Métamorphoses d’un accessoire

La pantoufle au féminin en régime romanesque (xixe siècle)

DOI : 10.52497/sociopoetiques.483

Index

Mots-clés

pantoufle au féminin, Cendrillon, peinture, érotisme, roman

Keywords

female slippers, Cinderella, painting, erotism, novel

Plan

Texte

Le mot « pantoufle », d’origine obscure1, remonte au xve siècle où il existe en français, en catalan (il est attesté depuis 1463 sous la forme pantofle), en portugais (pantufo au xvs.) et en italien2, d’après le Trésor de la Langue française. On rapproche parfois pantoufle de pantin*, du dialectal pantet : « pan de chemise », ce qui en fait un dérivé de pan* à l’aide du suffixe -oufle qui connoterait des objets plus ou moins gonflés ou des bruits plus ou moins sourds : la pantoufle aurait été à l’origine une chaussure d’étoffe. Le Dictionnaire historique de la langue française (Robert, A. Rey) précise que le mot désigne dès ses premières attestations la chaussure d’intérieur (étoffe ou cuir souple) que l’on connaît aujourd’hui. Un second sens apparaît toutefois : le terme peut désigner des « chaussures à semelle épaisse et à haut talon portées par les femmes élégantes » (1480), ou bien un chausson souple que l’on glissait à l’intérieur des chaussures. L’évolution historique joue un rôle important dans les connotations liées à l’objet et dans ce contexte le xixsiècle correspond à un tournant, car l’avènement de la bourgeoisie fait naître des emplois péjoratifs qui réactivent des nuances déjà sensibles au xvie siècle : « Maistre pantoufle » était le symbole de la bêtise et de la nullité. Le dérivé « pantouflard-e » est créé au xixsiècle. Selon Maurice Tournier dans « La graisse vorace. Petits mythes populaires au service des désignations sociopolitiques à la fin du xixsiècle », « [o]n a appelé Pantouflards et Pantoufles en 1870 les Parisiens âgés enrôlés dans la garde nationale […]. L’Histoire d’un pantouflard (18833) dresse ensuite le portrait du bourgeois devenu pépère4 », écrit-il. La pantoufle au masculin, on le voit, évolue dans un univers calfeutré à l’horizon borné et dans un milieu bourgeois, jamais bien éloigné de la caricature. Mais il en va tout autrement de la pantoufle qui chausse un pied féminin, enveloppe douillette aux couleurs et aux finitions charmantes5 propre à rehausser les charmes de ce pied si prisé aux xviiie et xixe siècles. La Pauline de Raphaël, dans La Peau de Chagrin, est séduisante jusque dans la pauvreté, avec son « pied mignon dans d’ignobles souliers », mais sa beauté s’épanouit bien autrement lorsque, « enveloppée d’un long peignoir », elle montre « un petit pied blanc veiné de bleu dans une pantoufle de velours noir6 ». Comme le souligne Jean-Pierre Saïdah7, si « la pantoufle a connu la célébrité avec Cendrillon », elle « connaîtra aussi un avatar singulier » au xixe siècle, où elle se distingue clairement dans ses usages, ses fonctions et ses connotations selon qu’elle relève du domaine féminin ou du domaine masculin. Notons, à l’inverse, que sa dimension symbolique et fantasmatique, bien que parfois résiduelle, s’est fortement atténuée de nos jours8.

C’est cette perception genrée de l’objet qui nous intéresse : pensée au masculin, la pantoufle évoque un type (le bourgeois), une physiologie (flegme et frilosité), un attirail – comme celui qu’évoquent les Goncourt parlant de Sainte-Beuve : « la robe de chambre, le pantalon, la chaussette9 », mais garde quelque autonomie en tant qu’objet. En revanche, pensée au féminin, elle n’est guère dissociable du corps de la femme, fût-il absent, et elle en garde l’image en creux.

Un prototype insolite : la pantoufle de Cendrillon

Le conte rendu célèbre par Charles Perrault en 1697 a pour titre « Cendrillon ou la petite pantoufle de verre ». Des huit Histoires ou contes du temps passé. Avec des Moralités, c’est le seul titre à poser une équivalence entre un personnage et un objet, cette pantoufle énigmatique qui a fait couler beaucoup d’encre. C’est aussi, de l’ensemble des objets mis à la disposition de Cendrillon dans le conte, le seul à ne pas résulter d’une métamorphose : « elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde10 » et le seul élément de sa tenue vestimentaire à ne pas changer d’une scène à l’autre. Chacun se souvient de la séquence décisive du conte, où tout bascule, lors de la seconde incursion de la jeune fille au bal. Cendrillon, « encore plus parée que la première fois » laisse filer le temps et doit partir précipitamment :

Elle se leva et s’enfuit aussi légèrement qu’aurait fait une biche : le Prince la suivit, mais il ne put l’attraper ; elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre, que le Prince ramassa bien soigneusement11.

La pantoufle fait sens à partir du moment où Cendrillon s’en sépare malgré elle. Le conte ne s’attarde pas sur cette action dont il développe seulement les conséquences mais, si la pantoufle s’investit d’une forte valeur symbolique, c’est précisément en raison de ce moment où une faille s’introduit dans l’histoire de la jeune fille, histoire que cette faille déconstruit pour mieux la reconstruire en faisant advenir in fine la nouvelle identité de Cendrillon, l’autre en elle, révélée par l’objet.

S’interrogeant sur la nature exacte de cette « pantoufle », dont elle se demande « de quel type de chaussure il s’agissait » et si elle ressemblait « à ce que nous nommons aujourd’hui pantoufle », Henriette Walter réfère à une version orale du conte, Cendrousette, où il est précisé « qu’autrefois on prenait des pantoufles pour danser et des souliers pour marcher12 ». Aussi logique qu’elle semble (une pantoufle serait plus souple), la précision entre toutefois en contradiction avec l’ensemble du syntagme perraltien, dont l’orthographe a d’ailleurs suscité toute une querelle : entre « vair » (de la fourrure certes souple mais peu appropriée pour la danse) et « verre ». La bonne orthographe (« verre ») fait de la pantoufle de Cendrillon un objet dont le signifié importe plus que le signifiant, une chaussure de bal élégante mais peu adéquate, excepté si l’on pense que la finalité de l’épisode est de faire de l’objet un moyen de sélection efficace en raison même de sa transparence et de sa rigidité :

[I]l ne faudrait pas négliger le fait que Perrault avait bien écrit verre dans la première édition de son conte. Or, s’il l’a fait, on peut aussi se demander si ce n’était pas pour les besoins du conte, attendu que la pantoufle devait revenir à la seule jeune fille qui pourrait l’enfiler sans difficulté. Or, quoi de plus rigide et absolument inextensible que du verre ? Une pantoufle en fourrure aurait au contraire pu se prêter à la forme et à la taille de bien des pieds différents. [….] Cette hypothèse d’une pantoufle effectivement en verre justifierait pleinement la chaussure transparente de Cendrillon du film de Walt Disney, mais aussi les traductions en italien (cristallo) ou en allemand (Kristal) du mot français du conte de Perrault13.

Cette pantoufle de bal défiant toutes les catégories aurait donc une valeur non seulement sociale, mais aussi symbolique. Elle en vient en effet à représenter par synecdoque toute la féminité de la jeune fille, ordinairement dissimulée sous des étoffes grossières. La dimension érotique qu’acquiert ainsi la chaussure de Cendrillon a pu influencer la réception de l’objet « pantoufle » décliné au féminin, surtout quand il prend aux xviiie et xixe siècles, des allures délicates et sophistiquées combinant les séductions de l’amour et les douceurs du foyer.

La diffusion de la pantoufle dans un contexte social qui promeut tout à la fois l’exploitation commerciale de l’objet manufacturé et le fétichisme du pied féminin et de ses parures explique la relative fréquence des pantoufles de femmes dans les romans du xixe siècle et leur intégration régulière à une scène topique dont le roman de Rétif de la Bretonne, Le Pied de Fanchette (1769), pourrait être le précurseur. Dans l’article qu’il consacre à ce roman, Didier Masseau souligne le caractère indissociable du pied, objet de fantasme à la fois personnel (propre à Rétif) et collectif, et de « ce qui l’enveloppe comme une gaine précieuse et en épouse la délicate courbure, la chaussure ou la mule14 », en l’occurrence « une mule bleue céleste, garnie d’un réseau en argent15 ». Et il rapproche ce traitement, en accord avec la sensibilité de l’époque, du motif peint par Fragonard dans Les Hasards heureux de l’escarpolette (1767) où une mule rose « méticuleusement dessinée […], se détache de la scène avec insolence et provocation ». « Ne fixe-t-elle pas », poursuit-il, « dans un instantané toutes les pulsions éparses qu’éveillent les images du temps16 ? » L’intégration de cette image au roman ne ferait « donc que majorer une image qui [serait] déjà dans l’air du temps17 ».

Flaubert et ses femmes à la pantoufle

Si de façon générale l’objet envahit la scène de la représentation au xixe siècle, il le fait tout spécialement dans l’univers de Flaubert. Dans Madame Bovary (1857), la catégorie des vêtements et plus encore des accessoires – chaussures, écharpes, ceintures, montre à breloques, etc. –édifie « un réseau thématique et un système sémiotique » majeurs, qui auraient pour finalité de « faire découvrir l’âme » des personnages, si l’on en croit Claudine Gothot-Mersch et, à sa suite, Liana Nissim18. À l’intérieur de ce réseau, les allusions à la chaussure sont particulièrement fréquentes (plus d’une cinquantaine). Et dans ce système éminemment genré dans le roman de Flaubert, la chaussure féminine se décline dans toute sa variété : petits sabots à talons, bottines, souliers de prunelle ou de satin, pantoufles. Si l’on met à part le fétichisme bien connu du romancier (et sa dévotion fantasmatique pour « les petites pantoufles brunes » de Louise Colet19), mais aussi la valeur indicielle de cet objet de prédilection qui fonctionne comme marqueur social et qui reflète la mode du temps, on pourra suivre au fil des variations dont son traitement fait l’objet l’évolution de « l’âme » du personnage en relation avec les représentations de l’époque.

Emma Bovary, en héritière désabusée de Cendrillon, doit d’abord se défaire de ses chaussons de retour du bal, dans le chapitre 8 de la première partie :

Elle se résigna pourtant ; elle serra pieusement dans la commode sa belle toilette et jusqu’à ses souliers de satin, dont la semelle s’était jaunie à la cire glissante du parquet. Son cœur était comme eux : au frottement de la richesse, il s’était placé dessus quelque chose qui ne s'effacerait pas.

La marque imprimée sur la chaussure (ces élégants « souliers de satin » aux sonorités évocatrices, de vraies pantoufles de bal) est le signe d’un manque qui sera définitif. Lorsque Cendrillon chausse la petite pantoufle sous les yeux du gentilhomme chargé de rechercher la jeune fille : « il vit qu’elle y entrait sans peine, et qu’elle y était juste comme de cire20» Chez Flaubert, où bien au contraire la cire reste un signe extérieur de richesse, les souliers de satin sont les pauvres reliques d’une féminité à l’épiphanie fugace. C’est pourquoi la séquence des pantoufles de satin rose, dans la troisième partie du roman, loin d’être un simple épisode narratif marquant une étape à l’intérieur de la diégèse, fait scène en refigurant autrement le motif de la pantoufle, au centre d’un dispositif signifiant.

Ce n’est pas la première fois qu’Emma arbore des « pantoufles ». Dans le chapitre IX de la première partie, la jeune femme qui sombre dans l’ennui est ainsi décrite :

L’après-midi, quelquefois, elle allait causer en face avec les postillons. Madame se tenait en haut, dans son appartement.
Elle portait une robe de chambre tout ouverte, qui laissait voir, entre les revers à châle du corsage, une chemisette plissée avec trois boutons d’or. Sa ceinture était une cordelière à gros glands, et ses petites pantoufles de couleur grenat avaient une touffe de rubans larges, qui s’étalait sur le cou-de-pied. Elle s’était acheté un buvard, une papeterie, un porte-plume et des enveloppes, quoiqu’elle n’eût personne à qui écrire ; elle époussetait son étagère, se regardait dans la glace, prenait un livre, puis, rêvant entre les lignes, le laissait tomber sur ses genoux.

L’objet fait partie d’une panoplie. Il est « démonstratif » et sa signification se replie sur cette seule fonction de monstration. Mais plus tard à Rouen, à l’hôtel avec Léon, une scène romanesque et iconique s’édifie autour de ce même objet :

Ils étaient si complètement perdus en la possession d’eux-mêmes, qu’ils se croyaient là dans leur maison particulière, et devant y vivre jusqu’à la mort, comme deux éternels jeunes époux. Ils disaient : notre chambre, notre tapis, nos fauteuils, même elle disait : mes pantoufles, un cadeau de Léon, une fantaisie qu’elle avait eue. C’étaient des pantoufles en satin rose, bordées de cygne. Quand elle s’asseyait sur ses genoux, sa jambe, alors trop courte, pendait en l’air ; et la mignarde chaussure, qui n’avait pas de quartier, tenait seulement par les orteils à son pied nu.
Il savourait pour la première fois l’inexprimable délicatesse des élégances féminines. Jamais il n’avait rencontré cette grâce de langage, cette réserve du vêtement, ces poses de colombe assoupie. Il admirait l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe. D’ailleurs, n’était-ce pas une femme du monde, et une femme mariée ! une vraie maîtresse, enfin ? (III, 5)

Si la pantoufle s’inscrit dans tout un ensemble qui désigne la sphère de l’intime (chambre, tapis, fauteuils), elle se singularise par l’expansion descriptive qu’elle génère et qui s’articule selon deux axes complémentaires : le premier définit la symbolique intrinsèque à l’objet, le second détermine la lecture iconique de la scène, et c’est un Fragonard quelque peu grotesque qui fait retour.

S’il est vrai que chaque objet présent dans Madame Bovary est « un foyer sémique, un noyau métaphorique saturé de connotations21 », cette vocation signifiante des objets procède en partie de leur mise en réseau et des variantes ou des contrastes qu’elle génère. Il en va ainsi des couleurs dans le domaine vestimentaire, comme l’a montré Liana Nissim. Selon elle, le jeu chromatique se décline dans ce roman suivant un triple paradigme : le bleu et le blanc conjugués (avec une nette dominante bleue)22, le jaune, qui correspond à l’épanouissement affiché de la sensualité23, et enfin le noir lorsque Emma part à Rouen. Or à l’intérieur de ce réseau, les « pantoufles en satin rose, bordées de cygne », font exception. Elles sont un objet exotique, au sens où cet objet se situe en dehors de la sphère sociale et plus globalement du système de signes auquel appartient Emma. Leur couleur marque clairement cette exception et renvoie à un érotisme de convention dont l’incongruité est comme soulignée. Mais parallèlement, ce point lumineux attire l’attention sur un fragment iconique – « Quand elle s’asseyait sur ses genoux, sa jambe, alors trop courte, pendait en l’air ; et la mignarde chaussure, qui n’avait pas de quartier, tenait seulement par les orteils à son pied nu » – qui revisite le tableau de Fragonard24, parallèle que corrobore l’épithète « mignarde ». Mais dans cet intérieur perçu comme domestique et sur le pied d’Emma, l’oscillation de la pantoufle reste hésitante et le geste érotique inaccompli. L’audace du tableau ainsi revisité s’atténue et la scène procède d’une forme de déconstruction, voire de parodie dérisoire. Elle donne à voir une forme de domestication du libertinage : l’hôtel, lieu des rencontres adultérines, s’euphémise en « maison particulière » sous l’effet des possessifs répétés et la scène de la femme à la pantoufle met en spectacle un mimétisme inabouti et une déperdition d’être qui seront fatals à l’héroïne.

Dans L’Éducation sentimentale de 1869, l’objet tend vers le stéréotype. Lorsqu’il rend visite à « la Maréchale », Frédéric voit Rosanette « enveloppée dans une sorte de peignoir en mousseline blanche garnie de dentelles, pieds nus dans des babouches25 ». Signe de la mode orientalisante qui imprègne le roman dès l’« apparition » de Marie Arnoux sur la Ville-de-Montereau, les « babouches » sont un marqueur d’excentricité qui renvoie à une sensualité plus provocante et plus crue. Leur fonction érotisante est ici réduite à sa plus simple expression. Et plus tard, quand Frédéric tentera une mise en scène pour préparer son « coup » raté avec Mme Arnoux, la pantoufle, qui aura retrouvé une désignation lexicale plus commune, réactivera le topos rétivien sans pour autant parvenir à en réaliser le potentiel érotique :

Puis il alla dans trois magasins acheter la parfumerie la plus rare ; il se procura un morceau de fausse guipure pour remplacer l’affreux couvre-pieds de coton rouge, il choisit une paire de pantoufles en satin bleu26.

L’objet vacant redouble l’attente de Frédéric, « le délire de son espérance27 ». On connaît la suite : Marie Arnoux, empêchée, ne chaussera jamais les pantoufles en satin bleu, ce qui revient à dire qu’elle n’accédera jamais au rôle d’amante et que la dimension potentiellement érotique du personnage restera définitivement à l’état de virtualité. Et lorsque Rosanette se substituera à Marie dans l’hôtel de la rue Tronchet, « dans le logement préparé pour l’autre », les pantoufles fonctionneront à la façon d’un signe vidé de sa substance, comme un cliché frappé au coin par l’ironie : « Les fleurs n’étaient pas flétries. La guipure s’étendait sur le lit. Il tira de l’armoire les petites pantoufles. Rosanette trouva ces prévenances fort délicates28 ». La pantoufle, devenue simple « accessoire sur la voie de la galanterie29 », a pour fonction de révéler un état social : dans les années 1840 (temps de l’histoire), la passion ne peut qu’être « inactive »30.

Mule ou pantoufle ?

Dans le relevé lexicologique effectué par Henriette Walter, plusieurs termes participent de l’arborescence sémantique du mot « pantoufle » : notamment « babouches », « mules », et dans un registre plus familier et dépréciatif, « savates ». Dans les romans du xixe siècle, les mules – essentiellement féminines – font souvent concurrence à l’objet « pantoufle », auquel elles se confondent parfois, jusqu’à intervertir les désignatifs dans un même texte. Du reste, c’est bien déjà une mule qu’Emma balance au bout de ses orteils. La confusion est à son comble lorsque le même Flaubert, dans Hérodias, décrit la tenue de la danseuse : « Un carré de soie gorge-pigeon, en couvrant les épaules, tenait aux reins par une ceinture d’orfèvrerie. Ses caleçons noirs étaient semés de mandragores, et d’une manière indolente elle faisait claquer de petites pantoufles en duvet de colibri » en lesquelles on devine des mules. Pantoufle sans talon, la mule, une fois apprivoisée en terre parisienne, diffuse un délicat parfum d’orientalisme, dans le sillage sans doute de l’attraction durable suscitée depuis le xviiie siècle par les Contes des mille et une nuits31. L’étymologie l’atteste, « le vocable « mule » a lui aussi une origine complexe (qui pourrait être associée à la couleur rouge : mullus, qui désigne un rouget, ou un poisson rouge) et désigne dès le xvie siècle une pantoufle qui laisse le talon découvert.

Dans le conte de Villiers de L’Isle-Adam, « Véra », le regard du comte d’Athol observant les objets épars dans la « chambre veuve » de sa défunte épouse s’attarde, au pied du lit, sur « les petites mules de velours oriental, sur lesquelles une devise rieuse de Véra brillait, brodée en perles : Qui verra Véra l’aimera32. » Réduites à l’état de choses à vocation mémorielle, les « mules » de Véra font signe vers une féminité délicatement orientalisée. Trente ans plus tôt, Barbey d’Aurevilly dotait l’héroïne de son roman, Une vieille maîtresse, une Malagaise ni belle, ni jeune, mais envoûtante, de « mules » dans un contexte ouvertement exotique où la chaussure avait double fonction : désignateur social et marqueur métatextuel. Celle que l’on appelle « la Vellini » arbore en effet maintes tenues vestimentaires et s’orne de maints objets : bijoux, miroirs, pantoufles, qui l’assimilent tour à tour à une sorcière ou à une bohémienne, figures de la marge. Les connotations exotiques (au sens géographique et anthropologique du terme, mais aussi dans un sens plus symbolique) de ces parures sont manifestes. À titre d’exemple, l’un des multiples portraits de « la Vellini » la présente les bras nus avec « trois ou quatre sortes de bracelets les uns sur les autres » ; elle s’est chaussée « de mules mauresques écarlates, chaussures malagaises [qu’elle] aimait à traîner en souvenance de son pays33 ». La pantoufle, plus fréquemment désignée par le terme de « mule » dans ce roman, contribue donc en premier lieu à marginaliser ce personnage, du côté du nomadisme et des métamorphoses. Mais elle fait plus. En effet, dans l’ensemble des portraits labiles qui prétendent cerner « la Vellini », deux passages fixent une séquence où se croisent masculin et féminin en un tableau centré sur la mule ou la pantoufle, qui suspend la narration et prend, là aussi, une valeur iconique (et poétique).

La première scène se situe dans la première partie du roman et présente le vicomte de Prosny qui rend visite à la Malagaise dans son riche appartement parisien :

Il la dominait puisqu’il était assis sur le fauteuil et elle à terre. Elle était changée depuis deux ans. Elle avait vieilli. L’égoïste, blessé par elle dans le sentiment de ses infirmités physiques, vit que la raie des cheveux s’était élargie, que quelques fils d’argent apparaissaient dans le miroir noir des bandeaux. Elle avait une espèce de blouse de soie sans corset, fixée par une ceinture. Ses pieds nus, aussi bruns que sa joue, étaient au large dans des pantoufles de velours brodées de perles. Traître costume qui montrait bien qu’elle n’avait plus ses vingt-cinq ans ! La seule chose immortelle était la grâce indolente et jeune avec laquelle elle posait sa petite main sous la griffe d’or de sa peau de tigre, en écoutant M. de Prosny. […]34
Elle fit un petit mouvement d’une impertinence adorable et jeta en l’air du bout de son pied sa pantoufle, qui, après deux tours vers le plafond, alla retomber sur le lit. Son mouvement découvrit une délicieuse jambe de promesse et de perdition qui donna comme un soufflet du diable dans les yeux alléchés du vicomte de Prosny. C’était une de ces jambes tournées pour faire vibrer, dans les plus folles danses de l’amour, le carillon de tous les grelots de la Fantaisie, et autour desquelles l’imagination émoustillée s’enroule, frétille et se tord en montant plus haut, comme un pampre de flammes monte autour d’un thyrse. […] « Pécayère ! – fit le vieux Prosny, en flûtant sa voix libertine35.

La dynamique que le mouvement intentionnel du pied imprime à la pantoufle brodée constitue le pivot de la scène qui, grâce au relais iconique sur lequel elle repose manifestement, fait émerger le sens en réorientant la lecture et révèle par là les principes de la poétique romanesque de l’écrivain.

Le geste du personnage féminin dans le tableau de Fragonard, qui est là aussi une matrice possible du texte (à l’état de réminiscence inconsciente, peut-être), est transposé dans une scène d’intérieur qui renverse la disposition des figurants. L’homme spectateur, figure de l’observateur (c’est un analyste), se trouve en position surplombante, « assis sur le fauteuil » et non plus renversé dans un fouillis végétal, tandis que la femme est « à terre », allongée sur une peau de bête. Elle reproduit néanmoins le geste provocateur, non pas en signe d’invite, mais de défi. Mais le mouvement ascensionnel imprimé à la pantoufle est exacerbé et prend des connotations plus sauvages : il y a de la saltimbanque en Vellini. La trajectoire suivie par l’objet, quant à elle, est explicite et permet de décrypter la scène à un premier niveau : du corps qui se dévoile jusqu’au lit, l’objet dessine une arabesque amoureuse dont la puissance érotique est clairement soulignée. Le personnage masculin est sensible à cette lecture : sa réaction, qui le transforme d’analyste, voire de moraliste, en voyeur – sa voix devient « libertine » – fait accéder l’autre lecteur que nous sommes à cette dimension du tableau dont l’effet majeur est de nous faire éprouver la dualité de ce personnage féminin. En effet, la cohérence sémiotique qui caractérise la peinture de Fragonard (la fraîcheur et la joliesse de la jeune femme, l’élégance raffinée de sa tenue, son côté « mignard ») fait défaut à la scène romanesque composée par Barbey. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une femme « vieillie », que l’on juge même laide dans ce même chapitre où elle est comparée à sa superbe soubrette, Olivia. L’interjection du vieux Prosny révèle pourtant la puissance de séduction de la « vieille maîtresse » au corps plein de surprises. Mais cette première clé en appelle une seconde, plus essentielle. L’objet et le geste qui l’accompagne et qui transforme la séquence narrative en scène iconique et symbolique, recyclent les topoi d’époque et donnent accès à l’imagination. Les « tours » que fait la pantoufle « vers le plafond » sont un signe de fantaisie, cette « Fantaisie » que la majuscule promeut au rang de principe essentiel et dont les jambes en forme de « thyrse » de Vellini dessinent les lignes capricieuses, annonçant « Le thyrse » de Baudelaire, publié pour la première fois le 10 décembre 1863 dans la Revue nationale et étrangère. Il s’agit fondamentalement de provoquer l’imagination, qui transcende la scène libertine pour en faire une leçon de poétique. Et c’est, tout aussi bien, la puissance de métamorphose qui en constitue le fondement que salue « le vieux Prosny ».

Dans le chapitre 13 de la deuxième partie du roman, qui a pour titre « L’infidélité de la fidélité », une seconde séquence elle aussi édifiée en scène, fait écho à celle-ci. Elle se déroule en Normandie, dans la chaumière qu’occupe alors Vellini, venue rejoindre son ancien amant, Ryno, qui passe sa lune de miel dans un château des environs. Il s’agit cette fois d’un tableau plus osé, qui peint les deux amants après l’amour. De même, la pantoufle, qui cristallise la puissance de signification de la scène romanesque, est perçue sous une autre perspective et le geste du pied n’est plus saisi dans son déroulement (sur le vif), mais sous l’angle de l’accompli.

Le feu s’éteignit dans l’âtre. La flamme de la lampe s’en allait, maigrissant, contre le mur. La chaumière trempait toute dans l’ombre. Il n’y avait plus d’éclairé par les charbons du foyer et la flamme vacillante, que le groupe qu’ils formaient sur les gerbes. Groupe difficile à saisir dans l’ensemble de son contour, sous ces lueurs errantes, coupées d’obscurités, lignes brisées qu’on ne suivait pas d’un seul regard. Ce n’étaient plus les chastes poses de l’Amour conjugal, que le séraphique Swedenborg a appelé le roi des Amours, et qu’il a symbolisé dans les cygnes, les oiseaux de Paradis et les tourterelles. C’étaient des attitudes lassées, déchevelées ; des reploiements de corps alourdis. Vellini, dont le pied crispé dans quelque pâmoison avait rejeté une de ses mules moresques, était plus que jamais, avec son miroir constellé, la sorcière au pied nu, qui vient de faire son charme, comme l’avait dit le vieux Prosny au commencement de cette histoire. Dans le désordre de la robe, étalée là, relevée ici, l’autre pied se retrouvait un peu plus loin sur les gerbes, chaussé de sa pantoufle écarlate, et l’autre pantoufle avait roulé presque au bord du brasier dans la cendre, brillant là, vide et solitaire, comme le soulier de verre perdu jadis par Cendrillon.

La dimension picturale du passage est particulièrement saisissante et fait moins advenir une image de l’ordre de la claire représentation qu’une sorte de hiéroglyphe, dans le jeu de l’ombre et de la lumière. Aux lignes torses du thyrse succèdent les « lignes brisées » de la chimère : celle des corps dont l’enchevêtrement chaotique peut s’exploiter comme l’indice d’une fureur charnelle, à condition de bien comprendre que l’érotique (comme précédemment le libertinage) est alors un concept qui ne saurait se restreindre au corporel dans un sens bassement réaliste. L’adjectif « déchevelés », comme le « reploiement » des corps, font signe vers l’informe et l’irreprésentable non pas par pudibonderie, mais parce que le choix esthétique de Barbey est ailleurs, dans l’expression de l’énergie et de l’intense, qui permettent précisément de transcender la matière. L’énergie excède la volonté, elle est de l’ordre de l’élan spontané : c’est ce que dit le « pied crispé » de Vellini, qui a « rejeté une de ses mules moresques », sans intentionnalité de la part de la Malagaise. Or l’envol fortuit de la pantoufle produit un tableau inédit en forme d’inclusion à l’intérieur du tableau plus large qui l’enserre. Feu contre-feu, la pantoufle écarlate n’est plus saisie dans son envol mutin mais constituée comme un objet esthétique et symbolique à part entière.

La comparaison explicite avec « le soulier de verre perdu jadis par Cendrillon » permet d’éclairer la scène dans son ensemble. La tradition veut que la pantoufle vide génère la quête, en attente du pied idéal, mais dans Une vieille maîtresse la pantoufle, « au bord du brasier dans la cendre, brillant là, vide et solitaire », est donnée à voir au seul lecteur, observateur extérieur à la scène. L’objet du conte s’en trouve resémantisé, puisque sous cette forme nouvelle il résulte désormais de la convulsion érotique. Dès lors, le vide ne figure plus un manque à combler. Au contraire, il contribue à constituer un nouvel objet, qui tire toute sa valeur de sa description paradoxale : la pantoufle de Vellini, « écarlate », « brillant là, vide et solitaire », est une image érotique de l’accompli et l’emblème d’une poétique de l’intensité, du paradoxe et de la provocation, aux antipodes de l’univocité des images de Swedenborg que le narrateur convoque en contrepoint.

Prolongements : modernité de la pantoufle

La 628-E8 d’Octave Mirbeau (1907), mi-roman, mi-documentaire, pour partie récit de voyage, a pour héroïne une automobile. Le tournant est franchi entre xixe et xxe siècles, comme le montrerait une étude du traitement et des modes de représentation des nouveaux moyens de locomotion en littérature. Lexique et objets migrent, eux aussi, emportés dans le même mouvement, comme le prouve l’un des épisodes narratifs, intitulé « Soir à Dordrecht », qui propose une nouvelle configuration de la scène de la femme à la pantoufle, en même temps qu’une évolution sémantique du vocable et qu’un usage social et poétique différent de l’objet en question :

Comme nous finissions de dîner, une société d’Anglais vint prendre le thé, dans une encoignure dont notre table était voisine. Les hommes en smoking, les femmes décolletées… En face de nous, une toute jeune lady, blonde, se levait, allait, venait, et même quand elle était assise, cinq minutes, ne tenait plus en place. Ses doigts jouaient avec son éventail, avec une cigarette à bout d’or, avec ses bagues, avec ses cheveux. Un collier sursautait à son cou, et je découvris que ses pieds, sous le fauteuil, ne s’arrêtaient pas de déchausser, pour les rechausser, des pantoufles argentées où s’impatientait la soie de ses bas blancs… À des mots qui faisaient rire plus haut les hommes, et baisser les joues de ses amies, ce n’est pas assez dire que la petite agitée rougissait ; un flot de sang la parcourait toute, une vague rouge se levait à l’épaule, couvrait tout ce qu’on voyait de sa peau, pour s’en venir mourir à la racine de ses cheveux plus blonds… Mon regard rencontra, tout à coup, dans le sien, l’angoisse de ne pas retrouver, au bout de l’orteil désespéré, la pantoufle qui avait fait trop loin la culbute. La dame rougit plus fort, et son sang parut si bien en mouvement, que je me figurai plus rose, presque rouge, son bas blanc, où le pied se crispait, jusqu’à ce qu’il disparût dans la pantoufle d’argent, enfin reconquise…
Cette nuit-là, je dormis, d’un sommeil profond, sans rêves…

La scène cette fois est transposée dans un lieu public à l’intérieur duquel la sphère de l’intime (le dessous du fauteuil) est accessible au seul regard du narrateur et du lecteur. Ce narrateur observateur cependant reste extérieur au dispositif, qui n’a plus de destinataire à l’intérieur de la diégèse. On retrouve au sein d’un ensemble d’objets féminins qui font parure (l’éventail, la cigarette, les bagues, le collier) et qui sont, pour certains, un signe d’émancipation, la pantoufle, associée cette fois à une posture. Signe affiché de séduction, comme pour Vellini, l’objet féminin « fait la culbute » par suite d’un geste incontrôlé qui est de l’ordre de l’impulsion. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ce passage s’inspire du roman de Barbey et de la scène que nous avons commentée, scène dont affleure tout un réseau lexical ou sémantique (la couleur rouge, le pied « crispé », la culbute). On connaît, en effet, l’admiration que Mirbeau vouait à Barbey. Mais ces reprises sont ce par quoi se manifeste un repli sur une dimension désormais plus prosaïque.

La scène se présente en effet comme une étude de mœurs et se concentre sur une approche que je qualifierai de psychanalytique dans un sens très concret du terme. Le narrateur est un touriste averti, c’est-à-dire un témoin, et son poste d’observateur lui permet une incursion curieuse dans les « dessous » de la société. Chargée d’affects (crispation, angoisse, désespoir – « l’orteil désespéré »), la scène décrite fait ainsi sens d’une autre façon : le psychodrame intime qui se joue sous la table conduit tout droit à l’univers des émotions et le balancement de la pantoufle en est comme le sismographe. Dans ce contexte où le mot « pantoufle » désigne une chaussure lâche et légère, les frontières entre sphère publique et sphère privée se brouillent. Le motif lui aussi s’émancipe : cette pantoufle qui n’en est plus vraiment une autorise une lecture culturelle et sociale du monde, mais elle participe aussi d’un dispositif analytique dans le sens où, dissimulée sous la table, elle révèle à qui la voit la sphère intime des pulsions.

 

Au xixe siècle, le motif de la pantoufle en régime fictionnel est rarement détaché d’une scène prototypique qui se situe au croisement des représentations sociales (mode, commerce, habitudes vestimentaires), littéraires et iconiques. Il met en place une symbolique complexe qui renvoie à la perception de l’érotisme féminin par un regard masculin aussi bien qu’à la posture assumée ou tentée par la femme pour imposer sa séduction. Passée de mode ou dégradée en vulgaire « savate36 », la pantoufle renvoie à d’autres habitus, voire à une réflexion politique sur les classes sociales (réflexion qu’elle sert également lorsqu’elle est représentée au masculin).

Dans la société occidentale contemporaine, elle tend à devenir plus fonctionnelle, mais brille toujours d’une aura inégalable, icône de réussite sociale et d’une émancipation féminine parfois remise en question par le recours à une imagerie quelque peu régressive. En 2012, Christian Louboutin a créé en série limitée et hors commerce « la pantoufle de Cendrillon ». L’escarpin, censé réaliser une « concrétisation de la transparence du cristal37 » grâce au travail de la dentelle, du tulle et du cristal est orné de papillons, signe supposé d’un envol enviable. Mais on se prend à rêver devant cette chaussure improbable qui concentre les stéréotypes d’une féminité qui semble surtout répondre aux impératifs de la « domination masculine ».

1 On a proposé l’étymon grec pantophellos « tout en liège ».

2 Certains font remonter pantoufle par nasalisation, à la racine patt-, d’origine méridionale, ce qui expliquerait à la fois la syllabe pant- au lieu

3 De Henry Gréville.

4 Langage et société, vol. 3, n° 113, 2005, p. 98.

5 Le bleu et le rose, le duvet de cygne ou les fils d’argent sont légion.

6 Honoré de Balzac, Œuvres complètes, La Comédie humaine, Paris, Furne, 1845, Études philosophiques, t. 1, vol. 14, La Peau de chagrin, p. 168.

7 Jean-Pierre Saïdah, « La canne, la pantoufle et le parapluie », in Écritures de l’objet, Roger Navarri (dir.), Bordeaux, Presses universitaires de

8 « Le culte du pied a sans doute disparu aujourd’hui, et l’on a de la peine à s’imaginer les réactions enthousiastes et même ardentes de nos

9 Ibid., p. 26.

10 Charles Perrault, Contes, Paris, G-F Flammarion, 1991, p. 280.

11 Ibid., p. 281.

12 Henriette Walter, « Quelques considérations lexicales à partir du conte de Cendrillon », La Linguistique, vol. 48, no 1, 2012, p.37-49 [En ligne]

13 Ibid., p. 171.

14 Voir l’art. de Didier Masseau « La chaussure ou le pied de Fanchette », Études françaises, vol. 32, n° 2, 1996, p. 41-52 (41) [En ligne] DOI :

15 Le Pied de Fanchette, La Haye, 1769, 3e partie, p. 107.

16 Didier Masseau, art. cit., p. 48.

17 Ibid., p. 49.

18 « “Elle écrivit à Rouen afin d’avoir une robe en cachemire bleu”: quelques mots sur les vêtements d’Emma Bovary », in Madame Bovary. Préludes

19 Corr., lettre à L. Colet. Mardi soir, minuit. 4 août 1846 : « Rêveras-tu à chaque lettre, à chaque signe de l’écriture ? Comme moi, en regardant

20 P. 282, je souligne.

21 Claude Duchet, « Roman et objets : l’exemple de “Madame Bovary” », Europe, vol. 47, no 485, 1969, p. 196.

22 Ces deux couleurs signent un parcours engagé sous les auspices de la pureté. Par exemple, la « robe de mérinos bleu garnie de trois volants » d’

23 Et c’est, lors de l’apparition à Rodolphe, la « robe d’été à quatre volants, de couleur jaune, longue de taille, large de jupe (p. 132). En accord

24 On connaît l’histoire de ce tableau, qui est une commande. Le tableau fut commandé par M. de Saint-Julien, receveur général des biens du clergé

25 Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, Paris, Le Livre de Poche, 2002, p. 217.

26 Ibid., p. 411.

27 Ibid.

28 Ibid., p. 422.

29 Jean de Palacio, Les Perversions du merveilleux, Paris, Séguier, 1993, p. 183. Il en ira de même dans bien des « réélaborations décadentes de

30 Lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, 6 octobre 1864. Citée dans L’Éducation sentimentale, op. cit., p. 11.

31 Ils sont traduits en français à partir de 1704 et l’on mesure leur impact avec une œuvre comme La Pantoufle de Marignier (1730). Voir sur ce point

32 Villiers de l’Isle-Adam, Contes cruels, « Véra » (1883), Paris, Gallimard, « Folio, » p. 58.

33 Pl. I, p. 468.

34 p. 77.

35 I, 4, p. 81. Je souligne.

36 La littérature fin de siècle ne s’est pas privée de mettre en œuvre ce processus de dégradation et « cette métamorphose de la pantoufle de verre

37 Voir Culturebox, « Louboutin crée la pantoufle de bal de Cendrillon » [En ligne] URL : http://culturebox.francetvinfo.fr/arts/mode/

Notes

1 On a proposé l’étymon grec pantophellos « tout en liège ».

2 Certains font remonter pantoufle par nasalisation, à la racine patt-, d’origine méridionale, ce qui expliquerait à la fois la syllabe pant- au lieu de pat- (phénomène phonétique propre à l'occitan) et le suffixe -oufle (bien représenté dans le sud de la France).

3 De Henry Gréville.

4 Langage et société, vol. 3, n° 113, 2005, p. 98.

5 Le bleu et le rose, le duvet de cygne ou les fils d’argent sont légion.

6 Honoré de Balzac, Œuvres complètes, La Comédie humaine, Paris, Furne, 1845, Études philosophiques, t. 1, vol. 14, La Peau de chagrin, p. 168.

7 Jean-Pierre Saïdah, « La canne, la pantoufle et le parapluie », in Écritures de l’objet, Roger Navarri (dir.), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, coll. « Modernités », 1997, p. 10-40 (10).

8 « Le culte du pied a sans doute disparu aujourd’hui, et l’on a de la peine à s’imaginer les réactions enthousiastes et même ardentes de nos ancêtres ». Ibid., p. 25.

9 Ibid., p. 26.

10 Charles Perrault, Contes, Paris, G-F Flammarion, 1991, p. 280.

11 Ibid., p. 281.

12 Henriette Walter, « Quelques considérations lexicales à partir du conte de Cendrillon », La Linguistique, vol. 48, no 1, 2012, p.37-49 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/ling.481.0037.

13 Ibid., p. 171.

14 Voir l’art. de Didier Masseau « La chaussure ou le pied de Fanchette », Études françaises, vol. 32, n° 2, 1996, p. 41-52 (41) [En ligne] DOI : https://doi.org/10.7202/036024ar.

15 Le Pied de Fanchette, La Haye, 1769, 3e partie, p. 107.

16 Didier Masseau, art. cit., p. 48.

17 Ibid., p. 49.

18 « “Elle écrivit à Rouen afin d’avoir une robe en cachemire bleu”: quelques mots sur les vêtements d’Emma Bovary », in Madame Bovary. Préludes, présences, mutations, Rosa Maria Palermo et Stella Mangiapane (dir.), Naples, Edizioni Scientifiche italiane, 2007, p. 159-171 (160).

19 Corr., lettre à L. Colet. Mardi soir, minuit. 4 août 1846 : « Rêveras-tu à chaque lettre, à chaque signe de l’écriture ? Comme moi, en regardant tes petites pantoufles brunes, je songe aux mouvements de ton pied quand il les emplissait et qu'elles en étaient chaudes... le mouchoir est dedans... ».

20 P. 282, je souligne.

21 Claude Duchet, « Roman et objets : l’exemple de “Madame Bovary” », Europe, vol. 47, no 485, 1969, p. 196.

22 Ces deux couleurs signent un parcours engagé sous les auspices de la pureté. Par exemple, la « robe de mérinos bleu garnie de trois volants » d’Emma lors de sa première apparition (p. 15).

23 Et c’est, lors de l’apparition à Rodolphe, la « robe d’été à quatre volants, de couleur jaune, longue de taille, large de jupe (p. 132). En accord, plus tard, avec les « rideaux jaunes » qui ornent les fenêtres de la chambre de Rodolphe (et laissent « passer doucement une lourde lumière blonde », p. 169).

24 On connaît l’histoire de ce tableau, qui est une commande. Le tableau fut commandé par M. de Saint-Julien, receveur général des biens du clergé, qui donna à l’artiste des conseils de mise en scène : « Je désirerais que vous peignissiez Madame sur une escarpolette qu’un évêque mettrait en branle. Vous me placerez de façon, moi, que je sois à portée de voir les jambes de cette belle enfant et mieux même, si vous voulez égayer votre tableau. »

25 Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, Paris, Le Livre de Poche, 2002, p. 217.

26 Ibid., p. 411.

27 Ibid.

28 Ibid., p. 422.

29 Jean de Palacio, Les Perversions du merveilleux, Paris, Séguier, 1993, p. 183. Il en ira de même dans bien des « réélaborations décadentes de Cendrillon » (p. 180).

30 Lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, 6 octobre 1864. Citée dans L’Éducation sentimentale, op. cit., p. 11.

31 Ils sont traduits en français à partir de 1704 et l’on mesure leur impact avec une œuvre comme La Pantoufle de Marignier (1730). Voir sur ce point Isabelle Degauque, « Des contes des mille et une nuits à la pantoufle de Marignier (1730) », Féeries, no4, 2007, [En ligne], URL : http://feeries.revues.org/323 [consulté le 29 septembre 2016].

32 Villiers de l’Isle-Adam, Contes cruels, « Véra » (1883), Paris, Gallimard, « Folio, » p. 58.

33 Pl. I, p. 468.

34 p. 77.

35 I, 4, p. 81. Je souligne.

36 La littérature fin de siècle ne s’est pas privée de mettre en œuvre ce processus de dégradation et « cette métamorphose de la pantoufle de verre en savate incarne […] le changement de condition sociale […] en même temps que le changement de registre littéraire et langagier ». Jean de Palacio, Les Perversions du merveilleux, op. cit., p. 177-178.

37 Voir Culturebox, « Louboutin crée la pantoufle de bal de Cendrillon » [En ligne] URL : http://culturebox.francetvinfo.fr/arts/mode/louboutin-cree-la-pantoufle-de-bal-de-cendrillon-2012-106087.

Citer cet article

Référence électronique

Pascale AURAIX-JONCHIERE, « Métamorphoses d’un accessoire », Sociopoétiques [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 08 novembre 2017, consulté le 29 mars 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=483

Auteur

Pascale AURAIX-JONCHIERE

CELIS, Université Clermont Auvergne

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