Mythographie sandienne et lecture sociopoétique

Lélia, Jeanne, Astrée et Prométhea

DOI : 10.52497/sociopoetiques.620

Résumé

Résumé : George Sand, c’est bien connu, a publié dans les années quarante une série de romans que la critique de l’époque s’est empressée de dénigrer et de juger « socialistes », le mot étant à prendre dans un sens fortement négatif, équivalent de néfaste ou de pernicieux, mais sans signification politique précise. Les idées véhiculées par ces textes étaient jugées d’autant plus dangereuses qu’elles étaient insérées à l’intérieur d’ouvrages de fiction.

Index

Mots-clés

Sand (George), idéologie, Prométhea

Keywords

Sand (George), ideology, Promethea

Plan

Texte

George Sand, c’est bien connu, a publié dans les années quarante une série de romans que la critique de l’époque s’est empressée de dénigrer et de juger « socialistes », le mot étant à prendre dans un sens fortement négatif, équivalent de néfaste ou de pernicieux, mais sans signification politique précise. Les idées véhiculées par ces textes étaient jugées d’autant plus dangereuses qu’elles étaient insérées à l’intérieur d’ouvrages de fiction. Certes, l’écrivaine ne renie pas l’étiquette, mais elle s’étonne, dans sa « Préface générale » pour l’édition Perrotin, des remarques qui font état de la façon dont l’un de ces premiers romans soi-disant séditieux a été accueilli :

Dans un roman intitulé Le Compagnon du Tour de France, je demandai ce que c’était que le droit social et le droit humain ; quelle justice était praticable de nos jours […] Il me fut répondu […] que j’étais le courtisan de la populace, le séide d’un certain Jésus Christ et de plusieurs autres raisonneurs très scélérats que la justice de tous les siècles et l’intérêt de tous les gouvernements avaient envoyés à la potence1.

Le langage est violent. Sand ferait donc partie de ces penseurs hérétiques qui méritent la mort pour leurs idées révolutionnaires. Plus loin dans la même préface, elle se révolte contre le « raisonnement des conservateurs, qu’on ne doit pas signaler le mal à moins qu’on en ait trouvé le remède2 ». À son avis, les questions d’ordre social ne sont pas de trop dans une fiction, mais son but n’est pas de trouver mais bien plutôt de chercher une réponse, même partielle. Elle est persuadée que les lecteurs ont besoin de vérité et c’est ce qu’elle entreprend de faire dans la Lélia de 1839 (beaucoup plus socialement engagée que la première version de 1833), dans Le Compagnon du Tour de France (1840), dans Horace (1842), dans Jeanne (1844), dans La Comtesse de Rudolstadt (1844), dans Le Meunier d’Angibault (1845), et dans Le Péché de Monsieur Antoine (1845) :

Je n’ai jamais eu la prétention d’écrire une solution de quoi que ce soit. Ce rôle ne m’appartient pas. Ma vie entière se consumera peut-être à chercher la vérité […] Née romancier [sic], je fais des romans, c’est-à-dire que je cherche par les voies d’un certain art à provoquer l’émotion, à remuer, à agiter, à ébranler même les cœurs3

Quelles sont alors les stratégies littéraires que Sand met en œuvre pour poser des questions sociales sans tomber dans le didactisme et pour proposer des solutions fluides sans pécher par pédanterie ? Sand utilise plutôt des procédés que l’on peut qualifier de « sociopoétiques » dans la mesure où elle exploite la poésie, prise dans son sens large, pour faire passer la réflexion sociale, raconter une histoire pour mieux transmettre sa critique sociétale. Dans certains cas, elle se sert d’images mythiques pour mieux poser ses personnages et leur donner une force et une ampleur plus soutenues. Sand n’est ni philosophe ni théoricienne. Elle est écrivaine de fictions, ce qui ne l’empêche pas de vouloir explorer un certain nombre d’idées sur la société de son temps qu’elle juge urgentes de soumettre à ses lecteurs. Et ces idées, elle choisit de les incarner dans des personnages féminins. Ses héroïnes ne seront donc pas des personnages ordinaires, mais l’incarnation de certains idéaux, de certains jugements sociaux qui sont chers à la romancière, notamment en ce qui concerne la recherche de la vérité4 et l’égalité sociale5.

Pour mieux comprendre le procédé littéraire du personnage-idée que Sand affectionne, je m’attarderai sur deux de ses personnages prétendument dangereux, la Lélia de la deuxième version et Jeanne. Ces deux héroïnes qui semblent au premier abord être aux antipodes sont toutes deux porteuses d’un même message social d’ordre utopique qui fait d’elles des sœurs. Ces deux personnages privilégiés aux yeux de leur auteur sont paradoxalement très différents à tout point de vue. Il serait même difficile d’imaginer deux héroïnes plus dissemblables nées d’une même plume. Tout semble les différencier – leur physique (Jeanne est blonde ; Lélia brune), leur personnalité (l’une est silencieuse et résignée ; l’autre hautaine et déclamatoire), leur vie intellectuelle (l’une est inculte ; l’autre déborde de savoir). Voyons comment Sand s’y prend pour donner à ces deux personnages féminins une mission identique : mettre en question certaines représentations sociales de leur temps et ce à travers des procédés littéraires très différents.

Jeanne – une héroïne archaïque

Le cas de Jeanne dans le roman éponyme paraît exceptionnel. Cette héroïne illettrée est présentée au lecteur comme foncièrement « bête ». Par ce biais elle se différencie de façon spectaculaire des héroïnes éloquentes et intellectualisées que Sand présente dans ses romans dits sociaux des années quarante, telles Yseult de Villepreux (Le Compagnon du Tour de France), Marcelle de Blanchemont (Le Meunier d’Angibault), Wanda de Rudolstadt (La Comtesse de Rudolstadt) et la saint-simonienne Eugénie (Horace). Le personnage le plus spectaculaire par l’intelligence est Lélia, véritable femme de génie, aux facultés intellectuelles hypertrophiées, souffrant de cette belle maladie romantique qu’est le surplus de savoir, la « noopathologie ». À la différence de ces personnages sandiens, Jeanne est totalement inculte. Elle n’a jamais été à l’école. Son éducation s’est faite « aux bêtes », car comme elle a occupé sa vie à garder ses brebis et ses chèvres, elle ne sait ni lire ni écrire, et n’aspire pas à acquérir ces compétences. Non seulement elle ne sait pas lire mais elle ne « sai[t] pas bien parler. » Son laconisme s’accompagne souvent de pleurs abondants. Mais aucune colère, aucun défi envers la société pourtant si injuste à son égard ne l’habite.

Pourtant Jeanne est un personnage de stature mythique. Elle incarne l’âge d’or des légendes révolu depuis plus de trois mille ans. Dès 1837, Sand écrit à Luc Desages sa fascination pour cette ancienne société idéale qu’elle va tenter de faire revivre dans le personnage de Jeanne :

Les anciens poètes […] ont chanté l’âge d’or, et raconté le cataclysme qui détruisit cette félicité sur la terre. Cet âge d’or, ce fut le règne de l’égalité6.

Ce règne est celui dans lequel Jeanne opère encore. Les valeurs qui lui sont chères consistent en la croyance à l’égalité, au pardon, à la sagesse non contestataire, et surtout en la bonté fondamentale de l’être humain. Jeanne incarne la sagesse des simples. Malgré les apparences, elle ne demeure pas vraiment dans la France contemporaine mais appartient à la période antédiluvienne du règne d’Astrée. Associée en même temps à l’ancienne société disparue des Gaulois, elle combine les valeurs de ces deux systèmes de représentation. Que l’on consulte les nombreuses figures auxquelles elle est associée. Jeanne est une « vierge gauloise7 », du « pur sang de la race gauloise primitive » (Jeanne, p. 38) ; c’est une « druidesse » (ibid., pp. 36, 37) ; une « prêtresse » (ibid., pp. 174, 233) ; une « Isis gauloise » (ibid., p. 169) ; une « Hécate gauloise » (ibid., p. 233) ; une « fille des druides » (ibid., p. 169). Elle est identifiée à Velléda au moins quatre fois dans le texte (ibid., pp. 36, 185, 188, 210). Elle fait partie de « ces êtres simples et souffrants, qui ne reçoivent la lumière des choses que par la fièvre de l’imagination » (ibid., p. 74). Sa religion est aussi archaïque que ses valeurs :

Jeanne était une radicaliste païenne, sans s’en douter davantage. Ses superstitions rustiques lui venaient en droite ligne de la religion des druides […] C’était un être exceptionnel, se rattachant […] à un type rare qui n’a pas été étudié, mais qui existe, et qui semble appartenir au règne d’Astrée8.

La jeune fille est l’héritière de toute une tradition difficilement récupérable que Sand s’efforce d’inventer de toutes pièces et d’en imaginer tous les ressorts.

Ce personnage statique est donc ancré dans le passé archaïque de la Gaule antique. Comment est-ce possible dans la France contemporaine ? C’est ce que la romancière explique en situant son récit mythographique loin des villes et dans la partie la plus sauvage de la France actuelle. Comme l’expose le narrateur, le centre de la France, la Creuse tout particulièrement, s’avère être non seulement un lieu inconnu du lectorat parisien, mais fonctionne comme un lieu figé dans le passé. Cette situation géographique exceptionnelle permet à l’auteur de proposer un retour en arrière fantastique dans l’histoire de France. Les alentours de Boussac et de Toull Sainte-Croix sont le cadre du roman. Cette région est considérée par les folkloristes de l’époque comme le musée des traditions gallo-celtiques :

Quand on se trouve dans une de ces solitudes où semble régner le sauvage génie du passé, remarque le narrateur, cette pensée banale vient à tout le monde : « On se croirait ici à deux mille lieues des villes et de la société. » 

Le passage souligne le fait que cette région transporte le lecteur aussi bien « à deux mille ans de la vie actuelle », car « dans ces coins sacrés où la charrue n’a jamais passé, où la nature est sauvage […] l’homme semble avoir conservé son type gaulois et ses croyances fantastiques » (Jeanne, p. 28. C’est moi qui souligne).

Le recours à un temps pré-historique explique en grande partie la psychologie immobile de l’héroïne et cette personnalité représente selon l’écrivaine un idéal particulièrement poétique. Après tant d’intellectuelles, nourries de philosophie et d’idées sociales neuves dans le monde fictionnel sandien, le lecteur ne peut qu’être étonné de ce choix d’idéal. En quoi le manque de savoir et la simplicité champêtres se signaleraient-ils dans l’œuvre comme un idéal ? Cette équation semble aller à l’encontre de toutes les valeurs que Sand a tenté de promulguer dans ses romans antérieurs. Malgré la mort de sa mère dont Jeanne a adopté tous les principes qu’elle nomme « la connaissance », forme supérieure de sensibilité9, malgré son déplacement à Boussac comme servante, laitière et bergère, on constate que « Jeanne était restée, à peu de chose près, ce qu’elle était à Ep-Nell, rêvant, priant, et aimant sans cesse, ne pensant presque jamais » (Jeanne, p. 168). Mais ce manque de « pensée » ne signifie pas la bêtise, car, selon Sand, la bergère est l’exemple parfait de l’organisation rustique de ses pareils. Elle possède « une âme poétique », et surtout elle incarne « un de ces types purs comme il s’en trouve encore aux champs, types admirables et mystérieux, qui semblent faits pour un âge d’or qui n’existe pas, et où la perfectibilité serait inutile, puisqu’on aurait la perfection » (Jeanne, p. 168 ; c’est moi qui souligne).

Insistons dans ce passage sur la référence à la perfectibilité, mot-clé de la pensée sociale de gauche de l’époque, qui ici ne trouve plus sa raison d’être. Un monde où la perfection aurait déjà été atteinte, alors qu’elle n’est accompagnée d’aucune espèce d’intellectualité, peut sembler problématique. Personnage naïf, innocent, dépourvu de toute vie cérébrale, Jeanne est décidément une exception dans le corpus sandien des femmes supérieures. Sa représentation mythologique se rapproche alors d’Astrée, déesse de l’âge d’or, la dernière divinité à avoir vécu parmi les humains, bergers et bergères pour la plupart, dans un cadre pastoral qui ne connaissait ni la guerre, ni le mal sous quelque forme que ce fût.

Comme nous l’avons vu, Jeanne est désignée comme « une radicaliste païenne ». Ses idées politiques restent à la fois limitées et informées par la vision d’une économie d’échange. Elle est incapable de comprendre le monde économique moderne avec ses exigences financières, sa cupidité et son désir de fortune :

Jeanne ne connaissait pas le prix de l’argent, n’ayant pas de besoins et ne comprenant pas qu’il y eût dans la vie d’autres jouissances que celles de l’âme […] » (Jeanne, pp. 169-170).

Pourtant, à la fin du roman, elle révèle bien qu’elle a un idéal social et que ses idées sont hors du commun. Alors qu’elle est mourante – elle a sauté par la fenêtre pour éviter d’être violée, préférant la mort à la perte de sa virginité – elle évoque la légende du trésor caché dans ses montagnes et elle fait, sans vraiment s’en rendre compte, une déclaration d’ordre politique, que la critique de l’époque a certainement perçue comme étant d’origine socialiste :

Il y a un trésor dans la terre. Il n’est à personne ; il est à tout le monde. Tant qu’un chacun le cherchera pour le prendre et pour le garder à lui tout seul, aucun ne le trouvera. Ceux qui voudront le partager entre tout le monde, ceux-là le trouveront […] c’est la connaissance, la vraie connaissance que ma mère m’a donnée » (Jeanne, p. 282, souligné dans le texte).

Notons l’association étroite qui s’exprime ici entre la mère et la fille, toutes deux comprenant le couple primitif idéal qui promulgue une vision archaïque de l’économie politique basée sur l’égalité. On rencontre ici la pensée de Luce Irigaray sur « le couple mère-fille », dans un essai remarquable : « Une chance de vivre ». La théoricienne semble confirmer ce que la bergère essayait d’articuler :

Il fut un temps où mère et fille figuraient un modèle naturel et social. Ce couple était gardien de la fécondité de la nature en général et du rapport au divin. À cette époque, la nourriture consistait en fruits de la terre. Le couple mère-fille assurait donc la sauvegarde de la nourriture des humains et le lieu de la parole oraculaire. Ce couple protégeait la mémoire du passé : la fille respectait alors sa mère, sa généalogie […]. La prévision du futur existait grâce à la relation des femmes au divin, à la parole oraculaire10.

Nous sommes ici bien loin des interprétations de Freud aux yeux de qui la civilisation reposait symboliquement sur la lutte entre le père et les fils et la violence initiale du meurtre du père.

Dès lors, comment expliquer l’existence dans la France des années 1820 d’une héroïne telle que Jeanne ? Sand nous fournit une explication spectaculaire par l’élévation morale qu’elle confère à l’homme des champs, certains de ces hommes étant, selon elle, des êtres exceptionnels parce qu’ils possèdent intrinsèquement les vertus nécessaires à l’élaboration d’une société idéale :

l’homme des champs a besoin de subir de grandes transformations pour devenir sensible aux conquêtes et aux bienfaits d’une religion et d’une société nouvelles ; mais ce qu’on ne sait pas, c’est que la nature produit de tout temps dans ce milieu certains êtres qui ne peuvent rien apprendre, parce que le beau idéal est en eux-mêmes et qu’ils n’ont pas besoin de progresser pour être directement les enfants de Dieu, des sanctuaires de justice, de sagesse, de charité et de sincérité. Ils sont tout prêts pour la société idéale que le genre humain rêve, cherche et annonce… (Jeanne, p. 168).

Dans la mouvance de ce « type idéal », nous verrons que Fadette dans La Petite Fadette et la petite Marie dans La Mare au Diable, ainsi que Madeleine dans François le Champi font partie de cette famille d’élection.

L’explication que Sand fournit pour expliquer l’existence de ces êtres exceptionnels est incontestablement hérétique. L’écrivaine propose qu’une autre « race », une autre lignée que celle descendant d’Ève, considérée comme la première femme qui a légué à toutes celles qui ont suivi le même péché de curiosité, existerait et aurait évité la tentation de la pomme, éludant par ce biais toute punition de Dieu. Par ce fait, elle n’a pas eu à subir la tare du péché originel. Si la pomme est symboliquement l’arbre du savoir, on comprend mieux que Sand ait fait de son héroïne non déchue une femme inculte. Jeanne n’a pas été tentée de manger la pomme et ne se voit pas punie par l’expulsion du jardin d’Éden. Elle n’a pas besoin d’avoir accès au savoir moderne. Sa forme de « connaissance » archaïque lui suffit amplement. La proposition de Sand, dans un roman de prime abord innocemment champêtre, a donc des résonances révolutionnaires et son affirmation a pu provoquer des réactions outrées parmi les lecteurs catholiques attentifs de l’époque. De plus, le roman ne pouvait que déplaire à l’Église qui fondait toute sa théologie violemment misogyne sur la première faute de la femme11.

Les êtres comme Jeanne et sa filiation ne sont pas mentionnés, bien évidemment, dans la Genèse de l’Ancien Testament tel qu’il nous est parvenu. Mais Sand imagine une autre genèse qui aurait été élaguée du texte orthodoxe et donc perdue pour la postérité. L’histoire que raconte Sand nous dépeint des habitants immobilisés dans le jardin d’Éden qu’ils n’ont jamais quitté. C’est une histoire qui a été complètement occultée dans la Bible. Mais Sand veut qu’ils reprennent leur place dans la Genèse :

Incapables de comprendre le mal, ils ne le voient point. Ils vivent comme dans un nuage d’ignorance ; leur existence est pour ainsi dire latente. Leur cœur seul se sent vivre ; leur esprit est borné comme la primitive innocence : il est endormi dans le cycle divin de la Genèse. On dirait, en un mot, que le péché originel ne les a pas flétris, et qu’ils sont d’une autre race que les fils d’Ève. (Jeanne, p. 168. Souligné dans le texte)

Une autre race. Voici donc l’invention d’une nouvelle Genèse. Le « nuage d’ignorance » fait de ses membres des êtres qui pardonnent à tous ceux qui les persécutent parce qu’ils ne comprennent pas le mal. Mais ces êtres parfaits ne peuvent pas vivre dans le monde tel qu’il est constitué. Ici, exceptionnellement, la poétique de Balzac et celle de Sand se rejoignent : « Les belles âmes ne peuvent pas rester longtemps en ce monde », constate Rastignac à la fin du Père Goriot12. Chez Sand, le message est un peu différent, car il s’agit d’êtres des campagnes, esprits bornés, endormis, mais innocents et vertueux dans Jeanne – leur manque d’intelligence est considéré comme un don sacré et les place facilement dans des situations de danger mortel.

Pour mieux faire passer son message social dans ce roman, Sand emploie une série de stratégies romanesques originales qui reposent toutes sur la poésie. En premier lieu, comme nous venons de le voir, elle renouvelle son désir de réécrire la Bible et de rêver d’un âge d’or antédiluvien qui élude et remplace la Genèse que nous connaissons. Puis elle reprend certaines légendes et chansons de son Berry. Ensuite, elle exploite pour le subvertir un genre littéraire bien connu, le conte de fées, genre qui l’a toujours enchantée13. Enfin, Sand s’inspire d’une œuvre d’art dont le sens est resté énigmatique – la série de tapisseries dites de la Dame à la Licorne – qui se trouve justement au Château de Boussac14.

Le Prologue du roman peut en effet se lire comme le début d’un conte de fées. L’action se déroule dans un lieu sinistre, celui des Pierres Jomâtres. Jeanne, en princesse endormie, n’est pas réveillée par le baiser d’un des trois jeunes gens qui la découvrent. Mais ces derniers jouent le rôle de fées dans une véritable « scène des dons », typique du genre féerique. Guillaume de Boussac lui-même s’en rend compte lorsqu’il dit :

Puisque nous faisons le rôle des fées […] et que nous voici trois, nombre consacré dans tous les contes merveilleux, je suis d’avis que nous fassions chacun un souhait à cet enfant (Jeanne, p. 39).

Les dons qui sont offerts – un amant, un protecteur, un mari – sont par la suite subvertis par la conteuse puisque Jeanne refusera et les dons qu’on lui offre et l’argent qui accompagne les souhaits. Sand continuera de subvertir le genre du conte de fées de plusieurs manières. Dans un premier temps, elle refusera les pièces d’argent laissées dans sa main, comme autant de symboles néfastes. À l’inverse, dans le conte de fées traditionnel, l’or, l’argent et les pierreries font souvent partie des objets les plus convoités. Dans Jeanne, la pièce d’or est considérée comme particulièrement maléfique et Tula approuve le geste de sa fille d’enfouir l’or dangereux :

Le jour où je trouvai de l’or dans ma main, je commençai par le jeter bien loin de moi. Ensuite, pour qu’il ne portât pas malheur à d’autres, je fis un trou dans la terre […] sous la grand’pierre jomâtre, et je poussai le louis d’or dedans avec mon sabot (Jeanne, p. 197).

L’héroïne refuse également l’argent que Guillaume lui offre pour payer les obsèques de Tula :

L’or, explique-t-elle, on croit chez nous que ça porte malheur (Jeanne, p. 85).

Les souhaits de trouver un amant ou un mari sont également subvertis par Sand. Jeanne a « fait un jurement » (Jeanne, p. 83) qu’elle ne se marierait pas. Et tous les arguments de Marie, de Guillaume, d’Arthur ou du curé pour qu’elle se défasse de son vœu sont en vain. Elle demeure imperturbable :

Il n’y a pas de mais, Monsieur l’Abbé… c’est un vœu que ma chère défunte mère m’a commandé de faire […] Ma mère pensait que les fades [fées] du mont Barlot [lieu des pierres Jomâtres] me voulaient du mal… et elle disait que, pour m’en préserver, il fallait faire trois vœux… vœu de pauvreté… vœu de chasteté… vœu d’humilité. (Jeanne, p. 277).

Bref, « le vœu reste ». Cette décision déstabilise la structure narrative du conte de fées traditionnel selon lequel le conte finit le plus souvent par un mariage.

Jeanne, imbue de légendes berrichonnes et creusoises, persuadée que les jugements de sa mère sont inviolables, choisit donc de dire « non » et préfère la mort pour protéger son vœu de chasteté15. Le « non » de Jeanne est une indication que ce personnage est archaïque et opère dans un monde qui n’est pas fait pour elle. Nourrie de légendes sur les fades – surtout la Grande Fade qui est sa manière d’évoquer la Sainte Vierge, les laveuses de nuit, et les gestes expiatoires magiques qu’il faut accomplir pour ne pas attirer le malheur sur soi et les siens, Jeanne finit en victime expiatoire du récit.

À la fin du roman, Jeanne meurt, en chantant des bribes de chansons authentiquement berrichonnes, recensées dans l’ouvrage de Louise Vincent, George Sand et le Berry16. Les chansons qu’elle chante dans son délire font d’elle jusqu’à sa mort un être à part, incapable de vivre dans la civilisation telle qu’elle a été construite dans son temps.

Le message profond de Jeanne est donc original et subversif. Il ne prône pas l’éducation des filles ni leur entrée dans le domaine du savoir. Mais il insiste sur la vision primitive d’une société égalitaire, juste, et dénuée de la violence des mâles envers les jeunes filles. Le roman est une forme d’utopie enveloppée dans une bergerie. Les lecteurs de l’époque n’ont peut-être pas mesuré toute la portée révolutionnaire de cette histoire, savamment développée comme un conte de fées et une simple exposition des croyances archaïques d’une petite paysanne. Qu’on se souvienne d’une des tapisseries de Boussac qui montre une licorne blanche emprisonnée dans un enclos. Quoique le texte n’y fasse pas directement allusion, ce symbole de la virginité incarne parfaitement le personnage de Jeanne dans le récit.

Du règne d’Astrée au défi de Promethéa

Aux antipodes de Jeanne se dresse dans toute sa morgue la Lélia de 1839. Elle aussi dit « non » – non à la façon dont la société et les mentalités de l’époque ont codifié les comportements des hommes envers les femmes. Tous les passages ajoutés à la nouvelle version de Lélia insistent sur le rejet de l’héroïne des mœurs élaborées en son temps. Pour ce faire, Sand utilise la figure magistrale de Prométhée.

Alors que ce personnage de la mythologie antique s’est avéré peu exploité par les dramaturges du xviie siècle, celui-ci se voit consacré comme la grande figure incarnant la révolte pendant la période romantique17. Trois grands chapitres nouveaux de la Lélia de 1839 donnent une place à Prométhée que l’on peut qualifier de magistrale. Le discours mythique est souple ; il permet les métamorphoses des figures mythologiques. Ainsi, pour Sand, Prométhée permet de transmettre des concepts abstraits à ses lecteurs, tels que le courage, la révolte légitime, la résistance à la tyrannie, tant sociale que genrée.

À la fin de la 3e partie de la nouvelle Lélia, l’héroïne se voit rejetée violemment par le poète Sténio et vouée à la malédiction : « maudite sois-tu, Lélia18 ». Comme une mauvaise fée qui décharge son fiel et sa vengeance sur une princesse de conte, Sténio a complètement bouleversé Lélia. Dans le grand chapitre qui suit, « Lélia au rocher », l’héroïne se dirige « vers les hauteurs [qu’elle est] faite pour habiter » (Lélia, II, 6). Il s’agit pour elle d’analyser le désastre de son amour pour Sténio et de sublimer sa passion, puisqu’il l’a honteusement trahie avec une courtisane. Lélia saura sauver Lélia par le biais de la révolte prométhéenne. C’est alors que la figure du titan se féminise et que Prométhéa paraît.

Lélia au rocher : une version féminisée de Prométhée

Nous sommes loin des Pierres Jomâtres maléfiques où Jeanne s’était endormie par mégarde. Mais la scène qui nous est décrite ici renverse la position sacrificielle de Prométhée qui avait été enchaîné à un rocher par les dieux pour y subir un supplice atroce répété ad perpetuam. Lélia est libre de monter sur son rocher pour son soliloque. Sa liberté de mouvement contraste avec l’enchaînement du Titan. C’est pourtant bien une figure prométhéenne, comme elle le confirmera à la fin du chapitre. Dressée sur ce rocher qu’elle domine et utilise comme un trépied, elle prononce son discours fulminant contre Sténio et les hommes qui lui ressemblent. Partant de l’image d’une héroïne passive, endormie dans un sommeil de princesse, et de celle d’un géant attaché solidement à son lieu de supplice, nous assistons à l’avènement d’une femme active, possédée d’une colère divine par rapport à sa situation qui a pris une dimension « céleste » ; cette rage va en effet « éclater en elle » (Lélia, II, 6). Ce chapitre met en scène une véritable théâtralisation du désespoir. Dans un « one-woman show », Lélia monte sur la crête du rocher et proclame que « grâce à la trahison de Sténio » elle va pouvoir surmonter sa déception et abandonner tout espoir de vivre un amour d’ordre terrestre. La phrase magnifique qu’elle prononce : « Lélia saura sauver Lélia », semble au premier abord folle d’orgueil, mais va s’avérer juste, comme le montrera la fin de la scène.

Première étape de sa sublimation : en renonçant à l’amour, Lélia va pouvoir se maintenir dans son « palais de cristal », image mystico-poétique à double résonance. En effet, on la trouve dans Les Veillées du château de Mme de Genlis ainsi que dans de nombreux contes de fées pour décrire les palais exceptionnels de certaines fées bienfaisantes. Mais cette image est aussi d’ordre mystique, comme le démontre Sainte Thérèse d’Ávila pour désigner son aventure spirituelle. Deuxième étape : Lélia adopte la posture de la pythonisse en faisant de son rocher une plateforme qui va lui permettre de « dire adieu à un monde qui s’écroule » (Lélia, II, 9). Elle fulmine contre l’amour masculin : « L’amour des hommes est un lupanar », affirme-t-elle, et les hommes sont plus vils que les courtisanes, car ils promettent l’amour alors que celles-ci n’offrent que le plaisir : « D’où vient qu’on refuse aux femmes pures la faculté de sentir le dégoût et le droit de le manifester aux hommes impurs qui les trompent ? » (Lélia, II, 13). La révélation des « vérités hideuses » de l’amour se déploie devant elle. Les hommes sont les pécheurs, leurs victimes foulées aux pieds de la société par une insolente inversion de la vérité sexuelle. En ayant « tout remis en question » (Lélia, II, 14), Lélia peut donner libre cours à sa fureur dans un morceau d’éloquence qui se lit comme un passage violent d’une grande poéticité. Dans un troisième temps de ce discours, le travail de sublimation a réussi. Lélia se calme, renoue sa chevelure – signe qu’elle reprend la maîtrise de ses émotions – et annonce que sa double lutte est finie, lutte contre l’Autre abject, lutte avec elle-même. La résolution ne pouvait venir que d’elle. Lélia semble en effet avoir sauvé Lélia. L’image finale évoque Prométhée qui, à la différence de Lélia, était prisonnier de son rocher. Celle-ci refuse d’y être attachée et renvoie le vautour maléfique d’un geste dédaigneux de la main. La scène qu’elle a orchestrée elle-même a atteint son terme. Elle s’adresse à la pierre : « j’ai été clouée […] à ton flanc comme Prométhée, mais je n’ai pas attendu qu’un vautour vint me ronger le foie, et j’ai rompu tes anneaux de fer de la même main qui les avait rivés » (Lélia, II, 16).

Cette féminisation de Prométhée nous présente une Prométhéa victorieuse, détachée de son temps. Sa sublimation poético-religieuse est accomplie. En disant « non », elle s’est libérée du fardeau de l’amour déçu.

Du triomphe de Prométhéa à sa défaite finale

Mais ce moment de « victoire homérique » (Lélia, II, 15) n’est que de courte durée. Le « non » de Lélia va la mener dans une chartreuse ruinée dans les montagnes du nord de l’Italie. Même décor alpestre donc et mêmes personnages puisque Lélia, dans son dernier discours délirant, va de nouveau s’adresser à son ami Trenmor. Cette dernière improvisation est pleine d’images poétiques à résonances lugubres : le monde semble l’écraser, elle se compare à un nain qui serait obligé de porter un géant, les cordes de son âme se brisent. Trois stratégies majeures sont utilisées pour exprimer pleinement et poétiquement son désespoir et son égarement.

D’abord il s’agit de constater la présence d’un être invisible qui change de face et d’identité à tout moment et qui en vient à incarner toutes les souffrances nobles subies sur cette terre par les êtres supérieurs. Tantôt c’est le grand Lucifer avant sa chute, tantôt la figure du martyr, ou un fantôme spectral, enfin Prométhée lui-même qui « voulait affranchir l’homme des liens de sa fatalité » (Lélia, II, 158) et avoue désormais sa défaite. Tous ces personnages souffrants qui errent et crient dans un espace céleste incarnent les grands moments de l’Humanité qui refuse le monde tel qu’il est : « Les hommes t’ont donné mille noms symboliques : audace, désespoir, délire, rébellion, malédiction » (Lélia, II, 158). Quant à Lélia, cet être invisible incarne le désir effréné de trouver la vérité de l’existence : « Depuis dix mille ans j’ai crié dans l’infini : « Vérité, vérité ! Depuis dix mille ans, l’infini me répond : Désir, Désir » (Lélia, II, 159).

Dans une deuxième stratégie, Sand déforme le temps pour nous montrer une Lélia capable de remonter dans le temps. On la voit accompagner les grands héros du passé qui ont souffert et partager avec eux leurs hideux supplices. Elle voyage dans les sept cercles de l’Enfer avec Dante, saute dans le gouffre avec Curtius, se voit enfermée comme Régulus dans une cage à multiples pointes qui l’empêche de se mouvoir. Elle partage la passion du Christ et pleure les larmes de Marie. Elle a été témoin de « tous les gibets », elle a été « consumée sur tous les bûchers », elle a lutté avec tous les démons (Lélia, II, 154). Sa quête qui lui a fait vivre tous ces tourments n’a pas porté ses fruits. Ici, Prométhéa devient une « sibylle désolée » dont la sagesse et les prophéties n’ont servi qu’à faire jaillir tourments et désolation. Lélia dit « non » à ce passé dans lequel elle n’a trouvé que des atrocités et pas la moindre illumination.

Le troisième procédé adopté confirme que Lélia n’appartient ni au passé, ni au présent, mais à l’avenir. Elle est née trop tôt : « L’idée de voir l’Ancien Monde finir sans faire surgir un monde nouveau lui était amère et insupportable » (Lélia, II, 156)19. Là où Jeanne était un personnage archaïque, Lélia est en avance sur son temps. Quoiqu’elle se sente vieille de mille ans, selon les dires de Trenmor, « cette femme [est] née cent ans trop tôt » (Lélia, II, 60). Tragiquement, son désir d’amour ne trouve aucun être auquel elle pourrait s’attacher, car, dit-elle : « J’aime… mais je n’aime personne […] L’homme que je pourrais aimer n’est pas né, et il ne naîtra peut-être que plusieurs siècles après ma mort » (Lélia, II, 137). Comme Jeanne, Lélia se trouve donc en porte à faux avec la société contemporaine.

Deux personnages sandiens qui tout en étant sœurs, sont bien loin l’un de l’autre. Et pourtant, quelques traits distinctifs les rapprochent : le sentiment de ne pas trouver leur place dans le monde tel qu’il est constitué ; leur besoin de poésie et de rêves pour avoir le courage de vivre ; leur vision d’une meilleure société où l’égalité entre les classes et entre les sexes l’emporte ; enfin, un besoin de spiritualité et une dénonciation du matérialisme croissant de cette nouvelle France postrévolutionnaire qui a oublié sa raison d’être et ses valeurs initiales.

Les deux héroïnes remettent en question les représentations sociales de leur temps et de leur culture. Jeanne et Lélia refusent de vivre selon les dictats de leur époque. En disant « non » – non au mariage, non à l’inégalité entre les sexes, non à la construction sociale des liens entre l’homme et la femme –, les deux héroïnes refusent le monde tel qu’il a été façonné en ce xixe siècle prosaïque qui protège les injustices et renforcent les inégalités. Jeanne rejette les principes de sa société qui vont de soi – le mariage, la promotion sociale, la préférence pour le viol plutôt que la mort, l’argent. Lélia ne jouit pas de son intelligence, de son génie qui ne lui apporte aucune satisfaction, aucun pouvoir permanent. Au contraire. Le principe qui veut que « sciencia potestas est » (attribué à Hobbes) ne fonctionne pas. Son intellect est une malédiction.

Les deux conclusions de Jeanne et de Lélia confirment le fait que les représentations contemporaines du social sont incompatibles avec la vie de l’héroïne. Jeanne s’est réfugiée dans le temps irréel de l’âge d’or et a été broyée par les exigences du présent. Elle ne sait pas négocier son rapport avec le réel. Lélia a cherché dans le passé des réponses d’ordre existentiel qui n’ont pas abouti. De plus, elle est en porte à faux avec le réel du présent, car elle est faite pour l’avenir. L’une meurt d’une commotion cérébrale – symbole de son incapacité de rester dans le monde tel qu’il est constitué –, l’autre s’effondre de douleur et de désespoir et trouve également la mort. À travers ces deux personnages, et grâce à une transposition et à une métamorphose des figures mythiques qui lui sont liées, Sand insiste sur l’identité sociale et culturelle impossible pour les êtres supérieurs dans la France d’avant 1848.

1 George Sand, « Préface générale de 1842 », Questions d’art et de littérature, des femmes, 1991, p. 19.

2 Ibid., p. 19-20.

3 George Sand, Correspondance, G. Lubin éd., Paris, Garnier, 1969, V, p. 826-827.

4 Cf. « Faire douter du mensonge auquel on croit, crier après la vérité qu’on oublie, c’est assez pour ma part, et ma mission n’est pas plus haute

5 Cf. « Ce qui nous rend toujours si ardents à une révolution morale de l’humanité, c’est le sentiment religieux et philosophique de l’égalité, d’une

6 Sand, Correspondance, IV, p. 11.

7 George Sand, Jeanne, S. Vierne éd., Éditions de l’Aurore, 1986, p. 28. Les références dorénavant se feront dans le texte.

8 George Sand, Jeanne, p. 169. Souligné dans le texte. On peut voir dans cette référence à d’Urfé la confirmation que l’histoire des Gaulois est une

9 Jeanne se rend bien compte de sa différence, ce qui ne l’empêche pas d’essayer de la défendre. Elle s’adresse ainsi à Marsillat : « Vous autres

10 Luce Irigaray, Sexes et parentés, Paris, Éditions de Minuit, 1987, p. 206.

11 Toute la production de Sand a été mise à l’Index à partir de 1833, avec la parution de la première Lélia.

12 Balzac, Le Père Goriot, Paris, Gallimard, coll. « Folio », p. 339.

13 Cf. « Je trouvai à Nohant les contes de Mme d’Aulnoy et de Perrault dans une vieille édition qui a fait mes délices pendant cinq ou six années. »

14 Les tapisseries sont aujourd’hui, en grande partie grâce aux efforts de George Sand pour les sauver, au musée de Cluny à Paris.

15 On peut bien sûr aussi voir Sand ici rejouer le drame d’Atala qui avait fait un vœu semblable à sa mère et donc ne pouvait épouser Chactas. Mais

16 Louise Vincent, George Sand et le Berry, Paris, Champion, 1919, 2 vols. II, p. 278, 275. Voir particulièrement les « Chansons recueillies dans la

17 Voir mon George Sand mythographe, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2007, p. 58-61.

18 George Sand, Lélia (texte de l’édition 1839), B. Didier éd., 2 vols., Éditions de l’Aurore, 1987, I, 209. Toutes les références à cet ouvrage se

19 Même regret cuisant dans le premier testament de Spiridion, texte écrit à la même époque, en 1838. Spiridion et Lélia se trouvent ainsi encore une

Notes

1 George Sand, « Préface générale de 1842 », Questions d’art et de littérature, des femmes, 1991, p. 19.

2 Ibid., p. 19-20.

3 George Sand, Correspondance, G. Lubin éd., Paris, Garnier, 1969, V, p. 826-827.

4 Cf. « Faire douter du mensonge auquel on croit, crier après la vérité qu’on oublie, c’est assez pour ma part, et ma mission n’est pas plus haute que cela. » (Sand, Correspondance, V, p. 827).

5 Cf. « Ce qui nous rend toujours si ardents à une révolution morale de l’humanité, c’est le sentiment religieux et philosophique de l’égalité, d’une loi divine […] reconnue enfin et conquise en principe, mais regardée encore comme impossible en fait […] niée et repoussée par les nobles, les prêtres, le souverain, la bourgeoisie… » (Sand, Correspondance, V, p. 539. C’est moi qui souligne).

6 Sand, Correspondance, IV, p. 11.

7 George Sand, Jeanne, S. Vierne éd., Éditions de l’Aurore, 1986, p. 28. Les références dorénavant se feront dans le texte.

8 George Sand, Jeanne, p. 169. Souligné dans le texte. On peut voir dans cette référence à d’Urfé la confirmation que l’histoire des Gaulois est une variante du thème de l’Âge d’or et du rêve arcadien. Voir Dubois, Celtes et Gaulois au xvie siècle, pp. 16, 101. On retrouve une référence semblable dans le discours de Wanda dans La Comtesse de Rudolstadt.

9 Jeanne se rend bien compte de sa différence, ce qui ne l’empêche pas d’essayer de la défendre. Elle s’adresse ainsi à Marsillat : « Vous autres savants, vous avez vos idées, et nous avons les nôtres. Nous sommes simples, je le veux bien, mais nous voyons aux champs, où nous vivons de jour et de nuit, des choses que vous ne voyez pas et que vous ne connaîtrez jamais. » (Jeanne, p. 189).

10 Luce Irigaray, Sexes et parentés, Paris, Éditions de Minuit, 1987, p. 206.

11 Toute la production de Sand a été mise à l’Index à partir de 1833, avec la parution de la première Lélia.

12 Balzac, Le Père Goriot, Paris, Gallimard, coll. « Folio », p. 339.

13 Cf. « Je trouvai à Nohant les contes de Mme d’Aulnoy et de Perrault dans une vieille édition qui a fait mes délices pendant cinq ou six années. », Histoire de ma vie, G. Lubin éd., Paris, Gallimard, coll. « Pléiade », 1971, I, p. 618.

14 Les tapisseries sont aujourd’hui, en grande partie grâce aux efforts de George Sand pour les sauver, au musée de Cluny à Paris.

15 On peut bien sûr aussi voir Sand ici rejouer le drame d’Atala qui avait fait un vœu semblable à sa mère et donc ne pouvait épouser Chactas. Mais dans le scénario sandien, le « non » de Jeanne a tout un fondement idéologique complexe que n’a pas le « non » d’Atala, simple jouet du catholicisme fanatique de sa mère.

16 Louise Vincent, George Sand et le Berry, Paris, Champion, 1919, 2 vols. II, p. 278, 275. Voir particulièrement les « Chansons recueillies dans la Vallée Noire » à la fin du 2e volume.

17 Voir mon George Sand mythographe, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2007, p. 58-61.

18 George Sand, Lélia (texte de l’édition 1839), B. Didier éd., 2 vols., Éditions de l’Aurore, 1987, I, 209. Toutes les références à cet ouvrage se feront dorénavant dans le texte.

19 Même regret cuisant dans le premier testament de Spiridion, texte écrit à la même époque, en 1838. Spiridion et Lélia se trouvent ainsi encore une fois enchevêtrés.

Citer cet article

Référence électronique

Isabelle HOOG NAGINSKI, « Mythographie sandienne et lecture sociopoétique », Sociopoétiques [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 05 novembre 2016, consulté le 29 mars 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=620

Auteur

Isabelle HOOG NAGINSKI

Tufts University

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