de l’Épervier, « les écrivains engagés », 2014, p. 335. Cette édition reprend pour H & DQ la traduction de Michel Delines publié dans un recueil intitulé Devant la guillotine (date catalogue BNF : 1892).

21 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, La Bibliothèque russe et slave ; Bibliothèque universelle et revue suisse, 84e année, t. 3, 1879 [En ligne] URL : http://bibliotheque-russe-et-slave.com/Livres/Tourgueniev%20-%20Hamlet%20et%20Don%20Quichotte.htm.

22 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 948. La défense de Don Quichotte correspondrait à la confiance, qui peu de temps après disparaîtra, placée par Tourguéniev dans les démocrates (Voir Françoise Flamant, Notice, p. 1272).

23 Louis Léger préfère ici le mot « sacrifice » et Françoise Flamant emploie à plusieurs reprises ce même terme.

24 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 946-950.

25 Prosper de Barante, « Notice… », op. cit., p. 176-177.

26 Jean-François Ducis, Hamlet, tragédie imitée de l’Anglois, Paris, chez Gogué, Libraire, 1770.

27 Voir Christian Biet, « Le Théâtre Anglois d’Antoine de La Place (1746-1749), ou la difficile émergence du théâtre de Shakespeare en France », Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 18 | 2000, En ligne URL: http://shakespeare.revues.org/533 [consulté le 15 octobre 2015].

28 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 950-951.

29 Ibidem, p. 961. Nous soulignons.

30 Ibidem, p. 952.

31 Ibidem, p. 954.

32 Ibidem, p. 961.

33 Idem.

34 Idem. Jules Laforgue semble partager cette lecture du personnage puisque son Hamlet, contemplant le Sund et songeant à celui qui est de l’autre côté, sur la côte de Norvège, évoque tantôt « l’indigent et positif prince Fortimbras », tantôt les « bureaux très quotidiens du Fortimbras d’en face ». C’est un prince actif, moderne, pragmatique et en complète opposition avec le prince philosophe, artiste et histrion qu’est le Hamlet de Laforgue dans Hamlet ou Les Suites de la piété filiale (1887).

35 Ivan Tourgueniev, Hamlet et Don Quichotte, trad. Françoise Flamant, éd. cit., p. 961.

36 Ibidem, p. 952.

37 Idem.

38 Georges Palante, chap. 1, « La Sensibilité individualiste », dans La Sensibilité individualiste, Paris, 1909, p. 2.

39 Ibidem: p. 52, p. 62, p. 71: « L’ironie est essentiellement une attitude contemplative, elle recouvre un fond philosophique, le pessimisme. Hamlet en reste le type. »

40 Ibidem, p. 2.

41 Ibidem, p. 9-10.

42 Ibidem, p. 11.

43 Ibidem, op. cit., p. 12.

44 Alfred de Vigny, cité par Georges Palante, op. cit., p. 5. 

45 John Updike, Gertrude and Claudius, New York, [Alfred A. Knopf, 2000], Random House Trade Paperbacks, 2012; Gertrude et Claudius, traduit de l’anglais (États-Unis) par Michèle Albaret-Maatsch, Paris, Le Seuil, 2004. Nous citerons le texte dans cette traduction.

46 Jasper Fforde, Something Rotten [2004]; Sauvez Hamlet !, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Roxane Azimi, Fleuve Noir, 2007.

47 Carolyn Heilbrun, « The Character of Hamlet’s Mother », Shakespeare Quarterly, vol. 8, n° 2 (Spring, 1957), p. 201-206: “Bradley, Granville-Barker, and to a lesser extent Professor Dover Wilson, misunderstand Gertrude largely because they are unable to see lust, the desire for sexual relations, as the passion, in the Elizabethan sense of the word, the flaw, the weakness which drives Gertrude to an incestuous marriage, appals her son, and keeps him from the throne. Unable to explain her marriage to Claudius as the act of any but a weak-minded vacillating woman, they fail to see Gertrude for the strong-minded, intelligent, succinct, and, apart from this passion, sensible woman that she is”, p. 102.

48 John Updike, Gertrude et Claudius, op. cit., p. 195 pour les deux citations.

49 Ibidem, p. 105-106.

50 Ibidem, p. 141-142.

51 Louis Dumont est notamment l’auteur d’Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, Le Seuil (1983) « Points Essais ».

52  Olivier Bobineau, « La troisième modernité, ou "l’individualisme confinitaire" », SociologieS [En ligne] URL: http://sociologies.revues.org/3536 [consulté le 16 octobre 2015].

53  Jasper Fforde, Sauvez Hamlet!, op. cit., chap. x, p. 151.

54  Citations dans Jasper Fforde, op. cit., chap. xxvi, p. 289.

55  Ibidem, chap. xvi, p. 200.

56  Ibidem, chap. xxxv, p. 400.

Citer cet article

Référence électronique

Ariane FERRY, « De la conscience de soi au Moi comme fin », Sociopoétiques [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 09 novembre 2016, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=537

Auteur

Ariane FERRY

Université de Rouen (Cérédi)

Droits d'auteur

Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)